Il en avait fait distribuer un million d'exemplaires aux citoyens de Rome. À l'époque, j'étais marié, ma femme était juive, je n'étais pas croyant, j'étais même très laïque. Grand lecteur, j'avais lu un jour l'Évangile de Matthieu, cela m'avait suffi. Je pensais que les quatre Évangiles se ressemblaient, sans me demander pourquoi il y en avait plusieurs.
Sandro Veronesi, Le Figaro littéraire, 27 avril 2017
Je me suis d'abord dit: "C'est vraiment un misérable le pape, il m'a envoyé un extrait pour économiser de l'argent". Parce que je ne trouvais pas les épisodes du Sermon sur la montagne, de Marie, de la Pitié… Jusqu'à ce que je découvre que Marc, c'est comme ça, c'est court. J'ai commencé à me passionner pour le texte, pas de manière religieuse, mais littéraire.
Marc est le plus moderne des Evangiles de par ses destinataires. Les Romains s'ennuient. Personne d'autre ne s'ennuyait à cette époque-là, personne n'en avait la notion. Je crois que c'était ça le message du pape : les Romains de l'an 62 sont les Romains d'aujourd'hui, l'Occident d'aujourd'hui», explique-t-il.
Comme l'Evangile lui-même, l'essai de Veronesi est conçu comme un texte destiné à l'exposé oral. Le romancier l'a d'ailleurs adapté et joué dans un spectacle appelé «le Monologue». «Une fois accompli mon effort d'écrivain, je me suis aperçu que le travail n'était pas fini, il fallait que je passe par une sorte de prédication physique, avec mon corps et ma voix. C'est étrange. C'est la première fois que j'ai ressenti ce besoin», dit-il. En une année, Veronesi a joué 35 fois dans toute l'Italie. L'occasion de tâter de près le fameux «miracle de la conversion» dont il parle :
" A la fin du spectacle, quatre personnes différentes dans quatre villes différentes sont venues me dire qu'elles avaient délaissé la religion, mais qu'après m'avoir entendu, elles s'étaient reconverties. Ça m'a impressionné."
La pièce, retransmise à la télévision italienne, a trouvé un retentissement beaucoup plus large que le livre. Pour autant, il n'a pas trouvé la foi à travers sa démarche. «Mais j'ai trouvé beaucoup plus de foi dans les personnes qui ont la foi. Je crois en les croyants, beaucoup plus qu'avant».
Sandro Veronesi restitue avec beaucoup de malice toute la modernité du premier, du plus bref mais surtout du plus énigmatique des quatre Évangiles, celui de Marc. Selon Veronesi, ce texte écrit à Rome à l’attention des Romains est une « machine à conversion » d’une efficacité narrative redoutable, ressemblant davantage aux scénarios des films de Quentin Tarantino ou de Sergio Leone qu’aux autres Évangiles. Minutieusement réglé sur l’imaginaire épique et l’univers de ses destinataires, il dessine une figure de Jésus singulière.
Les références à la culture contemporaine ainsi que le ton parfois insolent de Sandro Veronesi rendent la lecture de cette analyse particulièrement réjouissante. Selon saint Marc recèle de nombreuses découvertes aussi surprenantes que truculentes sur l’un des fondements du christianisme : le récit de la vie d’un héros solitaire et mystérieux, le Christ.
présentation de l'éditeur : http://www.grasset.fr/selon-saint-marc-9782246860853
Sandro Veronesi
Après avoir eu un diplôme d'architecture à l'université de Florence, Sandro Veronesi s'est tourné vers l'écriture.
À 25 ans il a publié son premier livre, Il resto del cielo, qui est resté sa seule incursion dans le domaine de la poésie.
(Wikipédia)
L’écrivain Sandro Veronesi, lauréat du prix Strega et du prix Femina étranger pour Chaos calme, sera à Paris à l’occasion de la parution de son nouveau livre, Selon Saint Marc (Grasset 2017). Il nous présentera une réduction théâtrale de ce livre sous la forme d’un monologue littéraire sur l’évangile écrit par Saint Marc. Sandro Veronesi restitue toute la modernité du texte : les références à l’histoire et à la culture contemporaine ainsi que le ton insoumis de Veronesi font de ce monologue une expérience réjouissante.