Mystère toujours subsistant, et qui, jusques à la fin des siècles, subsistera dans l'Eglise de Dieu, tandis qu'il y aura des
fidèles en état d'y participer, et qui se mettront en devoir de le renouveler dans leurs cœurs.
BOURDALOUE
Repleti sunt omnes Spiritu Sancto.
Ils furent tous remplis du Saint-Esprit. (Livre des Actes, chap. II, 4.)
C'est le grand mystère qui s'est accompli pour la première fois dans les apôtres, et qui doit s'accomplir en nous, si nous sommes
disposés, ainsi qu'ils l'étaient, à recevoir ce don céleste de l'Esprit de Dieu.
Car Jésus-Christ, par sa mort, l'a mérité pour nous aussi bien que pour les apôtres ; il le demanda pour nous à son Père, en le
demandant pour les apôtres ; et la solennité que nous célébrons n'est point, comme les autres fêtes de l'année, une simple commémoration, mais le mystère même de la descente du Saint
Esprit.
Mystère toujours subsistant, et qui, jusques à la fin des siècles, subsistera dans l'Eglise de Dieu, tandis qu'il y aura des fidèles
en état d'y participer, et qui se mettront en devoir de le renouveler dans leurs cœurs. Or il ne tient qu'à nous, Chrétiens, d'être de ce nombre, puisqu'il est vrai, et même de la foi, que, par
les sacrements de la loi de grâce, nous pouvons tous les jours recevoir le Saint-Esprit ; et qu'en vertu des promesses du Sauveur, le même Esprit qui descendit visiblement sur les disciples
assemblés dans Jérusalem, descend encore actuellement et véritablement sur nous ; non pas avec le même éclat ni avec les mêmes prodiges, mais avec les mêmes effets de conversion et de
sanctification, quand il trouve nos âmes bien préparées, et que nous prenons soin de les lui ouvrir.
Il est donc, mes chers auditeurs, d'un intérêt infini pour vous et pour moi de bien comprendre quel est cet Esprit que le Fils de
Dieu nous a promis, et dont la mission ineffable doit opérer en nous ce qu'elle opéra dans les apôtres. Car, malheur à nous si par notre infidélité nous y apportons quelque obstacle ! malheur,
pour me servir de l'expression de saint Paul, si nous contristons le Saint-Esprit, et si nous négligeons d'entrer dans les dispositions où nous devons être pour avoir part à ses grâces
!
Divin Esprit, source féconde, d'où procède toute grâce excellente et tout don parfait, répandez sur moi un rayon de cette lumière
dont les disciples de Jésus-Christ furent pénétrés, quand vous reposâtes sur eux. Donnez-moi une de ces langues de feu qui parurent sur leurs têtes, lorsqu'intérieurement éclairés, animés,
fortifiés, ils commencèrent à parler. Dans l'obligation où je suis d'annoncer à mes auditeurs les vérités du salut, votre secours m'est nécessaire, et je vous le demande par l'intercession de
Marie. Ave, Maria.
Le monde, dans l'état malheureux où l'a réduit le péché, ne peut recevoir le Saint-Esprit. C'est la plus sensible marque et la plus
funeste que Jésus-Christ nous ait donnée de la réprobation du monde : et en prononçant contre lui cet anathème, il n'en a point apporté d'autre raison, sinon que le monde, dans l'excès de son
aveuglement, ne sait pas même ce que c'est que l'Esprit de Dieu : Spiritum veritatis quem mundus non potest accipere, quia non videt eum, nec scit eum (Joan., XIV, 17.). Il est donc,
concluait saint Chrysostome, du devoir des prédicateurs de l'Evangile, de faire connaître au monde ce divin Esprit. Et c'est ce que j'entreprends dans ce discours, où j'ai à vous exposer le
mystère de notre religion, non seulement le plus sublime, mais le plus édifiant et le plus touchant.
Quand saint Paul, venant à Ephèse, demanda aux disciples qu'il y trouva si, depuis qu'ils avaient reçu la foi, ils avaient reçu le
Saint-Esprit : Si Spiritum Sanctum accepistis credentes (Act., XIX, 2.) ; surpris d'une telle demande et confus, ils lui répondirent ingénument qu'ils n'avaient pas même ouï dire qu'il y
eût un Saint-Esprit : Sed neque si Spiritus Sanctus est, audivimus (Ibid.).
Combien de chrétiens, disons mieux, combien de mondains, à la honte du christianisme qu'ils professent, vivent aujourd'hui dans la
même ignorance, et peut-être dans une ignorance encore plus criminelle ! car il ne suffit pas, pour le salut, de savoir que le Saint-Esprit est la troisième personne de l'adorable Trinité, qu'il
est consubstantiel au Père et au Fils, qu'il procède éternellement de l'un et de l'autre ; ce sont des points de créance qui nous apprennent ce que le Saint-Esprit est en lui-même, et par rapport
à lui-même : mais de plus, mes chers auditeurs, il faut savoir ce qu'il est par rapport à nous, ce qu'il doit produire en nous, pourquoi il nous est envoyé, ce que nous devons faire pour le
recevoir, et par où nous pouvons juger si nous l'avons reçu. Or combien de lâches chrétiens, uniquement occupés du monde, ne se sont jamais mis en peine de s'instruire sur tout cela, et, plus
condamnables que les disciples d'Ephèse, pourraient faire encore aujourd'hui cet aveu honteux : Sed neque si Spiritus Sanctus est, audivimus ; Comment aurions-nous reçu le Saint-Esprit,
puisque nous ignorons même ce que c'est que le Saint-Esprit ?
Quoi qu'il en soit, voici, mes Frères, l'idée que je viens vous en donner, et que je tire du mystère que nous célébrons. Cet Esprit,
dont les apôtres reçurent les prémices et la plénitude, fut pour eux, et est par proportion pour nous un Esprit de vérité, un Esprit de sainteté, et un Esprit de force. Appliquez-vous à ces trois
pensées. C'est un Esprit de vérité, parce qu'en nous remplissant de ses lumières, il nous enseigne toute vérité : ce sera la première partie. C'est un Esprit de sainteté, parce qu'en s'unissant à
nous, il détruit en nous tout ce qu'il y trouve non seulement d'impur et de charnel, mais d'imparfait et de terrestre, opposé à la vraie sainteté : ce sera la seconde partie. Et c'est un Esprit
de force, parce qu'il nous rend capables de tout faire et de tout supporter pour Dieu, en nous inspirant une vertu surnaturelle, et un courage au-dessus de toute difficulté : ce sera la
conclusion.
Qualités du Saint-Esprit, qui nous sont sensiblement représentées par ce feu mystérieux et miraculeux, sous le symbole duquel il fut
donné aux apôtres : car le feu, qui de tous les éléments est le plus noble, a la vertu d'éclairer, de purifier et d'échauffer. Or, ce sont justement à notre égard les trois propriétés de l'Esprit
de Dieu.
Comme Esprit de vérité il nous éclaire, comme Esprit de sainteté il nous purifie, et comme Esprit de force il nous anime.
Comme Esprit de vérité il nous détrompe de nos erreurs, comme Esprit de sainteté il nous détache de nos engagements criminels, et
comme Esprit de force il nous fait triompher de nos faiblesses.
Comme Esprit de vérité il élève et perfectionne nos esprits, comme Esprit de sainteté il réforme et change nos cœurs, et comme Esprit
de force il remue toutes nos puissances par le zèle qu'il excite en nous, quand il veut que nous agissions pour la gloire et les intérêts de Dieu.
Trois effets de sa sainte présence que Dieu nous découvre en ce grand jour, et qui vont faire tout le sujet de votre
attention.
BOURDALOUE SERMON POUR LA FÊTE DE LA
PENTECÔTE
LA PENTECÔTE, Jean Restout, Musée
du Louvre