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"Je vous donne un commandement nouveau : c'est de vous aimer les uns les autres.

 

Comme je vous ai aimés, vous aussi aimez-vous les uns les autres.

 

Ce qui montrera à tous les hommes que vous êtes mes disciples, c'est l'amour que vous aurez les uns pour les autres."

 

Evangile de Jésus-Christ selon  saint Jean 

   

 

Pentecôte

" Le Défenseur, l'Esprit Saint que le Père enverra en mon nom, lui, vous enseignera tout, et il vous fera souvenir de tout ce que je vous ai dit."

 

Évangile de Jésus Christ selon saint Jean  

 

   

 

 El Papa es argentino. Jorge Bergoglio                 

Saint Père François

 

 

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1er mai 2011 Béatification de Jean-Paul II

Béatification du Serviteur de Dieu Jean-Paul II

 

 

  Béatification du Père Popieluszko

beatification Mass, in Warsaw, Poland

à Varsovie, 6 juin 2010, Dimanche du Corps et du Sang du Christ

 

 

presidential palace in Warsaw

Varsovie 2010

 

 

Basilique du Sacré-Cœur de Montmartre
Sanctuaire de l'Adoration Eucharistique et de la Miséricorde Divine

La miséricorde de Dieu est comme un torrent débordé. Elle entraîne les cœurs sur son passage.
(Saint Curé d'Ars)
 

 


Le côté du Christ a été transpercé et tout le mystère de Dieu sort de là. C’est tout le mystère de Dieu qui aime, qui se livre jusqu’au bout, qui se donne jusqu’au bout. C’est le don le plus absolu qui soit. Le don du mystère trinitaire est le cœur ouvert. Ce n’est pas une image, c’est une réalité. C’est la réalité la plus profonde qui soit, la réalité de l’amour.
Père Marie-Joseph Le Guillou




Dans le cœur transpercé
de Jésus sont unis
le Royaume du Ciel
et la terre d'ici-bas
la source de la vie
pour nous se trouve là.

Ce cœur est cœur divin
Cœur de la Trinité
centre de convergence
de tous les cœur humains
il nous donne la vie
de la Divinité.


Sainte Thérèse Bénédicte de la Croix
(Edith Stein)



Le Sacré-Cœur représente toutes les puissances d'aimer, divines et humaines, qui sont en Notre-Seigneur.
Père Marie-Eugène de l'Enfant Jésus

 



feuille d'annonces de la Basilique du Sacré-Coeur de Montmartre

 

 

 

 

 

 

 

     

The Cambrai Madonna

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Ordinations du samedi 27 juin 2009 à Notre Dame de Paris


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... ma vocation, enfin je l’ai trouvée, ma vocation, c’est l’Amour !

 

 

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SAINT PIERRE ET SAINT ANDRÉ

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SALVE REGINA

17 janvier 2012 2 17 /01 /janvier /2012 12:30

Si la parole de l'Église peut légitimement trouver place dans les hymnes et les oraisons, en vertu de quel principe l'exclura-t-on des antiennes et des répons ? Voilà le grand problème qu'on n'a jamais résolu qu'en disant : La chose doit être ainsi, parce qu'elle doit être ainsi.

 

La lettre pastorale parle ensuite du soin avec lequel les leçons des saints Pères ont été choisies et les légendes des saints rédigées. Nous en dirons bientôt quelque chose. On a retenu les collectes des bréviaires précédents, et même plusieurs hymnes anciennes. Mais voici quelque chose de capital :

" Pour nous conformer au pieux désir d'un grand nombre de personnes, nous avons, d'après l'exemple donné déjà par plusieurs églises, divisé le Psautier, afin de pouvoir assigner des psaumes propres à chaque jour de la semaine et même à chaque heure du jour, en coupant ceux qui étaient trop longs. Par ce partage, nous avons fait disparaître l'inégalité des offices et fait en sorte de moins fatiguer l'esprit et l'attention de ceux qui chantent l'office. Saint Basile assure avoir supporté lui-même avec peine les inconvénients de cette trop grande prolixité. C'était afin de diminuer cette fatigue qu'un concile de Narbonne avait statué, dans l'antiquité, que les psaumes plus longs seraient divisés en plusieurs doxologies ; c'est ce que prescrit aussi la Règle de saint Benoît. On récitera les psaumes de la férié à toutes les fêtes, à l'exception de ceux qui sont consacrés aux mystères, ou à la sainte Vierge. Il résultera de là que le Psautier sera presque toujours lu en entier dans l'espace d'une semaine."

 

C'était là une grande mesure et qui devait faire taire bien des répugnances. Foinard avait promis, en tête de son projet, que le bréviaire futur serait très court ; le grand moyen d'abréviation, admis aussi par Grancolas, était de faire disparaître l'inégalité des offices. La lettre pastorale adopte le même système. On n'y dit pas, il est vrai, comme ces docteurs, que le but est de faire qu'on ait plus de plaisir à réciter l'office de la férié que celui des saints; mais ce sera pourtant le résultat inévitable, surtout s'il s'agit des saints dont l'office sera resté à neuf leçons.

 

La psalmodie que saint Basile trouvait excessive, était bien autre que celle du Psautier romain ; on en peut voir le détail dans les vies des Pères des déserts d'Orient ; et si saint Benoît divise les Psaumes en plusieurs sections, il fallait dire aussi que les matines de son office se composent de douze psaumes, trois cantiques, douze leçons, douze répons, l'évangile du jour tout entier, etc. Certes, c'est un avantage réel de pouvoir parcourir le psautier chaque semaine ; mais, encore une fois, le Bréviaire de Paris n'aurait pas obtenu un si brillant succès, si cette division des psaumes ne l'eût en même temps rendu le plus court de tous.

 

" On a conservé au dimanche sa prérogative d'exclure toutes sortes de fêtes, si ce n'est celles qui ont dans l'Église le premier degré de solennité".

Nous sommes ici encore à la remorque des docteurs Foinard et Grancolas, qui avaient suivi eux-mêmes dom de Vert et Le Tourneux, dans leur Bréviaire de Cluny. Le but avoué de cette rubrique est de diminuer le culte des saints, sous le prétexte de défendre les intérêts de Dieu, auquel seul appartient le dimanche, trop souvent occupé par la commémoration de quelqu'un de ses serviteurs : il est juste de leur faire céder la place à leur Maître.

 

" Afin d'assigner à l'office de chaque jour un but, et aussi pour les distinguer les uns des autres, le dimanche, qui est le jour de la création de la lumière, de la résurrection de Jésus-Christ et de la promulgation de la Loi nouvelle, on excite dans le cœur des fidèles l'amour de Dieu et de la loi divine. Le lundi, on célèbre la charité de Dieu et sa munificence envers les hommes. Les trois jours suivants, on recommande l'amour du prochain, l'espérance et la foi. Le vendredi, qui est le jour de la Passion de Jésus-Christ, l'office a rapport à la patience que l'on doit avoir dans les labeurs et les tribulations de cette vie. Enfin, le samedi, on rend grâces à Dieu pour les bonnes œuvres accomplies par les fidèles et pour la récompense qui leur est assignée".

C'est ici le seul endroit des nouvelles Liturgies dans lequel on ait voulu faire du symbolisme ; mais pour faire du symbolisme, il faudrait autre chose que de la bonne volonté. On pourrait dire d'abord qu'il faudrait avoir vécu, il y a dix siècles, surtout s'il s'agit de symbolisme sur une matière aussi fondamentale que la signification des jours de la semaine. Il faudrait, en outre, que le fond prêtât à ce symbolisme ; car il ne suffit pas d'attacher par ordonnance une idée à un fait ; ce fait doit être par lui-même une forme plus ou moins complète de l'idée. Certes, les fidèles du diocèse de Paris ignorent profondément que le lundi soit consacré à la bonté de Dieu, le mardi à la charité fraternelle, le mercredi à l'espérance, etc. On ne s'occupe guère de le leur enseigner, et s'ils veulent eux-mêmes consulter les anciens Liturgistes sur les mystères de la semaine, ils y trouveront tout autre chose. L'Église, comme nous le dirons ailleurs, a attaché aux divers jours de la semaine la commémoration de certains faits, parce qu'elle procède toujours par les faits et jamais par les abstractions. Nous reviendrons sur ce sujet ; continuons la lecture de la lettre pastorale.

 

" Pour le rite de l'office quadragésimal, nous avons jugé équitable de rappeler l'ancienne coutume de l'Église, qui ne jugeait pas que la solennité joyeuse des fêtes s'accordât assez avec le jeûne et la salutaire tristesse de la pénitence. Beaucoup de diocèses nous avaient déjà précédé en cette voie ; c'est à leur exemple que nous avons ôté du carême toutes les fêtes, à l'exception de celles dans lesquelles on s'abstient d'oeuvres serviles".

Ici, nous ne ferons qu'une réflexion. Ou le Bréviaire de Paris a atteint par cette mesure le véritable esprit de l'Église dans la célébration du carême, ou ses rédacteurs se sont trompés sur cette grave matière. Dans le premier cas, l'Église romaine, qui jusqu'ici avait la mission de corriger les autres églises, reçoit ici la leçon sur une matière importante, les convenances quadragésimales,de sa fille l'Église de Paris. Dans le second cas, y a-t-il donc si grand mal à supposer que Vigier et Mésenguy, bien qu'appuyés de Foinard et de Grancolas, enfin de Le Tourneux et D. de Vert, aient failli quelque peu dans une occasion où ils avaient contre eux l'autorité de la Liturgie romaine ? Quoi qu'il en soit, Paris s'est déjà relâché quelque peu de cette sévérité, et Rome, de son côté, a jugé à propos, depuis 1736, d'ajouter encore de nouveaux saints dans la partie de son calendrier qui correspond au carême.

 

Rendons grâces toutefois aux rédacteurs du Bréviaire de Paris de n'avoir pas suivi en tout l'idée de Foinard ; ce docteur voulait transférer l'Annonciation au mois de décembre, et, franchement, c'est un peu loin du jour auquel ce grand mystère s'est accompli. Il n'est pas besoin, sans doute, de remarquer ici combien la suppression des fêtes qui tombent dans le cours du carême dut changer la physionomie de ce temps de l'année, et quelle froide monotonie en est résultée. On sait bien qu'il en était ainsi dans les premiers siècles ; mais si Dieu, dans les siècles suivants, a donné de nouveaux saints à son Église, ce n'est pas, sans doute, pour que nous allions systématiquement fixer la fête à un jour autre que celui de leur mort, dans le but étrange de maintenir libres les fériés qui étaient vacantes au calendrier avant qu'ils vinssent au monde.

 

La lettre pastorale parle ensuite des canons insérés dans l'office de prime ; mesure louable, mais que le jansénisme, comme nous allons le voir, avait trouvé moyen de faire servir à ses fins. Elle dit ensuite un mot du calendrier et des rubriques, après quoi, elle proclame l'obligation absolue pour toutes les églises, monastères, collèges, communautés, ordres, et généralement tous les clercs qui sont tenus à l'office divin, d'user de ce nouveau bréviaire, à l'exclusion de tout autre, tant en public qu'en particulier. C'est la clause que François de Harlay avait mise en tête de son bréviaire et qui se trouve répétée, presque mot pour mot, dans toutes les lettres pastorales qu'on lit dans tous les bréviaires français depuis cette époque. Nous ne connaissons qu'une seule exception ; elle se trouve dans la lettre pastorale de l'évêque Poncet de la Rivière, en tête du Bréviaire d'Angers de 1716. On y remarque ces paroles qui se trouvent aussi dans le Missel du même Prélat, excepto romano Breviario ou Missali, pro reverentia primœ Sedi debita. C'eût été bien le moins, cependant, après avoir expulsé des livres liturgiques tout l'élément romain, de laisser aux clercs, que le désir d'un bréviaire plus court ne séduisait pas autant, la liberté de répéter encore ces vénérables prières, auxquelles personne ne saurait enlever le caractère sacré que leur donnent l'antiquité, l'universalité ; ces prières que l'Assemblée du Clergé de 1605 regardait encore comme la Liturgie de la France.

 

Tel était donc le plan du nouveau bréviaire expliqué par l'archevêque de Vintimille. L'exécution ne démentait pas les promesses que nous venons de lire. Tout, ou presque tout était nouveau.

 

Mais la nouveauté seule ne faisait pas le caractère de cette Liturgie. Elle donnait prise aux plus légitimes réclamations, et se montrait véritablement digne de ses auteurs. D'abord, toutes les hardiesses que nous avons signalées dans le Bréviaire de Harlay s'y retrouvaient fidèlement ; puis, on avait enchéri sur l'œuvre de la commission de 1680. Si les auteurs de la correction du Bréviaire de Harlay s'étaient proposé de diminuer le culte et la vénération des saints, de restreindre principalement la dévotion envers la sainte Vierge, d'affaiblir l'autorité du Pontife romain, ce plan avait  été fidèlement continué dans le Bréviaire de 1736 ; mais, de plus, on avait cherché à infiltrer les erreurs du temps sur les matières de la grâce et autres questions attenantes à celles-ci. Nous avons dit que le Bréviaire de François de Harlay avait, du moins, sur ce point, résisté à l'envahissement des nouveautés, et fortifié même, en plusieurs endroits, les dogmes de l'Église attaqués à cette époque.

 

1° Sur les questions soulevées par Baïus, Jansénius et Quesnel, et dirimées par l'Église, le Bréviaire de 1736 insinuait souvent, en paroles couvertes, la doctrine de Vigier, de Mésenguy et de Coffin. De nombreux retranchements avaient eu également lieu dans le but de se débarrasser d'autorités importunes.

 

Ainsi, pour infirmer le dogme de la mort de Jésus-Christ pour tous les hommes, on avait retranché de l'office du vendredi saint l'antienne tirée de saint Paul : Proprio filio suo non pepercit Deus, sed pro nobis omnibus tradidit illum. On avait fait disparaître d'une leçon du lundi de la Passion ces paroles : Magnum enim facinus erat cujus consideratio illos faceret desperare, sed non debebant desperare pro quibus in Cruce pendens Dominus est dignatus orare.

 

Pour favoriser le damnable système qui prétend que les commandements ne sont pas toujours possibles, et que l'on ne résiste jamais à la grâce intérieure, on avait fait disparaître de l'office de saint Jacques le Majeur une homélie de saint Jean Chrysostome, parce qu'elle contenait ces paroles : Christus ita locutus est ut indicaret non ipsius esse solius dare, sed eorum qui decertant accipere. Nam si solius esset ipsius, omnes hommes salvi fierent, et ad agnitionem veritatis venirent.

 

A la fête de sainte Agathe, une autre homélie du même saint docteur avait pareillement disparu, parce qu'on y lisait ces mots : Quod ideo dixit, ut ostenderet superiore nobis auxilio opus esse (quod quidem omnibus illud petentibus paratum est) si volumus in hac luctatione superiores evadere.

 

On avait retranché pareillement la deuxième leçon du lundi de la Pentecôte, qui renfermait ces paroles : Ergo quantum in medico est sanare venit œgrotum (Christus). Ipse se interimit qui prœcepta medici servare non vult. Salvari non vis ab ipso : ex te judicaberis.

 

Dans la deuxième leçon de l'office de saint Léon, des paroles de ce saint docteur, qui semblaient mises là tout exprès pour commander l'acceptation du formulaire et la soumission à la Bulle, avaient été effacées. Mais aussi combien elles étaient expressives ! Damnent (hœretici) apertis professionibus sui superbi erroris auctores, et quidquid in doctrina eorum universalis Ecclesia exhorruit detestentur; omniaque decreta synodalia quœ ad excisionem hujns haereseos Apostolicœ Sedis confirmavit auctoritas, amplecti se et in omnibus approbare, plenis et apertis ac propria manu subscriptis protestationibus eloquantur.

 

Un passage de la troisième leçon de saint Martin, pape et martyr, avait également disparu. On en devinait sans peine la raison, quand on se rappelait qu'il y était parlé de l'édit de l'empereur Constant, qui prescrivait le silence sur les questions de la foi, et de la résistance du saint pape à une mesure qui compromettait si gravement les intérêts de l'orthodoxie. Les partisans du Silence respectueux avaient donc retranché les paroles suivantes : Interim Constans ut suo Typo ab omnibus subscriberetur, silentiumque in eo de quœstione Catholicos inter et Mono-thelitas agitata indictum observaretur, primum Olympium Exarchum Ravennatem Romain misit; tum Calliopam Olympii successorem, a quo Martinus cum edicto impio juxta Lateranense concilium resisteret, Roma vi abductus est, etc.

 

C'était dans le même esprit que l'on avait supprimé, au 26 novembre, l'office de sainte Geneviève du Miracle des Ardents, à cause de certaines leçons tirées de saint Irénée, et dans lesquelles étaient données les règles pour discerner les miracles des hérétiques d'avec ceux de l'Eglise catholique ; ce qui devenait par trop embarrassant, si on en voulait faire l'application aux prodiges du Bienheureux Diacre.

 

Les additions et insertions faites au nouveau Bréviaire parisien, dans un but janséniste, étaient nombreuses : mais, en général, elles étaient prudentes, et les précautions avaient été prises, au moins d'une certaine façon, contre les réclamations des catholiques. C'est le propre de l'hérésie de procéder par équivoques, de se retrancher dans les sinuosités d'un langage captieux. Languet, dans sa discussion avec l'évêque de Troyes, a trop bien démasqué les artifices liturgiques du jansénisme pour que nous ayons besoin de faire ici autre chose que citer des exemples tirés du Bréviaire de Vigier et Mésenguy.

 

On sait que durant la première moitié du XVIIIe siècle, les jansénistes, déconcertés de leur petit nombre comparativement au reste de l'Église qui avait accepté la Bulle, imaginèrent de se faire un mérite de ce petit nombre, prétendant que la visibilité de l'Église s'était obscurcie, que la Vérité, c'est le nom consacré par lequel ils désignaient tout leur système, ne triompherait qu'à l'arrivée d'Élie qui était prochaine, et qui devait amener la conversion des Juifs et la régénération de l'Église, par ce renfort considérable. Les plus habiles de la secte entreprirent même de grands travaux sur l'Écriture sainte, pour appuyer ce système. Le nouveau bréviaire avait consacré tout le corps des répons du VIIe Dimanche après la Pentecôte, à célébrer de si belles espérances. Comme toutes les paroles de ces répons étaient tirées de l'Écriture sainte, on se sentait inexpugnable. Voici cette composition :

1er R/. Surrexit Elias Propheta quasi ignis, et verbum ejus quasi facula ardebat : * Verbo Dei continitit ccelum. V/. Elias honto eral similis nobis, passibilis : et oravit nt non plueret, et nonpluit; et rursumoravit,et ccelum dedit pluviam. * Verbo Dei, etc.

Ce répons est le debut de l'oeuvre tout entiere : il n'y faut pas chercher d'autre intention.

 

Voici maintenant la mission du prophete vers une veuve desolee :

2e R/. Factus est sermo Domini ad Eliam, dicens : Surge et vade in Sarepta Sidoniorum, et manebis ibi; praecepi enim ibi mulieri viduae, ut pascat te : * Surrexit et abiit in Sarepla. V/. Multae viduae erant in diebus Elice in lsrael, cum facta esset fames magna in omni terra; et ad nullam illarum missus est Elias, nisi in Sarepta Sidoniae, ad mulierem viduam. * Surrexit.

Cette grande famine qui ravageait toute la terre, est cette famine spirituelle dont la secte prétendait que l’Eglise était travaillée.

 

Aussi le prophète s'adressant au peuple, lui reproche-t-il de balancer entre la vraie et la fausse doctrine : 

3e R/. Accedens Eliasad omnem populum, ait :Usquequo claudicatis in duas partes? * Si Dominus est Deus, sequimini eum. f. Nemo potest duobus dominis servire. * Si.

 

Apres ce prélude, viennent les répons du second nocturne, dans lesquels le but des rédacteurs, toujours cachés derrière le prophète, devient de plus en plus manifeste. C’est Israël même qui a rompu le pacte avec Dieu ; Elie se plaint d'être seul reste fidèle, et encore ses jours sont menacés. 

4e R/. Ecce vox Domini ad Eliam; et ille respondit: Zelo zelatus sum pro Domino Deo exercituum, quia dereliquerunt pactum tuum filii Israel : * Prophetas tuos occiderunt gladio, derelictus sum ego solus, et quaerunt animam meam ut auferant eam. V/. An nescitis in Elia quid dicit Scriptura, quemadmodum interpellat Deum adversum Israel? * Prophetas.

 

Cependant Elie n'est pas seul, Israel renferme encore sept mille hommes fidèles. Le nombre n'est pas considérable, mais aujourd'hui encore, ne voit-on pas que l’élection gratuite opère dans la même proportion, jusqu'a ce que vienne la prédication d'Elie ?

5e R/. Quid dicit Eliae divinum responsum? Reliqui mihi septem millia virorum qui non curvaverunt genua ante Baal. * Sic ergo et in hoc Qempore reliquice secundum electionem gratice salvce factce sunt. V/. Antequam veniat diesDomini magnus, convertet Elias cor patrum adfilios, et cor filiorum ad patres eorum * Sic ergo.

 

Maintenant, que fera Elie ? II restituera les tribus de Jacob ; il rétablira toutes choses, et ces merveilles auront lieu bientôt, car le prophète est sur le point de paraître.

6e R/. Elia, quis potest similiter sic gloriari tibi? Qui receptus es in turbine ignis,in curru equorum igneorum: qui scriptus es injudiciis temporum * Lenire iracundiam Domini, conciliare cor patris ad filium, et restituere tribus Jacob. V/. Elias quidem venturus est et restituet omnia : dico autemvobis, quia Elias jam venit. * Lenire.

 

Le langage devient plus expressif, au troisième nocturne. On y dénonce les faux prophètes. Ce sont d'abord les docteurs qui enseignent de faux dogmes : ceux qu'on cherche à flétrir du nom de Molinistes.

7e R/. Attendite a falsis prophetis, qui * Veniunt ad vos in vestimentis ovium, intrinsecus autem sunt lupi rapaces. V/. Non misi eos, et ipsi prophetant in nomine meo mendaciter, ut pereatis. * Veniunt.

 

En second lieu, ces faux prophetes sont les docteurs de la morale relâchée ; le lecteur sait quelle école on désigne ainsi dans le parti.

8e R/. Prophetant de corde suo: * Consuunt pulvillos sub omni cubito manus, et faciunt cervicalia sub capite ad capiendas animas. V/. A fructibus eorum cognoscetis eos. * Consuunt.

 

En troisième lieu, ces faux prophètes sont des hommes vertueux à l'extérieur, témoin celui que les Molinistes appellent saint Vincent de Paul et que la secte persiste à vouloir toujours nommer Monsieur Vincent. Il importe donc de se prémunir contre cette troisième classe de séducteurs.

9e R/. Non omnis qui dicit mihi, Domine, Domine, intrabit in.regnum cœlorum; sed * Qui facit voluntatem Patris met, ipse intrabit in regnum cœlorum. V/. Qui custodit mandatum, custodit animant suam. * Qui.

 

Voilà un échantillon du savoir-faire de nos liturgistes.

 

Que si quelques-uns de nos lecteurs trouvaient nos défiances exagérées ou injustes, nous leur conseillerons de lire les livres du parti, les ouvrages de Duguet, par exemple, les Nouvelles ecclésiastiques, etc., ils ne tarderont pas à devenir familiers à ce langage biblique de la secte. A force de rencontrer, dans les diatribes du parti contre le Pape, les évêques constitutionnaires, les jésuites, etc., les textes que nous venons de citer, ils les reconnaîtront aisément dans les répons du VIIe Dimanche après la Pentecôte, et dans plusieurs autres endroits du bréviaire.

 

Certes, nous ne nous donnerons pas la peine et nous ne causerons pas au lecteur l'ennui d'une complète énumération des passages scabreux du Bréviaire de Vintimille : cependant nous en signalerons encore quelques-uns.

 

DOM GUÉRANGER INSTITUTIONS LITURGIQUES : CHAPITRE XIX : SUITE DE L'HISTOIRE DE LA LITURGIE, DURANT LA PREMIERE MOITIÉ DU XVIIIe SIÈCLE. — PROJETS DE BREVIAIRE A PRIORI. — GRANCOLAS, FOINARD. — BREVIAIRES DE SENS, AUXERRE, ROUEN, ORLÉANS, LYON, ETC. — BRÉVIAIRE ET MISSEL DE PARIS, DU CARDINAL DE NOAILLES. — BREVIAIRE ET MISSEL DE PARIS, DE L'ARCHEVÊQUE VINTIMILLE. — AUTEURS DE CETTE LITURGIE. VIGIER. MÉSENGUY. COFFIN. — SYSTEME SUIVI DANS LES LIVRES DE VINTIMILLE. — RÉCLAMATIONS DU CLERGÉ. — VIOLENCES DU PARLEMENT DE PARIS. — TRIOMPHE DE LA LITURGIE DE VINTIMILLE.

 

Bréviaire parisien, dit de Vintimille

Bréviaire parisien, dit de Vintimille, édité sous l'épiscopat de Monseigneur de Vintimille

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16 janvier 2012 1 16 /01 /janvier /2012 12:30

On doit convenir qu'il était difficile de gouverner un diocèse comme celui de Paris, inondé de jansénistes, dans la Sorbonne, dans les cures, dans les maisons religieuses, dans le parlement, et qui, durant les trente années de l'épiscopat du cardinal de Noailles, avait été le théâtre des saturnales de l'hérésie triomphante.

 

Aussi les actes par lesquels l'archevêque de Vintimille avait signalé le commencement de son gouvernement, bien qu'ils fussent compensés par une grande douceur sur d'autres points, lui avaient aliéné promptement les jansénistes : il eut le malheur, en 1736, de les entendre chanter ses louanges, et faire l'ardente apologie d'une de ces œuvres. Cette œuvre était l'adoption solennelle du fameux bréviaire.

 

Charles de Vintimille s'était laissé persuader que l'Église de Paris ne devait pas rester en retard des autres qui, en si grand nombre, par toute la France, avaient convolé à une liturgie nouvelle. Il avait entendu parler des travaux du P. Vigier ; il y avait souri, et, décidément, cet oratorien avait été choisi pour doter l'Église d'un nouveau corps d'offices. On lui avait seulement associé deux hommes dont les noms seuls rappellent les plus grands scandales de cette époque. Le premier, François-Philippe Mésenguy, était notoirement en révolte contre les décisions de l'Église. Revêtu de l'ordre d'acolyte, et, à l'exemple de Le Brun Desmarettes, n'ayant jamais voulu prendre le sous-diaconat, il fut un des plus ardents, en 1739, à s'opposer à la révocation de l'appel par la Faculté des arts. Son Exposition de la doctrine chrétienne, qui avait été mise à l'Index dès 1757, fut condamnée par un bref solennel de Clément XIII, en date du 14 juin 1761. Ses écrits contre la bulle et en faveur de l'appel en faisaient l'un des plus célèbres champions du parti.

 

Le second des collaborateurs de Vigier était un simple laïque. Charles Coffin, successeur de Rollin dans l'administration du collège de Beauvais, à Paris, et appelant comme son prédécesseur, s'était chargé de composer les hymnes nécessaires pour le nouveau bréviaire. Nous mettons, certes, son mérite, comme hymnographe beaucoup au-dessus de celui de Santeul ; il est d'autant plus triste pour nous d'avoir à raconter jusqu'à quel point il le prostitua. Mais si l'hymnographe du nouveau bréviaire était supérieur à Santeul pour le véritable génie de la poésie sacrée, sous le rapport de l'orthodoxie, il offrait moins de garanties encore. Le poète Victorin, homme léger et sans conséquence, était, il est vrai, ami et fauteur d'hérétiques ; Coffin, personnage grave et recueilli, était hérétique notoire. C'était donc d'un homme étranger à l'Église catholique, que l'Église de Paris, et tant d'autres après elle, allaient recevoir leurs cantiques sacrés. Les poésies d'un janséniste contumace allaient remplacer les hymnes de l'Église romaine, que François de Harlay et le cardinal de Noailles avaient du moins retenues presque en totalité.

 

Ce fait unique dans les fastes de l'histoire ecclésiastique, et qui témoigne d'un renversement d'idées sans exemple, est d'autant plus inexplicable que l'Église de Paris elle-même, quand son hymnographe fut sur le point de mourir, en 1749, lui refusa le baiser de sa communion. Coffin mourut sans sacrements, et le refus que fit le curé de Saint-Étienne-du-Mont de les lui administrer, fut approuvé par l'archevêque Christophe de Beaumont. Et l'Église de Paris continua de chanter et chante encore les hymnes de Coffin, cette même Église qui, comme toutes les autres, n'admet point dans son bréviaire une seule leçon de Tertullien, d'Origène, ou d'Eusèbe de Césarée, même tirée de leurs  ouvrages orthodoxes, parce que la pureté de la foi et la sainteté des offices divins ne le pourraient souffrir, parce que tous les siècles chrétiens déposeraient contre une semblable témérité ! Quoi donc ? Charles Coffin est-il plus que Tertullien, dont  presque tous les écrits sont un miroir de doctrine ; plus qu'Origène, dont les intentions paraissent avoir  été  toujours pures ; plus qu'Eusèbe de Césarée, dont la parole est presque toujours si lumineuse et si éloquente ? Pour nous, Dieu sait à quel prix  nous désirerions, pour la  gloire  et pour l'entière pureté de l'Église de France qui nous a élevé, voir disparaître  jusqu'au   souvenir  de   ces   désolantes  traces  des influences de l'hérésie la plus méprisable qui ait jamais insulté le  corps mystique  de Jésus-Christ.

 

Nous nous sentons cruellement humilié, quand nous lisons, dans le journal de la secte, ces dures paroles auxquelles il nous est impossible de répondre autrement qu'en baissant la tête : "On chante tous les jours dans l'Église de Paris la foi que  professait M.   Coffin, contenue dans des hymnes que  feu M. de Vintimille lui-même l'avait chargé de composer. M. de Beaumont, successeur de M. de Vintimille  dans cet archevêché, les autorise par l'usage qu'il en  fait, et par l'approbation qu'il est censé donner au Bréviaire de son diocèse. Le P. Bouettin (Génovéfain, curé de Saint-Etienne-du-Mont) les chante lui-même, malgré qu'il en ait ; et les sacrements sont refusés  à la mort à  celui qui les a composées !  Le curé fait  le  refus,   l'archevêque  l'autorise !" ( Nouvelles ecclésiastiques, 10 juillet 1749)

 

Ce n'est pas tout encore. Le parlement  de  Paris  fut saisi de cette affaire.  On entendit le conseiller Angran dénoncer aux chambres assemblées le refus de sacrements fait à Charles Coffin, comme un acte de schisme. Il partait de ce principe, que c'est un acte de schisme que de refuser la communion à ceux qui sont dans l'Église, aussi bien que de communiquer avec ceux qui en sont séparés ; d'autre part, disait-il, on ne pouvait pas raisonnablement admettre que l'Église de Paris eût été demander à un excommunié de lui composer des hymnes. C'est pourtant ce qui était arrivé ! Angran disait en outre que "les refus de sacrements étaient sagement établis à l'égard des protestants,  des déistes, etc. ; mais que ce serait en faire un abus  manifeste que de s'en servir à l'égard des fidèles dont  la vertu et la catholicité sont connues de tout le monde  et justifiées depuis si longtemps (par rapport à M. Coffin  en particulier), par la confiance du public et par celle  de M. de Vintimille lui-même, qui l'avait chargé de  composer les hymnes du Bréviaire de Paris". (Nouvelles ecclésiastiques, 18 septembre 1749.)

 

Notre devoir d'historien nous a contraint de ne pas omettre ces détails vraiment pénibles : mais si nous ne les produisions pas avec cette étendue qui, aujourd'hui, croirait à nos assertions ?

 

La commission désignée par Charles de Vintimille pour donner à l'Église de Paris un bréviaire digne d'elle, était donc composée de ces trois personnages, Vigier, Mésenguy et Coffin. Ce choix avait été suggéré à l'archevêque par Louis-Abraham d'Harcourt, doyen du chapitre de Notre-Dame ; il doit nous éclairer sur l'esprit et les principes de cet ecclésiastique. Toutefois, nous ne passerons pas outre, sans faire remarquer au lecteur le contraste frappant qui règne entre la commission chargée par l'archevêque de Vintimille de renouveler de fond en comble la Liturgie parisienne, et celle qui avait opéré la simple correction du bréviaire et du missel, au temps de François de Harlay. Dans cette dernière, presque tous les membres occupent un rang distingué dans l'Église de Paris. Ils sont au nombre de douze et tous revêtus du sacerdoce. La commission de Vintimille n'était plus composée que de trois membres; un seul était prêtre, des deux autres, l'un était simple acolyte, l'autre laïque. Beaucoup de conséquences ressortent de ce fait. Nous avons déjà parlé de l'envahissement du presbytérianisme et du laïcisme dans les choses capitales de la religion : nous dirons, de plus, qu'une si étrange commission pour une œuvre majeure comme la refonte universelle de la Liturgie, montre clairement que la Liturgie elle-même avait grandement baissé d'importance aux yeux du prélat qui choisit les commissaires, du clergé qui accepta le fameux bréviaire après quelques réclamations, du siècle enfin qui vit une pareille révolution, et ne l'a pas mise à la tête des plus grands événements qui signalèrent son cours. Nous le répétons, ce n'est pas ainsi que saint Pie V, Clément VIII et Urbain VIII avaient procédé pour la simple révision des livres romains.

 

Ainsi, l'Église de Paris attendait patiemment que nos trois commissaires eussent enfanté leur œuvre. Une année avant que cette œuvre fût en état de paraître au jour, Mésenguy, voulant pressentir l'opinion publique, fit imprimer trois Lettres écrites de Paris à un chanoine de l'église cathédrale de ***, contenant quelques réflexions sur les nouveaux bréviaires (1735. In-12 de 80 pages). Ce petit écrit, tout imprégné des maximes modernes sur la Liturgie, avait pour but de faire valoir le nouveau bréviaire ; mais, comme l'observe judicieusement l'Ami de la Religion, dans l'article cité, Mésenguy aurait dû laisser à un autre le soin de louer d'avance son propre travail.

 

Enfin, l'année 1736 vit l'apparition de la nouvelle Liturgie. Le bréviaire, qui avait été annoncé à tout le diocèse par un mandement de l'archevêque de Vintimille, portait en tête une lettre pastorale du prélat, sous la date du 3 décembre 1735. Nous parcourrons avec le lecteur ce monument d'une si haute importance pour notre histoire.

 

L'archevêque commence par recommander la nécessité de la prière en général, et le mérite spécial de la prière publique :

" L'Église, dit-il, cette chaste colombe dont les  pieux et continuels gémissements sont toujours exaucés  de Dieu, s'est réservée le soin de régler l'ordre des prières  de ses ministres, et de disposer les diverses parties de  ce très saint ministère. Dans l'office divin qui renferme  toute la matière du culte public, elle embrasse les plus  augustes mystères de Dieu et de la religion, les règles  incorruptibles de la foi et des mœurs, la doctrine de la  tradition consignée dans les écrits des saints Pères et  dans les décrets des conciles. Elle y propose les plus  illustres exemples de toutes les vertus dans la vie et la  mort des saints et des martyrs qu'elle vénère d'un culte  public, afin de nourrir la piété des fidèles, d'éclairer leur  foi, d'allumer leur ferveur. Elle enseigne que le culte  de Dieu consiste dans l'esprit, c'est-à-dire dans l'obéissance religieuse de l'esprit et du cœur, et dans l'adoration ; que les saints doivent être honorés, non par une  stérile admiration, mais par une imitation fidèle des  vertus qui ont brillé en eux."

 

Rien de plus incontestable en soi qu'une telle doctrine ; mais si l'office divin est, de la part de l'Église, l'objet d'une si juste sollicitude, si c'est à elle de le régler, il devrait être inviolable comme elle ; on ne devrait point, après tant de siècles, dans un diocèse particulier, bouleverser, renouveler une Liturgie fixée par l'Eglise dans l'antiquité, et pratiquée en tous lieux.  Si l'office divin doit contenir la doctrine de la   Tradition, il ne faudrait donc pas remplacer les formules séculaires dans lesquelles s'exprime si solennellement cette Tradition, par des versets de l'Écriture choisis par de simples particuliers suspects dans la foi.  Si l'Église, qui nous propose dans le bréviaire les exemples des  saints,   a  intention  de   nourrir la piété, d'éclairer la foi, d'allumer la ferveur, et non d'exciter en nous une stérile admiration, il faudrait cependant se souvenir que l’admiration est le principe de la louange, et que la louange  est  une des  parties  essentielles de la Liturgie.

 

Ainsi, par exemple, en supprimant dans le Bréviaire de Paris jusqu'à la simple mention des stigmates de saint François, Charles de Vintimille diminue assurément la somme des motifs de l’admiration que nous serions tentés d'avoir pour cet ami du Christ; mais si, par cette suppression, il a l'avantage de mettre saint François plus à portée de notre imitation, il se sépare avec éclat, non seulement de François de Harlayet du cardinal de Noailles, qui avaient laissé le récit des stigmates dans la Légende de   saint   François, mais   bien plus   encore de l'Église romaine, qui, non contente d'en parler dans l'office du patriarche séraphique, au 4 octobre, en a institué une fête spéciale du rite double, pour toute l'Église, au 17 septembre. Il est vrai que l'Église romaine a fort à cœur de nous inspirer l’ admiration des saints ; car elle trouve que déjà ce sentiment est un hommage envers  Dieu, qui se glorifie d'être admirable dans ses serviteurs.

 

" Les premiers pasteurs, continue la lettre pastorale,  ayant considéré toutes ces choses, se sont proposé  spécialement de réunir dans l'ensemble de l'office ecclésiastique les matériaux nécessaires aux prêtres pour «instruire plus facilement dans la science du salut les  peuples qui leur sont confiés. Tel est le service qu'ont rendu les trois illustres prélats, nos prédécesseurs immédiats; à leur exemple, un grand nombre d'évêques  de ce royaume ont publié de nouveaux bréviaires avec  un succès digne d'éloges". Ainsi les trois archevêques, de Péréfixe, de Harlay et de Noailles, doivent être considérés comme les auteurs de la révolution liturgique. C'est donc à Paris qu'est née cette idée de ne plus faire du bréviaire qu'un livre d'études sacerdotales, d'ôter à ce livre son caractère populaire, de n'y plus voir le répertoire des formules consacrées par la tradition. Jusqu'alors on l'avait considéré comme l'ensemble des prières et des lectures qui doivent retentir dans l'assemblée des fidèles ; tout ce qu'il contenait était ordonné pour le culte divin ; maintenant il ne sera plus qu'un livre de cabinet, parsemé de psaumes et d'oraisons ; et à cette époque de controverses, on s'en va choisir de préférence pour le rédiger des gens naturellement disposés à l'adapter aux maximes de leur parti,tant par ce qu'ils y inséreront de suspect, que parce qu'ils trouveront moyen d'en ôter.

 

" Nous donc, aussitôt que, par le don de la divine Providence, nous avons eu pris le gouvernement de cette  Église métropolitaine, ayant été averti par des hommes  sages et érudits, nous avons reconnu la nécessité d'un  nouveau bréviaire. En effet, l'ordre admirable et le goût  excellent de solide piété et doctrine qui brille dans plusieurs des offices des dernières éditions du bréviaire,  nous a fait désirer ardemment de voir introduire dans  le reste des offices une dignité et une pureté semblables.  C'est dans ce but qu'on a travaillé, pour rendre ce  bréviaire digne de la majesté du culte divin et conforme  à nos vœux, qui ont pour objet la sanctification de  tous". Le prélat ne désigna point les auteurs du bréviaire, elaboratum est ; à moins qu'on ne veuille appliquer à Vigier, Mésenguy et Coffin, la qualification d'hommes sages et érudits ! Il est remarquable aussi que le prélat ne convient pas franchement du renouvellement entier de la Liturgie opéré par la publication du nouveau bréviaire. Il n'a voulu autre chose, dit-il, que procurer dans le reste des offices le même ordre, le même goût de piété et de doctrine, la même dignité, la même pureté qui brillaient dans plusieurs de ceux du bréviaire précédent. Cependant, si l'on en excepte un très petit nombre d'offices, celui de sainte Marie Égyptienne, par exemple, qui fut rédigé dans le Bréviaire de Harlay par Nicolas Le Tourneux, tout est nouveau dans le Bréviaire de Vintimille, soit pour le propre du temps, soit pour celui des saints, les communs, etc. Remarquons, en outre, que les parties sacrifiées formaient principalement ce vaste ensemble que le Bréviaire de Harlay avait retenu du Bréviaire romain ; ainsi le reproche indirect de manquer d'ordre, de piété, de doctrine, de dignité, d’élégance, s'adresse à la Liturgie de saint Grégoire et de saint Pie V.

 

Venant ensuite au détail des améliorations que présente le nouveau bréviaire, la lettre pastorale s'exprime ainsi :

" Dans l'arrangement de cet ouvrage, à l'exception des  hymnes, des oraisons, des canons et d'un certain nombre  de leçons, nous avonscru devoir tirer de l'Écriture sainte  toutes les parties de l'office ; persuadés, avec les saints  Pères, que ces prières seront plus agréables à la majesté  divine, qui reproduisent non seulement les pensées,  mais la parole même de Dieu". Les saints Pères dont il est ici question se réduisent à saint Cyprien, qui, du reste, ne dit pas le moins du monde ce qu'on lui fait dire ici. Les saints Pères relèvent sans cesse l'autorité de la tradition, et l'on ne citerait pas un seul passage de leurs écrits dans lesquels ils aient dit ou insinué qu'il serait à propos d'effacer dans les offices divins les formules de style ecclésiastique, pour les remplacer par des versets de l'Écriture.

 

Si la parole de l'Église peut légitimement trouver place dans les hymnes et les oraisons, en vertu de quel principe l'exclura-t-on des antiennes et des répons ? Voilà le grand problème qu'on n'a jamais résolu qu'en disant : La chose doit être ainsi, parce qu'elle doit être ainsi.

 

DOM GUÉRANGER INSTITUTIONS LITURGIQUES : CHAPITRE XIX : SUITE DE L'HISTOIRE DE LA LITURGIE, DURANT LA PREMIERE MOITIÉ DU XVIIIe SIÈCLE. — PROJETS DE BREVIAIRE A PRIORI. — GRANCOLAS, FOINARD. — BREVIAIRES DE SENS, AUXERRE, ROUEN, ORLÉANS, LYON, ETC. — BRÉVIAIRE ET MISSEL DE PARIS, DU CARDINAL DE NOAILLES. — BREVIAIRE ET MISSEL DE PARIS, DE L'ARCHEVÊQUE VINTIMILLE. — AUTEURS DE CETTE LITURGIE. VIGIER. MÉSENGUY. COFFIN. — SYSTEME SUIVI DANS LES LIVRES DE VINTIMILLE. — RÉCLAMATIONS DU CLERGÉ. — VIOLENCES DU PARLEMENT DE PARIS. — TRIOMPHE DE LA LITURGIE DE VINTIMILLE. 

 

Charles Coffin

Charles Coffin, Recteur de l'Université de Paris (1676-1749)

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14 janvier 2012 6 14 /01 /janvier /2012 12:30

Enfin, si l'Église de Lyon ne se voyait pas privée dans une proportion plus considérable du trésor de ses vénérables prières, c'est que, fort heureusement, le prélat qui lui donnait le nouveau bréviaire avait été retenu par l'inconvénient qu'il y aurait eu de déroger à cet usage de Lyon, en vertu duquel on chantait encore sans livre les heures canoniales. Nous verrons bientôt un archevêque de Lyon que cette considération n'arrêtera pas.

 

L'Église de Paris et son nouveau Bréviaire vont donc nous occuper maintenant, la même Église de Paris qui, au moyen âge, communiquait à un si grand nombre d'autres les poétiques et harmonieuses richesses de sa Liturgie romaine-française. Nous allons la voir recueillant, dans une œuvre trop fameuse, tout ce que renfermaient de nouveautés suspectes, de formes audacieuses, et le Bréviaire de François de Harlay, et celui de Cluny, et les Projets de Foinard et Grancolas, et les essais tentés à Sens, à Auxerre, à Rouen, à Nevers, à Orléans, etc.

 

Toutefois, il y eut une transition de la Liturgie de Harlay à celle de Vintimille. Le cardinal de Noailles, le même qui, durant sa longue occupation du siège de Paris, fatigua si longtemps de sa mesquine et opiniâtre rébellion le Siège apostolique et la cour de France, ne pouvait manquer de laisser dans les livres parisiens quelques traces de son passage. Nous trouvons deux éditions du Bréviaire de Paris données par son autorité, celle de 1698 et celle de 1714, et une du Missel en 1706. L'édition du Missel paraît avoir été dirigée par François Vivant, pénitencier de Notre-Dame et grand vicaire du cardinal, auquel on doit attribuer la plupart des proses qui s'y trouvent. Les lettres pastorales placées en tête du Bréviaire et du Missel portent expressément que l'on n'a voulu faire aucuns changements graves aux livres de François de Harlay dont on vante la perfection, et, en effet, il y a très peu de différences entre les bréviaires et missels de ces deux archevêques.

 

Cependant, nous citerons quelques traits fortement caractéristiques. François de Harlay avait répudié les traditions de l'Église romaine et celles de l'Église de Paris, sur sainte Marie-Magdeleine, et dans l'office de cette sainte, il avait professé expressément la distinction de Marie, sœur de Lazare et de Marthe, d'avec l'illustre pécheresse, amante du Christ. Il y avait quelque chose de mieux à faire encore : c'était, en continuant de célébrer la fête de sainte Marie-Magdeleine, le 22 juillet, de consacrer un autre jour à la mémoire de Marie de Béthanie. Les fidèles ne seraient plus exposés à s'y méprendre et à retomber dans les préjugés insoutenables de l'Église romaine. Il est vrai que si, pourtant, Marie de Béthanie et Marie-Magdeleine sont une seule et même personne, l'acte souverain de Louis-Antoine de Noailles, pour les scinder en deux, ne pouvait avoir d'effet que dans le bréviaire ; car Dieu même ne pourrait faire qu'une personne unique durant sa vie, en puisse jamais former deux après sa mort. Toutefois, comme le gallicanisme, qui refuse à l'Église le pouvoir sur les choses terrestres, n'a pas si généreusement renoncé à l'empire sur les choses célestes, comme nous le verrons encore ailleurs, le Bréviaire du cardinal portait, sur le calendrier, au 19 janvier, ces mots :

Mariœ Bethanidis, sororis Lazari et Marthœ, en même temps qu'au 22 juillet, ceux-ci : Mariœ Magdalenœ.

 

En si beau chemin, il était difficile de s'arrêter. François de Harlay, dans ses livres liturgiques, avait vilipendé, les glorieuses traditions de l'Église de Paris sur l'Aréopagitisme de son saint apôtre ; mais il n'en était cependant pas venu jusqu'à inaugurer à un jour spécial la fête d'un saint Denys l'Aréopagite qui ne fût pas l'évêque de Paris. Le cardinal de Noailles le fit. Son calendrier portait, au 3 octobre, ces mots : Dionysii Areopagitœ, Athenarum Episcopi et Martyris, et plus bas, au 9 du même mois, ceux-ci : Dionysii, primi Parisiorum Episcopi, et Sociorum ejus Martyrum. Il n'est pas nécessaire d'être profondément versé dans les antiquités ecclésiastiques pour savoir que plusieurs anciens martyrologes portent en effet le nom de saint Denys au 3 octobre ; mais, outre que les partisans de l'Aréopagitisme de saint Denys de Paris satisfont à cette objection, était-ce au Bréviaire de Paris de rétracter et de flétrir d'une manière aussi humiliante ses propres traditions, tandis que la presque universalité des Églises, tant de l'Orient que de l'Occident, s'unit encore pour la féliciter de ce qu'elle a reçu la foi par le ministère de l'illustre disciple de saint Paul ? C'est une triste condition que celle de ces liturgies locales, et, par là même, mobiles, d'être condamnées à ressentir le contrecoup des révolutions que la mode introduit et que le retour à des idées plus saines peut anéantir. L'un des oracles de la critique moderne a dit : "L'opinion qui  identifie saint Denys l'Aréopagite avec saint Denys de Paris, née du temps de Louis le Débonnaire, est beaucoup moins ancienne que celle qui a rendu saint Denys  l'Aréopagite auteur de divers ouvrages qui ont commencé à paraître sous son nom plus de quatre cents ans  après sa mort. Mais elle ne vivra point apparemment  plus longtemps, et l'on peut attribuer au siècle de Louis le Grand la gloire de les avoir ensevelis dans le même  tombeau". (Baillet, Vies des Saints. Tome X, au 3 octobre, page 72.) Ainsi parlait Adrien Bailler, en 1701 ; mais si le XIXe siècle voit ressusciter ces deux opinions, qui sont du nombre des opinions de l'Église romaine, que deviendra le calendrier actuel de Paris ? Quels cartons ne faudra-t-il pas pour le Missel et le Bréviaire de cette Église ?

 

Quoique les changements faits au missel de Harlay par le cardinal de Noailles fussent assez légers, on remarqua néanmoins qu'on avait fait quelques additions. Nous en signalerons une entre autres dans la fameuse postcommunion de saint Damase, au 11 décembre, laquelle est entrée de plain-pied au Missel de Vintimille, et de là dans la presque totalité des missels français. La voici : Nullum primum nisi Christum sequentes, et Cathedra Petri communione consociatos, da nos, Deus, Agnum semper in ea domo comedere in qua beatus Damasus successor piscatoris et discipulus crucis meruit appellari.

 

Ceux de nos lecteurs qui connaissent la fameuse lettre de saint Jérôme au pape saint Damase reconnaîtront tout d'abord que cette postcommunion est entièrement composée de paroles tirées de cette lettre ; mais en quel sens ont-elles été détournées ! D'abord ces mots Nullum primuni nisi Christum sequentes, séparés du reste de cette magnifique épître dans laquelle saint Jérôme célèbre si éloquemment la principauté apostolique, qu'expriment-ils, dans leur isolement du contexte, sinon que les fidèles n'ont point d'autre Chef que Jésus-Christ ? Certes, si saint Jérôme eût vécu au temps de Luther ou de Jansénius,  il eût marqué avec son énergie ordinaire que s'il n'entendait suivre d'autre chef que Jésus-Christ,  il ne voulait parler que du chef invisible, sans préjudice de cet autre premier, de ce chef visible qui est le Pontife romain. Et ces paroles, Cathedrœ Petri Communions consociatos, signifiaient-elles uniquement dans la bouche de saint Jérôme un simple lien extérieur, sans dépendance sous le double rapport de la foi et de la discipline ? C'est ainsi, on le sait, que l'entendent les jansénistes, témoin les évêques de l'Église d'Utrecht et ceux de l'Église constitutionnelle de France, leurs disciples. Mais ce n'est pas là le sens de saint Jérôme qui, dans la même épître, inquiet de savoir, s'il faut une hypostase ou trois hypostases, demande au Pape de décider souverainement sur cette question : Decernite, et non timebo tres hypostases dicere ; de saint Jérôme, disons-nous, qui ne se borne pas à dire qu'il est uni de communion à la Chaire de Pierre, mais qui entend cette communion d'un lien tellement fort, d'une union tellement intime, qu'il ne craint pas d'appliquer au Pape ces paroles que Jésus-Christ dit de lui-même : Qui tecum non colligit, dispergit.

 

La dernière partie de la postcommunion, moins importante, il est vrai, offre encore matière à observation. On voit que l'auteur profite des paroles de saint Jérôme, pour flétrir, à propos de l'humilité de saint Damase, ce que la secte appelle le faste et l'orgueil de la cour romaine. On y demande à Dieu la grâce de manger l'Agneau dans cette maison où Damase a mérité d'être appelé le successeur du pêcheur et le disciple de la Croix. Cependant on pourrait, avec vérité, faire observer à François Vivant que Clément XI fut le digne successeur du pêcheur, et un sincère disciple de la Croix, bien qu'il ait cru devoir écraser l'hydre janséniste par la Bulle Unigenitus, et condamner comme hérétiques ceux qui ne se soumettraient pas aux décisions (decernite) apostoliques, malgré qu'on les entendît crier de toutes parts qu'ils étaient et voulaient être toujours unis de communion avec l'Église de Rome.

 

Mais il ne s'agit plus maintenant de quelques altérations faites aux livres liturgiques de Paris, qui, comme nous l'avons remarqué, sont encore demeurés conformes, pour la plus grande partie, à ceux de Rome, en dépit des innovations de François de Harlay, et même de son successeur. L'Église de Paris va voir substituer en masse, aux offices grégoriens qu'elle chante depuis le VIe siècle, un corps d'offices nouveaux, inconnus, inouïs, fabriqués à neuf par de simples particuliers, un prêtre, un acolyte, un laïque, et cet événement va entraîner, dans la plus grande partie de la France la ruine complète de l'œuvre de Charlemagne et des pontifes romains.

 

Vers l'année 1725, François-Nicolas Vigier, prêtre de l'Oratoire et successeur de Duguet en la charge de supérieur du séminaire de Saint-Magloire, s'étant livré aussi à la composition d'un bréviaire, suivant les idées nouvelles, se trouvait en mesure de faire jouir le public du fruit de ses labeurs. Ce personnage obscur devait être l'instrument de la plus grande révolution liturgique que l'Église de France ait vue depuis le VIIIe siècle. Il avait enfanté le Bréviaire de Paris. Cependant, ce n'était point à cette Église en particulier qu'il avait destiné son chef-d'œuvre. Le Cardinal de Noailles, qui mourut en 1728, avait refusé de l'adopter. François-Armand de Lorraine, évêque de Bayeux, avait paru mieux disposé ; mais son chapitre s'était retranché dans une si courageuse opposition, que le prélat s'était vu contraint de se désister dans son entreprise.

 

Il n'est pas difficile de comprendre les motifs de cette résistance ; c'était le sentiment de la foi qui se révoltait contre une œuvre suspecte. On savait que le P. Vigier appartenait à un corps profondément gangrené par l'hérésie janséniste, et, quant à lui-même, bien qu'il n'eût pas appelé de la bulle, sa réputation n'en était pas moins celle d'un homme rebelle dans le fond de son cœur. Au reste, il le fit bien voir lorsque, ayant été élu assistant de son général, le P. de la Valette, en 1746, il composa, pour aider à la pacification des esprits dans sa congrégation, sur le sujet des controverses du temps, un mémoire dans lequel il écartait de la bulle le caractère et la dénomination de règle de foi, la qualifiant simplement de règlement provisoire de police qui n'obligeait qu'à une soumission extérieure. Le Bréviaire du P. Vigier ne démentait pas trop, comme on va le voir, une pareille manière de penser dans son auteur : mais il fallait un patron à ce livre.

 

Dieu permit, dans son impénétrable conduite, qu'il trouvât ce patron dans Charles-Gaspard de Vintimille, qui venait de succéder au cardinal de Noailles sur le siège de la capitale. Ce prélat, qui avait occupé successivement les sièges de Marseille et d'Aix, parvint à celui de Paris vers sa soixante-quinzième année. Homme de ménagements et de tolérance, il essaya de tenir le milieu entre les appelants et les partisans de la bulle. Toutefois, il fit fermer le cimetière de Saint-Médard, profané par les honteux miracles du diacre Paris ; il eut même l'honneur de voir condamner, par le parlement de Paris, un mandement qu'il avait publié contre les Nouvelles ecclésiastiques ; mais, en même temps, on savait qu'il avait écrit, sous la date du 22 mai 1731, au cardinal de Fleury, une lettre fameuse ainsi conçue : "Ma foi, Monseigneur, je perds  la tête dans toutes ces malheureuses affaires qui affligent  l'Église. J'en ai le cœur flétri, et je ne vois nul jour de  soutenir cette bulle en France, que par un moyen qui  est de nous dire, à la franquette, les uns aux autres, ce  que nous entendons par chacune des propositions, quel  est le sens, le bien que nous approuvons, le mal que  nous rejetons, et après, frapper brutalement sur les uns  et sur les autres qui ne voudront point nous suivre : et si  Rome ne veut pas se rendre facile à ce que nous avons  fait, lui renvoyer sa constitution. Ce projet, je l'avoue,  que  j'ai fait plus d'une  fois, et que mon  chagrin  me fait faire, mérite quelque attention : mais en vérité on  se lasse de battre l'air et l'eau inutilement."

 

On doit convenir qu'il était difficile de gouverner un diocèse comme celui de Paris, inondé de jansénistes, dans la Sorbonne, dans les cures, dans les maisons religieuses, dans le parlement, et qui, durant les trente années de l'épiscopat du cardinal de Noailles, avait été le théâtre des saturnales de l'hérésie triomphante.

 

DOM GUÉRANGER INSTITUTIONS LITURGIQUES : CHAPITRE XIX : SUITE DE L'HISTOIRE DE LA LITURGIE, DURANT LA PREMIERE MOITIÉ DU XVIIIe SIÈCLE. — PROJETS DE BREVIAIRE A PRIORI. — GRANCOLAS, FOINARD. — BREVIAIRES DE SENS, AUXERRE, ROUEN, ORLÉANS, LYON, ETC. — BRÉVIAIRE ET MISSEL DE PARIS, DU CARDINAL DE NOAILLES. — BREVIAIRE ET MISSEL DE PARIS, DE L'ARCHEVÊQUE VINTIMILLE. — AUTEURS DE CETTE LITURGIE. VIGIER. MÉSENGUY. COFFIN. — SYSTEME SUIVI DANS LES LIVRES DE VINTIMILLE. — RÉCLAMATIONS DU CLERGÉ. — VIOLENCES DU PARLEMENT DE PARIS. — TRIOMPHE DE LA LITURGIE DE VINTIMILLE. 

 

Charles-Gaspard de Vintimille

Charles Gaspard-Guillaume de Vintimille, Archevêque de Paris

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13 janvier 2012 5 13 /01 /janvier /2012 12:30

Quant aux leçons des saints, nos deux docteurs s'accordent à dire qu'elles ne devront renfermer que des  histoires bien approuvées. Nous verrons bientôt ce qu'on doit entendre par ces paroles.

 

Le bréviaire, ainsi réduit, n'est bientôt plus qu'un livre de lecture privée ; il perd son caractère social. C'est pourquoi, rétrogradant toujours jusqu'à Quignonez, et jaloux d'enchérir sur les traditions de François de Harlay, Foinard ne se borne plus à retrancher de la récitation privée le salut au peuple chrétien, Dominus vobiscum, il veut en exclure la répétition des invitatoires, des répons brefs, le Jube, Domne, benedicere, le Tu autem, Domine, miserere nobis,  et même le Benedicamus Domino, sans doute à cause du pluriel Benedicamus. Il faut pourtant avouer que Foinard n'a pas été suivi, dans nos bréviaires, sur tous ces points : on s'est borné généralement à la suppression du Dominus vobiscum  dans l'office récité en particulier ; après tout, c'est accorder le principe et nier la conséquence. Foinard a été plus heureux dans la proposition de supprimer les Pater, Ave,  Credo, qui précèdent les heures de l'office. On lui a, en grande partie, octroyé sa demande, en cessant de réciter ces prières en tête des différentes heures quand on les chante, ou quand on les récite à la suite des unes des autres.

 

On voit dans cette dernière innovation, comme dans tout le reste, le grand désir d'abréger l'office, la crainte de n'en pas venir à ses fins, si on n'offrait pour compensation à  la ruine de toutes  les traditions l'appât d'un bréviaire très court. C'est  dans cette intention qu'un si grand   enthousiaste de l'antiquité que prétend l'être Maurice Foinard, ne craint pas de proposer l'établissement d'offices à six leçons pour les fêtes auxquelles on voudra donner un rang médiocre.   Nous ne connaissons qu'un seul bréviaire  dans lequel cette étrange forme d'office ait été admise.

 

Maintenant, si on se demande en  vertu de quel droit nos faiseurs imaginaient rendre licite un pareil bouleversement du culte divin, Foinard nous répond, et cette réponse a été souvent donnée, de nos jours, avec tout autant d'irréflexion et d'un air tout aussi triomphant, Foinard nous  répond que saint  Grégoire écrivit, au VIe  siècle, à saint Augustin, apôtre d'Angleterre, qu'il le faisait libre d'admettre dans le service divin les coutumes, soit  des Gaules, soit   de  toute  autre église, si leur  fusion avec celle de l'Eglise romaine pouvait faciliter et confirmer la conversion des Anglo-Saxons. C'est une bien étrange distraction que celle-là ; car, outre que, comme nous l'avons prouvé ailleurs, il ne s'agissait point de l'office divin proprement dit, qui fut toujours celui de Rome dans l'Église anglo-saxonne, mais simplement de certains usages et observances d'une importance secondaire, saint Grégoire donnait à saint Augustin un pouvoir légitime et spécial, non moins que personnel. En vertu de quelle extension aurait-on pu se l'attribuer en France, après tant de siècles, après la destruction du rite gallican, après l'établissement du rite romain, après le concile de Trente et la bulle de saint Pie V, après les conciles de France pour accepter cette bulle, etc. ? Est-il raisonnable, en outre, d'assimiler les usages liturgiques des Gaules, et autres anciennes Églises de fondation apostolique, à ceux dont Foinard ou ses pareils ont pris l'idée dans leur cerveau ? En un mot, de ce que saint Augustin aurait pu licitement, d'après la permission expresse de saint Grégoire le Grand, unir les rites sacrés de l'Église romaine avec quelques-uns de ceux, si vénérables, institués par les Pothin, les Irénée, les Hilaire et les Martin, s'ensuivait-il qu'on pouvait, onze siècles après, remplacer la plus grande partie des formules sacrées de l'office divin par d'autres formules improvisées par de simples prêtres ou laïques, les uns hérétiques, les autres suspects dans leurs relations et leurs tendances personnelles ? Mais en voilà plus qu'il n'en faut sur la lettre de saint Grégoire à saint Augustin : nous y reviendrons cependant une dernière fois dans la partie de cet ouvrage où nous aurons à traiter du droit de la Liturgie.

 

Les  utopies  liturgiques de Grancolas et de   Foinard doivent aussi être considérées sous le rapport des conséquences qu'elles amenèrent. Non seulement elles accélérèrent le  remaniement  des offices divins dans plusieurs diocèses, et  leur  complet renouvellement  en d'autres ; mais, et ceci n'est pas moins grave, elles firent descendre la Liturgie au rang vulgaire des compositions du génie humain. Chacun se crut en droit de juger des convenances du  bréviaire,  et, pendant  que  de  nombreux  amateurs dissertaient sur ce qu'il y avait à faire pour donner enfin à  l'Église une  expression digne   de   ses  mystères, des liturgistes de  profession  se  formèrent de toutes parts. Jusque-là, on avait pensé que la Liturgie, c'était la Tradition, et que de même qu'on ne fait pas de la Tradition comme on veut, on ne fait pas non plus de la Liturgie à volonté, bien que la Tradition et la Liturgie reçoivent l'une et l'autre, par le cours des siècles, certains accroissements qui viennent se fondre dans la masse. Alors, car il faut toujours que des mots soient faits pour exprimer les idées,  ou  les nouvelles formes  d'idées, alors on vit paraître  ces expressions, faire un bréviaire, l'auteur de tel bréviaire : le bréviaire de tel diocèse  est bien fait, cet autre est mal fait, celui-ci est mieux fait. Étrange renversement d'idées, mais qui trahissait bien les vues tout humaines,    toutes   nationales,   toutes   personnelles  qui avaient présidé à cette œuvre téméraire ! On ne réfléchissait, pas que s'il était encore temps, que même s'il était devenu nécessaire, après tant de siècles, de rédiger sur un nouveau plan la forme des prières et de la confession publique de l'Église, de deux choses l'une, ou le premier besoin de l'Église était demeuré  si  longtemps sans être satisfait et n'avait pu  l'être que par quelques prêtres et laïques  français, ou ces prêtres,  ces laïques,  en contradiction avec l'Église qui dédaignait leur  œuvre, avaient assumé sur eux la plus énorme responsabilité. Or l'Église universelle n'a pas fait un pas vers ces hommes et leur œuvre. Le Siège apostolique les a laissés dans leur isolement. Ils sont des hommes, ils ont fait une œuvre humaine ; elle aura le sort des œuvres humaines.

 

C'était donc une nouvelle branche de littérature dont Foinard et Grancolas avaient doté le pays. Les auteurs du Bréviaire de Cluny avaient du moins gardé, le secret de leurs théories ; nos deux docteurs les ébruitèrent, et un grand mouvement commença dans nos sanctuaires appelés à la régénération. Toutefois, les plus zélés partisans de cette œuvre sont bien obligés de convenir que le bienfait des nouvelles Liturgies n'a pas contribué à faire refleurir l'antique foi de nos pères : il leur faut même convenir, l'histoire en main, que cette foi antique a subi une décadence proportionnelle aux progrès de l'innovation. Après tout, il eût été difficile que le mauvais arbre produisît de bons fruits, que les conceptions des jansénistes ou de leurs fauteurs donnassent parmi nous des fruits de piété et d'orthodoxie. Rien n'est plus commun et plus divertissant en même temps que d'entendre, comme on en est à même tous les jours, les partisans des nouveaux bréviaires convenir ingénument que la piété et l'onction ne forment pas le caractère de ces livres de prières qu'ils ont substitués à ceux de cette Église romaine qui, fondée inébranlablement sur la foi et la charité, mue et conduite par l'Esprit-Saint dont elle est l'épouse, soupire, dans tous les siècles, cet ineffable gémissement dont notre faible livre cherchera à faire sentir la merveilleuse douceur.

 

Après 1727, nous ne retrouvons plus Grancolas sur la scène liturgique. Le Commentaire du Bréviaire romain, dont le Projet d'un nouveau Bréviaire forme un des chapitres, est son dernier ouvrage. C'était l'année précédente, 1726, que Foinard, joignant l'exemple au précepte, avait fait imprimer son Breviarium ecclesiasticum. Le coup était hardi de la part d'un homme qui alors n'avait plus  aucune  juridiction,   s'étant  démis   de  sa   cure de Calais. Aussi, n'ayant ni diocèse, ni paroisse même à qui le destiner et dont il put lui donner le nom, il jugea convenable d'en faire le Bréviaire de l'Église, et l'ouvrage parut sous ce titre : Breviarium ecclesiasticum, editi jam prospectus executionem exhibens. Ainsi sa Liturgie, après avoir été à l'état de prospectus, existait enfin en réalité.

 

De si grands avantages émurent plusieurs diocèses, et on remarqua bientôt un nouveau mouvement dans la Liturgie. Les bréviaires qu'on avait réformés dans les dernières années du XVIIe siècle et dans les premières du XVIIIe, tout en présentant de fâcheuses imitations de celui de François de Harlay, ne s'étaient pas cependant écartés d'une manière énorme de l'ancien fonds grégorien de l'office (parmi ces bréviaires nous citerons ceux de Senez (1700), de Lisieux (1704), de Narbonne (1709), de Meaux (1713), d'Angers (1716), de Troyes (1718), etc. Il y a de mauvaises intentions dans plusieurs de ces bréviaires. Généralement, celui de Cluny a trop influé sur leur rédaction ; mais ils sont loin d'être à la hauteur de ceux dont il nous reste à parler). On avait hésité à se lancer tout à fait dans la nouveauté : mais, après 1720, on osa franchir le pas et embrasser dans toute son étendue la responsabilité d'une nouvelle création liturgique. Ainsi le diocèse de Sens, qui avait reçu, en 1702, de son archevêque, Hardouin de la Hoguette, un bréviaire encore assez pur, fut obligé, dès 1725, d'en accepter un autre des mains de Denys-François Bouthillier de Chavigny. Ce second bréviaire, comme nous l'avoue Languet, successeur de Chavigny, dans sa controverse avec l'évêque de Troyes, avait eu pour rédacteur un homme de parti qui s'était appliqué à y faire entrer, à l'aide de passages de l'Écriture choisis dans un but suspect, les principes de la secte janséniste.

 

Daniel-Charles Gabriel de Caylus, évêque d'Auxerre, le même qui, après avoir suivi pendant douze ans la doctrine catholique contre le jansénisme, se déclara pour cette hérésie, peu de jours après la mort de Louis XIV, et en fut jusqu'à la fin l'un des plus opiniâtres champions, ne manqua pas de doter son diocèse d'une nouvelle Liturgie. Le bréviaire donné par le prélat, en 1726, eut pour principal rédacteur Jean-André Mignot, grand vicaire de Caylus, et son complice dans les mêmes doctrines.

 

En 1728, nous trouvons le Bréviaire de Rouen, publié par l'archevêque Louis de La Vergne de Tressan, et rédigé par le docteur Urbain Robinet, personnage de sentiments orthodoxes, il est vrai, et dont l'œuvre n'a rien qui tende, soit directement, soit indirectement, au dogme janséniste proprement dit, bien qu'elle n'en soit pas moins le produit d'un amour effréné de la nouveauté. Comme nous devons parler à loisir, dans un autre endroit, du docteur Robinet, nous nous bornerons à mentionner ici son premier essai liturgique, et nous ferons observer en même temps combien il était déplorable que l'Église de Rouen qui, dans le concile provincial de 1581, avait ordonné si solennellement l'obéissance aux décrets de saint Pie V, et qui avait pris soin de s'y conformer dans les éditions de 1687, 1594 et 1626, se livrât désormais, pour la Liturgie, à la merci d'un simple particulier.

 

En 1731, parut un bréviaire à l'usage de l'Église d'Orléans. Le nom de l'évêque Louis-Gaston Fleuriau d'Armenonville est seul inscrit sur le frontispice de ce livre ; ce n'était cependant qu'une édition nouvelle du Bréviaire que Le Brun Desmarettes avait rédigé par l'ordre du cardinal de Coislin. M. Fleuriau d'Armenonville  s'appropriait  jusqu'à la  lettre  pastorale,   par laquelle son prédécesseur avait promulgué la nouvelle forme de l'office, divin, en 1693. Pour toute différence entre les deux mandements, on ne trouve que la suppression de quelques phrases sans portée. Dans le corps du bréviaire, M. Fleuriau d'Armenonville avait renouvelé quelques hymnes, changé en plusieurs endroits les leçons tirées des Pères et fait quelques additions inspirées par l'esprit sincèrement catholique dont il était animé. Il rétablit, par exemple, la fête de la chaire de saint Pierre à Rome, supprimée dans le Bréviaire de 1693 ; mais, d'un autre côté, il faisait un nouveau pas dans la voie de l'innovation en changeant la disposition traditionnelle du Psautier, que le cardinal de Coislin avait respectée. En définitive, M. Fleuriau d'Armenonville, évêque d'une orthodoxie irréprochable, donnait un triste exemple en adoptant les théories et les œuvres liturgiques de la secte janséniste, qu'il combattait avec courage sur un autre terrain, et nous allons voir qu'il eut malheureusement des imitateurs, dont les fautes eurent les plus fatales conséquences.

 

L'année 1736 est à jamais fameuse dans les fastes de la Liturgie, par l'apparition du Bréviaire de Paris publié par l'archevêque Vintimille. Avant d'entamer le récit de la publication de ce livre célèbre, nous signalerons, en passant, un autre événement d'une importance majeure. En 1737, la sainte et vénérable Église de Lyon, qui jusqu'alors avait gardé religieusement la forme auguste de ses offices, dans lesquels l'ancien rite romain se mariait à de vénérables réminiscences de l'antique Liturgie gallicane, voyait porter atteinte à ce précieux dépôt. L'archevêque Charles-François de Châteauneuf de Rochebonne inaugurait un bréviaire dans lequel une chose aussi grave que la division du Psautier était sacrifiée, malgré sa forme séculaire, à de nouvelles théories d'arrangement, toujours   dans   le  but d'abréger les  offices divins.  Le nombre des formules traditionnelles était diminué, les légendes des saints soumises à une critique exagérée ; enfin, si l'Église de Lyon ne se voyait pas privée dans une proportion plus considérable du trésor de ses vénérables prières, c'est que, fort heureusement, le prélat qui lui donnait le nouveau bréviaire avait été retenu par l'inconvénient qu'il y aurait eu de déroger à cet usage de Lyon, en vertu duquel on chantait encore sans livre les heures canoniales.

 

Nous verrons bientôt un archevêque de Lyon que cette considération n'arrêtera pas.

 

DOM GUÉRANGER INSTITUTIONS LITURGIQUES : CHAPITRE XIX : SUITE DE L'HISTOIRE DE LA LITURGIE, DURANT LA PREMIERE MOITIÉ DU XVIIIe SIÈCLE. — PROJETS DE BREVIAIRE A PRIORI. — GRANCOLAS, FOINARD. — BREVIAIRES DE SENS, AUXERRE, ROUEN, ORLÉANS, LYON, ETC. — BRÉVIAIRE ET MISSEL DE PARIS, DU CARDINAL DE NOAILLES. — BREVIAIRE ET MISSEL DE PARIS, DE L'ARCHEVÊQUE VINTIMILLE. — AUTEURS DE CETTE LITURGIE. VIGIER. MÉSENGUY. COFFIN. — SYSTEME SUIVI DANS LES LIVRES DE VINTIMILLE. — RÉCLAMATIONS DU CLERGÉ. — VIOLENCES DU PARLEMENT DE PARIS. — TRIOMPHE DE LA LITURGIE DE VINTIMILLE.

 

Still-Life with Books  

Still-Life with Books by Unknown Master, Dutch, Alte Pinakothek, Munich

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12 janvier 2012 4 12 /01 /janvier /2012 12:30

Il en devait être ainsi dans l'Église romaine, dont la vie et la force consistent uniquement dans les traditions. Foinard et Grancolas jugèrent, dans leur sagesse, qu'il en pouvait être autrement dans l'Église de France.

 

Écoutons ces deux grands législateurs de nos sanctuaires ; Foinard est le plus explicite dans ses désirs. Le titre de son livre mérite tout d'abord notre attention : Projet d'un nouveau Bréviaire ; ainsi, le bréviaire et, parmi les institutions de l'Église catholique, la seule qui n'ait pas besoin d'antiquité, qui puisse être refondue, après les siècles, sur le plan donné par un simple particulier, — d'un nouveau Bréviaire dans lequel l'Office divin, sans en changer la forme ; — on consent donc à laisser dans ce bréviaire, les matines, les laudes, les petites heures, vêpres, complies, avec le même nombre de psaumes, d'hymnes, etc. Il y aura encore un psautier, un propre du temps, un propre et un commun des saints.  — Dans lequel   l'office  serait particulièrement composé   de   l'Écriture  sainte ; —   l'Église,    jusqu'ici, employait sa propre voix à célébrer ses mystères ; elle se croyait en droit de parler à son Époux ; l'élément traditionnel lui semblait divin comme l'Écriture; or le bréviaire, avec ses antiennes, ses répons et ses versets, qu'était-ce autre chose que la tradition ?

 

Le docteur   Foinard,  qui sait bien qu'un simple particulier ne fait pas   de la tradition, propose de farcir son œuvre de phrases bibliques qu'il choisira à son loisir et suivant les convenances. — Instructif ; — ainsi, la tradition n'apprend rien ; l'Église, dans ses œuvres, ne sait pas nous instruire, elle qui, a les paroles de la vie éternelle. Il nous faut pour cela avoir recours à certains prêtres de doctrine suspecte, qui nous initieront à la doctrine.— Édifiant ;— si l'Église instruit mal, elle ne peut guère édifier. Que ceux-là qui vont nous instruire daignent   donc  aussi  nous édifier. — Dans un ordre naturel, sans renvois ;— plus de ces rubriques compliquées qui obligent le prêtre à faire de l'office divin une étude sérieuse ; au reste, ces rubriques sont elles-mêmes des traditions, il est trop juste qu'elles disparaissent. — Sans répétitions ; — il est pourtant malheureux que ceux qui prient Dieu ou les hommes soient ainsi faits, qu'ils éprouvent le besoin de répéter souvent leurs demandes. — Et très court ; — voilà le grand moyen de succès ! C'est peu de tenter les hommes par la belle promesse de les éclairer et de les édifier ; c'est peu de les flatter par l'espérance que le livre qui contient la prière sera désormais réduit à un ordre naturel, sans renvois, que l'on ne perdra plus de temps à lire et étudier des rubriques ; la somme des prières sera diminuée, et afin qu'on puisse désirer un nouveau bréviaire avec connaissance de cause, l'engagement de le rendre très court est exprimé en toutes lettres sur  le titre  du livre destiné à propager en tous lieux une si merveilleuse nouvelle ! On prétend donc faire rétrograder l'Église de France, jusqu'au bréviaire de Quignonez (encore le Bréviaire de Quignonez était-il rempli de formules traditionnelles). Saint Pie V, les conciles du XVIe siècle, l'Assemblée du clergé de 1605 et 1606, tout est oublié, méprisé. On veut un bréviaire composé d'Ecriture sainte, et, pardessus tout, un bréviaire court ; on l'aura ; il se trouvera des jansénistes, des hérétiques pour le rédiger.

 

Entrons maintenant dans le détail des moyens choisis par notre improvisateur liturgique, pour réaliser le plan qu'il a daigné concevoir, et qu'il rédigera bientôt à l'usage de l'Eglise. D'abord, son élément constituant, c'est l'Écriture sainte, ainsi qu'il l'a annoncé sur le titre de son livre. Mais, dit-il, il ne la prendra que dans des sens autorisés (Projet d'un nouveau Bréviaire, page 66.). Rien de plus rassurant qu'une pareille déclaration ; mais si l'esprit de secte vient à s'emparer de la rédaction liturgique, au milieu de l'ébranlement général que ces brillants systèmes vont causer dans l'Église de France, quelle sera la garantie ? Les sens autorisés, aux yeux d'un janséniste, sont tout différents des sens autorisés à ceux d'un catholique.

 

Encore, si, dans ce triomphe de l'Ecriture sur la tradition, on voulait consentir à laisser dans nos bréviaires les nombreuses pièces empruntées à l'Écriture elle-même par saint Grégoire, nous n'aurions d'examen à faire que sur les nouvelles pièces substituées aux antiennes, versets et répons de style ecclésiastique. Mais cette retenue n'est pas du goût de Foinard, ni de ses successeurs. Les parties de l'office grégorien qui sont tirées de l'Écriture sainte pourraient ne pas s'harmoniser dans le plan d'offices inventé au XVIIIe siècle.  Il ne faudrait donc pas, dit notre docteur, se faire un scrupule  de substituer certains textes de l'Écriture sainte à ceux  qui sont employés dans les anciens bréviaires, pour  composer des antiennes, des répons, des capitules, etc. "Il semble, en effet, que c'est une  chose très indifférente en soi-même qu'un répons ou un capitule soit pris d'un  endroit de l'Écriture sainte plutôt que d'un autre, et  que, quand un texte convient mieux qu'un autre dont  on se servait anciennement, il est fort permis de le  prendre". (Projet d'un nouveau Bréviaire, page 178.) On le voit, nous n'exagérons rien ; au reste, depuis longtemps, en France, on n'en est plus aux théories. Les bréviaires ont été produits et sont là pour attester le dédain avec lequel l'œuvre grégorienne a été traitée sous tous les points.

 

Foinard dispose, avec une incroyable assurance, l'échelle de la proportion qu'on devra suivre désormais entre les fêtes du christianisme. Ce qui existe à ce sujet dans l'Église n'a que l'autorité du fait ; voici donc comment il entend régler pour l'avenir l'harmonie entre ces nobles parties de la Liturgie universelle. Former une classe supérieure de fêtes de Notre-Seigneur, dans laquelle on ne puisse admettre aucune fête de la sainte Vierge, ni des saints, ainsi que le pratique d'une manière si inconvenante le Bréviaire romain. Telle est l'idée de Foinard, celle aussi de Grancolas, et tous deux — le croirait-on, si on ne le lisait de ses propres yeux, si plus d'un bréviaire de France ne nous l'attestait encore ?— ils osent refuser à la fête du Saint-Sacrement une place parmi les grandes fêtes de Notre-Seigneur ! Languet a-t-il donc si grand tort de signaler les instincts calvinistes dans toute cette révolution liturgique, révolution, nous le répétons, venue d'en bas, entachée de presbytérianisme, et poussée par des hommes en rébellion contre le Siège apostolique ? Quant au refus d'admettre aucune fête de la sainte Vierge ou des saints dans la première classe, qu'est-ce autre chose, à part la leçon faite à l'Église mère et maîtresse, qu'une manière d'humilier la piété catholique sous le superbe prétexte de venger l'honneur de Dieu, comme si Jésus-Christ n'avait pas dit : Qui mihi ministrat me sequatur, et ubi sum ego, illic sit et minister meus ? (Joan. XII, 26.)

 

Foinard et Grancolas consentent néanmoins à ne pas faire descendre la Fête-Dieu, l'Assomption et la Fête du Patron, au-dessous de la seconde classe ; mais, en retour, saint Jean-Baptiste, et saint Pierre et saint Paul, n'étant pas jugés dignes de s'arrêter encore à ce second degré, tombent au troisième qu'on appellera solennel mineur. Ainsi ces docteurs voulaient-ils étendre à la France entière les audacieuses réformes de Le Tourneux et de dom de Vert. N'est-ce pas une chose profondément humiliante, et non moins désolante pour la piété, que de voir qu'ils y ont réussi ?

 

Toujours à la suite des auteurs du Bréviaire de Cluny, nous voyons nos deux docteurs s'imposer la tâche de diminuer, d'une manière plus efficace, le culte de la sainte Vierge et des saints, au moyen de certaines mesures liturgiques qui finirent par devenir propres à tous les nouveaux bréviaires. C'est d'abord leur grand principe de la sainteté du dimanche qui ne permet pas qu'on dégrade ce jour jusqu'à le consacrer au culte d'un saint, ni même de la sainte Vierge. Il ne pourra donc céder qu'à une solennité de Notre-Seigneur. Il sera désormais privilégié à l'égard même de l'Assomption de la sainte Vierge, de la Toussaint, etc. (Foinard, page 24. Grancolas, 346.). A plus forte raison, les doubles majeurs, ou mineurs, qui diversifiaient si agréablement pour le peuple fidèle la monotonie des dimanches, en lui rappelant les amis de Dieu, leurs vertus et leur protection, devaient-ils être pour   jamais renvoyés   à   des jours de férié dans lesquels leur fête s'écoulerait silencieuse et inaperçue ?

 

En outre, pour donner au temps du carême une couleur sombre et conforme, pensait-il, au génie de l'Église primitive, Foinard proposait de retrancher toutes les fêtes des saints qui tombent dans ce temps, même l'Annonciation. Grancolas, moins austère, daignait tolérer l'Annonciation et même saint Joseph, et n'admettait pas non plus l'idée qu'avait eue Foinard, de privilégier aussi contre les fêtes des saints les fériés du temps pascal. Cette dernière idée n'a été admise, que nous sachions, dans aucun bréviaire : mais toutes les autres réductions du culte des saints dont nous venons de parler, sont encore à l'ordre du jour dans la plupart des Eglises de France.

 

Une autre manière de relever la primitive Église dans le nouveau bréviaire, c'est la proposition que fait Foinard d'introduire de nouvelles fêtes de martyrs, divisées suivant les diverses persécutions. Nous allons bientôt voir cette idée en action. Pour achever ce qui a rapport au culte des saints, nous citerons cette phrase naïve de Grancolas :  "On devra abréger l'office des dimanches et  des fériés ; car dès que l'office de la férié ne sera pas  plus long que celui des fêtes, comme il est plus diversifié  et plus affectif que celui des saints, il n'y a personne  qui n'aime mieux le dire que celui des fêtes". Quant aux fêtes des saints, voici ce qu'on en fera. Saint Jean-Baptiste, saint Pierre et saint Paul descendront, comme on l'a déjà vu, au solennel mineur ; les autres apôtres ne seront que doubles, les saints docteurs semi-festifs, les martyrs simples. "Les fêtes des confesseurs,  ajoute notre docteur, n'auraient qu'une seule mémoire  dans l'office férial, et on renverrait leur office, s'ils sont évêques,  dans leurs diocèses ; s'ils sont moines, dans  leur ordre ; et les autres saints et saintes, dans les lieux  où ils se sont sanctifiés ; ne faisant aucune fête d'invention ou de  translation de reliques, que dans les lieux  où l'on croit avoir de ces reliques".

 

Le calendrier sera désormais épuré, comme l'on voit, et puisque le but avoué de Grancolas et de ses complices, est de faire que le clergé préfère l'office de la férié à celui des saints, on ne peut nier qu'il n'ait pris un excellent moyen d'assurer cette préférence, en réduisant à des bornes si étroites cet office des saints. Mais aussi, quel lamentable spectacle que de voir pénétrer dans nos églises des maximes entachées de calvinisme, et si grossièrement opposées à celles du Siège apostolique, qui n'a cessé depuis deux siècles de fortifier le calendrier de l'Église par l'accession de nouveaux protecteurs ! Nous n'avons pas besoin de dire que les idées de Foinard se rapprochent totalement de celles de Grancolas. Il déclare expressément que l'office sera de la même longueur aux fériés et aux fêtes, pour éviter l'ennui, et qu'on devra diminuer  autant que possible le  nombre des fêtes à neuf leçons.

 

Quant aux leçons des saints, nos deux docteurs s'accordent à dire qu'elles ne devront renfermer que des  histoires bien approuvées.

 

Nous verrons bientôt ce qu'on doit entendre par ces paroles.

 

DOM GUÉRANGER INSTITUTIONS LITURGIQUES : CHAPITRE XIX : SUITE DE L'HISTOIRE DE LA LITURGIE, DURANT LA PREMIERE MOITIÉ DU XVIIIe SIÈCLE. — PROJETS DE BREVIAIRE A PRIORI. — GRANCOLAS, FOINARD. — BREVIAIRES DE SENS, AUXERRE, ROUEN, ORLÉANS, LYON, ETC. — BRÉVIAIRE ET MISSEL DE PARIS, DU CARDINAL DE NOAILLES. — BREVIAIRE ET MISSEL DE PARIS, DE L'ARCHEVÊQUE VINTIMILLE. — AUTEURS DE CETTE LITURGIE. VIGIER. MÉSENGUY. COFFIN. — SYSTEME SUIVI DANS LES LIVRES DE VINTIMILLE. — RÉCLAMATIONS DU CLERGÉ. — VIOLENCES DU PARLEMENT DE PARIS. — TRIOMPHE DE LA LITURGIE DE VINTIMILLE.

 

autel des morts

Angoustrine -Villeneuve-des-Escaldes (66), église paroissiale, Autel des morts

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11 janvier 2012 3 11 /01 /janvier /2012 12:30

De toutes les choses qu'on ignore aujourd'hui, l'histoire, même contemporaine, de la Liturgie est peut-être la plus ignorée. C'est un fait dont  nous recueillons de toute part l'ingénue confession.

 

Quelque hardi qu'eût été Le Brun Desmarettes dans la rédaction du Bréviaire d'Orléans, il devait être dépassé de bien loin par ses émules du XVIIIe siècle. Il fut aisé de .juger de la distance qu'on avait franchie en quarante années, depuis la réforme liturgique de M. de Harlay, lorsqu'on vit paraître à Paris, en 1720, un ouvrage portant ce titre : Projet d'un nouveau  bréviaire, dans lequel l'office divin, sans en changer la forme ordinaire, serait particulièrement composé de l'Ecriture sainte, instructif,  édifiant, dans un ordre naturel, sans renvois,  sans répétitions et très court, avec des observations sur les anciens et sur les nouveaux  bréviaires. L'auteur était Frédéric-Maurice Foinard, autrefois curé de Calais, connu d'ailleurs par plusieurs ouvrages, entre autres par une Explication de la Genèse, qui fut supprimée à raison des idées hasardées et singulières qu'elle se trouva contenir.

 

Foinard ne se contenta pas d'exposer sa théorie aux yeux du public ; il prit la peine de joindre l'exemple au précepte, et publia, en 1726, un bréviaire exécuté d'après son plan, où toute la Liturgie des offices divins avait été de nouveau élaborée  et soumise au creuset de son génie particulier. Ne croit-on pas rêver, en lisant le récit d'une pareille témérité ? et peut-on se défendre d'un sentiment de tristesse, quand on pense que beaucoup d'Églises en France, après avoir expulsé les antiques prières, en sont réduites à emprunter dans les divins offices la voix de Foinard en la  place de celle de saint Grégoire ? Car le bréviaire de cet auteur forme, en grande partie, avec celui de Cluny, le magasin où l'on a puisé la plupart des matériaux employés dans la confection des bréviaires du XVIIIe siècle. Ce livre, qui ne trouva d'imprimeur qu'à Amsterdam, était intitulé : Breviarium ecclesiasticum, editi jam prospectus executionem exhibens, in gratiam ecclesiartim in quibus facienda erit breviariorum editio (2 vol. in-8°).

 

L'année suivante, 1727, le docteur Grancolas, dans son Commentaire du Bréviaire romain, dont nous avons parlé ailleurs, donna aussi, dans un chapitre spécial, le Projet d'un nouveau bréviaire. Mais le système liturgique développé dans ce chapitre avait déjà vu le jour en grande partie, en 1714, dans les cinq dernières pages d'un autre ouvrage du même auteur, intitulé : Traité de la Messe et de l'Office divin. Nous allons exposer les principes qui devaient, suivant ces deux personnages, Foinard et Grancolas, prévaloir dans la Liturgie nouvelle ; mais, auparavant, considérons la triste situation du culte catholique, en France, livré ainsi à la merci de quelques docteurs particuliers qui osent, au grand jour, se mettre à la place de la tradition, cet élément souverain, et si indispensable dans les institutions d'une Église de dix-huit siècles.

 

Il fallait, certes, que l'on eût étrangement travaillé les hommes de cette époque, pour leur faire digérer une pareille anomalie. Aujourd'hui, les gens sérieux déplorent, comme le principe de toutes nos perturbations sociales, l'imprudence de ces publicistes du siècle dernier, qui s'imaginèrent être les sauveurs de la société, parce qu'il leur plaisait de formuler, sur le papier, des constitutions à l'usage des nations qui, disait-on, n'en avaient pas. Joseph de Maistre les a flétris pour jamais, ces hommes à priori, et l'Europe, ébranlée jusque dans ses fondements, atteste assez haut leur damnable présomption. Ici, c'est bien autre chose. Voici des hommes qui veulent persuader à l'Église catholique, dans une de ses plus grandes et de ses plus illustres provinces, qu'elle manque d'une Liturgie conforme à ses besoins, qu'elle sait moins les choses de la prière que certains docteurs de Sorbonne, que  sa foi manque d'une expression convenable; car la Liturgie est l'expression de la foi de l'Eglise. Bien plus, ces hommes présomptueux qui ont pesé l'Église, qui ont sondé ses nécessités, ne prononcent pas seulement que sa Liturgie pèche par défaut, ou par excès, dans quelques détails, mais ils la montrent aux peuples comme dépourvue d'un système convenable dans l'ensemble de son culte. Ils se mettent à tracer un nouveau plan des offices, nouveau pour les  matériaux qui doivent entrer dans sa composition, nouveau pour les lignes générales et particulières. Les voici donc à l'œuvre : les livres de saint Pie V, qui  ne sont que ceux de saint Grégoire, ne valent même pas la peine d'être nommés désormais ; ceux de François de Harlay, malgré de graves innovations, sont trop romains encore. Il faut que d'un cerveau particulier éclose un système complet qu'on  fera  imprimer, en faveur des églises (in gratiam ecclesiarum) qui doivent faire une édition du bréviaire !

 

Et ces hommes que cent cinquante ans plus tôt la Sorbonne eût condamnés, comme elle condamna les rédacteurs des Bréviaires de Soissons et d'Orléans, comme elle condamna le cardinal Quignonez lui-même, bien que son œuvre eût momentanément obtenu l'agrément privé de Paul III, révoqué bientôt par saint Pie V ; ces hommes sans caractère, qui ne peuvent être fondés dans leurs prétentions que dans le cas où l'Église serait moins assurée qu'eux-mêmes de la voie où les fidèles doivent marcher, ces hommes ne furent point repoussés ; on les écouta, on leur livra nos sanctuaires. Encore Foinard et Grancolas valaient-ils  mieux  que  plusieurs  de  ceux  qui vinrent après ; mais ils ont la triste gloire d'avoir les premiers intenté procès à l'Église leur mère, d'avoir fait les premiers cette sanglante critique de tous les siècles catholiques, atteints et convaincus désormais d'avoir manqué d'intelligence dans la prière, d'avoir laissé durant tant de siècles les mystères sans expression convenable.

 

Nous ne craignons pas de le dire, lorsque les Églises de France seront revenues à l'unité, à l'universalité, à l'autorité dans les choses de la Liturgie, et Dieu leur fera quelque jour cette grâce ; lorsque cette suspension des anciennes prières catholiques ne sera plus qu'un fait instructif dans l'histoire, on aura peine à se rendre compte des motifs qui purent amener une semblable révolution  au  sein d'une nation chrétienne.  On imaginera  que quelques violentes persécutions enlevèrent alors toute liberté à nos Églises, et qu'elles se séparèrent ainsi des prières du Siège apostolique et de l'antiquité, pour échapper à de plus grands dangers. Mais lorsque, éclairés sur les événements, les fidèles verront qu'aucune coaction ne fut employée pour produire un résultat si étrange, qu'au contraire on vota, de toutes parts, comme par acclamation, la refonte de la Liturgie sur un plan nouveau et tout humain, que cette œuvre fut confiée à des mains hérétiques, alors ils admireront la miséricorde divine envers l'Église de France.

 

Certes, c'était une chose bien lamentable de voir ainsi se rompre la communion des prières catholiques, avec Rome, avec le reste de la chrétienté, avec les siècles de la tradition ; mais ce qui n'était pas moins humiliant, ce qui n'accusait pas moins la triste déviation qui faillit ruiner pour  jamais la foi catholique dans notre patrie, c'est le mesquin presbytérianisme, dont toute l'œuvre des nouvelles Liturgies demeure à jamais entachée. La plupart de ces faiseurs étaient des hérétiques, comme nous l'avons dit, et comme  nous le dirons encore en temps et lieu ; mais de plus, ils étaient de simples prêtres, sans caractère pour enseigner, sans mission pour réformer l'Église, sans troupeau à gouverner en leur nom.

 

Jusqu'ici nous avions vu la Liturgie, soit dans l'Église d'Orient, soit dans l'Église d'Occident, formulée, disposée,  corrigée par les évêques ; saint Léon, saint Gélase, saint Grégoire le Grand, saint Léon II, saint Grégoire VII, Paul IV, dans l'Église de Rome ;saint Ambroise, dans l'Église de Milan ;saint Paulin, dans l'Église de  Nole ; Maximien et Johannicius, dans l'Église de Ravenne ; Théodose,dans l'Église de Syracuse ; saint Paulin, dans celle d'Aquilée ; Voconius, dans l'Église d'Afrique ; saint Hilaire, saint Césaire d'Arles, saint Sidoine Apollinaire, saint Venantius Fortunat, saint Grégoire de Tours, saint Protadius de Besançon, saint Adelhelme de Séez, dans l'Église des Gaules ; saint Léandre, saint Isidore, Conantius, Jean de Saragosse, Eugène II de Tolède, saint Ildefonse, saint Julien de Tolède, dans l'Église gothique d'Espagne ; saint Eusthate d'Antioche, saint Basile, saint Maruthas, saint Cyrille d'Alexandrie, saint Jean Maron, saint André de Crète, Corne de Maïuma, Joseph Studite, George de Nicomédie, etc., dans les Eglises d'Orient. La Liturgie est donc l'œuvre des évêques ; ils l'ont rédigée, fixée en établissant les Églises ; c'est d'eux qu'elle a tout reçu ; c'est par eux qu'elle subsiste. Les diverses réformes de la Liturgie n'ont jamais été autre chose que le rétablissement de l'œuvre  liturgique des évêques dans son ancienne pureté ; de même que la réforme de la discipline n'est que le retour aux constitutions apostoliques, et aux décrets des conciles. On doit se rappeler que le soin donné par Grégoire IX aux Frères Mineurs ne regardait pas la composition de la Liturgie, mais une simple épuration, dans le genre de celle qu'accomplirent les  commissions romaines nommées  par  saint  Pie V, Clément VIII et Urbain VIII ; encore ces dernières renfermaient-elles plusieurs membres revêtus de la pourpre romaine, ou honorés du caractère épiscopal.

 

En France, au contraire, il ne s'agit point de corriger, de mettre dans un meilleur ordre la Liturgie romaine-française, ni de rétablir l'antique et vénérable rite gallican ; il s'agit de donner de fond en comble une Liturgie à une Église qui n'en a pas, et aucun évêque ne couvre de la responsabilité de son travail personnel cette œuvre qui doit remplacer celle de tant d'évêques des premiers siècles, de tant de souverains pontifes. Pour opérer cette grande et inouïe révolution, les évêques français du XVIIIe siècle se constituent sous la dépendance de simples prêtres qui se sont érigés en législateurs de la Liturgie. Les plus justes réclamations sont étouffées, comme on va le voir, et il faut que saint Grégoire disparaisse avec tout l'imposant cortège de ses cantiques séculaires, pour faire place à des prêtres comme Le Tourneux, de Vert, Foinard, Petitpied, Vigier, Robinet, Jacob ; bien plus, à des diacres, comme J.-B. Santeul ; à des acolytes, comme Le Brun Desmarettes et Mésenguy ; à des laïques, comme Coffin et Rondet !

 

Nous n'ignorons pas qu'il serait possible de montrer dans la Liturgie romaine certaines pièces, des hymnes principalement, qui ont eu pour auteurs nonseulement de simples prêtres, mais des laïques même, comme Prudence, Charlemagne, etc. C'est à Elpis, femme de Boèce, que l'Église romaine a emprunté en partie les hymnes de la fête de saint Pierre et de saint Paul. Mais d'abord, à l'Église appartient de choisir avec une souveraine autorité, parmi les œuvres de ses enfants, celles qu'elle juge dignes de servir d'expression à ses propres sentiments dans les divins offices. Ajoutons encore que ces adoptions d'hymnes ont eu rarement lieu du vivant des auteurs, mais souvent plusieurs siècles après leur mort ; que l'esprit de parti et de coterie n'y a été pour rien. Enfin, quand l'Église, pour orner le texte d'un de ses offices, daigne emprunter quelque composition à un de ses enfants, elle ne déroge en rien à l'ensemble de sa Liturgie, qui n'en demeure pas moins invariable dans sa forme traditionnelle.

 

L'Église, on a dû le voir dans tout ce qui a précédé, ne renouvelle donc point sa  Liturgie,  suivant   les siècles. Elle la corrige, elle l'enrichit ; mais le Missel romain est encore aujourd'hui le composé de l'Antiphonaire et du Sacramentaire de saint Grégoire, comme le Bréviaire demeure toujours le Responsorial du même pontife, qui n'avait guère fait autre chose que de mettre en meilleur ordre l'œuvre des papes ses prédécesseurs.

 

Nous avons raconté comment, pour la réforme du bréviaire et du missel par saint Pie V, on tint surtout à ce que les correcteurs de ces livres ne s'écartassent point des anciens bréviaires conservés dans les plus illustres églises de Rome et dans la bibliothèque Vaticane. C'est le témoignage rendu par le pontife, dans les deux bulles de publication ; témoignage dont nous sommes à même de vérifier toute l'exactitude, sur les anciens antiphonaires, responsoriaux et sacramentaires publiés par Pamelius, D. Hugues Ménard, D. Denys de Sainte-Marthe, le B. Tommasi, D. Gerbert, etc. Il en devait être ainsi dans l'Église romaine, dont la vie et la force consistent uniquement dans les traditions.

 

Foinard et Grancolas jugèrent, dans leur sagesse, qu'il en pouvait être autrement dans l'Église de France.

 

DOM GUÉRANGER  INSTITUTIONS LITURGIQUES : CHAPITRE XIX : SUITE   DE   L'HISTOIRE   DE   LA   LITURGIE,   DURANT   LA   PREMIERE MOITIÉ     DU    XVIIIe     SIÈCLE.     —    PROJETS    DE    BREVIAIRE A PRIORI.  —  GRANCOLAS, FOINARD. — BREVIAIRES DE SENS, AUXERRE,   ROUEN,   ORLÉANS,   LYON,    ETC.  —    BRÉVIAIRE   ET MISSEL   DE   PARIS,  DU  CARDINAL  DE NOAILLES.  — BREVIAIRE ET MISSEL DE PARIS, DE L'ARCHEVÊQUE VINTIMILLE. — AUTEURS DE  CETTE LITURGIE. VIGIER.   MÉSENGUY.  COFFIN. — SYSTEME SUIVI DANS LES LIVRES  DE VINTIMILLE. — RÉCLAMATIONS DU CLERGÉ. — VIOLENCES DU PARLEMENT DE PARIS. — TRIOMPHE DE LA LITURGIE DE VINTIMILLE. 

 

Amiens cathédrale Notre-Dame

Cathédrale Notre Dame d'Amiens

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10 janvier 2012 2 10 /01 /janvier /2012 12:30

Pour délasser les lecteurs de la fatigue que ne peut manquer de leur causer ce dégoûtant spectacle, et aussi pour faire voir le triomphe de la lumière sur les ténèbres, de la vérité sur l'erreur, nous ne connaissons rien de plus efficace que la doctrine liturgique de l'archevêque Languet : doctrine pure et orthodoxe dont nous nous déclarons les disciples et les plus humbles champions, remerciant Dieu qui, non seulement voulut que cette grande lumière brillât dans l'Église de France, à cette ère de confusion, mais a daigné permettre que de si beaux enseignements soient parvenus jusqu'à nous, pour nous confirmer dans la lutte que nous avons entrepris de soutenir contre les nouveautés qui ont altéré, en France, la pureté du culte divin.

 

Nous avons raconté, au chapitre précédent, les efforts des jansénistes pour s'emparer ouvertement de la Liturgie ; leurs tendances vers l'emploi de la langue vulgaire dans les offices, vers le dépouillement des autels et les habitudes calvinistes dans le culte. Tant que la cour de France montrait la ferme volonté de soutenir les constitutions apostoliques contre Jansénius et Quesnel, la secte ne pouvait espérer qu'à de rares intervalles et dans des localités très restreintes, ces moments de liberté dans lesquels il lui serait possible de faire, à son aise, l'essai de ses coupables théories. Il ne lui restait donc qu'une seule ressource : celle de ruiner sourdement l'unité liturgique, et de tenter pour la France entière ce qu'elle avait déjà obtenu à Paris, sous François de Harlay. Que si elle parvenait à préparer un corps de Liturgie nationale, ou tout au moins à diviser le redoutable faisceau d'orthodoxie que formaient les cent trente diocèses de l'Eglise de France, elle aurait lieu alors d'espérer avec fondement qu'on ne pourrait plus l'écraser à l'aide de ces formules liturgiques que, dans les grands périls de la foi, l'Église romaine impose aux églises.

 

Déjà elle avait préparé cet isolement par des systèmes perfides sur la constitution de l'Église, sur les prérogatives de notre nation ; elle le consomma en flattant le mauvais goût littéraire du temps, en exagérant les reproches que la critique historique pouvait faire aux anciens livres ; enfin, il faut bien le dire, en faisant ressortir les avantages d'un office moins long à réciter, promettant d'abréger le temps de la prière du prêtre, à cette époque où cependant l'Église était menacée des plus grands maux.

 

On vit donc s'accomplir, au sein de l'Église de France, une révolution sans exemple dans aucun des siècles précédents. Déjà le Bréviaire de François de Harlay, imité lui-même en quelque chose de celui de Henri de Villars, archevêque de Vienne, avait été imité avec plus ou moins de hardiesse dans les églises de Sens, de Narbonne, etc.; mais, dans ces divers diocèses, on se borna d'abord à réformer, suivant les idées modernes, l'ancienne Liturgie, On n'avait pas songé à régénérer le culte entier de l'Église catholique ; l'exemple inouï donné par le Bréviaire de Cluny était jusqu'alors demeuré sans imitateurs. Cependant il était naturel de penser que les envahissements de l'esprit de nouveauté pousseraient bientôt jusque-là, et d'autant plus que toute cette révolution avait été, dès son principe, un produit de l'esprit du jansénisme.

 

Le XVIIe siècle n'avait pas encore achevé son cours, quand parut le premier bréviaire composé sous l'impression des idées nouvelles. Il fut donné en 1693 à l'Eglise d'Orléans, par le cardinal Pierre du Cambout de Coislin.

 

Nous avons entendu Fénelon nous dire que ce prélat "bienfaisant, pieux, digne d'être aimé de tout le monde,  manquait malheureusement de science et laissait toute  l'administration de son diocèse aux seuls docteurs jansénistes, lesquels faisaient l'objet de son admiration". Cette pernicieuse influence fut prédominante dans la rédaction du nouveau bréviaire. Il eut pour auteur Jean-Baptiste Le Brun Desmarettes, fils d'un libraire de Rouen qui fut condamné aux galères pour avoir imprimé des livres en faveur de Port-Royal. Le fils élevé par les solitaires de cette maison, garda toute sa vie un grand attachement pour ses anciens maîtres et pour leur doctrine ; attachement qui l'entraîna dans certaines démarches par suite desquelles il fut renfermé à la Bastille durant cinq ans : encore n'en sortit-il qu'à la condition de signer le formulaire. Il est vrai qu'il rétracta cet acte d'orthodoxie, en 1717, et se porta appelant de la bulle Unigenitus. Etant tombé malade et craignant un refus des sacrements, il se traîna à l'église pour faire ses Pâques, le dimanche des Rameaux 1731, et mourut le lendemain. Il avait pris l'ordre d'acolythe et ne voulut jamais entrer dans les ordres sacrés. Ce fut d'un pareil homme que l'Église d'Orléans consentit à apprendre la manière de célébrer les louanges de Dieu. Il y avait en cela une humilité, sans exemple. Dans tous les cas, c'est un chose bien curieuse, mais non pas unique, comme nous verrons bientôt, que le clergé d'Orléans pût se trouver en même temps obligé par ses devoirs de refuser les sacrements à Le Brun Desmarettes, et d'autre part contraint d'emprunter la voix du même Le Brun Desmarettes pour satisfaire à l'obligation de la prière publique.

 

Le mandement de l'évêque d'Orléans, pour la publication du nouveau bréviaire, était fort significatif dans le sens des nouvelles théories. On y faisait ressortir principalement les grands avantages d'un bréviaire composé des paroles de l'Ecriture  sainte :

" Dans cette   réforme du  bréviaire, y était-il dit, nous nous sommes proposé de  faire choix des choses les plus propres à louer Dieu et  à l'apaiser, en même temps qu'à instruire les clercs de  leurs devoirs. Comme,  rien  ne nous a  semblé plus  capable   d'atteindre ce but que  l'emploi des propres  paroles des divines Écritures (car, dit le saint évêque et  martyr Cyprien, c'est une prière amie et familière que  celle qui s'adresse à Dieu comme venant de lui), nous avons jugé qu'il ne fallait rien admettre dans les antiennes, les versets et les répons qui ne fût extrait des  livres saints, en sorte que  dans toutes ces pièces, ou Dieu nous parle, ou il nous fournit les paroles que nous  lui adressons. Et cette résolution n'a point été chez nous une témérité ; car si, suivant saint Augustin, Dieu non seulement se loue lui-même dans les Écritures ; afin que  les hommes sachent comment il doit être loué, mais encore s'il a préparé dans les mêmes Ecritures des remèdes nombreux propres à guérir toutes les langueurs de notre âme, et  qui doivent être administrés par  notre ministère, quand on fait les divines lectures dans l'église ; quoi de plus digne de Dieu et de plus utile pour nous que de pouvoir emprunter aux livres sacrés, c'est-à-dire à Dieu même, tout ce que notre bouche fait entendre, quand nous chantons les louanges de Dieu ?  Certes,  ces choses ne   déplairont point à Dieu, puisqu'elles ont Dieu même pour auteur ; elles détruiront  l'aveuglement du cœur, elles guériront l'âme, puisque la parole de Dieu guérit toutes choses, ayant été écrite pour illuminer les yeux et convertir les âmes."

 

Il était facile de répondre à ces belles paroles, d'abord, que Luther, Calvin et Quesnel se sont exprimés en des termes analogues sur la suffisance de la Bible : que la constitution Unigenitus, véritable palladium de la foi, au XVIIIe siècle, ne pouvait plus subsister du moment que les évêques affecteraient ainsi l'éloge et l'emploi des Ecritures, sans recommander avec une égale force l'importance de la Tradition, qui est divine comme les Écritures, qui seule constate leur autorité, seule les interprète ; que si les paroles de la Bible, arrangées en formules liturgiques, ne peuvent déplaire à Dieu, auteur de l'Écriture, il n'est pas également évident que Dieu, Auteur de la Tradition, doive voir avec faveur qu'on efface cette Tradition, et, qui plus est, que d'innombrables passages des Écritures choisis et employés depuis tant de siècles, et en tous lieux, dans les divins offices par l'Église, seul juge et interprète de l'Écriture, cèdent la place à d'autres passages choisis aujourd'hui ou hier, pour l'usage de l'Église d'Orléans, par un hérétique ; que le Bréviaire d'Orléans, comme tous les autres, renferme une grande quantité de passages de l'Écriture, mis en antiennes et en répons, et dans lesquels le texte sacré n'exprime ni un discours de Dieu à l'homme, ni une parole de l'homme à Dieu ; que la fameuse parole de saint Cyprien, amica et familiaris oratio est Deum de suo rogare, parole vraie de tout point quand il s'agit de l'Oraison dominicale, au sujet de laquelle il l'a dite, est complètement sans application quand il s'agit de la presque totalité des pièces liturgiques empruntées à l'Écriture par le Bréviaire d'Orléans et les autres ; outre que, Dieu étant l'Auteur de la Tradition aussi bien que de l'Écriture, on peut dire dans un sens que c'est louer Dieu de suo que de lui adresser les prières que l'Église a composées avec son assistance, et que l'usage des siècles a sanctifiées de plus en plus ; enfin que, comme le dit avec une grande vérité l'archevêque Languet, les centons bibliques dont sont garnis les nouveaux bréviaires, "ne peuvent avoir d'autre autorité que celle d'un évêque particulier, homme sujet à erreur, et d'autant plus sujet à erreur qu'il est seul, qu'il introduit des choses nouvelles, qu'il méprise l'antiquité  et l'universalité."

 

Nous aurons à revenir sur tout ceci dans la partie de cet ouvrage où nous traiterons de l'autorité de la Liturgie ; mais notre rôle d'historien dans des matières si négligées depuis longtemps, nous oblige parfois d'introduire dans notre récit une sorte de polémique. Nous le faisons à regret, mais la crainte de n'être pas suffisamment compris nous contraint d'effleurer ainsi la partie doctrinale de cet ouvrage, avant d'être arrivé à la discussion polémique.

 

Le lecteur voudra bien excuser ces anticipations que nous ne nous permettons que dans l'intérêt de plusieurs. De toutes les choses qu'on ignore aujourd'hui, l'histoire même contemporaine de la Liturgie est peut-être la plus ignorée.

 

C'est un fait dont  nous recueillons de toute part l'ingénue confession.

 

DOM GUÉRANGER  INSTITUTIONS LITURGIQUES : CHAPITRE XIX : SUITE   DE   L'HISTOIRE   DE   LA   LITURGIE,   DURANT   LA   PREMIERE MOITIÉ     DU    XVIIIe     SIÈCLE.     —    PROJETS    DE    BREVIAIRE A PRIORI.  —  GRANCOLAS, FOINARD. — BREVIAIRES DE SENS, AUXERRE,   ROUEN,   ORLÉANS,   LYON,    ETC.  —    BRÉVIAIRE   ET MISSEL   DE   PARIS,  DU  CARDINAL  DE NOAILLES.  — BREVIAIRE ET MISSEL DE PARIS, DE L'ARCHEVÊQUE VINTIMILLE. — AUTEURS DE  CETTE LITURGIE. VIGIER.   MÉSENGUY.  COFFIN. — SYSTEME SUIVI DANS LES LIVRES  DE VINTIMILLE. — RÉCLAMATIONS DU CLERGÉ. — VIOLENCES DU PARLEMENT DE PARIS. — TRIOMPHE DE LA LITURGIE DE VINTIMILLE.

 

Funeral Monument to Languet de Gergy

Tombeau de Languet de Gergy, 1753, Saint-Sulpice, Paris

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