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"Je vous donne un commandement nouveau : c'est de vous aimer les uns les autres.

 

Comme je vous ai aimés, vous aussi aimez-vous les uns les autres.

 

Ce qui montrera à tous les hommes que vous êtes mes disciples, c'est l'amour que vous aurez les uns pour les autres."

 

Evangile de Jésus-Christ selon  saint Jean 

   

 

Pentecôte

" Le Défenseur, l'Esprit Saint que le Père enverra en mon nom, lui, vous enseignera tout, et il vous fera souvenir de tout ce que je vous ai dit."

 

Évangile de Jésus Christ selon saint Jean  

 

   

 

 El Papa es argentino. Jorge Bergoglio                 

Saint Père François

 

 

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1er mai 2011 Béatification de Jean-Paul II

Béatification du Serviteur de Dieu Jean-Paul II

 

 

  Béatification du Père Popieluszko

beatification Mass, in Warsaw, Poland

à Varsovie, 6 juin 2010, Dimanche du Corps et du Sang du Christ

 

 

presidential palace in Warsaw

Varsovie 2010

 

 

Basilique du Sacré-Cœur de Montmartre
Sanctuaire de l'Adoration Eucharistique et de la Miséricorde Divine

La miséricorde de Dieu est comme un torrent débordé. Elle entraîne les cœurs sur son passage.
(Saint Curé d'Ars)
 

 


Le côté du Christ a été transpercé et tout le mystère de Dieu sort de là. C’est tout le mystère de Dieu qui aime, qui se livre jusqu’au bout, qui se donne jusqu’au bout. C’est le don le plus absolu qui soit. Le don du mystère trinitaire est le cœur ouvert. Ce n’est pas une image, c’est une réalité. C’est la réalité la plus profonde qui soit, la réalité de l’amour.
Père Marie-Joseph Le Guillou




Dans le cœur transpercé
de Jésus sont unis
le Royaume du Ciel
et la terre d'ici-bas
la source de la vie
pour nous se trouve là.

Ce cœur est cœur divin
Cœur de la Trinité
centre de convergence
de tous les cœur humains
il nous donne la vie
de la Divinité.


Sainte Thérèse Bénédicte de la Croix
(Edith Stein)



Le Sacré-Cœur représente toutes les puissances d'aimer, divines et humaines, qui sont en Notre-Seigneur.
Père Marie-Eugène de l'Enfant Jésus

 



feuille d'annonces de la Basilique du Sacré-Coeur de Montmartre

 

 

 

 

 

 

 

     

The Cambrai Madonna

Notre Dame de Grâce

Cathédrale de Cambrai

 

 

 

Cathédrale Notre Dame de Paris 

   

Ordinations du samedi 27 juin 2009 à Notre Dame de Paris


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Solennité de l’Immaculée Conception de la Vierge Marie à Notre-Dame de Paris


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... ma vocation, enfin je l’ai trouvée, ma vocation, c’est l’Amour !

 

 

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SAINT PIERRE ET SAINT ANDRÉ

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BENOÎT XVI à CHYPRE 

 

Benedict XVI and Cypriot Archbishop Chrysostomos, Church of 

Salutation avec l'Archevêque Chrysostomos à l'église d' Agia Kyriaki Chrysopolitissa de Paphos, le vendredi 4 juin 2010

 

     

 

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SALVE REGINA

2 août 2012 4 02 /08 /août /2012 11:30

Après la description de la voie Douloureuse et de l’église du Saint-Sépulcre, je ne dirai qu’un mot des autres lieux de dévotion que l’on trouve dans l’enceinte de la ville.

 

Je me contenterai de les nommer dans l’ordre où je les ai parcourus pendant mon séjour à Jérusalem.


1. La maison d’Anne le pontife, près de la porte de David, au pied du mont Sion, en dedans du mur de la ville : les Arméniens possèdent l’église bâtie sur les ruines de cette maison ;

 

2. Le lieu de l’apparition du Sauveur à Marie-Madeleine, Marie mère de Jacques, et Marie Salomé, entre le château et la porte du mont Sion ;


3. La maison de Simon le pharisien : Madeleine y confessa ses erreurs ; c’est une église totalement ruinée, à l’orient de la ville ;


4. Le monastère de sainte Anne, mère de la sainte Vierge, et la grotte de la Conception immaculée, sous l’église du monastère : ce monastère est converti en mosquée, mais on y entre pour quelques médins. Sous les rois chrétiens, il était habité par des religieuses. Il n’est pas loin de la maison de Simon ;


5. La prison de saint Pierre, près du Calvaire ; ce sont de vieilles murailles, où l’on montre des crampons de fer ;


6. La maison de Zébédée, assez près de la prison de saint Pierre, grande église qui appartient au patriarche grec ;


7. La maison de Marie, mère de Jean-Marc, où saint Pierre se retira lorsqu’il eut été délivré par l’ange : c’est une église desservie par les Syriens ;


8.Le lieu du martyre de saint Jacques le Majeur : c’est le couvent des Arméniens ; l’église en est fort riche et fort élégante. Je parlerai bientôt du patriarche arménien.
 
Le lecteur a maintenant sous les yeux le tableau complet des monuments chrétiens dans Jérusalem.

 

Nous allons à présent visiter les dehors de la ville sainte.

 

Chateaubriand, Itinéraire de Paris à Jérusalem, Quatrième partie : Voyage de Jérusalem

 

Entrance to the Armenian Convent, 1898

Le Couvent Arménien, Jérusalem, 1898

 

Church of St. James. Int[erior] Armenian Convent

Eglise Saint Jacques du Couvent Arménien, Jérusalem, 1934

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1 août 2012 3 01 /08 /août /2012 11:30

Je retournai au couvent à onze heures et j’en sortis de nouveau à midi pour suivre la voie Douloureuse : on appelle ainsi le chemin que parcourut le Sauveur du monde en se rendant de la maison de Pilate au Calvaire.
 
La maison de Pilate est une ruine d’où l’on découvre le vaste emplacement du temple de Salomon et la mosquée bâtie sur cet emplacement.
 
Jésus-Christ ayant été battu de verges, couronné d’épines et revêtu d’une casaque de pourpre, fut présenté aux Juifs par Pilate : Ecce Homo, s’écria le juge ; et l’on voit encore la fenêtre d’où il prononça ces paroles mémorables.
 
Selon la tradition latine à Jérusalem, la couronne de Jésus-Christ fut prise sur l’arbre épineux, lycium spinosum. Mais le savant botaniste Hasselquist croit qu’on employa pour cette couronne le nabka des Arabes. La raison qu’il en donne mérite d’être rapportée :  
" Il y a toute apparence, dit l’auteur, que le nabka fournit la couronne que l’on mit sur la tête de Notre-Seigneur : il est commun dans l’Orient. On ne pouvait choisir une plante plus propre à cet usage, car elle est armée de piquants ; ses branches sont souples et pliantes, et sa feuille est d’un vert foncé comme celle du lierre. Peut-être les ennemis de Jésus-Christ choisirent-ils, pour ajouter l’insulte au châtiment, une plante approchant de celle dont on se servait pour couronner les empereurs et les généraux d’armée."
 
Une autre tradition conserve à Jérusalem la sentence prononcée par Pilate contre le Sauveur du monde :
Jesum Nazarenum, subversorem gentis, contemptorem Caesaris, et falsum Messiam, ut majorum suae gentis testimonio probatum est, ducite ad communis supplicii locum, et eum in ludibriis regiae majestatis in medio duorum latronum cruci affigite. I, lictor, expedi cruces.


A cent vingt pas de l’arc de l’Ecce Homo, on me montra, à gauche, les ruines d’une église consacrée autrefois à Notre-Dame-des-Douleurs. Ce fut dans cet endroit que Marie, chassée d’abord par les gardes, rencontra son Fils chargé de la croix. Ce fait n’est point rapporté dans les Evangiles, mais il est cru généralement sur l’autorité de saint Boniface et de saint Anselme. Saint Boniface dit que la Vierge tomba comme demi-morte et qu’elle ne put prononcer un seul mot : Nec verbum dicere potuit. Saint Anselme assure que le Christ la salua par ces mots : Salve, Mater  ! Comme on retrouve Marie au pied de la croix ce récit des Pères n’a rien que de très probable ; la foi ne s’oppose point à ces traditions : elles montrent à quel point la merveilleuse histoire de la Passion s’est gravée dans la mémoire des hommes. Dix-huit siècles écoulés, des persécutions sans fin, des révolutions éternelles, des ruines toujours croissantes, n’ont pu effacer ou cacher la trace d’une mère qui vint pleurer sur son fils.
 
Cinquante pas plus loin nous trouvâmes l’endroit où Simon le Cyrénéen aida Jésus-Christ à porter sa croix.
" Comme ils le menaient à la mort, ils prirent un homme de Cyrène, appelé Simon, qui revenait des champs, et le chargèrent de la croix, la lui faisant porter après Jésus."


Ici le chemin qui se dirigeait est et ouest fait un coude et tourne au nord ; je vis à main droite le lieu où se tenait Lazare le pauvre, et en face, de l’autre côté de la rue, la maison du mauvais riche.
" Il y avait un homme riche qui était vêtu de pourpre et de lin, et qui se traitait magnifiquement tous les jours. Il y avait aussi un pauvre appelé Lazare, tout couvert d’ulcères, couché à sa porte, qui eût bien voulu se rassasier des miettes qui tombaient de la table du riche ; mais personne ne lui en donnait, et les chiens venaient lui lécher ses plaies. Or, il arriva que le pauvre mourut et fut emporté par les anges dans le sein d’Abraham. Le riche mourut aussi, et eut l’enfer pour sépulcre."


Saint Chrysostome, saint Ambroise et saint Cyrille ont cru que l’histoire du Lazare et du mauvais riche n’était point une simple parabole, mais un fait réel et connu. Les Juifs mêmes nous ont conservé le nom du mauvais riche, qu’ils appellent Nabal.
 
Après avoir passé la maison du mauvais riche, on tourne à droite, et l’on reprend la direction du couchant. A l’entrée de cette rue qui monte au Calvaire, le Christ rencontra les saintes femmes, qui pleuraient.
" Or, il était suivi d’une grande multitude de peuple et de femmes, qui se frappaient la poitrine et qui le pleuraient. Mais Jésus se tournant vers elles leur dit : Filles de Jérusalem, ne pleurez pas sur moi, mais pleurez sur vous-mêmes et sur vos enfants."


A cent dix pas de là on montre l’emplacement de la maison de Véronique, et le lieu où cette pieuse femme essuya le visage du Sauveur. Le premier nom de cette femme était Bérénice ; il fut changé dans la suite en celui de Vera-Icon, vraie image, par la transposition de deux lettres ; en outre, la transmutation du b en v est très fréquente dans les langues anciennes.
 
Après avoir fait une centaine de pas on trouve la porte Judiciaire : c’était la porte par où sortaient les criminels qu’on exécutait sur le Golgotha. Le Golgotha, aujourd’hui renfermé dans la nouvelle cité, était hors de l’enceinte de l’ancienne Jérusalem.
 
De la porte Judiciaire au haut du Calvaire on compte à peu près deux cents pas : là se termine la voie Douloureuse, qui peut avoir en tout un mille de longueur. Nous avons vu que le Calvaire est maintenant compris dans l’église du Saint-Sépulcre. Si ceux qui lisent la Passion dans l’Evangile sont frappés d’une sainte tristesse et d’une admiration profonde, qu’est-ce donc que d’en suivre les scènes au pied de la montagne de Sion, à la vue du Temple et dans les murs mêmes de Jérusalem !
 
Après la description de la voie Douloureuse et de l’église du Saint-Sépulcre, je ne dirai qu’un mot des autres lieux de dévotion que l’on trouve dans l’enceinte de la ville.

 

Chateaubriand, Itinéraire de Paris à Jérusalem, Quatrième partie : Voyage de Jérusalem 

 

Arc de l'Ecce Homo

Arc de l'Ecce Homo, Jérusalem, 1856, calotype d'Auguste Salzmann

" A cent vingt pas de l’arc de l’Ecce Homo, on me montra, à gauche, les ruines d’une église consacrée autrefois à Notre-Dame-des-Douleurs. Ce fut dans cet endroit que Marie, chassée d’abord par les gardes, rencontra son Fils chargé de la croix."

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31 juillet 2012 2 31 /07 /juillet /2012 11:30

Les lecteurs chrétiens demanderont peut-être à présent quels furent les sentiments que j’éprouvai en entrant dans ce lieu redoutable.

 

Je ne puis réellement le dire. Tant de choses se présentaient à la fois à mon esprit, que je ne m’arrêtais à aucune idée particulière. Je restai près d’une demi-heure à genoux dans la petite chambre du Saint-Sépulcre, les regards attachés sur la pierre sans pouvoir les en arracher. L’un des deux religieux qui me conduisaient demeurait prosterné auprès de moi, le front sur le marbre ; l’autre, l’Evangile à la main, me lisait à la lueur des lampes les passages relatifs au saint tombeau. Entre chaque verset il récitait une prière : Domine Jesu Christe, qui in hora diei vespertina de cruce depositus, in brachiis dulcissimae Matris tuae reclinatus fuisti, horaque ultima in hoc sanctissimo monumento corpus tuum exanime contulisti, etc. Tout ce que je puis assurer, c’est qu’à la vue de ce sépulcre triomphant je ne sentis que ma faiblesse ; et quand mon guide s’écria avec saint Paul : Ubi est, Mors, victoria tua ? Ubi est, Mors, stimulus tuus  ? je prêtai l’oreille, comme si la Mort allait répondre qu’elle était vaincue et enchaînée dans ce monument.
 
Nous parcourûmes les stations jusqu’au sommet du Calvaire. Où trouver dans l’antiquité rien d’aussi touchant, rien d’aussi merveilleux que les dernières scènes de l’Evangile ? Ce ne sont point ici les aventures bizarres d’une divinité étrangère à l’humanité : c’est l’histoire la plus pathétique, histoire qui non seulement fait couler des larmes par sa beauté, mais dont les conséquences, appliquées à l’univers, ont changé la face de la terre. Je venais de visiter les monuments de la Grèce, et j’étais encore tout rempli de leur grandeur ; mais qu’ils avaient été loin de m’inspirer ce que j’éprouvais à la vue des lieux saints !
 
L’église du Saint-Sépulcre, composée de plusieurs églises, bâtie sur un terrain inégal, éclairée par une multitude de lampes, est singulièrement mystérieuse ; il y règne une obscurité favorable à la piété et au recueillement de l’âme. Des prêtres chrétiens des différentes sectes habitent les différentes parties de l’édifice. Du haut des arcades, où ils se sont nichés comme des colombes, du fond des chapelles et des souterrains, ils font entendre leurs cantiques à toutes les heures du jour et de la nuit ; l’orgue du religieux latin, les cymbales du prêtre abyssin, la voix du caloyer grec, la prière du solitaire arménien, l’espèce de plainte du moine cophte, frappent tour à tour ou tout à la fois votre oreille ; vous ne savez d’où partent ces concerts ; vous respirez l’odeur de l’encens sans apercevoir la main qui le brûle : seulement vous voyez passer, s’enfoncer derrière des colonnes, se perdre dans l’ombre du temple, le pontife qui va célébrer les plus redoutables mystères aux lieux mêmes où ils se sont accomplis.
 
Je ne sortis point de l’enceinte sacrée sans m’arrêter aux monuments de Godefroy et de Baudouin : ils font face à la porte de l’église et sont appuyés contre le mur du chœur. Je saluai les cendres de ces rois chevaliers qui méritèrent de reposer près du grand sépulcre qu’ils avaient délivré. Ces cendres sont des cendres françaises et les seules qui soient ensevelies à l’ombre du tombeau de Jésus-Christ. Quel titre d’honneur pour ma patrie !


Je retournai au couvent à onze heures et j’en sortis de nouveau à midi pour suivre la voie Douloureuse : on appelle ainsi le chemin que parcourut le Sauveur du monde en se rendant de la maison de Pilate au Calvaire.

 

Chateaubriand, Itinéraire de Paris à Jérusalem, Quatrième partie : Voyage de Jérusalem

 

Tombeau de Godefroy de Bouillon

Tombeau de Godefroy de Bouillon au Saint Sépulcre (aujourd'hui disparu)  

" Je ne sortis point de l’enceinte sacrée sans m’arrêter aux monuments de Godefroy et de Baudouin : ils font face à la porte de l’église et sont appuyés contre le mur du chœur."

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30 juillet 2012 1 30 /07 /juillet /2012 11:30

Deshayes ayant ainsi décrit par ordre les stations de tant de lieux vénérables, il ne me reste à présent qu’à montrer l’ensemble de ces lieux aux lecteurs.

 

On voit d’abord que l’église du Saint-Sépulcre se compose de trois églises : celle du Saint-Sépulcre, celle du Calvaire et celle de l’Invention de la sainte Croix.
 
L’église proprement dite du Saint-Sépulcre est bâtie dans la vallée du mont Calvaire, et sur le terrain où l’on sait que Jésus-Christ fut enseveli. Cette église forme une croix ; la chapelle même du Saint-Sépulcre n’est en effet que la grande nef de l’édifice : elle est circulaire comme le Panthéon à Rome, et ne reçoit le jour que par un dôme au-dessous duquel se trouve le Saint-Sépulcre. Seize colonnes de marbre ornent le pourtour de cette rotonde ; elles soutiennent, en décrivant dix-sept arcades, une galerie supérieure, également composée de seize colonnes et de dix-sept arcades, plus petites que les colonnes et les arcades qui les portent. Des niches correspondantes aux arcades s’élèvent au-dessus de la frise de la dernière galerie, et le dôme prend sa naissance sur l’arc de ces niches. Celles-ci étaient autrefois décorées de mosaïques représentant les douze apôtres, sainte Hélène, l’empereur Constantin et trois autres portraits inconnus.
 
Le chœur de l’église du Saint-Sépulcre est à l’orient de la nef du tombeau : il est double, comme dans les anciennes basiliques, c’est-à-dire qu’il a d’abord une enceinte avec des stalles pour les prêtres, ensuite un sanctuaire reculé et élevé de deux degrés au-dessus du premier. Autour de ce double sanctuaire règnent les ailes du chœur, et dans ces ailes sont placées les chapelles décrites par Deshayes.
 
C’est aussi dans l’aile droite, derrière le chœur, que s’ouvrent les deux escaliers qui conduisent, l’un à l’église du Calvaire, l’autre à l’église de l’Invention de la sainte Croix : le premier monte à la cime du Calvaire ; le second descend sous le Calvaire même ; en effet, la croix fut élevée sur le sommet du Golgotha et retrouvée sous cette montagne. Ainsi, pour nous résumer, l’église du Saint-Sépulcre est bâtie au pied du Calvaire : elle touche par sa partie orientale à ce monticule sous lequel et sur lequel on a bâti deux autres églises, qui tiennent par des murailles et des escaliers voûtés au principal monument.
 
L’architecture de l’église est évidemment du siècle de Constantin : l’ordre corinthien domine partout. Les piliers sont lourds ou maigres, et leur diamètre est presque toujours sans proportion avec leur hauteur. Quelques colonnes accouplées qui portent la frise du chœur sont toutefois d’un assez bon style. L’église étant haute et développée, les corniches se profilent à l’œil avec assez de grandeur ; mais comme depuis environ soixante ans on a surbaissé l’arcade qui sépare le chœur de la nef, le rayon horizontal est brisé, et l’on ne jouit plus de l’ensemble de la voûte.
 
L’église n’a point de péristyle on entre par deux portes latérales ; il n’y en a plus qu’une découverte. Ainsi le monument ne paraît pas avoir eu de décorations extérieures. Il est masqué d’ailleurs par les masures et par les couvents grecs qui sont accolés aux murailles.
 
Le petit monument de marbre qui couvre le Saint Sépulcre a la forme d’un catafalque orné d’arceaux demi-gothiques engagés dans les côtés-pleins de ce catafalque il s’élève élégamment sous le dôme qui l’éclaire, mais il est gâté par une chapelle massive que les Arméniens ont obtenu la permission de bâtir à l’une de ses extrémités. L’intérieur du catafalque offre un tombeau de marbre blanc tort simple, appuyé d’un côté au mur du monument, et servant d’autel aux religieux catholiques : c’est le tombeau de Jésus-Christ.
 
L’origine de l’église du Saint-Sépulcre est d’une haute antiquité. L’auteur de l’Epitome des guerres sacrées ( Epitome Bellorum sacrorum) prétend que, quarante-six ans après la destruction de Jérusalem par Vespasien et Titus, les chrétiens obtinrent d’Adrien la permission de bâtir ou plutôt de rebâtir un temple sur le tombeau de leur Dieu et d’enfermer dans la nouvelle cité les autres lieux révérés des chrétiens. Il ajoute que ce temple fut agrandi et réparé par Hélène, mère de Constantin. Quaresmius combat cette opinion, "parce que, dit-il, les fidèles jusqu’au règne de Constantin n’eurent pas la permission d’élever de pareils temples". Le savant religieux oublie qu’avant la persécution de Dioclétien les chrétiens possédaient de nombreuses églises et célébraient publiquement leurs mystères. Lactance et Eusèbe vantent à cette époque la richesse et le bonheur des fidèles.
 
D’autres auteurs dignes de foi, Sozomène dans le second livre de son Histoire, saint Jérôme dans ses Epîtres à Paulin et à Ruffin, Sévère, livre II, Nicéphore, livre XVIII, et Eusèbe dans la Vie de Constantin, nous apprennent que les païens entourèrent d’un mur les saints lieux ; qu’ils élevèrent sur le tombeau de Jésus-Christ une statue à Jupiter et une autre statue à Vénus sur le Calvaire ; qu’ils consacrèrent un bois à Adonis sur le berceau du Sauveur. Ces témoignages démontrent également l’antiquité du vrai culte à Jérusalem par la profanation même des lieux sacrés, et prouvent que les chrétiens avaient des sanctuaires dans ces lieux.
 
Quoi qu’il en soit, la fondation de l’église du Saint-Sépulcre remonte au moins au règne de Constantin, il nous reste une lettre de ce prince, qui ordonne à Macaire, évêque de Jérusalem, d’élever une église sur le lieu où s’accomplit le grand mystère du salut. Eusèbe nous a conservé cette lettre. L’évêque de Césarée fait ensuite la description de l’église nouvelle, dont la dédicace dura huit jours. Si le récit d’Eusèbe avait besoin d’être appuyé par des témoignages étrangers, on aurait ceux de Cyrille, évêque de Jérusalem ( Catéch., 1-10-13), de Théodoret, et même de l’Itinéraire de Bordeaux à Jérusalem, en 333 : Ibidem, jussu Constantini imperatoris, basilica facta est mirae pulchritudinis.
 
Cette église fut ravagée par Cosroès II, roi de Perse, environ trois siècles après qu’elle eut été bâtie par Constantin. Héraclius reconquit la vraie croix, et Modeste, évêque de Jérusalem, rétablit l’église du Saint-Sépulcre. Quelque temps après, le calife Omar s’empara de Jérusalem, mais il laissa aux chrétiens le libre exercice de leur culte. Vers l’an 1009, Hequem ou Hakem, qui régnait en Égypte, porta la désolation au tombeau de Jésus-Christ. Les uns veulent que la mère de ce prince, qui était chrétienne, ait fait encore relever les murs de l’église abattue ; les autres disent que le fils du calife d’Égypte, à la sollicitation de l’empereur Argyropile, permit aux fidèles d’enfermer les saints lieux dans un monument nouveau. Mais comme à l’époque du règne de Hakem les chrétiens de Jérusalem n’étaient ni assez riches ni assez habiles pour bâtir l’édifice qui couvre aujourd’hui le Calvaire ; on prétend que Marie, femme de Hakem et mère du nouveau calife, en fit les frais, et qu’elle fut aidée dans cette pieuse entreprise par Constantin Monomaque ; comme, malgré un passage très suspect de Guillaume de Tyr, rien n’indique que les croisés aient fait construire à Jérusalem une église du Saint-Sépulcre, il est probable que l’église fondée par Constantin a toujours subsisté telle qu’elle est, du moins quant aux murailles du bâtiment. La seule inspection de l’architecture de ce bâtiment suffirait pour démontrer la vérité de ce que j’avance.
 
Les croisés s’étant emparés de Jérusalem, le 15 juillet 1099, arrachèrent le tombeau de Jésus-Christ des mains des infidèles. Il demeura quatre-vingt-huit ans sous la puissance des successeurs de Godefroy de Bouillon. Lorsque Jérusalem retomba sous le joug musulman, les Syriens rachetèrent à prix d’or l’église du Saint-Sépulcre, et des moines vinrent défendre avec leurs prières des lieux inutilement confiés aux armes des rois : c’est ainsi qu’à travers mille révolutions la foi des premiers chrétiens nous avait conservé un temple qu’il était donné à notre siècle de voir périr.
 
Les premiers voyageurs étaient bien heureux ; ils n’étaient point obligés d’entrer dans toutes ces critiques : premièrement, parce qu’ils trouvaient dans leurs lecteurs la religion qui ne dispute jamais avec la vérité ; secondement, parce que tout le monde était persuadé que le seul moyen de voir un pays tel qu’il est, c’est de le voir avec ses traditions et ses souvenirs. C’est en effet la Bible et l’Evangile à la main que l’on doit parcourir la Terre Sainte. Si l’on veut y porter un esprit de contention et de chicane, la Judée ne vaut pas la peine qu’on l’aille chercher si loin. Que dirait-on d’un homme qui, parcourant la Grèce et l’Italie, ne s’occuperait qu’à contredire Homère et Virgile ? Voilà pourtant comme on voyage aujourd’hui : effet sensible de notre amour-propre, qui veut nous faire passer pour habiles en nous rendant dédaigneux.
 
Les lecteurs chrétiens demanderont peut-être à présent quels furent les sentiments que j’éprouvai en entrant dans ce lieu redoutable.

 

Chateaubriand, Itinéraire de Paris à Jérusalem, Quatrième partie : Voyage de Jérusalem

 

Tombeau du Christ au Saint Sépulcre, 1890

Tombeau du Christ au Saint Sépulcre, 1890 

" L’intérieur du catafalque offre un tombeau de marbre blanc tort simple, appuyé d’un côté au mur du monument, et servant d’autel aux religieux catholiques : c’est le tombeau de Jésus-Christ."

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29 juillet 2012 7 29 /07 /juillet /2012 11:30

Nous rentrâmes au couvent. Mille bruits fâcheux s’étaient déjà répandus sur notre compte : on disait que nous avions été tués par les Arabes ou par lagca ; on me blâmait d’avoir entrepris ce voyage avec une escorte aussi faible ; chose qu’on rejetait sur le caractère imprudent des Français. Les événements qui suivirent prouvèrent pourtant que si je n’avais pas pris ce parti et mis à profit les premières heures de mon arrivée à Jérusalem, je n’aurais jamais pu pénétrer jusqu’au Jourdain.

Chateaubriand, Itinéraire de Paris à Jérusalem, fin de la troisième partie : Voyage de Rhodes, de Jaffa, de Bethléem et de la mer Morte

 

Quatrième partie : Voyage de Jérusalem

 

Je m’occupai pendant quelques heures à crayonner des notes sur les lieux que je venais de voir ; manière de vivre que je suivis tout le temps que je demeurai à Jérusalem, courant le jour et écrivant la nuit. Le Père procureur entra chez moi le 7 octobre de très grand matin ; il m’apprit la suite des démêlés du pacha et du Père gardien.
 
Nous convînmes de ce que nous avions à faire. On envoya mes firmans à Abdallah. Il s’emporta, cria, menaça, et finit cependant par exiger des religieux une somme un peu moins considérable Je regrette bien de ne pouvoir donner la copie d’une lettre écrite par le Père Bonaventure de Nola à M. le général Sebastiani ; je tiens cette copie du Père Bonaventure lui-même. On y verrait, avec l’histoire du pacha, des choses aussi honorables pour la France que pour M. le général Sebastiani. Mais je ne pourrais publier cette lettre sans la permission de celui à qui elle est écrite, et malheureusement l’absence du général m’ôte tout moyen d’obtenir cette permission.
 
Il fallait tout le désir que j’avais d’être utile aux Pères de Terre Sainte pour m’occuper d’autre chose que de visiter le Saint-Sépulcre. Je sortis du couvent le même jour, à neuf heures du matin, accompagné de deux religieux, d’un drogman, de mon domestique et d’un janissaire. Je me rendis à pied à l’église qui renferme le tombeau de Jésus-Christ.
 
Tous les voyageurs ont décrit cette église, la plus vénérable de la terre, soit que l’on pense en philosophe ou en chrétien. Ici j’éprouve un véritable embarras. Dois-je offrir la peinture exacte des lieux saints ? Mais alors je ne puis que répéter ce qu’on a dit avant moi : jamais sujet ne fut peut-être moins connu des lecteurs modernes, et jamais sujet ne fut plus complètement épuisé. Dois-je omettre le tableau de ces lieux sacrés ? Mais ne sera-ce pas enlever la partie la plus essentielle de mon voyage et en faire disparaître ce qui en est et la fin et le but ? Après avoir balancé longtemps, je me suis déterminé à décrire les principales stations de Jérusalem, par les considérations suivantes :
 1.Personne ne lit aujourd’hui les anciens pèlerinages à Jérusalem ; et ce qui est très usé paraîtra vraisemblablement tout neuf à la plupart des lecteurs ;
 2.L’église du Saint-Sépulcre n’existe plus ; elle a été incendiée de fond en comble depuis mon retour de Judée ; je suis, pour ainsi dire, le dernier voyageur qui l’ait vue, et j’en serai par cette raison même le dernier historien.
 
Mais comme je n’ai point la prétention de refaire un tableau déjà très bien fait, je profiterai des travaux de mes devanciers, prenant soin seulement de les éclaircir par des observations.
 
Parmi ces travaux, j’aurais choisi de préférence ceux des voyageurs protestants, à cause de l’esprit du siècle : nous sommes toujours prêts à rejeter aujourd’hui ce que nous croyons sortir d’une source trop religieuse. Malheureusement je n’ai rien trouvé de satisfaisant sur le Saint-Sépulcre dans Pococke, Shaw, Maundrell, Hasselquist et quelques autres.
 
Les savants et les voyageurs qui ont écrit en latin touchant les antiquités de Jérusalem, tels que Adamannus, Bède, Brocard, Willibaldus, Breydenbach, Sanut, Ludolphe, Reland, son ouvrage, Palestina ex monumentis veteribus illustrata, est un miracle d’érudition ; Andrichomius, Quaresmius, Baumgarten, Fureri, Bochart, Arias Montaous, Reuwich, Hese, Cotovic, sa description du Saint-Sépulcre va jusqu’à donner en entier les hymnes que les pèlerins chantaient à chaque station, m’obligeraient à des traductions qui, en dernier résultat, n’apprendraient rien de nouveau au lecteur ; il y a aussi une description de Jérusalem en arménien, et une autre en grec moderne : j’ai vu la dernière. Les descriptions très anciennes, comme celles de Sanut, de Ludolphe, de Brocard, de Breydenbach, de Willibaldus ou Guillebaud, d’Adamannus ou plutôt d’Arculfe et du vénérable Bède, sont curieuses, parce qu’en les lisant on peut juger des changements survenus depuis à l’église du Saint-Sépulcre, mais elles seraient inutiles quant au monument moderne.

 

Je m’en suis donc tenu aux voyageurs français - De Vera, en espagnol, est très concis, et pourtant très clair. Zuallardo, en italien, est confus et vague ; Pierre de La Vallée est charmant, à cause de la grâce particulière de son style et de ses singulières aventures, mais il ne fait point autorité- et parmi ces derniers j’ai préféré la description du Saint-Sépulcre par Deshayes ; voici pourquoi : 


Belon (1550), assez célèbre d’ailleurs comme naturaliste, dit à peine un mot du Saint-Sépulcre : son style en outre a trop vieilli. D’autres auteurs, plus anciens encore que lui, ou ses contemporains, tels que Cachernois (1490), Regnault (1522), Salignac (1522), le Huen (1525), Gassot (1536), Renaud (1548), Postel (1553), Giraudet (1575), se servent également d’une langue trop éloignée de celle que nous parlons ; quelques-uns de ces auteurs ont écrit en latin, mais on a d’anciennes versions françaises de leurs ouvrages.
 
Villamont (1588) se noie dans les détails, et il n’a ni méthode ni critique. Le Père Boucher (1610) est si pieusement exagéré, qu’il est impossible de le citer. Bernard (1616) écrit avec assez de sagesse, quoiqu’il n’eût que vingt ans à l’époque de son voyage ; mais il est diffus, plat et obscur. Le Père Pacifique (1622) est vulgaire, et sa narration est trop abrégée Monconys (1647) ne s’occupe que de recettes de médecine. Doubdan (1651) est clair, savant, très digne d’être consulté, mais long et sujet à s’appesantir sur les petites choses. Le frère Roger (1653), attaché pendant cinq années au service des lieux saints, a de la science, de la critique, un style vif et animé : sa description du Saint-Sépulcre est trop longue ; c’est ce qui me l’a fait exclure. Thévenot (1656), un de nos voyageurs les plus connus, a parfaitement parlé de l’église de Saint-Sauveur, et j’engage les lecteurs à consulter son ouvrage ( Voyage au Levant, chap. XXXIX) ; mais il ne s’éloigne guère de Deshayes : Le Père Nau, jésuite (1674), joignit à la connaissance des langues de l’Orient l’avantage d’accomplir le voyage de Jérusalem avec le marquis de Nointel, notre ambassadeur à Constantinople, et le même à qui nous devons les premiers dessins d’Athènes : c’est bien dommage que le savant jésuite soit d’une intolérable prolixité. La lettre du Père Néret, dans les Lettres édifiantes, est excellente de tous points, mais elle omet trop de choses. J’en dis autant de du Loiret de La Roque (1687). Quant aux voyageurs tout à fait modernes, Muller, Vanzow, Korte Bscheider, Mariti, Volney, Niebuhr, Brown, ils se taisent presque entièrement sur les saints lieux.
 
Deshayes (1621), envoyé par Louis XIII en Palestine, m’a donc paru mériter qu’on s’attachât à son récit :
 1.Parce que les Turcs s’empressèrent de montrer eux-mêmes Jérusalem à cet ambassadeur, et qu’il serait entré jusque dans la mosquée du temple s’il l’avait voulu ;
 2.Parce qu’il est si clair et si précis dans le style, un peu vieilli, de son secrétaire, que Paul Lucas l’a copié mot à mot, sans avertir du plagiat, selon sa coutume ;
 3.Parce que d’Anville, et c’est la raison péremptoire, a pris la carte de Deshayes pour l’objet d’une dissertation qui est peut-être le chef-d’œuvre de notre célèbre géographe ; c’était l’opinion du savant M. de Sainte-Croix. La dissertation de d’Anville porte le nom de Dissertation sur l’étendue de l’ancienne Jérusalem. Deshayes va nous donner ainsi le matériel de l’église du Saint-Sépulcre j’y joindrai ensuite mes observations ; je n’ai point rejeté dans les notes cette longue citation de Deshayes, parce qu’elle est trop importante et que son déplacement rendrait ensuite inintelligible ce que je dis moi-même de l’église du Saint-Sépulcre : 

 

" Le Saint-Sépulcre et la plupart des saints lieux sont servis par des religieux cordeliers, qui y sont envoyés de trois ans en trois ans ; et encore qu’il y en ait de toutes nations, ils passent néanmoins tous pour Français, ou pour Vénitiens, et ne subsistent que parce qu’ils sont tous sous la protection du roi. Il y a près de soixante ans qu’ils demeuraient hors la ville, sur le mont de Sion, au même lieu où Notre-Seigneur fit la Cène avec ses apôtres ; mais leur église ayant été convertie en mosquée, ils ont toujours depuis demeuré dans la ville sur le mont Gion, où est leur couvent, que l’on appelle Saint-Sauveur. C’est où leur gardien demeure avec le corps de la famille, qui pourvoit de religieux en tous les lieux de la Terre Sainte où il est besoin qu’il y en ait. L’église du Saint-Sépulcre n’est éloignée de ce couvent que de deux cents pas. Elle comprend le Saint-Sépulcre, le mont Calvaire et plusieurs autres lieux saints.

" Ce fut sainte Hélène qui en fit bâtir une partie pour couvrir le Saint-Sépulcre ; mais les princes chrétiens qui vinrent après la firent augmenter pour y comprendre le mont Calvaire, qui n’est qu’à cinquante pas du Saint-Sépulcre. Anciennement le mont Calvaire était hors de la ville, ainsi que je l’ai déjà dit ; c’était le lieu où l’on exécutait les criminels condamnés à mort ; et afin que tout le peuple y pût assister, il y avait une grande place entre le mont et la muraille de la ville. Le reste du mont était environné de jardins, dont l’un appartenait à Joseph d’Arimathie, disciple secret de Jésus-Christ, où il avait fait faire un sépulcre pour lui, dans lequel fut mis le corps de Notre-Seigneur La coutume parmi les Juifs n’était pas d’enterrer les corps comme nous faisons en chrétienté. Chacun, selon ses moyens, faisait pratiquer dans quelque roche une forme de petit cabinet où l’on mettait le corps, que l’on étendait sur une table du rocher même ; et puis on refermait ce lieu avec une pierre que l’on mettait devant la porte, qui n’avait d’ordinaire que quatre pieds de haut. 

" L’église du Saint-Sépulcre est fort irrégulière ; car l’on s’est assujetti aux lieux que l’on voulait enfermer dedans. Elle est à peu près faite en croix, ayant six-vingts pas de long, sans compter la descente de l’Invention de la sainte Croix, et soixante et dix de large. Il y a trois dômes, dont celui qui couvre le Saint-Sépulcre sert de nef à l’église. Il a trente pas de diamètre, et est ouvert par en haut comme la rotonde de Rome. Il est vrai qu’il n’y a point de voûte ; la couverture en est soutenue seulement par de grands chevrons de cèdre, qui ont été apportés du mont Liban. L’on entrait autrefois en cette église par trois portes, mais aujourd’hui il n’y en a plus qu’une, dont les Turcs gardent soigneusement les clefs, de crainte que les pèlerins n’y entrent sans payer les neuf sequins, ou trente-six livres, à quoi ils sont taxés ; j’entends ceux qui viennent de chrétienté, car pour les chrétiens sujets du grand seigneur, ils n’en payent pas la moitié. Cette porte est toujours fermée, et il n’y a qu’une petite fenêtre traversée d’un barreau de fer, par où ceux de dehors donnent des vivres à ceux qui sont dedans, lesquels sont de huit nations différentes. 

" La première est celle des Latins ou Romains, que représentent les religieux cordeliers. Ils gardent le Saint-Sépulcre ; le lieu du mont Calvaire où Notre-Seigneur fut attaché à la croix ; l’endroit où la sainte Croix fut trouvée ; la pierre de l’onction, et la chapelle où Notre-Seigneur apparut à la Vierge après sa résurrection.

" La seconde nation est celle des Grecs, qui ont le chœur de l’église, où ils officient, au milieu duquel il y a un petit cercle de marbre, dont ils estiment que le centre soit le milieu de la terre.

" La troisième nation est celle des Abyssins ; ils tiennent la chapelle où est la colonne d’Impropere.

" La quatrième nation est celle des Cophtes, qui sont les chrétiens d’Égypte ; ils ont un petit oratoire proche du Saint-Sépulcre.

" La cinquième est celle des Arméniens ; ils ont la chapelle de Sainte-Hélène, et celle où les habits de Notre-Seigneur furent partagés et joués.

" La sixième nation est celle des Nestoriens ou Jacobites, qui sont venus de Chaldée et de Syrie ; ils ont une petite chapelle proche du lieu où Notre-Seigneur apparut à la Madeleine, en forme de jardinier, qui pour cela est appelée la Chapelle de la Madeleine.

" La septième nation est celle des Géorgiens, qui habitent entre la mer Majeure et la mer Caspienne ; ils tiennent le lieu du mont Calvaire où fut dressée la Croix, et la prison où demeura Notre-Seigneur, en attendant que l’on eût fait le trou pour la placer.

" La huitième nation est celle des Maronites, qui habitent le mont Liban ; ils reconnaissent le pape comme nous faisons.

" Chaque nation, outre ces lieux, que tous ceux qui sont dedans peuvent visiter, a encore quelque endroit particulier dans les voûtes et dans les coins de cette église qui lui sert de retraite, et où elle fait l’office selon son usage : car les prêtres et religieux qui y entrent demeurent d’ordinaire deux mois sans en sortir, jusqu’à ce que du couvent qu’ils ont dans la ville l’on y en envoie d’autres pour servir en leur place. Il serait malaisé d’y demeurer longuement sans être malade, parce qu’il y a fort peu d’air, et que les voûtes et les murailles rendent une fraîcheur assez malsaine ; néanmoins nous y trouvâmes un bon ermite, qui a pris l’habit de Saint-François, qui y a demeuré vingt ans sans en sortir, encore qu’il y ait tellement à
 travailler, pour entretenir deux cents lampes et pour nettoyer et parer tous les lieux saints, qu’il ne saurait reposer plus de quatre heures par jour.

" En entrant dans l’église, on rencontre la pierre de l’ onction, sur laquelle le corps de Notre-Seigneur fut oint de myrrhe et d’aloès avant que d’être mis dans le sépulcre. Quelques-uns disent qu’elle est du même rocher du mont Calvaire, et les autres tiennent qu’elle fut apportée dans ce lieu par Joseph et Nicodème, disciples secrets de Jésus-Christ, qui lui rendirent ce pieux office, et qu’elles tire sur le vert. Quoi qu’il en soit, à cause de l’indiscrétion de quelques pèlerins qui la rompaient, l’on a été contraint de la couvrir de marbre blanc et de l’entourer d’un petit balustre de fer, de peur que l’on ne marche dessus. Elle a huit pieds moins trois pouces de long, et deux pieds moins un pouce de large, et au-dessus il y a huit lampes qui brûlent continuellement.

" Le Saint-Sépulcre est à trente pas de cette pierre, justement au milieu du grand dôme dont j’ai parlé : c’est comme un petit cabinet qui a été creusé et pratiqué dans une roche vive, à la pointe du ciseau. La porte qui regarde l’orient n’a que quatre pieds de haut et deux et un quart de large, de sorte qu’il se faut grandement baisser pour y entrer. Le dedans du sépulcre est presque carré. Il a six pieds moins un pouce de long, et six pieds moins deux pouces de large ; et depuis le bas jusqu’à la voûte, huit pieds un pouce. Il y a une table solide de la même pierre qui fut laissée en creusant le reste. Elle a deux pieds quatre pouces et demi de haut, et contient la moitié du sépulcre, car elle a six pieds moins un pouce de long, et deux pieds deux tiers et demi de large. Ce fut sur cette table que le corps de Notre-Seigneur fut mis, ayant la tête vers l’occident et les pieds à l’orient : mais, à cause de la superstitieuse dévotion des Orientaux, qui croient qu’ayant laissé leurs cheveux sur cette pierre, Dieu ne les abandonnerait jamais, et aussi parce que les pèlerins en rompaient des morceaux, l’on a été contraint de la couvrir de marbre blanc sur lequel on célèbre aujourd’hui la messe : il y a continuellement quarante-quatre lampes qui brûlent dans ce saint lieu ; et afin d’on faire exhaler la fumée, l’on a fait trois trous à la voûte. Le dehors du sépulcre est aussi revêtu de tables de marbre et de plusieurs colonnes, avec un dôme au-dessus.

" A l’entrée de la porte du sépulcre, il y a une pierre d’un pied et demi en carré, et relevée d’un pied, qui est du même roc, laquelle servait pour appuyer la grosse pierre qui bouchait la porte du sépulcre ; c’était sur cette pierre qu’était l’ange lorsqu’il parla aux Marie ; et tant à cause de ce mystère que pour ne pas entrer d’abord dans le Saint-Sépulcre, les premiers chrétiens firent une petite chapelle au devant, qui est appelée la Chapelle de l’Ange.

" A douze pas du Saint-Sépulcre, en tirant vers le septentrion, l’on rencontre une grande pierre de marbre gris, qui peut avoir quatre pieds de diamètre, que l’on a mise là pour marquer le lieu où Notre-Seigneur se fit voir à la Madeleine, en forme de jardinier.

" Plus avant est la chapelle de l’Apparition, où l’on tient par tradition que Notre-Seigneur apparut premièrement à la Vierge, après sa résurrection. C’est le lieu où les religieux cordeliers font leur office, et où ils se retirent : car de là ils entrent en des chambres qui n’ont point d’autre issue que par cette chapelle.

" Continuant à faire le tour de l’église, l’on trouve une petite chapelle voûtée, qui a sept pieds de long et six de large, que l’on appelle autrement la Prison de Notre-Seigneur, parce qu’il fut mis dans ce lieu en attendant que l’on eût fait le trou pour planter la croix. Cette chapelle est à l’opposite du mont Calvaire ; de sorte que ces deux lieux sont comme la croisée de l’église, car le mont est au midi et la chapelle au septentrion.

" Assez proche de là est une autre chapelle, de cinq pas de long et de trois de large, qui est au même lieu où Notre-Seigneur fut dépouillé par les soldats avant que d’être attaché à la croix, et où ses vêtements furent joués et partagés.

" En sortant de cette chapelle, on rencontre à main gauche un grand escalier, qui perce la muraille de l’église pour descendre dans une espèce de cave qui est creusée dans le roc. Après avoir descendu trente marches, il y a une chapelle, à main gauche, que l’on appelle vulgairement la Chapelle Sainte-Hélène, à cause qu’elle était là en prière pendant qu’elle faisait chercher la sainte Croix. L’on descend encore onze marches jusqu’à l’endroit où elle fut trouvée avec les clous, la couronne d’épine et le fer de la lance, qui avaient été cachés en ce lieu plus de trois cents ans.

" Proche du haut de ce degré, en tirant vers le mont Calvaire, est une chapelle qui a quatre pas de long et deux et demi de large, sous l’autel de laquelle l’on voit une colonne de martre gris, marqueté de taches noires, qui a deux pieds de haut et un de diamètre. Elle est appelée la colonne d’Impropere, parce que l’on y fit asseoir Notre-Seigneur pour le couronner d’épines.

" L’on rencontre à dix pas de cette chapelle un petit degré fort étroit, dont les marches sont de bois au commencement et de pierre à la fin. Il y en a vingt en tout, par lesquelles on va sur le mont Calvaire. Ce lieu, qui était autrefois si ignominieux, ayant été sanctifié par le sang de Notre-Seigneur, les premiers chrétiens en eurent un soin particulier ; et, après avoir ôté toutes les immondices et toute la terre qui était dessus, ils l’enfermèrent de murailles de sorte que c’est à présent comme une chapelle haute, qui est enclose dans cette grande église. Elle est revêtue de marbre par dedans, et séparée en deux par une arcade. Ce qui est vers le septentrion est l’endroit où Notre-Seigneur fut attaché à la croix. Il y a toujours trente-deux lampes ardentes qui sont entretenues par les cordeliers, qui célèbrent aussi tous les jours la messe en ce saint lieu.

" En l’autre partie, qui est au midi, fut plantée la sainte Croix. On voit encore le trou qui est creusé dans le roc environ un pied et demi, outre la terre qui était dessus. Le lieu où étaient les croix des deux larrons est proche de là. Celle du bon larron était au septentrion et l’autre au midi ; de manière que le premier était à la main droite de Notre-Seigneur, qui avait la face tournée vers l’occident, et le dos du coté de Jérusalem, qui était à l’orient. Il y a continuellement cinquante lampes ardentes pour honorer ce saint lieu.

" Au-dessous de cette chapelle sont les sépultures de Godefroy de Bouillon et de Baudouin son frère, où on lit ces inscriptions : Hic jacet inclytus dux Godefridus de Bulion, qui totam istam terram acquisivit cultui christiano, cujus anima regnet cum Christo, Amen. Rex Balduinus, Judas alter Machabeus, Spes patriae, vigor Ecclesiae, virtus utriusque, Quem formidabant, cui dona tributa ferebant Cedar et Aegyptus, Dan ac homicida Damascus, Proh dolor ! in modico clauditur hoc tumulo.

" Le mont de Calvaire est la dernière station de l’église du Saint-Sépulcre ; car à vingt pas de là l’on rencontre la pierre de l’onction, qui est justement à l’entrée de l’église."


Deshayes ayant ainsi décrit par ordre les stations de tant de lieux vénérables, il ne me reste à présent qu’à montrer l’ensemble de ces lieux aux lecteurs.

 

Chateaubriand, Itinéraire de Paris à Jérusalem, Quatrième partie : Voyage de Jérusalem

 

engraved by J.C.Armytage, 1840

JERUSALEM, Gravure d'Armytage, 1840

" Je m’occupai pendant quelques heures à crayonner des notes sur les lieux que je venais de voir ; manière de vivre que je suivis tout le temps que je demeurai à Jérusalem, courant le jour et écrivant la nuit."

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28 juillet 2012 6 28 /07 /juillet /2012 11:30

Nous quittâmes la source d’Elisée le 6, à trois heures de l’après-midi, pour retourner à Jérusalem.

 

Nous laissâmes à droite le mont de la Quarantaine, qui s’élève au-dessus de Jéricho, précisément en face du mont Abarim, d’où Moïse, avant de mourir, aperçut la terre de Promission.

 

En rentrant dans la montagne de Judée, nous vîmes les restes d’un aqueduc romain. L’abbé Mariti, poursuivi par le souvenir des moines, veut encore que cet aqueduc ait appartenu à une ancienne communauté, ou qu’il ait servi à arroser les terres voisines lorsqu’on cultivait la canne à sucre dans la plaine de Jéricho. Si la seule inspection de l’ouvrage ne suffisait pas pour détruire cette idée bizarre, on pourrait consulter Adrichomius ( Theatrum Terrae Sanctae), l’ Elucidatio historica Terrae Sanctae de Quaresmius, et la plupart des voyageurs déjà cités.

 

Le chemin que nous suivions dans la montagne était large et quelquefois pavé ; c’est peut-être une ancienne voie romaine. Nous passâmes au pied d’une montagne couronnée autrefois par un château gothique qui protégeait et fermait le chemin. Après cette montagne, nous descendîmes dans une vallée noire et profonde, appelée en hébreu Adommin, ou le lieu du sang. Il y avait là une petite cité de la tribu de Juda, et ce fut dans cet endroit solitaire que le Samaritain secourut le voyageur blessé. Nous y rencontrâmes la cavalerie du pacha, qui allait faire de l’autre côté du Jourdain l’expédition dont j’aurai occasion de parler. Heureusement la nuit nous déroba à la vue de cette soldatesque.
 
Nous passâmes à Bahurim, où David, fuyant devant Absalon, faillit d’être lapidé par Seméi. Un peu plus loin, nous mîmes pied à terre à la fontaine où Jésus-Christ avait coutume de se reposer avec les apôtres en revenant de Jéricho. Nous commençâmes à gravir les revers de la montagne des Oliviers ; nous traversâmes le village de Béthanie, où l’on montre les ruines de la maison de Marthe et le sépulcre de Lazare. Ensuite nous descendîmes la montagne des Oliviers, qui domine Jérusalem, et nous traversâmes le torrent de Cédron dans la vallée de Josaphat. Un sentier qui circule au pied du Temple et s’élève sur le mont Sion nous conduisit à la porte des Pèlerins, en faisant le tour entier de la ville. Il était minuit. Ali-Aga se fit ouvrir. Les six Arabes retournèrent à Bethléem.

 

Nous rentrâmes au couvent. Mille bruits fâcheux s’étaient déjà répandus sur notre compte : on disait que nous avions été tués par les Arabes ou par lagca ; on me blâmait d’avoir entrepris ce voyage avec une escorte aussi faible ; chose qu’on rejetait sur le caractère imprudent des Français. Les événements qui suivirent prouvèrent pourtant que si je n’avais pas pris ce parti et mis à profit les premières heures de mon arrivée à Jérusalem, je n’aurais jamais pu pénétrer jusqu’au Jourdain.

 

Chateaubriand, Itinéraire de Paris à Jérusalem, Troisième partie : Voyage de Rhodes, de Jaffa, de Bethléem et de la mer Morte

   

Bethany, between 1860 and 1880 

Bethany, between 1860 and 1880

 

" Nous traversâmes le village de Béthanie, où l’on montre les ruines de la maison de Marthe et le sépulcre de Lazare."

 

Tomb of Lazarus, between 1898 and 1914 

Tomb of Lazarus, between 1898 and 1914

 

 

Mount of Olives, Bethany from the Slopes of Olivet, approximately 1900 to 1920

Mount of Olives, Bethany from the Slopes of Olivet, approximately 1900 to 1920

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27 juillet 2012 5 27 /07 /juillet /2012 11:30

Nous découvrîmes bientôt derrière nous, au bord du Jourdain, une troupe d’une trentaine d’Arabes qui nous observaient.

 

Nous fîmes marcher en avant notre infanterie, c’est-à-dire nos six Bethléémites, et nous couvrîmes leur retraite avec notre cavalerie ; nous mîmes nos bagages au milieu ; malheureusement l’âne qui les portait était rétif et n’avançait qu’à force de coups. Le cheval du drogman ayant mis le pied dans un guêpier, les guêpes se jetèrent sur lui, et le pauvre Michel, emporté par sa monture, jetait des cris pitoyables ; Jean, tout Grec qu’il était, faisait bonne contenance ; Ali était brave comme un janissaire de Mahomet II. Quant à Julien, il n’était jamais étonné ; le monde avait passé sous ses yeux sans qu’il l’eût regardé ; il se croyait toujours dans la rue Saint-Honoré, et me disait du plus grand sang-froid du monde, en menant son cheval au petit pas : "Monsieur, est-ce qu’il n’y a pas de police dans ce pays-ci pour réprimer ces gens-là ?"
 
Après nous avoir regardés longtemps, les Arabes firent quelques mouvements vers nous, puis, à notre grand étonnement, ils rentrèrent dans les buissons qui bordent le fleuve. Ali avait raison : ils nous prirent sans doute pour des soldats chrétiens. Nous arrivâmes sans accident à Jéricho.
 
L’abbé Mariti a très bien recueilli les faits historiques touchant cette ville célèbre ; il a aussi parlé des productions de Jéricho, de la manière d’extraire l’huile de zaccon, etc. : il serait donc inutile de le répéter, à moins de faire, comme tant d’autres, un Voyage avec des Voyages. On sait aussi que les environs de Jéricho sont ornés d’une source dont les eaux autrefois amères furent adoucies par un miracle d’Elisée. Cette source est située à deux milles au-dessus de la ville, au pied de la montagne où Jésus-Christ pria et jeûna pendant quarante jours. Elle se divise en deux bras. On voit sur ses bords quelques champs de doura, des groupes d’acacias, l’arbre qui donne le baume de Judée et des arbustes qui ressemblent au lilas pour la feuille, mais dont je n’ai pas vu la fleur. Il n’y a plus de roses ni de palmiers à Jéricho, et je n’ai pu y manger les nicolai d’Auguste : ces dattes, au temps de Belon, étaient fort dégénérées. Un vieil acacia protège la source ; un autre arbre se penche un peu plus bas sur le ruisseau qui sort de cette source, et forme sur ce ruisseau un pont naturel.
 
J’ai dit qu’Ali-Aga était né dans le village de Rihha (Jéricho), et qu’il en était gouverneur. Il me conduisit dans ses États, où je ne pouvais manquer d’être bien reçu de ses sujets : en effet, ils vinrent complimenter leur souverain. Il voulut me faire entrer dans une vieille masure qu’il appelait son château ; je refusai cet honneur, préférant dîner au bord de la source d’Elisée, nommée aujourd’hui source du roi. En traversant le village, nous vîmes un jeune Arabe assis à l’écart, la tête ornée de plumes, et paré comme dans un jour de fête. Tous ceux qui passaient devant lui s’arrêtaient pour le baiser au front et aux joues : on me dit que c’était un nouveau marié. Nous nous arrêtâmes à la source d’Elisée. On égorgea un agneau, qu’on mit rôtir tout entier à un grand bûcher au bord de l’eau ; un Arabe fit griller des gerbes de doura. Quand le festin fut préparé, nous nous assîmes en rond autour d’un plateau de bois, et chacun déchira avec ses mains une partie de la victime.
 
On aime à distinguer dans ces usages quelques traces des mœurs des anciens jours, et à retrouver chez les descendants d’Ismael des souvenirs d’Abraham et de Jacob.
 
Les Arabes, partout où je les ai vus, en Judée, en Égypte, et même en Barbarie, m’ont paru d’une taille plutôt grande que petite. Leur démarche est fière. Ils sont bien faits et légers. Ils ont la tête ovale, le front haut et arqué, le nez aquilin, les yeux grands et coupés en amandes, le regard humide et singulièrement doux. Rien n’annoncerait chez eux le sauvage s’ils avaient toujours la bouche fermée, mais aussitôt qu’ils viennent à parler, on entend une langue bruyante et fortement aspirée, on aperçoit de longues dents éblouissantes de blancheur, comme celles des chacals et des onces : différents en cela du sauvage américain, dont la férocité est dans le regard et l’expression humaine dans la bouche.
 
Les femmes arabes ont la taille plus haute en proportion que celle des hommes. Leur port est noble, et par la régularité de leurs traits, la beauté de leurs formes et la disposition de leurs voiles, elles rappellent un peu les statues des prêtresses et des Muses. Ceci doit s’entendre avec restriction : ces belles statues sont souvent drapées avec des lambeaux ; l’air de misère, de saleté et de souffrance dégrade ces formes si pures ; un teint cuivré cache la régularité des traits ; en un mot, pour voir ces femmes telles que je viens de les dépeindre, il faut les contempler d’un peu loin, se contenter de l’ensemble et ne pas entrer dans les détails.
 
La plupart des Arabes portent une tunique nouée autour des reins par une ceinture. Tantôt ils ôtent un bras de la manche de cette tunique, et ils sont alors drapés à la manière antique ; tantôt ils s’enveloppent dans une couverture de laine blanche, qui leur sert de toge, de manteau ou de voile, selon qu’ils la roulent autour d’eux, la suspendent à leurs épaules ou la jettent sur leur tête. Ils marchent pieds nus. Ils sont armés d’un poignard, d’une lance ou d’un long fusil. Les tribus voyagent en caravane ; les chameaux cheminent à la file. Le chameau de tête est attaché par une corde de bourre de palmier au cou d’un âne qui est le guide de la troupe : celui-ci, comme chef, est exempt de tout fardeau et jouit de divers privilèges ; chez les tribus riches les chameaux sont ornés de franges, de banderoles et de plumes.
 
Les juments, selon la noblesse de leurs races, sont traitées avec plus ou moins d’honneurs, mais toujours avec une rigueur extrême. On ne met point les chevaux à l’ombre, on les laisse exposés à toute l’ardeur du soleil, attachés en terre à des piquets par les quatre pieds, de manière à les rendre immobiles ; on ne leur ôte jamais la selle ; souvent ils ne boivent qu’une seule fois et ne mangent qu’un peu d’orge en vingt-quatre heures. Un traitement si rude, loin de les faire dépérir, leur donne la sobriété, la patience et la vitesse. J’ai souvent admiré un cheval arabe ainsi enchaîné dans le sable brûlant, les crins descendant épars, la tête baissée entre ses jambes pour trouver un peu d’ombre, et laissant tomber de son œil sauvage un regard oblique sur son maître. Avez-vous dégagé ses pieds des entraves, vous êtes-vous élancé sur son dos, il écume, il frémit, il dévore la terre ; la trompette sonne, il dit : Allons ! et vous reconnaissez le cheval de Job.
 
Tout ce qu’on dit de la passion des Arabes pour les contes est vrai, et j’en vais citer un exemple : Pendant la nuit que nous venions de passer sur la grève de la mer Morte, nos Bethléémites étaient assis autour de leur bûcher, leurs fusils couchés à terre à leurs côtés, les chevaux attachés à des piquets, formant un second cercle en dehors. Après avoir bu le café et parlé beaucoup ensemble, ces Arabes tombèrent dans le silence, à l’exception du chéik. Je voyais à la lueur du feu ses gestes expressifs, sa barbe noire, ses dents blanches, les diverses formes qu’il donnait à son vêtement en continuant son récit. Ses compagnons l’écoutaient dans une attention profonde, tous penchés en avant, le visage sur la flamme, tantôt poussant un cri d’admiration, tantôt répétant avec emphase les gestes du conteur : quelques têtes de chevaux qui s’avançaient au-dessus de la troupe, et qui se dessinaient dans l’ombre, achevaient de donner à ce tableau le caractère le plus pittoresque, surtout lorsqu’on y joignait un coin du paysage de la mer Morte et des montagnes de Judée.
 
Si j’avais étudié avec tant d’intérêt au bord de leurs lacs les hordes américaines, quelle autre espèce de sauvages ne contemplais-je pas ici ! J’avais sous les yeux les descendants de la race primitive des hommes, je les voyais avec les mêmes mœurs qu’ils ont conservées depuis les jours d’Agar et d’Ismael ; je les voyais dans le même désert qui leur fut assigné par Dieu en héritage : Moratus est in solitudine, habitavitque in deserto Pharan. Je les rencontrais dans la vallée du Jourdain, au pied des montagnes de Samarie, sur les chemins d’Habron, dans les lieux où la voix de Josué arrêta le soleil, dans les champs de Gomorrhe encore fumants de la colère de Jéhovah, et que consolèrent ensuite les merveilles miséricordieuses de Jésus-Christ.
 
Ce qui distingue surtout les Arabes des peuples du Nouveau-Monde, c’est qu’à travers la rudesse des premiers on sent pourtant quelque chose de délicat dans leurs mœurs : on sent qu’ils sont nés dans cet Orient d’où sont sortis tous les arts, toutes les sciences, toutes les religions. Caché aux extrémités de l’Occident, dans un canton détourné de l’univers, le Canadien habite les vallées ombragées par des forêts éternelles et arrosées par des fleuves immenses ; l’Arabe, pour ainsi dire jeté sur le grand chemin du monde, entre l’Afrique et l’Asie, erre dans les brillantes régions de l’aurore, sur un sol sans arbres et sans eau. Il faut parmi les tribus des descendants d’Ismael des maîtres, des serviteurs, des animaux domestiques, une liberté soumise à des lois. Chez les hordes américaines, l’homme est encore tout seul avec sa fière et cruelle indépendance : au lieu de la couverture de laine, il a la peau d’ours ; au lieu de la lance, la flèche ; au lieu du poignard, la massue ; il ne connaît point et il dédaignerait la datte, la pastèque, le lait de chameau : il veut à ses festins de la chair et du sang. Il n’a point tissé le poil de chèvre pour se mettre à l’abri sous des tentes : l’orme tombé de vétusté fournit l’écorce à sa hutte. Il n’a point dompté le cheval pour poursuivre la gazelle : il prend lui-même l’orignal à la course. Il ne tient point par son origine à de grandes nations civilisées ; on ne rencontre point le nom de ses ancêtres dans les fastes des empires : les contemporains de ses aïeux sont de vieux chênes encore debout. Monuments de la nature et non de l’histoire, les tombeaux de ses pères s’élèvent inconnus dans des forêts ignorées. En un mot, tout annonce chez l’Américain le sauvage qui n’est point encore parvenu à l’état de civilisation ; tout indique chez l’Arabe l’homme civilisé retombé dans l’état sauvage.
 
Nous quittâmes la source d’Elisée le 6, à trois heures de l’après-midi, pour retourner à Jérusalem.

 

Chateaubriand, Itinéraire de Paris à Jérusalem, Troisième partie : Voyage de Rhodes, de Jaffa, de Bethléem et de la mer Morte 

 

Bedouins of the Arakat tribe. Escorte de Bedouins au Jourdain, between 1900 and 1910 

Bedouins of the Arakat tribe. Escorte de Bedouins au Jourdain. (between 1900 and 1910) 

" La plupart des Arabes portent une tunique nouée autour des reins par une ceinture. Tantôt ils ôtent un bras de la manche de cette tunique, et ils sont alors drapés à la manière antique ; tantôt ils s’enveloppent dans une couverture de laine blanche, qui leur sert de toge, de manteau ou de voile, selon qu’ils la roulent autour d’eux, la suspendent à leurs épaules ou la jettent sur leur tête. Ils marchent pieds nus. Ils sont armés d’un poignard, d’une lance ou d’un long fusil."

 

Famme Arabe de Jerusalem, 1889.

Femme Arabe de Jerusalem, 1889.  

" Les femmes arabes ont la taille plus haute en proportion que celle des hommes. Leur port est noble, et par la régularité de leurs traits, la beauté de leurs formes et la disposition de leurs voiles, elles rappellent un peu les statues des prêtresses et des Muses."

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