Crist-Pantocrator.jpg

"Je vous donne un commandement nouveau : c'est de vous aimer les uns les autres.

 

Comme je vous ai aimés, vous aussi aimez-vous les uns les autres.

 

Ce qui montrera à tous les hommes que vous êtes mes disciples, c'est l'amour que vous aurez les uns pour les autres."

 

Evangile de Jésus-Christ selon  saint Jean 

   

 

Pentecôte

" Le Défenseur, l'Esprit Saint que le Père enverra en mon nom, lui, vous enseignera tout, et il vous fera souvenir de tout ce que je vous ai dit."

 

Évangile de Jésus Christ selon saint Jean  

 

   

 

 El Papa es argentino. Jorge Bergoglio                 

Saint Père François

 

 

La Manif Pour Tous 

La Manif Pour Tous photo C de Kermadec

La Manif Pour Tous Facebook 

 

 

Les Veilleurs Twitter 

Les Veilleurs

Les Veilleurs Facebook

 

 

 

papa%20GP%20II

1er mai 2011 Béatification de Jean-Paul II

Béatification du Serviteur de Dieu Jean-Paul II

 

 

  Béatification du Père Popieluszko

beatification Mass, in Warsaw, Poland

à Varsovie, 6 juin 2010, Dimanche du Corps et du Sang du Christ

 

 

presidential palace in Warsaw

Varsovie 2010

 

 

Basilique du Sacré-Cœur de Montmartre
Sanctuaire de l'Adoration Eucharistique et de la Miséricorde Divine

La miséricorde de Dieu est comme un torrent débordé. Elle entraîne les cœurs sur son passage.
(Saint Curé d'Ars)
 

 


Le côté du Christ a été transpercé et tout le mystère de Dieu sort de là. C’est tout le mystère de Dieu qui aime, qui se livre jusqu’au bout, qui se donne jusqu’au bout. C’est le don le plus absolu qui soit. Le don du mystère trinitaire est le cœur ouvert. Ce n’est pas une image, c’est une réalité. C’est la réalité la plus profonde qui soit, la réalité de l’amour.
Père Marie-Joseph Le Guillou




Dans le cœur transpercé
de Jésus sont unis
le Royaume du Ciel
et la terre d'ici-bas
la source de la vie
pour nous se trouve là.

Ce cœur est cœur divin
Cœur de la Trinité
centre de convergence
de tous les cœur humains
il nous donne la vie
de la Divinité.


Sainte Thérèse Bénédicte de la Croix
(Edith Stein)



Le Sacré-Cœur représente toutes les puissances d'aimer, divines et humaines, qui sont en Notre-Seigneur.
Père Marie-Eugène de l'Enfant Jésus

 



feuille d'annonces de la Basilique du Sacré-Coeur de Montmartre

 

 

 

 

 

 

 

     

The Cambrai Madonna

Notre Dame de Grâce

Cathédrale de Cambrai

 

 

 

Cathédrale Notre Dame de Paris 

   

Ordinations du samedi 27 juin 2009 à Notre Dame de Paris


la vidéo sur KTO


Magnificat

     



Solennité de l’Immaculée Conception de la Vierge Marie à Notre-Dame de Paris


NOTRE DAME DES VICTOIRES

Notre-Dame des Victoires




... ma vocation, enfin je l’ai trouvée, ma vocation, c’est l’Amour !

 

 

Rechercher

Voyages de Benoît XVI

 

SAINT PIERRE ET SAINT ANDRÉ

Saint Pierre et Saint André

 

BENOÎT XVI à CHYPRE 

 

Benedict XVI and Cypriot Archbishop Chrysostomos, Church of 

Salutation avec l'Archevêque Chrysostomos à l'église d' Agia Kyriaki Chrysopolitissa de Paphos, le vendredi 4 juin 2010

 

     

 

Benoît XVI en Terre Sainte  


 

Visite au chef de l'Etat, M. Shimon Peres
capt_51c4ca241.jpg

Visite au mémorial de la Shoah, Yad Vashem




 






Yahad-In Unum

   

Vicariat hébréhophone en Israël

 


 

Mgr Fouad Twal

Patriarcat latin de Jérusalem

 

               


Vierge de Vladimir  

Archives

    

 

SALVE REGINA

29 juillet 2010 4 29 /07 /juillet /2010 05:00

Madeleine, cette fois, avait été la première au-devant du Seigneur. Huit jours à peine étaient écoulés depuis son glorieux passage, que rendant à sa sœur le bon office qu'elle en reçut autrefois, elle venait lui dire à son tour : "Le bien-aimé est là, et il t'appelle". Et Jésus, prenant les devants, paraissait lui-même : "Viens, disait-il, mon hôtesse, viens de l'exil, tu seras couronnée".

 

Jésus chez Marthe et Marie par Vermeer

 

Hôtesse du Seigneur, tel sera donc au ciel comme ici-bas le nom de Marthe et son titre de noblesse éternel.  

 

" En quelque ville ou village que vous entriez, disait l'Homme-Dieu à ses disciples, informez-vous qui en est digne, et demeurez chez lui". Or, raconte saint Luc, il arriva que comme ils marchaient, lui-même entra en un certain village, et une femme nommée Marthe le reçut dans sa maison. Où chercher plus bel éloge, où trouver plus sûre louange de la sœur de Madeleine, que dans le rapprochement de ces deux textes du saint Evangile ?

 

 Ce certain lieu où elle fut, comme en étant digne, élue par Jésus pour lui donner asile, ce village, dit  saint Bernard, est  notre humble terre, perdue comme une bourgade obscure dans l'immensité  des  possessions  du  Seigneur. Le Fils de Dieu, parti  des  deux,  faisait route à la recherche de la brebis perdue, guidé par l'amour. Sous le déguisement de notre chair de péché, il était venu dans ce monde qui était son oeuvre, et le monde ne l'avait point connu ; Israël, son peuple, n'avait pas eu pour lui, même une pierre où il pût reposer sa tête, et  l'avait laissé dans sa soif mendier l'eau des Samaritains. Nous, ses rachetés de la gentilité, qu'à  travers reniements et fatigues il poursuivait ainsi, n'est-il pas vrai que sa gratitude doit être aussi la nôtre pour celle qui, bravant l'impopularité du moment, la persécution de l'avenir, voulut solder envers lui notre dette à tous ?

 

 Gloire donc à la fille de Sion, descendante des rois, qui, fidèle aux traditions d'hospitalité des patriarches ses premiers pères, fut bénie plus qu'eux dans l'exercice de cette noble vertu ! Plus ou moins obscurément encore, ils savaient pourtant, ces ancêtres de notre foi, que le désiré d'Israël et l'attente des nations  devait paraître en voyageur et en étranger sur la terre. Aussi, eux-mêmes pèlerins d'une patrie meilleure, sans demeure fixe, ils honoraient le Sauveur futur en tout  inconnu  se  présentant sous  leur tente ; comme nous leurs fils dans la foi des mêmes promesses, accomplies maintenant, vénérons le Christ dans l'hôte que sa bonté nous envoie. Pour eux comme pour nous,  cette relation qui  leur était montrée entre Celui qui devait venir et l'étranger cherchant un asile, faisait de l'hospitalité, fille du ciel, une des plus augustes suivantes de la divine charité. Plus d'une fois, la visite d'Anges se prêtant sous des traits humains aux bons offices de leur zèle, manifesta en effet la complaisance qu'y prenaient les cieux. Mais s'il convient d'estimer à leur prix ces célestes prévenances dont notre terre n'était point digne, combien pourtant s'élève plus haut le privilège de Marthe, vraie dame et princesse de la sainte hospitalité, depuis qu'elle en a placé l'étendard au sommet vers lequel convergèrent tous les siècles de l'attente et ceux qui suivirent !

 

 S'il fut grand d'honorer le Christ, avant sa venue, dans ceux qui de près ou de loin étaient ses figures ; si Jésus promet l'éternelle récompense à quiconque, depuis qu'il n'est plus avec nous, l'abrite et le sert en ses membres mystiques : celle-là est plus grande et mérita plus, qui reçut en personne Celui dont le simple souvenir ou la pensée donne à la vertu dans tous les temps mérite et grandeur. Et de même que Jean l'emporte sur tous les Prophètes, pour avoir montré présent le Messie qu'ils annonçaient à distance ; ainsi le privilège de Marthe, tirant son excellence de la propre et directe excellence du Verbe de Dieu qu'elle secourut dans la chair même qu'il avait prise pour nous sauver, établit la sœur de Madeleine au-dessus de tous ceux qui pratiquèrent jamais les œuvres de miséricorde.

 

Si donc Madeleine aux pieds du Seigneur garde pour elle la meilleure part,  ne croyons pas que celle de Marthe doive être méprisée. Le corps est un,  mais il a plusieurs  membres, et tous ces membres n'ont pas le même rôle ; ainsi l'emploi de chacun dans le Christ est différent selon la grâce qu'il a reçue,  soit  pour prophétiser, soit pour servir. Et l'Apôtre, exposant  cette  diversité de l'appel divin : "Par la grâce qui m'a été donnée, disait-il, je recommande à tous ceux qui sont parmi vous de ne point être sage plus qu'il ne convient d'être  sage, mais  de  se tenir  à  la mesure du don que Dieu départit à chacun dans la foi". Ô discrétion, gardienne de la doctrine autant que mère des vertus, que de pertes dans les âmes, que  de  naufrages parfois, vous feriez éviter !

 

" Quiconque, dit saint Grégoire avec son sens si juste toujours, quiconque s'est donné entièrement à Dieu, doit avoir soin de ne pas se répandre seulement dans les œuvres,  et tendre aussi aux sommets de la contemplation. Cependant il importe extrêmement ici de savoir qu'il y a une grande variété de tempéraments spirituels. Tel qui pouvait vaquer  paisible à la contemplation de Dieu, tombera écrasé sous les oeuvres ; tel que l'usuelle occupation des humains eût gardé dans une vie honnête, se blesse mortellement au glaive d'une contemplation qui dépasse ses forces : ou faute de l'amour qui empêche le repos de tourner en torpeur, ou faute de la crainte qui garde des illusions de l'orgueil et des sens.  L'homme qui désire être parfait doit à cause de cela s'exercer dans la plaine d'abord, à la  pratique des vertus, pour monter plus sûrement aux hauteurs, laissant en bas toute impulsion des sens qui ne peuvent qu'égarer les recherches de l'esprit, toute image dont les contours ne sauraient s'adapter à la lumière sans contours qu'il désire voir. A l'action donc le premier temps, à la contemplation le dernier. L'Evangile loue Marie, mais Marthe n'y est point blâmée, parce que grands sont les mérites de la vie active, quoique meilleurs ceux de la contemplation."

 

 Et si nous voulons pénétrer plus avant le mystère des deux sœurs, observons que, bien que Marie soit la préférée, ce n'est pourtant point dans sa maison, ni dans celle de Lazare leur frère , mais dans la maison de Marthe, que l'Homme-Dieu nous est montré faisant séjour ici-bas avec ceux qu'il aime. Jésus, dit saint Jean, aimait Marthe, et sa sœur Marie, et Lazare : Lazare, figure des pénitents que sa miséricordieuse toute-puissance appelle chaque jour de la mort du péché à la vie divine ; Marie, s'adonnant dès ce monde aux mœurs de l'éternité ; Marthe enfin, nommée ici la première comme l'aînée de son frère et de sa sœur, la première en date mystiquement selon ce que disait saint Grégoire, mais aussi comme celle de qui l'un et l'autre dépendent en cette demeure dont l'administration est remise à ses soins. Qui ne reconnaîtrait là le type parfait de l'Eglise, où, dans le dévouement d'un fraternel amour sous l'œil du Père qui est aux cieux, le ministère actif tient la préséance de gouvernement sur tous ceux que la grâce amène à Jésus ? Qui ne comprendrait aussi les préférences du Fils de Dieu pour cette maison bénie ? l'hospitalité qu'il y recevait, toute dévouée qu'elle fût, le reposait moins de sa route laborieuse que la vue si achevée déjà des traits de cette Eglise qui l'avait attiré du ciel en terre.

 

 Marthe par avance avait donc compris que quiconque a la primauté doit être le serviteur : comme le Fils de l'homme est venu non  pour être servi, mais pour servir ; comme plus tard le Vicaire de Jésus, le prince des prélats de la sainte Eglise, s'appellera Serviteur des serviteurs de Dieu. Mais en servant Jésus, comme elle servait avec lui et pour lui son frère et sa sœur, qui pourrait douter que plus que personne elle entrait en part des promesses de cet Homme-Dieu, lorsqu'il disait : "Qui me sert me suit ; et où je serai, là aussi sera mon serviteur ; et mon Père l'honorera". Et cette règle si belle de l'hospitalité antique, qui créait entre l'hôte et l'étranger admis une fois à son foyer des liens égaux à ceux du sang, croyons-nous  que  dans la  circonstance l'Emmanuel ait pu n'en pas tenir compte, lorsqu'au contraire  son Evangéliste nous dit qu'"à tous ceux qui le reçurent il a donné le pouvoir d'être faits enfants de Dieu". C'est qu'en effet "quiconque le reçoit, déclare-t-il lui-même, ne reçoit pas lui  seulement,  mais le Père qui l'envoie".

 

 La paix promise à toute maison qui se montrerait digne de recevoir les envoyés du ciel, la paix qui ne va point sans l'Esprit d'adoption des enfants, s'était reposée sur Marthe avec une incomparable abondance. L'exubérance trop humaine qui d'abord s'était laissée voir dans sa sollicitude empressée, avait été pour l'Homme-Dieu l'occasion de montrer sa divine jalousie pour la perfection de cette âme si dévouée et si pure. Au contact sacré, la vive nature de l'hôtesse du Roi pacifique dépouilla ce qu'il lui restait de fébrile inquiétude ; et servante plus active que jamais, plus agréée qu'aucune autre, elle puisa dans sa foi ardente au Christ Fils du Dieu vivant l'intelligence de l'unique nécessaire et de la meilleure part qui devait un jour être aussi la sienne. Oh ! quel maître de la vie spirituelle, quel modèle ici Jésus n'est il pas de discrète fermeté, de patiente douceur, de sagesse du ciel dans la conduite des âmes aux sommets !

 

Christ à la maison de Marthe et Marie par Engebrechtsz 

 

Jusqu'à la fin de sa carrière mortelle, selon le conseil de stabilité que lui-même il donnait aux siens, l'Homme-Dieu resta fidèle à l'hospitalité de Béthanie : c'est de là qu'il partit pour sauver le monde en sa douloureuse Passion ; c'est de Béthanie encore que, quittant le monde, il voulut remonter dans les cieux. Alors cette demeure, paradis de la terre, qui avait abrité Dieu, la divine Mère, le collège entier des Apôtres, parut bien vide à ceux qui l'habitaient. L'Eglise tout à l'heure nous dira par quelles voies, toutes d'amour pour nous Gentils, l'Esprit de la Pentecôte transporta dans la terre des Gaules la famille bénie des amis de l'Homme-Dieu.

 

 Sur les rives du Rhône, Marthe restée la même apparut comme une mère, compatissant à toutes misères, s'épuisant en bienfaits. Jamais sans pauvres, dit l'ancien historien des deux sœurs, elle les nourrissait avec une tendre sollicitude des mets que le ciel  fournissait  abondamment  à  sa charité, n'oubliant qu'elle-même, ne se réservant que des herbes ; et en mémoire du glorieux passé, comme elle avait servi le Chef de l'Eglise en sa propre personne, elle le servait maintenant dans ses membres, toujours aimable pour tous, affable à chacun. Cependant les pratiques d'une effrayante pénitence étaient ses délices. Mille  fois martyre, de toutes les puissances de son  âme Marthe la très sainte aspirait aux deux. Son esprit, perdu en Dieu, s'absorbait dans la prière et y passait les nuits. Infatigablement prosternée, elle adorait régnant au ciel Celui qu'elle avait vu sans gloire en sa maison. Souvent aussi elle parcourait les villes et les  bourgs, annonçant aux peuples le Christ Sauveur.

 

 Avignon et d'autres villes de la province Viennoise l'eurent pour apôtre. Tarascon fut par elle délivré de l'ancien serpent, qui sous une forme monstrueuse perdait les corps comme au dedans il tyrannisait  les  âmes. Ce fut là  qu'au milieu d'une communauté de vierges qu'elle avait fondée, elle entendit le Seigneur l'appeler en retour de son  hospitalité d'autrefois à celle des cieux. C'est là qu'aujourd'hui encore elle repose, protégeant  son peuple de Provence, accueillant en souvenir de Jésus l'étranger. La paix des bienheureux qui respire  en sa noble image, pénètre le pèlerin admis à baiser ses pieds apostoliques ; et en remontant les degrés de la crypte sacrée pour reprendre  sa  route  dans  cette  vallée d'exil,  il garde, comme un parfum de la patrie, le souvenir de l'unique et touchante épitaphe : SOLLICITA NON TURBATUR ; zélée toujours, elle n'est plus troublée.

 

 Marthe, née de parents nobles et riches, fut plus illustre encore par l'hospitalité du Christ Seigneur. Après son ascension au ciel, elle fut saisie par les Pharisiens avec son frère, sa sœur, Marcelle sa suivante, Maximin l'un des soixante-douze disciples, qui avait baptisé toute cette maison. En leur compagnie et celle de beaucoup d'autres chrétiens, elle fut jetée sur la vaste mer, dans un vaisseau sans voiles et sans rames, au-devant d'un naufrage certain ; mais sous la conduite de Dieu, tous sains et saufs, le navire aborda à Marseille.

 

Ce miracle et leur prédication amenèrent à croire au Christ les Marseillais d'abord, puis les habitants d'Aix et les nations limitrophes. Lazare fut fait évêque de Marseille, Maximin d'Aix. Madeleine, habituée à l'oraison et aux pieds du Seigneur, se retira dans la grotte déserte d'une montagne très élevée, pour y jouir de la meilleure part qu'elle avait choisie, dans la contemplation de la céleste béatitude ; là elle vécut trente ans, séparée de tout commerce des hommes, et tous les jours durant ce temps transportée par les Anges dans les hauteurs pour y entendre les chants des habitants des cieux.

 

Pour Marthe, son admirable charité et sainteté de vie lui gagna l'admiration et l'amour de tous les habitants de Marseille. Elle se retira avec plusieurs vertueuses femmes dans un lieu éloigné des hommes, où elle vécut longtemps en grande renommée de piété et de prudence. Enfin, glorifiée par ses miracles, ayant longtemps à l'avance prédit sa mort, elle passa au Seigneur le quatre des calendes d'août. Son corps repose à Tarascon en grande vénération.

 

Entrée pour jamais comme Madeleine en possession de la meilleure part, votre place, ô Marthe, est belle dans les cieux. Car celui qui sert dignement s'acquiert un rang élevé, dit saint Paul, et sa confiance est grande à juste titre dans la foi du Christ Jésus : le service que les diacres dont parlait l'Apôtre accomplissent pour l'Eglise, vous l'avez accompli pour son Chef et son Epoux ; vous avez bien gouverné votre maison, qui était la figure de cette Eglise aimée du Fils de Dieu. Or, assure encore le Docteur des nations, "Dieu n'est point injuste, pour oublier vos œuvres et l'amour que vous avez témoigné pour son nom, vous qui avez servi les saints". Et le Saint des saints, devenu lui-même votre hôte et votre obligé, ne nous laisse-t-il pas déjà entrevoir assez vos grandeurs, lorsque parlant seulement du serviteur fidèle établi sur sa famille pour distribuer à chacun la nourriture au temps voulu, il s'écrie : "Heureux ce serviteur que le Maître, quand il viendra, trouvera agissant de la sorte ! en vérité, je vous le dis, il l'établira sur tous ses biens". Ô Marthe, l'Eglise tressaille en ce jour où le Seigneur vous trouva, sur notre terre des Gaules, continuant de l'accueillir en ces plus petits où il déclare que nous devons maintenant le chercher. Il est donc venu le moment de la rencontre éternelle ! Assise désormais, dans la maison de cet hôte fidèle plus qu'aucun aux lois de l'hospitalité, vous le voyez faire de sa table votre table, et se ceignant à son tour, vous servir comme vous l'avez servi.

 

Du sein de votre repos, protégez ceux qui continuent de gérer les intérêts du Christ ici-bas, dans son corps mystique qui est toute l'Eglise, dans ses membres fatigués ou souffrants qui sont les pauvres et les affligés de toutes sortes. Multipliez et bénissez les œuvres de la sainte hospitalité ; que le vaste champ de la miséricorde et de la charité voie ses prodigieuses moissons s'accroître encore en nos jours. Puisse rien ne se perdre de l'activité si louable où se dépense le zèle de tant d'âmes généreuses ! et dans ce but, ô sœur de Madeleine, apprenez à tous, comme vous-même l'avez appris du Seigneur, à mettre au-dessus de tout l'unique nécessaire, à estimer à son prix la meilleure part. Après la parole qui vous fut dite moins pour vous que pour tous, quiconque voudrait troubler Madeleine aux pieds de Jésus, ou l'empêcher de s'y rendre, verrait à bon droit le ciel froissé stériliser ses œuvres.

 

Comme l'Eglise, faisons mémoire des  martyrs Simplicius et Faustinus, que la persécution de Dioclétien  moissonna pour le ciel  avec leur sœur Viatrice, nommée gracieusement Béatrice après son arrivée aux cieux. La sœur avait eu le temps d'ensevelir ses frères ; après son propre combat, elle fut placée près d'eux par la dernière des célèbres Lucines. L'heure du triomphe n'avait pas sonné encore ;  et déjà  pourtant, la sépulture de ce groupe illustre sous le bois même de la Dea Dia des Arvales, annonçait la victoire du Christ sur les plus antiques superstitions de la ville aux sept collines. Le  saint Pontife  Félix, qui  tient aussi la  palme en cette glorieuse compagnie, souffrit au temps des Ariens.

 

Faites, Seigneur, nous vous en supplions, que de même que le peuple chrétien célèbre dans une fête qui passe vos martyrs Félix, Simplicius, Faustinus et Béatrice, il se réjouisse aussi avec eux dans la fête éternelle, et que ce qu'il honore en ses vœux lui devienne propre à lui-même.

 

Par Jésus-Christ.

   

DOM GUÉRANGER
L'Année Liturgique

 

 

Marthe à la Résurrection de Lazare par Le Tintoret

Partager cet article
Repost0
28 juillet 2010 3 28 /07 /juillet /2010 08:17

La gloire de l'Eglise de Milan, Nazaire et Celse apparaissent au Cycle en ce jour. Oubliés trois siècles dans l'obscurité de la tombe qui, au temps de Néron, avait caché leurs dépouilles sacrées, ils reçoivent maintenant les hommages de l'Orient et de l'Occident réunis dans leur culte. Neuf ans s'étaient écoulés depuis la journée triomphale où, non moins ignorés de la ville témoin jadis de leurs combats, Gervais et Protais étaient venus, comme d'eux-mêmes, se ranger près d'un illustre Pontife attaqué pour la divine consubstantialité du même Christ qui avait eu leur amour et leur foi. Ambroise, que le martyre fuyait, mais qu'aimaient les Martyrs, était près de recevoir la blanche couronne réservée à ses oeuvres saintes, quand le ciel lui révéla le nouveau trésor dont la découverte allait, une fois de plus, "illustrer les temps de son épiscopat" (Ambr. Ep. XXII.). Théodose n'était plus ; Ambroise allait mourir ; partout déjà les Barbares se montraient. Mais comme si, avec la menace de la destruction imminente de l'ancien monde, l'heure de la première résurrection dont parle saint Jean eût sonné, les Martyrs se levaient de leurs tombes, et ils allaient régner mille ans avec le Christ sur un monde renouvelé (Apoc.  XX, 1-7.).

 

 Elle est tombée, elle est tombée la grande Babylone qui abreuvait tous les peuples du vin de sa fornication, et dans laquelle s'est trouvé tout le sang des saints qui furent tués sur la terre (Apoc. XIV,  8). Le grand Pape saint Innocent Ier, dont la mémoire semble venir aujourd'hui compléter tout exprès celle des Martyrs, n'est-il pas là pour rendre en effet témoignage du cataclysme dans lequel, aux jours de son pontificat, Rome païenne périt enfin et fit place entière à la Jérusalem nouvelle descendue des cieux ? Pas plus que l'antique Sion, la Rome des Césars ne s'était rendue aux avances du Dieu qui pouvait seul répondre à ses espérances d'immortalité. Depuis même le triomphe de la Croix sous Constantin, aucune ville de l'empire n'était restée si opiniâtrement éprise des idoles aux pieds desquelles avait coulé par sa criminelle folie, tant qu'elle était demeurée libre, le sang généreux qui aurait pu renouveler sa jeunesse.

 

 Après pourtant la défaite de ses vains simulacres, la patience divine s'était résolue de l'attendre un siècle entier, dont les dix dernières années ne furent qu'une suite de menaces salutaires et d'interventions miséricordieuses, où se montrait ce Christ qu'elle s'obstinait à repousser. Or les marches et contre-marches des Goths, alliés la veille, ennemis le lendemain, promenant l'anarchie, furent l'occasion pour elle de revenir aux superstitions que les empereurs chrétiens ne toléraient plus ; et l'on vit sa sénile démence sourire à la liberté que le siège mis par Alaric devant ses murs rendait aux aruspices toscans, venus à son secours, d'y rétablir le culte des dieux. Le réveil fut terrible, lorsqu'au matin du 24 août 410, le vrai Dieu des armées prit sa revanche enfin, et qu'on vit la foudre, tandis que les Barbares massacraient et pillaient, mettre en feu la ville et pulvériser les statues dans lesquelles si longtemps elle avait mis sa confiance et sa gloire.

 

Les justiciers de Dieu, renversant Babylone, avaient respecté la tombe des deux fondateurs de la Rome éternelle. Sur ces fondements apostoliques, Innocent reprit en sous-œuvre l'édification de la cité sainte. Bientôt, sur les sept collines purifiées par le feu, elle reparaissait plus éclatante que jamais comme le foyer prédestiné du monde des intelligences. C'est en l'année 417, dernière du pontificat d'Innocent, que retentissait dans l'Eglise l'acclamation d'Augustin à la condamnation portée contre l'hérésie pélagienne : "Des lettres de Rome sont arrivées ; la cause est finie".

 

Les conciles de Carthage et de Milève qui, dans la circonstance, avaient sollicité du Siège apostolique la confirmation de leurs décrets, ne faisaient en cela, du reste, que reprendre la tradition ininterrompue des Eglises à l'égard de la suréminente principauté reconnue par toutes à leur Maîtresse et Mère. C'est ce qu'atteste éloquemment le saint Pape Victor, associé aux Martyrs dans la Liturgie de ce jour. Son grand nom nous  rappelle  en effet les conciles qui, par son ordre, se tinrent au second siècle dans l'Eglise entière au sujet de la Pâque ; la condamnation exécutée ou projetée par lui contre les Eglises d'Asie, sans que personne méconnût le droit qu'il avait de la prononcer ; enfin les anathèmes incontestés dont il frappa Montan et les précurseurs d'Arius.

 

Lisons les lignes consacrées dans l'Office d'aujourd'hui à nos quatre Saints : 

Nazaire fut baptisé par le bienheureux Pape Linus. Etant passé en Gaule, il y baptisa lui-même Celse, qui était encore un enfant, après l'avoir instruit du christianisme. Ensemble ils allèrent à Trêves ; la persécution de Néron qui sévissait les fit jeter tous deux à la mer. Sauvés par un miracle, ils vinrent a Milan et y répandirent la foi du Christ ; ensuite de quoi le préfet Anolinus, ne pouvant triompher de leur constance à confesser le Christ comme Dieu, prononça contre eux une sentence capitale. Leurs corps furent ensevelis hors de la porte Romaine. Restés longtemps ignorés, leur existence fut révélée par Dieu à saint Ambroise, qui les trouva couverts d'un sang aussi vermeil que s'ils venaient de souffrir le martyre ; transportés dans la ville , on leur donna un tombeau digne d'eux.

 

 Victor , né  en Afrique, gouverna l'Eglise  au temps de l'empereur Sévère. Il confirma le décret de Pie Ier sur la célébration de la Pâque au Dimanche ; des conciles furent tenus dans beaucoup de lieux pour faire entrer cette règle dans les mœurs ; et enfin le premier concile de Nicée établit que la solennité pascale aurait lieu, après  le quatorzième jour de la lune, de peur que les Chrétiens  ne parussent imiter les Juifs. Victor statua qu'en cas de nécessité on pourrait être baptisé avec n'importe quelle eau, pourvu qu'elle fût naturelle. Il chassa de l'Eglise Théodote le Corroyeur, de Byzance, qui enseignait que le Christ n'avait été qu'un homme. Il écrivit sur la question de la  Pâque, et quelques  autres opuscules. En deux ordinations au mois de décembre  il créa quatre prêtres, sept diacres, et douze évêques pour divers lieux. Couronné  du martyre, on  l'ensevelit au Vatican, le cinq des  calendes d'août. Il  avait siégé neuf ans, un mois et vingt-huit jours.

 

 Innocent, originaire d'Albano, vécut au temps de saint Jérôme et de saint Augustin. C'est de lui que Jérôme disait à la vierge Démétriade : Gardez la foi de saint Innocent, fils et successeur  d'Anastase de bienheureuse mémoire en la Chaire Apostolique ; ne recevez aucune doctrine étrangère, si prudente et habile que vous croyez être. Comme le juste Loth, écrit Orose, la providence de Dieu, pour lui épargner la vue de la ruine du peuple Romain, le retira de Rome et le mit en sûreté dans Ravenne. Après avoir condamné Pelage et Célestius, il décréta expressément, à l'encontre de leur hérésie, que les enfants même nés d'une chrétienne devaient renaître par le baptême, afin que cette nouvelle naissance purifiât en eux la souillure de la première. Il approuva aussi qu'on jeûnât le samedi, en souvenir de la sépulture de notre Seigneur. Il siégea quinze ans, un mois et dix jours. En quatre ordinations au mois de décembre, il créa trente prêtres, quinze diacres, et cinquante-quatre évêques pour divers lieux. On l'ensevelit au cimetière nommé ad Ursum Pileatum.

 

 

 Glorieux élus qui, soit par l'effusion de votre sang dans l'arène, soit par les décrets rendus sur le Siège apostolique, avez exalté la foi du Seigneur, bénissez nos prières. Donnez-nous de comprendre l'enseignement qui résulte pour nous de votre rencontre  au Cycle sacré. Ni martyrs, ni pontifes, nous pouvons mériter pourtant d'être associés à votre gloire ; car le motif qui explique votre commun rendez-vous dans la béatitude en ce jour, doit être aussi pour chacun de nous, à des degrés divers, la raison du salut : dans le Christ Jésus, rien ne vaut, dit l'Apôtre, que la Foi qui opère par la charité ; c'est uniquement de cette Foi, pour laquelle vous avez travaillé ou souffert, que nous aussi espérons la justice et attendons la couronne.

 

Nazaire, qui aviez tout quitté pour annoncer le Christ aux contrées qui ne le  connaissaient pas ; Celse  qui,  tout enfant,  ne craignîtes point  de sacrifier comme lui  au  Seigneur  Jésus votre famille, votre pays, votre  vie même : obtenez-nous l'estime du trésor que tout fidèle est appelé à faire valoir par la confession des œuvres et de la louange.

 

Victor, gardien jaloux des traditions de cette divine louange en ce qui regarde le jour de la solennité des solennités, vengeur de l'Homme-Dieu dans sa nature divine ; Innocent, oracle incorruptible de la grâce du Christ Sauveur, témoin aussi de ses inexorables justices : apprenez-nous et la confiance et la crainte,  et la rectitude de la croyance et la susceptibilité qui sied au chrétien en ce qui touche  cette foi, fondement unique pour lui de la  justice et de  l'amour.

 

Martyrs et Pontifes, ensemble attirez-nous par la voie droite qui mène au ciel.

 

 

DOM GUÉRANGER
L'Année Liturgique

 

 

Juan de Arellano

Partager cet article
Repost0
27 juillet 2010 2 27 /07 /juillet /2010 08:17

L'Orient célèbre aujourd'hui un de ses grands martyrs. Médecin des corps et conquérant des âmes, son nom qui indiquait la force du lion fut, au moment où il allait mourir, changé par le ciel en celui de Pantaléon ou tout miséricordieux : présage des biens que la gratuite libéralité du Seigneur se proposait de répandre par lui sur la terre. Les diverses translations et le partage de ses restes précieux dans notre Occident, y propagèrent son culte et sa renommée secourable, qui le fit ranger parmi les Saints auxiliateurs.

 

 Pantaléon, noble médecin de Nicomédie, fut instruit par le prêtre Hermolaüs dans la foi de Jésus-Christ. Ayant reçu le baptême, il ne tarda pas de persuader à Eustorgius son père de se faire aussi chrétien. Puis il se mit à prêcher librement dans Nicomédie la doctrine du Seigneur , exhortant tout le monde à l'embrasser. C'était sous l'empire de Dioclétien. On le tortura sur le chevalet, on appliqua des lames ardentes sur son corps ; il supporta  toute la violence des tourments d'une âme forte et tranquille ; enfin il fut frappé du glaive, et conquit ainsi la couronne du martyre.

 

 

 Qu'y a-t-il de plus fort que le lion, de plus doux que le miel (Jud. XIV, 18.) ? Plus grand que Samson, vous avez dans votre personne même, ô Martyr, posé et résolu l'énigme : du fort est sortie la douceur. Ô lion qui marchiez si intrépidement à la suite du Lion de Juda, vous sûtes aussi imiter sa mansuétude ineffable ; et, comme il mérita d'être appelé l’Agneau à jamais, ainsi voulut-il que sa miséricorde resplendît dans le nom éternel par lequel, transformant votre nom de la terre, il vous appelait au festin des cieux.

 

Pour l'honneur de celui qui en fit votre titre de gloire, justifiez-le toujours plus. Soyez propice à ceux qui vous implorent, aux malheureux qu'une triste consomption rapproche chaque jour des portes du tombeau, aux médecins qui comme vous se dépensent dans les soins donnés à leurs frères : aidez-les à soulager la souffrance physique, à guérir les corps ; montrez-leur à panser mieux encore les plaies morales, à conduire l'âme au salut.

 

 

DOM GUÉRANGER
L'Année Liturgique

 

Martyre et Gloire de Saint Pantaléon par Fumiani

Partager cet article
Repost0
26 juillet 2010 1 26 /07 /juillet /2010 08:17

Joignant le sang des rois à celui des pontifes, Anne apparaît glorieuse plus encore de son incomparable descendance au milieu des filles d'Eve. La plus noble de toutes celles qui conçurent jamais en vertu du Croissez et multipliez des premiers jours, à elle s'arrête, comme parvenue à son sommet, comme au seuil de Dieu, la loi de génération de toute chair ; car de son fruit Dieu même doit sortir, fils uniquement ici-bas de la Vierge bénie, petit-fils à la fois d'Anne et de Joachim.

 

 Avant d'être favorisés de la bénédiction la plus haute qu'union humaine dût recevoir, les deux saints aïeuls du Verbe fait chair connurent l'angoisse qui purifie l'âme. Des traditions dont l'expression, mélangée de détails de moindre valeur, remonte pourtant aux origines du christianisme, nous montrent les illustres époux soumis à l'épreuve d'une stérilité prolongée, en butte à cause d'elle aux dédains de leur peuple, Joachim repoussé du temple allant cacher sa tristesse au désert, et Anne demeurée seule pleurant son veuvage et son humiliation. Quel exquis sentiment dans ce récit, comparable aux plus beaux que nous  aient gardés les saints Livres !

 

C'était le jour d'une grande fête du Seigneur. Malgré sa tristesse extrême, Anne déposa ses vêtements de deuil, et elle orna sa tête, et elle se revêtit de sa robe nuptiale. Et vers la neuvième heure, elle descendit au jardin pour s'y promener ; et voyant un laurier, elle s'assit à son ombre et répandit sa prière en présence du Seigneur Dieu, disant : 

" Dieu de mes pères, bénissez-moi et exaucez mes supplications, comme vous avez béni Sara et lui avez donné un fils !"

Et levant les yeux au ciel, elle vit sur le laurier un nid de passereau, et gémissant elle dit :

" Hélas ! quel sein m'a portée, pour être ainsi malédiction en Israël ?

A qui me comparer ? Je ne puis me comparer aux oiseaux du ciel; car les oiseaux sont bénis de vous, Seigneur.

A qui me comparer ? Je ne puis me comparer aux animaux de la terre ; car eux aussi sont féconds devant vous.

A qui me comparer ? Je ne puis me comparer aux eaux ; car elles ne sont point stériles en votre présence, et les fleuves et les océans poissonneux vous louent dans leurs soulèvements ou leur cours paisible.

A qui me comparer ? Je ne puis me comparer  à la terre même; car la terre elle aussi porte ses fruits en son temps, et elle vous bénit, Seigneur."

Or voici qu'un Ange du Seigneur survint, lui disant : " Anne, Dieu a exaucé ta prière ; tu concevras et enfanteras, et ton fruit sera célébré dans toute terre habitée."

Et le temps venu, Anne mit au monde une fille, et  elle  dit :

" Mon âme  est magnifiée à cette heure".

Et elle nomma l'enfant Marie ; et lui donnant le sein, elle entonna ce cantique au Seigneur :

" Je chanterai la louange du Seigneur mon Dieu ; car il m'a visitée, il a éloigné de moi l'opprobre, il m'a donné un fruit de justice. Qui annoncera aux fils de Ruben qu'Anne est devenue féconde ? Ecoutez, écoutez, douze tribus :  voici qu'Anne allaite !"

(Protevangelium Jacobi.)

 

GIOTTO di Bondone

Joachim, averti par le ciel de quitter le désert, avait rencontré son épouse sous la porte Dorée donnant accès au temple du côté de l'Orient. Non loin, près de la piscine Probatique, où les agneaux destinés à l'autel lavaient leur blanche toison avant d'être offerts au Seigneur, s'élève aujourd'hui la basilique restaurée de Sainte-Anne, appelée primitivement Sainte-Marie de la Nativité.

 

SAINTE ANNE JERUSALEM

Basilique Sainte Anne à Jérusalem

 

C'est là que, dans la sérénité du paradis, germa sur la tige de Jessé le béni rejeton salué du Prophète a et qui devait porter la divine fleur éclose au sein du Père avant tous les temps. Séphoris, patrie d'Anne, Nazareth, où vécut Marie, disputent, il est vrai, à la Ville sainte l'honneur que réclament ici pour Jérusalem d'antiques et constantes traditions. Mais nos hommages à coup sûr ne sauraient s'égarer, quand ils s'adressent en ce jour à la bienheureuse Anne, vraie terre incontestée des prodiges dont le souvenir renouvelle l'allégresse des cieux, la fureur de Satan, le triomphe du monde.

 

Anne, point de départ du salut, horizon qu'observaient les Prophètes, région du ciel la première empourprée des feux de l'aurore ; sol béni, dont la fertilité si pure donna dès lors à croire aux Anges qu'Eden nous était rendu ! Mais dans l'auréole d'incomparable paix qui l'entoure, saluons en elle aussi la terre de victoire éclipsant tous les champs de  bataille fameux : sanctuaire de l'Immaculée Conception, là fut repris par notre race humiliée le grand  combat commencé près du trône de  Dieu par  les célestes phalanges ;  là le dragon chassé des deux vit broyer sa tête, et Michel surpassé en gloire remit joyeux à la  douce souveraine qui, dès son éveil à l'existence, se déclarait  ainsi,  le  commandement des armées du Seigneur.

 

 Quelle bouche humaine, si le charbon  ardent ne l’a touchée, pourra dire l'admiratif étonnement des angéliques principautés, lorsque la  sereine complaisance de la Trinité  sainte, passant des brûlants Séraphins jusqu'aux  derniers  rangs des neuf chœurs, inclina leurs regards de feu à la contemplation de la sainteté subitement éclose au sein d'Anne ? Le Psalmiste avait dit de la Cité glorieuse dont les fondations se cachent en celle qui auparavant fut stérile : Ses fondements sont posés sur les saintes montagnes (Psalm. LXXXVI, 1.).

 

Comme Moïse  à la  vue du buisson ardent sur l'Horeb, les célestes hiérarchies sont saisies d'une frayeur sainte, en reconnaissant  au désert  de notre monde de néant la montagne de Dieu, et comprennent que l'affliction d'Israël va cesser. Quoique sous le nuage qui la couvre encore, Marie, au sein d'Anne, est en effet déjà cette montagne bénie dont la base, le point de départ de grâce, dépasse le faîte des monts où les plus hautes saintetés créées trouvent leur consommation dans la gloire et l'amour.

 

GIOTTO di Bondone 2

Naissance de la Sainte Vierge par Giotto

 

Oh ! combien donc justement Anne, par son nom, signifie grâce, elle qui, neuf mois durant, resta le lieu des complaisances souveraines du Très-Haut, de l'extase des très purs esprits, de l'espoir de toute chair ! Sans doute ce fut Marie, la fille et non la mère, dont l'odeur si suave attira dès lors si puissamment les cieux vers nos humbles régions. Mais c'est le propre du parfum d'imprégner de lui premièrement le vase qui le garde, et, lors même qu'il en est sorti, d'y laisser sa senteur. La coutume n'est-elle pas du reste que ce vase lui aussi soit avec mille soins préparé d'avance, qu'on le choisisse d'autant plus pure, d'autant plus noble matière, qu'on le relève d'autant plus riches ornements que plus exquise et plus rare est l'essence qu'on se propose d'y laisser séjourner? Ainsi Madeleine renfermait-elle son nard précieux dans l'albâtre. Ne croyons pas que l'Esprit-Saint, qui préside à la composition des parfums du ciel, ait pu avoir de tout cela moins souci que les hommes. Or le rôle de la bienheureuse Anne fut loin de se borner, comme fait le vase pour le parfum, à contenir passivement le trésor du monde. C'est de sa chair que prit un corps celle en qui Dieu prit chair à son tour ; c'est de son lait qu'elle fut nourrie ; c'est de sa bouche que, tout inondée qu'elle fût directement de la divine lumière, elle reçut les premières et pratiques notions de la vie.  

 

LAGRENÉE 

L'éducation de la Sainte Vierge par Lagrenée

 

Anne eut dans l'éducation de son illustre fille la part de toute mère ; non seulement, quand Marie  dut quitter ses genoux, elle dirigea ses premiers  pas ; elle  fut en toute vérité la coopératrice de l'Esprit-Saint dans la formation de cette âme et la préparation de ses incomparables destinées : jusqu'au jour où, l'œuvre parvenue à tout le développement qui relevait de sa maternité, sans retarder d'une heure, sans retour sur elle-même, elle offrit l'enfant de sa tendresse à celui qui la lui avait donnée.

 

 Sic fingit tabernaculum Deo, ainsi elle crée un tabernacle à Dieu : c'était la devise que portaient, autour de l'image d'Anne instruisant Marie, les jetons de l'ancienne corporation des ébénistes et des menuisiers, qui,  regardant la confection des tabernacles de nos églises où Dieu daigne habiter comme son œuvre la plus haute, avait pris sainte Anne pour patronne et modèle auguste. Heureux âge que celui où ce que l'on aime à nommer la naïve simplicité de nos pères, atteignait si avant dans l'intelligence pratique des mystères que  la stupide infatuation de leurs fils se fait gloire d'ignorer ! Les  travaux  du  fuseau, de tissage, de couture, de broderie, les soins  d'administration domestique, apanage de la femme forte exaltée au livre  des  Proverbes,  rangèrent naturellement aussi dans ces temps les mères de famille, les maîtresses de maison, les ouvrières du vêtement, sous la protection directe de la sainte épouse de Joachim. Plus d'une fois, celles  que le  ciel  faisait passer par l'épreuve douloureuse qui, sous le nid du passereau, avait dicté sa prière touchante, expérimentèrent la puissance d'intercession de l'heureuse mère de Marie pour attirer sur d'autres qu'elle-même la bénédiction du Seigneur Dieu.

 

 L'Orient précéda l'Occident dans le culte public de l'aïeule du Messie. Vers le milieu du VIe siècle, Constantinople lui dédiait une église. Le Typicon de saint Sabbas ramène sa mémoire liturgique trois fois dans l'année : le 9 septembre, en la compagnie de Joachim son époux, au lendemain de la Nativité  de leur illustre fille ; le 9 décembre, où les Grecs, qui retardent d'un jour sur les Latins la solennité de la Conception immaculée de Notre-Dame, célèbrent cette fête sous un titre qui rappelle plus directement la part d'Anne au mystère ; enfin le 25 juillet, qui, n'étant point occupé chez eux par la mémoire de saint Jacques le Majeur anticipée au 30 avril, est appelé Dormition ou mort précieuse de sainte Anne, mère de la très sainte Mère de Dieu : ce sont les expressions mêmes que le Martyrologe romain devait adopter par la suite.

 

 Si Rome, toujours plus réservée, n'autorisa que beaucoup plus tard l'introduction dans les Eglises latines d'une fête liturgique de sainte Anne, elle n'avait point attendu cependant pour diriger de ce côté, en l'encourageant, la piété des fidèles. Dès le temps de saint Léon III, et par le commandement exprès de l'illustre Pontife, on représentait l'histoire d'Anne et de Joachim sur les ornements sacrés destinés aux plus nobles basiliques de la Ville éternelle. L'Ordre des Carmes, si dévot à sainte  Anne, contribua  puissamment, par  son heureuse transmigration dans nos contrées, au développement croissant d'un culte appelé d'ailleurs comme naturellement par les progrès de la dévotion des peuples à la Mère de Dieu. Cette étroite relation des deux cultes est en effet rappelée dans les termes de la concession par laquelle, en 1381, Urbain VI donnait satisfaction aux vœux des fidèles d'Angleterre et autorisait pour ce royaume la fête de la bienheureuse Anne. Déjà au siècle précédent, l'Eglise d'Apt en Provence était en possession de cette solennité : priorité s'expliquant chez elle par l'honneur insigne qui lui échut pour ainsi dire avec la foi, lorsque au premier âge du christianisme elle reçut en dépôt le très saint corps de l'aïeule du Messie.

 

Depuis que le  Seigneur remonté aux cieux a voulu  que, comme lui, Notre-Dame y fût  couronnée sans plus tarder dans la totalité de son être virginal, n'est-il pas vrai de dire que  les  reliques de la Mère de Marie doivent être  doublement chères au monde : et  comme toutes autres, en raison de la sainteté de celle dont ils sont les restes augustes ; et plus qu'aucunes autres, par ce côté qui nous les montre en voisinage plus immédiat qu'aucune avec le mystère de la divine Incarnation ? Dans son abondance, l'Eglise d'Apt crut pouvoir se montrer prodigue ; si bien qu'il nous serait impossible d'énumérer les sanctuaires qui, soit de cette source incomparable, soit d'ailleurs pour de plus ou moins notables portions, se trouvent aujourd'hui  enrichis  d'une part de ces restes précieux. Nous ne pouvons omettre  de nommer cependant, parmi ces lieux privilégiés, l'insigne Basilique de Saint-Paul-hors-les-Murs ; dans une apparition à sainte Brigitte de Suède, Anne voulut confirmer elle-même l'authenticité du bras que l'église où repose le Docteur des nations, conserve d'elle comme un des plus nobles joyaux de son opulent trésor.

 

Ce fut seulement en 1584, que Grégoire XIII ordonna la célébration de la fête du 26 juillet dans le monde entier, sous le rit double. C'était Léon XIII qui devait, de nos jours (1879), l'élever en même temps que celle de saint Joachim à la dignité des solennités de seconde Classe. Mais auparavant, en 1622, Grégoire XV, guéri d'une grave maladie par sainte Anne, avait déjà mis sa fête au nombre des fêtes de précepte entraînant l'abstention des œuvres serviles.

 

Anne recevait enfin ici-bas les hommages dus au rang qu'elle occupe au ciel ; elle ne tardait pas à reconnaître par des bienfaits nouveaux la louange plus solennelle qui lui venait de la terre. Dans les années 1623, 1624, 1625, au village de Keranna près Auray en Bretagne, elle se manifestait à Yves Nicolazic, et lui faisait trouver au champ du Bocenno, qu'il tenait à ferme, l'antique statue dont la découverte allait, après mille ans d'interruption et de ruines, amener les peuples au lieu où l'avaient jadis honorée les habitants de la vieille Armorique.

 

 Les grâces sans nombre obtenues en ce lieu, devaient en effet porter leur renommée bien au delà des frontières d'une province à laquelle sa foi, digne des anciens âges, venait de mériter la faveur de l'aïeule du Messie ; Sainte-Anne d'Auray allait compter bientôt parmi les principaux pèlerinages du monde chrétien.

 

SAINTE ANNE AURAY

Sainte Anne d'Auray

 

Plus heureuse que l'épouse d'Elcana, qui vous avait  figurée par ses épreuves et son  nom même, ô Anne, vous chantez maintenant les magnificences du Seigneur, et nous tous, les frères de Jésus, les enfants comme lui de Marie votre fille, c'est dans la joie qu'amenés par notre Mère, nous vous présentons avec elle nos vœux en ce jour. Quelle fête plus touchante au foyer que celle de l'aïeule, quand autour d'elle, comme  aujourd'hui, viennent se ranger ses petits-fils dans la déférence et l'amour ! Pour tant d'infortunés qui n'eussent jamais connu ces  solennités suaves, ces fêtes  de  famille, de jour en jour, hélas ! plus rares, où la bénédiction du paradis terrestre semble revivre en  sa fraîcheur, quelle douce compensation réservait la miséricordieuse prévoyance de notre Dieu ! Il a voulu, ce Dieu  très haut, tenir à nous de si près qu'il fût un de nous dans la chair ; Il a connu ainsi que nous les relations, les dépendances mutuelles résultant comme une loi de notre nature, ces liens d'Adam dans  lesquels il avait  projeté de nous prendre et où il se prit le premier. Car, en  élevant la nature au-dessus d'elle-même, il ne l'avait pas supprimée ; il faisait seulement que la grâce, s'emparant d'elle, l'introduisît jusqu'aux cieux : en sorte qu'alliées dans le temps par leur  commun auteur, nature et grâce demeurassent pour sa gloire unies dans l'éternité.  Frères donc par la grâce de celui qui reste à jamais votre petit-fils par nature, nous devons à cette disposition pleine d'amour de la divine Sagesse de n'être point, sous votre toit, des étrangers en ce jour ; vraie fête du cœur pour Jésus et Marie, cette solennité de famille est aussi la nôtre.

 

 Donc, ô Mère, souriez à nos chants, bénissez nos vœux. Aujourd'hui et toujours, soyez propice aux supplications qui montent vers vous de ce séjour d'épreuves. Dans leurs désirs selon Dieu, dans leurs douloureuses confidences, exaucez les épouses et les mères.

 

Maintenez, où il en est temps encore, les traditions du foyer chrétien. Mais déjà, que de familles où le souffle de ce siècle a passé, réduisant à néant le sérieux de la vie, débilitant la foi, ne semant qu'impuissance, lassitude, frivolité, sinon pis, à la place des fécondes et vraies joies de nos pères ! Oh ! comme le Sage, s'il revenait parmi nous, dirait haut toujours : "Qui trouvera la femme forte ?" Elle seule, en effet, par son ascendant, peut encore conjurer ces maux, mais à la condition de ne point oublier où réside sa puissance ; à savoir dans les plus humbles soins du ménage exercés par elle-même, le dévouement qui se dépense obscurément, veilles de nuit, prévoyance de chaque heure, travaux de la laine et du lin, jeu du fuseau : toutes ces fortes choses qui lui assurent confiance et louange de la part de l'époux, autorité sur tous, abondance au foyer, bénédiction du pauvre assisté par ses mains, estime de l'étranger, respect de ses fils, et pour elle-même, dans la crainte du Seigneur, noblesse et dignité, beauté autant que force, sagesse, douceur et contentement, sérénité du dernier jour.

 

Bienheureuse Anne, secourez la société qui  se meurt par le défaut de ces vertus qui furent vôtres. Vos maternelles bontés, dont  les effusions sont devenues plus fréquentes, ont accru la confiance de l'Eglise ; daignez  répondre  aux espérances qu'elle met en vous.

 

Bénissez spécialement votre Bretagne fidèle ; ayez pitié de la France malheureuse, que vous avez aimée si tôt en lui confiant votre saint corps, que vous avez choisie plus tard de préférence comme le lieu toujours cher d'où vous vouliez vous manifester au monde, que naguère encore vous avez comblée en lui remettant le sanctuaire qui rappelle dans Jérusalem votre gloire et vos ineffables joies : ô vous donc qui, comme le Christ, aimez les Francs, qui dans la Gaule déchue daignez toujours voir le  royaume de Marie, continuez-nous cet amour, tradition de famille pour nous si précieuse.

 

Que votre initiative bénie  vous  fasse  connaître par le monde à ceux de nos frères qui vous ignoreraient encore. Pour nous qui dès longtemps avons connu votre puissance, éprouvé vos bontés, laissez-nous toujours chercher en vous, ô Mère, repos, sécurité, force en toute épreuve ; à qui  s'appuie sur vous, rien n'est à craindre  ici-bas : ce  que votre bras porte est bien porté.

 

 

St Anne Altarpiece MASSYS 1

Le Retable de Sainte Anne par Massys 

  

Dieu tout-puissant, éternel, qui par votre grâce avez, après l'épreuve d'une longue stérilité, rendu féconde d'un fruit glorieux la bienheureuse Anne ; faites, nous vous en supplions, que, par l'appui de ses mérites auprès de vous, nous obtenions la fécondité d'une foi pure et produisions les fruits du salut dans nos œuvres.

 

Par Jésus-Christ.

 

 

DOM GUÉRANGER
L'Année Liturgique

 

MASTER OF THE HOUSEBOOK 

Vierge à l'Enfant avec Sainte Anne

Partager cet article
Repost0
24 juillet 2010 6 24 /07 /juillet /2010 08:00

Christine, dont le nom seul embaume l'Eglise des parfums de l'Epoux, prélude dans sa grâce à la fête de l'aîné des fils du tonnerre. L'antique Vulsinies, assise près de son lac aux rives de basalte, aux calmes et claires eaux, la vit à dix ans mépriser les idoles des nations. Elle triompha du paganisme étrusque là même où Constantin signale en ses édits le lieu de la solennelle réunion qui se faisait chaque année des faux prêtres ombriens et toscans. La découverte du tombeau de Christine est venue confirmer dans nos temps jusqu'à cette particularité de l'âge de la martyre donné par ses Actes, auxquels la science des derniers âges avait voulu dénier toute valeur. Nouvelle leçon, reçue après bien d'autres, et qui devrait amener une critique trop infatuée à reporter quelque peu sur elle-même les défiances dont elle se fait un honneur.

Lorsque du rivage qui reçut après ses combats la dépouille de l'héroïque enfant, on contemple l'île où périt tragiquement deux siècles plus tard la noble fille de Théodoric le Grand, Amalasonte, le néant des grandeurs qui n'ont  que cette terre pour piédestal saisit l'âme plus éloquemment que ne ferait tout discours.

Au XIIIe siècle, l'Epoux, continuant d'exalter la martyre au-dessus des plus illustres reines, voulut l'associer à son triomphe au Sacrement d'amour : ce fut l'église de Christine qu'il choisit pour théâtre du miracle fameux de Bolsena, qui précéda de quelques mois seulement l'institution de la solennité du Corps du Seigneur.


DOM GUÉRANGER
L'année liturgique





Tombeau de Sainte Christine
Basilica di Santa Cristina

Partager cet article
Repost0
23 juillet 2010 5 23 /07 /juillet /2010 04:00

" Celui qui fait la volonté de Dieu, celui-là est mon frère, ma sœur, ma mère "

 

En désignant Sainte Brigitte comme co-patronne de l'Europe, j'entends faire en sorte que la sentent proche d'eux non seulement ceux qui ont reçu la vocation à une vie de consécration spéciale, mais aussi ceux qui sont appelés aux occupations ordinaires de la vie laïque dans le monde et surtout à la haute et exigeante vocation de former une famille chrétienne.

 

Sans se laisser fourvoyer par les conditions de bien-être de son milieu aristocratique, elle a vécu avec son époux Ulf une expérience de couple dans laquelle amour conjugal allait de pair avec une prière intense, avec l'étude de l'Écriture Sainte, avec la mortification, avec la charité. Ils ont fondé ensemble un petit hôpital, où ils soignaient fréquemment les malades. Brigitte avait l'habitude de servir personnellement les pauvres.

 

En même temps, elle a été appréciée pour ses qualités pédagogiques, qu'elle a eu l'occasion de mettre en œuvre durant la période où l'on a demandé ses services à la cour de Stockholm. C'est dans cette expérience que mûriront les conseils qu'elle donnera en diverses occasions à des princes ou à des souverains pour un bon accomplissement de leurs tâches. Mais les premiers qui en bénéficièrent furent assurément ses enfants, et ce n'est pas par hasard que l'une de ses filles, Catherine, est vénérée comme sainte.

 

Après la mort de son époux, elle a entendu la voix du Christ qui lui confiait une nouvelle mission, la guidant pas à pas par une série de grâces mystiques extraordinaires. Avec la force qui est un écho des anciens grands prophètes, elle parle avec sûreté à des princes, des papes, révélant les desseins de Dieu sur les évènements de l'histoire. Elle n'épargne pas les avertissements sévères même en matière de réforme morale du peuple chrétien et du clergé lui-même...

 

Les terres scandinaves, patrie de Brigitte, s'étant détachées de la pleine communion avec le Siège de Rome au cours de tristes évènements du XVIe siècle, la figure de la sainte suédoise reste un précieux lien œcuménique, renforcé encore par l'engagement dans ce sens de l'Ordre religieux qu'elle a fondé.

 

 

Jean-Paul II
Lettre apostolique Spes aedificandi

l'Evangile au quotidien 

 

 

Bénédictions de Sainte Brigitte par Lorenzo Lotto

Partager cet article
Repost0
22 juillet 2010 4 22 /07 /juillet /2010 04:00

Giampietrino 

Marie Madeleine Pénitente par Giampietrino

 

" Trois Saints, dit à Brigitte de Suède le Fils de Dieu, m'ont agréé par-dessus tous les autres : Marie ma mère, Jean-Baptiste, et Marie Madeleine" (Revelationes S. Birgittae, Lib. IV, cap. 108). Figure, nous disent les Pères de l'Eglise des Gentils appelée des abîmes du péché à la justice parfaite, Marie Madeleine plus qu'aucune autre, en effet, personnifia les égarements et l'amour de cette humanité que le Verbe avait épousée. Comme les plus illustres personnages de la loi de grâce, elle se préexista dans les siècles. Suivons dans l'histoire de la grande pénitente la marche tracée par la voix unanimement concordante de la tradition : Madeleine, on le verra, n'en sera point diminuée.

 

 Lorsqu'avant tous les temps Dieu décréta de manifester sa gloire, il voulut régner sur un monde tiré du néant ; et la bonté en lui égalant la puissance, il fit du triomphe de l'amour souverain la loi de ce royaume que l'Evangile nous montre semblable à un roi qui fait les noces de son fils.

 

 C'était jusqu'aux limites extrêmes de la création, que l'immortel Fils du Roi des siècles arrêta de venir contracter l'alliance résolue au sommet des collines éternelles. Bien au-dessous de l'ineffable simplicité du premier Etre, plus loin que les pures intelligences dont la divine lumière parcourt en se jouant les neuf chœurs, l'humaine nature apparaissait, esprit et corps, faite elle aussi pour connaître Dieu, mais le cherchant avec labeur, nourrissant d'incomplets échos sa soif d'harmonies, glanant les derniers reflets de l'infinie beauté sur l'inerte matière. Elle pouvait mieux, dans son infirmité, manifester la condescendance suprême ; elle fixa le choix de Celui qui s'annonçait comme l'Epoux.

 

 Parce que l'homme est chair et sang, lui donc aussi se ferait chair ; il n'aurait point les Anges pour frères, et serait fils d'Adam. Splendeur du Père dans les deux, le plus beau de sa race ici-bas, il captiverait l'humanité dans les liens qui l'attirent. Au premier jour du monde, en élevant par la grâce l'être humain jusqu'à Dieu, en le plaçant au paradis de l'attente, l'acte même de création scella les fiançailles.

 

 Hélas ! sous les ombrages de l'Eden, l'humanité ne sut attendre l'Epoux. Chassée du jardin de délices, elle se jeta dans tous les bois sacrés des nations et prostitua aux idoles vaines ce qui lui restait de sa gloire. Car grands encore étaient ses attraits ; mais ces dons de nature, quoiqu'elle l'eût oublié, restaient les présents profanés de l'Epoux : "Cette beauté qui te rendait parfaite aux yeux, c'était la mienne que j'avais mise en toi, dit le Seigneur Dieu" (Ezech. XVI, 14. ).

 

 L'amour n'avouait pas sa défaite ; la Sagesse, suave et forte, entreprenait de redresser les sentiers des humains. Dans l'universelle conspiration, laissant les nations mener jusqu'au bout leur folle expérience, elle se choisit un peuple issu de souche sainte, en qui la promesse faite à tous serait gardée. Quand Israël sortit d'Egypte, et la maison de Jacob du milieu d'un peuple barbare, la nation juive fut consacrée à Dieu, Israël devint son domaine. En la personne du fils de Béor, la gentilité vit passer au désert ce peuple nouveau, et elle le bénit dans l'admiration des magnificences du Seigneur habitant avec lui sous la tente, et cette vue fit battre en elle un instant le cœur de l'Epouse. "Je le verrai, s'écria-t-elle en son transport, mais non maintenant ; je le contemplerai, mais plus tard !" (Num. XXIII-XXIV.) Du sommet des collines sauvages d'où l'Epoux l'appellera un jour, elle salua l'étoile qui devait se lever de Jacob, et redescendit prédisant la ruine à ces Hébreux qui l'avaient pour un temps supplantée.

 

 Extase sublime, suivie bientôt de plus coupables égarements ! Jusques à quand, fille vagabonde, t'épuiseras-tu dans ces délices fausses ? Comprends qu'il t'a été mauvais d'abandonner ton Dieu. Les siècles ont passé ; la nuit tombe ; l'étoile a paru, signe de l'Epoux conviant les nations. Laisse-toi ramener au désert ; écoute Celui qui parle à ton cœur. Ta rivale d'autrefois n'a point su rester reine ; l'alliance du Sinaï n'a produit qu'une esclave. L'Epoux attend toujours l'Epouse.

 

Quelle attente, ô Dieu, que celle qui vous fait franchir au-devant de l'infidèle humanité les collines et les monts ! A quel point donc peuvent s'abaisser les cieux, que devenu péché pour l'homme pécheur, vous portiez vos conquêtes au delà du néant, et triomphiez de préférence au fond des abîmes ? Quelle est cette table où votre Evangéliste nous montre le Fils de l'Eternel, inconnu sous la servile livrée des hommes mortels, assis sans gloire dans la maison du pharisien superbe ? L'heure a sonné où l'altière synagogue qui n'a su ni jeûner avec Jean, ni se réjouir avec Celui dont il préparait les sentiers, va voir enfin Dieu justifier les délais de son miséricordieux amour. "Ne méprisons pas comme des pharisiens les conseils de Dieu, s'écrie saint Ambroise à cet endroit du livre sacré. Voici que chantent les fils de la Sagesse ; écoute leurs voix, entends leurs danses : c'est l'heure des noces. Ainsi chantait le Prophète, quand il disait : Viens ici du Liban, mon Epouse, viens ici du Liban."

 

 Et voici qu'une femme, qui était pécheresse dans la ville, quand elle apprit qu'il était assis à table dans la maison du pharisien, apporta un vase d'albâtre plein de parfum ; et se tenant derrière lui à ses pieds, elle commença à les arroser de ses larmes, et les essuyant avec ses cheveux, elle les baisait, et y répandait le parfum.  

 

1simon Bouts

Jésus Christ chez Simon par Bouts 

 

" Quelle est cette femme ? L'Eglise sans nul doute, répond saint Pierre Chrysologue : "l'Eglise sous le poids des souillures de ses péchés passés dans la cité de ce monde. A la nouvelle que le Christ a paru dans la Judée, qu'il s'est montré au banquet de la Pâque, où il livre ses mystères, où il révèle le Sacrement divin, où il manifeste le secret du salut : soudain, se précipitant, elle dédaigne les contradictions des scribes qui lui ferment l'entrée, elle brave les princes de la synagogue ; et ardente, toute de désirs, elle pénètre au sanctuaire, où elle trouve Celui qu'elle cherche au banquet de l'amour, sans que la passion, la croix, le sépulcre, arrêtent sa foi et l'empêchent de porter au Christ ses parfums" (PETR. Chrysol. Sermo XCV).

 

 Et quelle autre que l'Eglise, disent à leur tour ensemble Paulin de Noie et Ambroise de Milan, aie secret de ce parfum ? elle dont les fleurs sans nombre ont tous les arômes, qui, odorante des sucs variés de la céleste grâce, exhale suavement à Dieu les multiples senteurs des vertus provenant de nations diverses et les prières des saints, comme autant d'essences s'élevant sous l'action de l'Esprit de coupes embrasées. De ce parfum de sa conversion, qu'elle mêle aux pleurs de son repentir, elle arrose les pieds du Seigneur, honorant en eux son humanité. Sa foi qui l'a justifiée croit de pair avec son amour ; bientôt la tête même de l'Epoux, sa divinité, reçoit d'elle l'hommage de la pleine mesure de nard précieux et sans mélange signifiant la justice consommée, dont l'héroïsme va jusqu'à briser le vase de  la chair mortelle qui le contenait dans le martyre de l'amour ou des tourments.

 

 Mais alors même qu'elle est parvenue au sommet du mystère, elle n'oublie pas les pieds sacrés dont le contact l'a délivrée des sept démons représentant tous les vices ; car à jamais pour le cœur de l'Epouse, comme désormais au sein du Père, l'Homme-Dieu reste inséparable en sa double nature. A la différence donc du pharisien qui, ne voulant du Christ ni pour fondement ni pour chef, n'a trouvé, comme Jésus l'observe ni pour sa tête l'huile odorante, ni l'eau même pour ses pieds, elle verse sur les deux son parfum de grand prix ; et tandis que l'odeur suave de sa foi si complète remplit la terre devenue par la victoire de cette foi la maison du Seigneur, elle continue, comme au temps où elle y répandait ses larmes, d'essuyer de ses longs cheveux les pieds du Maître. Mystique chevelure, gloire de l'Epouse : où les saints voient ses œuvres innombrables et ses prières sans fin ; dont la croissance réclame tous ses soins d'ici-bas ; dont l'abondance et la beauté seront divinement exaltées dans les cieux par Celui qui comptera jalousement, sans négliger aucune, sans laisser perdre une seule, toutes les œuvres de l'Eglise. C'est alors que de sa tête, comme de celle de l'Epoux, le divin parfum qui est l’Esprit-Saint se répandra éternellement, comme une huile d'allégresse, jusqu'aux extrémités de la cité sainte.

 

 En attendant, ô, pharisien qui méprises la pauvresse dont l'amour pleure aux pieds de ton hôte divin méconnu, j'aime mieux, s'écrie le solitaire de Nole, me trouver lié dans ses cheveux aux pieds du Christ, que d'être assis près du Christ avec toi sans le Christ. Heureuse pécheresse que celle qui mérita de figurer l'Eglise, au point d'avoir été directement prévue et annoncée par les Prophètes, comme le fut l'Eglise même ! C'est ce qu'enseignent saint Jérôme et saint Cyrille d'Alexandrie, pour sa vie de grâce comme pour son existence de péchés. Et résumant à son ordinaire la tradition qui l'a précédé, Bède le Vénérable ne craint pas d'affirmer qu'en effet "ce que Madeleine a fait une fois, reste le type de ce que fait toute l'Eglise, de ce que chaque âme parfaite doit toujours faire".

 

 Qui ne comprendrait la prédilection de l'Homme-Dieu pour cette âme dont le retour, en raison même de la misère plus profonde où elle était tombée, manifesta dès l'abord et si pleinement le succès de sa venue, la défaite de Satan, le triomphe de cet amour souverain posé à l'origine comme l'unique loi de ce monde ! Lorsque Israël n'attendait du Messie que des biens périssables, quand les Apôtres eux-mêmes et jusqu'à Jean le bien-aimé ne rêvaient près de lui que préséances et honneurs, la première elle vient à Jésus pour lui seul et non pour ses dons. Avide uniquement de purification et d'amour, elle ne veut pour partage que les pieds augustes fatigués à la recherche de la brebis égarée : autel béni, où elle trouve le moyen d'offrir à son libérateur autant d'holocaustes d'elle-même, dit saint Grégoire, qu'elle avait eu de vains objets de complaisance. Désormais ses biens comme sa personne sont à Jésus, dont elle n'aura plus d'occupation que de contempler les mystères et la vie, dont elle recueillera chaque parole, dont elle suivra tous les pas dans la prédication du royaume de Dieu.

 

1magdale Weyden

La Madeleine lisant par Rogier van der Weyden

 

S'asseoir à ses pieds est pour elle l'unique bien, le voir l'unique joie, l'entendre le seul intérêt de ce monde. Combien vite, dans la lumière de son humble confiance, elle a dépassé la synagogue et les justes eux-mêmes ! Le pharisien s'indigne, sa sœur se plaint, les disciples murmurent : partout Marie se tait, mais Jésus parle pour elle ; on sent que son Cœur sacré est atteint de la moindre appréciation défavorable à son encontre. A la mort de Lazare, le Maître doit l'appeler du repos mystérieux où même alors, remarque saint Jean, elle restait assise ; sa présence au tombeau fait plus que celle du collège entier des Apôtres ; un seul mot d'elle, déjà dit par Marthe accourue la première, est plus puissant que tous les discours de celle-ci ; ses pleurs enfin font pleurer l'Homme-Dieu, et suscitent en lui le frémissement sacré, précurseur du rappel à la vie de ce mort de quatre jours, le trouble divin qui montre Dieu conquis à sa créature. Bien véritablement donc, pour les siens comme pour elle-même,  pour le monde comme pour Dieu, Marie a choisi la  meilleure part, qui ne lui sera point enlevée.

 

En ce qui précède, nous n'avons fait, pour ainsi dire, que coudre l'un à l'autre les  témoignages bien incomplets d'une vénération qui se retrouve la même, toujours  et partout, chez les dépositaires de la doctrine et les maîtres de la science. Cependant les hommages  réunis  des  Docteurs n'équivalent point, pour l'humble Madeleine, à celui que lui rend  l'Eglise même, lorsqu'au jour de la glorieuse Assomption de Notre-Dame, elle n'hésite pas à rapprocher l'incomparable souveraine du  monde et la pécheresse justifiée, au point d'appliquer à la première en son triomphe l'éloge évangélique qui regarde celle-ci. Ne devançons point les lumières que le Cycle nous réserve en  ses  développements ; mais entendons Albert le Grand nous attester pour sûr, que, dans le monde de la grâce aussi bien que dans celui de la création matérielle, Dieu a fait deux grands astres, à savoir deux Maries, la Mère du Seigneur et la sœur de Lazare : le plus grand, qui est la Vierge bienheureuse, pour présider au jour de l'innocence ; le plus petit, qui est Marie la pénitente sous les pieds de cette bienheureuse Vierge, pour  présider à la nuit en éclairant les pécheurs qui  viennent  comme elle à repentir.

 

4magdale Tiziano

Sainte Marie Madeleine par Le Titien

 

Comme la lune par ses phases marque les jours de fête à la terre, ainsi sans doute Madeleine, au ciel, donne le signal de la joie qui éclate parmi les Anges de Dieu sur tout pécheur faisant pénitence. N'est-elle donc pas également, par son nom de Marie et en participation de l'Immaculée, l’Etoile de la mer, ainsi que le chantaient autrefois nos Eglises des Gaules, lorsqu'elles rappelaient qu'en pleine subordination servante et reine avaient été toutes deux principe d'allégresse en l'Eglise : l'une engendrant le salut, l'autre annonçant la  Pâque !

 

 Nous ne reviendrons point sur les inoubliables récits de ce jour, le plus grand des jours, où Madeleine, comme l'étoile du matin, marcha en avant de l'astre vainqueur inaugurant l'éternité sans couchant. Glorieuse aurore, où la divine rosée, s'élevant de la terre, effaça du fatal décret la déchéance prononcée contre Eve ! Femme, pourquoi pleures-tu ? Tu ne te trompes pas : c'est bien le divin jardinier qui te parle, celui qui, hélas ! au commencement avait planté le paradis. Mais trêve aux pleurs ; dans cet autre jardin, dont le centre est un tombeau vide, le paradis t'est rendu : vois les Anges, qui n'en ferment plus l'entrée ; vois l'arbre de vie qui, depuis trois jours, a donné son fruit. Ce fruit que tu réclames pour t'en saisir encore et l'emporter comme aux premiers jours, il t'appartient en effet pour jamais ; car ton nom maintenant n'est plus Eve, mais Marie. S'il se refuse à tes empressements, si tu ne peux le toucher encore, c'est que de même qu'autrefois tu ne voulus point goûter seule le fruit de la mort, tu ne dois pas non plus jouir de l'autre aujourd'hui, sans ramener préalablement l'homme qui par toi fut perdu.

 

Ô profondeurs en notre Dieu de la sagesse et de la miséricorde ! voici donc que, réhabilitée, la femme retrouve des honneurs plus grands qu'avant la chute même, n'étant plus seulement la compagne de l'homme, mais son guide à la lumière. Madeleine, à qui toute femme doit cette revanche glorieuse, conquiert en ce moment la place à part que lui assigne l'Eglise dans ses Litanies en tête des vierges elles-mêmes, comme Jean-Baptiste précède l'armée entière des Saints par le privilège qui fit de lui le premier témoin du salut. Le témoignage de la pécheresse complète celui du Précurseur : sur la foi de Jean, l'Eglise a reconnu l'Agneau qui efface les péchés du monde ; sur la foi de Madeleine, elle acclame l'Epoux triomphateur de la mort : et constatant que, par ce dernier témoignage, le cycle entier des mystères est désormais pleinement acquis à la croyance catholique, elle entonne aujourd'hui l'immortel Symbole dont les accents lui paraissaient prématurés encore en la solennité du fils de Zacharie. 

 

Corregio 

Noli Me Tangere par Correggio

 

Ô Marie, combien grande vous apparûtes aux regards des cieux dans l'instant solennel où, la terre ignorant encore le triomphe de la vie, il vous fut dit par l’Emmanuel vainqueur : "Va vers mes frères, et dis-leur : Je monte vers mon Père et votre Père, vers mon Dieu et votre Dieu !" Vous étiez bien toujours alors notre représentante, à nous Gentils, qui ne devions entrer en possession du Seigneur par la foi qu'après son Ascension par delà les nues. Ces frères vers qui vous envoyait l'Homme-Dieu, c'étaient sans doute les privilégiés que lui-même durant sa vie mortelle avait appelés à le connaître, et auxquels vous deviez, ô Apôtre des Apôtres, manifester ainsi le mystère complet de la Pâque ; toutefois déjà la miséricordieuse bonté du Maître projetait de se montrer le jour même à plusieurs, et tous devaient être comme vous bientôt les témoins de son Ascension triomphante. Qu'est-ce à dire, sinon que, tout en s'adressant aux disciples immédiats du Sauveur, votre mission, ô Madeleine, s'étendait bien plus dans l'espace et les temps ?

 

 Pour l'œil du vainqueur de la mort à cette heure de son entrée dans la vie sans fin, ils remplissaient en effet la terre et les siècles ces frères en Adam comme en Dieu qu'il amenait à la gloire, selon l'expression du Docteur futur de la gentilité. C'est d'eux qu'il avait dit dans le Psaume : "J'annoncerai votre Nom à mes frères ; je vous louerai dans la grande assemblée des nations, au sein du peuple encore à naître qui doit appartenir au Seigneur". C'est d'eux, c'est de nous tous composant cette génération à venir à laquelle le Seigneur devait être annoncé, qu'il vous disait alors : "Va vers mes frères, et dis-leur : Je monte vers mon Père et votre Père, vers mon Dieu et votre Dieu". Et au loin comme auprès vous êtes venue, vous venez sans cesse, remplir votre mission près des disciples et leur dire : "J'ai vu le Seigneur, et il m'a dit ces choses."

 

 Vous êtes venue, ô Marie, lorsque notre Occident vous vit sur ses montagnes foulant de vos pieds apostoliques, dont Cyrille d'Alexandrie salue la beauté, les rochers de  Provence. Sept fois le jour, enlevée vers l'Epoux sur l'aile des Anges, vous montriez à l'Eglise, plus éloquemment que n'eût fait tout discours, la voie qu'il avait suivie, qu'elle devait suivre elle-même par ses aspirations, en attendant de le rejoindre enfin pour jamais.

 

 Ineffable démonstration que l'apostolat lui-même, en son mérite le plus élevé, n'est point dépendant de la parole effective ! Au ciel, les Séraphins, les Chérubins, les Trônes fixent sans cesse l'éternelle Trinité, sans jamais abaisser leurs yeux vers ce monde de néant ; et cependant par eux passent la force, la lumière et l'amour dont les augustes messagers des hiérarchies subordonnées sont les distributeurs à la terre. Ainsi, ô Madeleine, vous ne quittez plus les pieds sacrés rendus maintenant à votre amour ; et pourtant, de ce sanctuaire où votre vie reste absorbée sans nulle réserve avec le Christ en Dieu qui mieux que vous nous redit à toute heure : "Si vous êtes ressuscités avec le Christ, cherchez ce qui est en haut, là où le Christ est assis à la droite de Dieu ; goûtez ce qui est en haut, non ce qui est sur la terre !"

 

 Ô vous, dont le choix si hautement approuvé du Seigneur a révélé au monde la meilleure part, faites qu'elle demeure toujours appréciée comme telle en l'Eglise, cette part de la divine contemplation qui prélude ici-bas à la vie du ciel, et reste en son repos fécond la source des grâces que le ministère actif répand par le monde. La mort même, qui la fait s'épanouir en la pleine et directe vision, ne l'enlève pas, mais la confirme à qui la possède. Puisse nul de ceux qui l'ont reçue de la gratuite et souveraine bonté, ne travailler à s'en déposséder lui-même ! Fortunée maison, bienheureuse assemblée, dit le dévot saint Bernard, où Marthe se plaint de Marie ! mais l'indignité serait grande de voir Marie jalouser Marthe. Saint Jude nous l'apprend : malheur aux anges qui ne gardent point leur principauté, qui, familiers du Très-Haut, veulent abandonner sa cour ! Maintenez au cœur des familles religieuses établies par leurs pères sur les sommets avoisinant les cieux, le sentiment de leur noblesse native : elles ne sont point faites pour la poussière et le bruit de la plaine ; elles ne sauraient s'en rapprocher qu'au grand détriment de l'Eglise et d'elles-mêmes. Pas plus que vous, ô Madeleine, elles ne se désintéressent pour cela des brebis perdues, mais prennent en restant ce qu'elles sont le plus sûr moyen d'assainir la terre et d'élever les âmes.

 

 Ainsi même vous fut-il donné un jour, à Vézelay, de soulever l'Occident dans ce grand mouvement des croisades dont le moindre mérite ne fut pas de surnaturaliser en l'âme des chevaliers chrétiens, armés pour la défense du saint tombeau qui avait vu vos pleurs et votre ravissement, les sentiments qui sont l'honneur de l'humanité.

 

 Et n'était-ce pas encore une leçon de ce genre que le Dieu par qui seul règnent les rois, et qui se rit des projets de leur vanité, voulut donner dans les premières années de ce siècle au guerrier fameux dont l'orgueil dictait ses lois aux empires ? Dans l'ivresse de sa puissance, on le vit prétendre élever à lui-même et à son armée ce qu'il appelait le Temple de la gloire. Mais bientôt, emportant le guerrier, passait la tempête; et continué par d'autres constructeurs, le noble édifice s'achevait, portant comme dédicace à son fronton le nom de Madeleine.

 

 Ô Marie, bénissez ce dernier hommage de notre France que vous avez tant aimée, et dont le peuple et les princes entourèrent toujours d'une vénération si profonde votre retraite bénie de la Sainte-Baume et votre église de Saint-Maximin, où reposent les restes mille fois précieux de celle qui sut rendre amour pour amour. En retour, apprenez-nous que la seule vraie et durable gloire est de suivre comme vous, dans ses ascensions, Celui qui vous envoya vers nous autrefois, disant : "Va vers mes frères, et dis-leur : Je monte vers mon Père et votre Père, vers mon Dieu et votre Dieu !"

 

 

DOM GUÉRANGER
L'Année Liturgique

 

 

marymagd Domenichino 

Marie Madeleine emmenée au Ciel par Domenichino

 

Nous vous en prions, Seigneur , accordez-nous d'être aidés des suffrages de la bienheureuse Madeleine, dont les prières ont obtenu que vous rappeliez vivant du tombeau son frère Lazare, mort depuis quatre jours.

 

Vous qui vivez  

 

Madeleine Marochetti

Autel de l'église de La Madeleine à Paris

 

 

 

magdalen Reni

Madeleine Pénitente par Guido Reni

Partager cet article
Repost0