Quand le Fils de l’homme viendra dans sa majesté, accompagné de tous les anges, il s’assiéra sur le trône de sa gloire. Et toutes les nations étant assemblées devant lui, il séparera les uns d’avec les autres, comme un berger sépare les brebis d’avec les boucs : et il placera les brebis à sa droite, et les boucs à la gauche.
ÉVANGILE DE SAINT MATTHIEU
lundi de la première semaine
Nous reconnaissons deux avènements de Jésus-Christ ; car il est déjà venu, ce Dieu-Homme, dans le mystère de son incarnation, et il doit encore venir au jour terrible de son jugement universel, dont j'ai à vous parler dans ce discours, et dont je veux vous faire connaître la rigueur par la rigueur même de certains jugements que vous craignez tant sur la terre, et que vous avez dès maintenant à subir dans la vie.
Comme nous craignons la vérité et la liberté des jugements du monde, nous n'en pouvons supporter la sincérité, ni même la fidélité. Je m'explique : un ami sincère et fidèle, à force d'être fidèle et sincère, nous devient odieux. Nous le voulons fidèle, mais fidèle avec discrétion, fidèle avec circonspection, fidèle avec précaution : nous voulons qu'il soit sincère, mais sincère jusqu'à un certain point. Où est celui qui le voulût autrement et sincère et fidèle, qu'à ces conditions ? c'est-à-dire, où est l'homme assez sûr de lui-même, ou assez solidement humble, qui, touché du désir de se connaître, s'accommodât d'un ami fidèle sans prudence, d'un ami dont l'ingénuité allât jusques à la simplicité, jusques à l'importunité ? Un ami de ce caractère, pour peu que nous nous sentions faibles, et que la vérité nous blesse, nous est plus incommode qu'un ennemi. Car, au moins, sommes-nous en droit de n'en pas croire un ennemi ; s'il nous condamne, nous pouvons penser que c'est prévention, aversion, jalousie ; mais d'un ami dont on ne peut ni accuser ni soupçonner les intentions, certain trait de sincérité est comme un coup de foudre qui nous écrase.
Appliquons ceci, mes Frères, au jugement de Dieu. Nous voulons dans nos amis de la fidélité ; mais nous prétendons, bien ou mal, qu'une partie de leur fidélité doit consister à nous être quelquefois un peu moins fidèles. Nous prétendons que s'il s'agit de certaines vérités assommantes (pardonnez-moi cette expression), le devoir d'un ami, quoique sincère, est de nous les adoucir, de les envelopper, de nous y préparer, de bien prendre et son temps et le nôtre pour nous les faire entendre. Telles sont les lois de la société.
Or, Dieu, mes chers auditeurs, indépendamment de ces lois, nous jugera selon les siennes. Car, sans adoucissement, sans déguisement, il nous fera voir la vérité, et la vérité toute nue, la vérité avec toute son amertume, la vérité avec tout son poids, la vérité avec tout ce qu'elle aura de plus douloureux et de plus désolant pour nous. Vue affligeante par où Dieu punira ces délicatesses, ou, pour mieux dire, ces honteuses faiblesses à ne la pouvoir écouter, quand elle mortifiait notre orgueil ; ces artifices à l'éluder, quand elle troublait notre repos ; cette obstination à vouloir l'ignorer, quand elle avait de quoi nous déplaire. Vue par où Dieu confondra ces erreurs grossières où nous aurons vécu, ce profond oubli de nous-mêmes, où le mensonge et la flatterie nous aura entretenus. Existimasti, inique, quod ero tui similis ; arguam te, et statuam contra faciem tuam (Psalm., XLIX, 21.1) : Vous avez cru, ô homme plein d’iniquité, que je vous serai semblable : mais je vous reprendrai sévèrement, et je vous exposerai vous-même devant votre face.
BOURDALOUE, SUR LE JUGEMENT DERNIER ; SERMON POUR LE LUNDI DE LA PREMIÈRE SEMAINE