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"Je vous donne un commandement nouveau : c'est de vous aimer les uns les autres.

 

Comme je vous ai aimés, vous aussi aimez-vous les uns les autres.

 

Ce qui montrera à tous les hommes que vous êtes mes disciples, c'est l'amour que vous aurez les uns pour les autres."

 

Evangile de Jésus-Christ selon  saint Jean 

   

 

Pentecôte

" Le Défenseur, l'Esprit Saint que le Père enverra en mon nom, lui, vous enseignera tout, et il vous fera souvenir de tout ce que je vous ai dit."

 

Évangile de Jésus Christ selon saint Jean  

 

   

 

 El Papa es argentino. Jorge Bergoglio                 

Saint Père François

 

 

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1er mai 2011 Béatification de Jean-Paul II

Béatification du Serviteur de Dieu Jean-Paul II

 

 

  Béatification du Père Popieluszko

beatification Mass, in Warsaw, Poland

à Varsovie, 6 juin 2010, Dimanche du Corps et du Sang du Christ

 

 

presidential palace in Warsaw

Varsovie 2010

 

 

Basilique du Sacré-Cœur de Montmartre
Sanctuaire de l'Adoration Eucharistique et de la Miséricorde Divine

La miséricorde de Dieu est comme un torrent débordé. Elle entraîne les cœurs sur son passage.
(Saint Curé d'Ars)
 

 


Le côté du Christ a été transpercé et tout le mystère de Dieu sort de là. C’est tout le mystère de Dieu qui aime, qui se livre jusqu’au bout, qui se donne jusqu’au bout. C’est le don le plus absolu qui soit. Le don du mystère trinitaire est le cœur ouvert. Ce n’est pas une image, c’est une réalité. C’est la réalité la plus profonde qui soit, la réalité de l’amour.
Père Marie-Joseph Le Guillou




Dans le cœur transpercé
de Jésus sont unis
le Royaume du Ciel
et la terre d'ici-bas
la source de la vie
pour nous se trouve là.

Ce cœur est cœur divin
Cœur de la Trinité
centre de convergence
de tous les cœur humains
il nous donne la vie
de la Divinité.


Sainte Thérèse Bénédicte de la Croix
(Edith Stein)



Le Sacré-Cœur représente toutes les puissances d'aimer, divines et humaines, qui sont en Notre-Seigneur.
Père Marie-Eugène de l'Enfant Jésus

 



feuille d'annonces de la Basilique du Sacré-Coeur de Montmartre

 

 

 

 

 

 

 

     

The Cambrai Madonna

Notre Dame de Grâce

Cathédrale de Cambrai

 

 

 

Cathédrale Notre Dame de Paris 

   

Ordinations du samedi 27 juin 2009 à Notre Dame de Paris


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Solennité de l’Immaculée Conception de la Vierge Marie à Notre-Dame de Paris


NOTRE DAME DES VICTOIRES

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... ma vocation, enfin je l’ai trouvée, ma vocation, c’est l’Amour !

 

 

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SAINT PIERRE ET SAINT ANDRÉ

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Benedict XVI and Cypriot Archbishop Chrysostomos, Church of 

Salutation avec l'Archevêque Chrysostomos à l'église d' Agia Kyriaki Chrysopolitissa de Paphos, le vendredi 4 juin 2010

 

     

 

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SALVE REGINA

20 février 2012 1 20 /02 /février /2012 12:30

Les exercices de la religion vous fatiguent et vous lassent ; et vous vous acquittez négligemment de vos devoirs : Memento, souvenez-vous, et pensez comment il importe de les observer à un homme qui doit mourir. Tel est l'usage que nous devons faire de la pensée de la mort, et c'est aussi tout le sujet de votre attention.

BOURDALOUE

 

 

Memento, homo, quia pulvis es, et in pulverem reverteris.

Souvenez-vous, homme, que vous êtes poussière, et que vous retournerez, en poussière. (Ce sont les paroles de l'Eglise dans la cérémonie du Mercredi des Cendres.)

 

Il serait difficile de ne s'en pas souvenir, Chrétiens, lorsque la Providence nous en donne une preuve si récente, mais si douloureuse pour nous et si sensible. Cette église où nous sommes assemblés, et que nous vîmes il n'y a que trois jours occupée à pleurer la perte de son aimable prélat (M. de Péréfixe, archevêque de Paris), et à lui rendre les devoirs funèbres, nous prêche bien mieux par son deuil cette vérité, que je ne le puis faire par toutes mes paroles. Elle regrette un pasteur qu'elle avait reçu du ciel comme un don précieux, mais que la mort, par une loi commune à tous les hommes, vient de lui ravir. Ni la noblesse du sang, ni l'éclat de la dignité, ni la sainteté du caractère, ni la force de l'esprit, ni les qualités du cœur, d'un cœur bienfaisant, droit, religieux, ennemi de l'artifice et du mensonge, rien ne l'a pu garantir du coup fatal qui nous l'a enlevé, et qui, du siège le plus distingué de notre France, l'a fait passer dans la poussière du tombeau. Vous, Messieurs, qui composez ce corps vénérable dont il était le digne chef ; vous qui, par un droit naturellement acquis, êtes maintenant les dépositaires de sa puissance spirituelle, et que nous reconnaissons à sa place comme autant de pères et de pasteurs, vous, sous l'autorité et avec la bénédiction de qui je monte dans cette chaire pour y annoncer l'Evangile, vous n'avez pas oublié, et jamais oublierez-vous les témoignages de bonté, d'estime, de confiance que vous donna jusqu'à son dernier soupir cet illustre mort, et qui redoublent d'autant plus votre douleur, qu'ils vous font mieux sentir ce que vous avez perdu, et qu'ils vous rendent sa mémoire plus chère ?

 

Cependant, après nous être acquittés de ce qu'exigeaient de nous la piété et la reconnaissance, il est juste, mes chers auditeurs, que nous fassions un retour sur nous-mêmes ; et que, pour profiter d'une mort si chrétienne et si sainte, nous joignions la cendre de son tombeau à celle que nous présente aujourd'hui l'Eglise, et nous tirions de l'une et de l'autre une importante instruction. Car telle est notre destinée temporelle. Voilà le terme où doivent aboutir tous les desseins des hommes et toutes les grandeurs du monde ; voilà l'unique et la solide pensée qui doit partout et en tout temps nous occuper : Memento, homo, quia pulvis es, et in pulverem reverteris : Souvenez-vous, qui que vous soyez, riches ou pauvres, grands ou petits, monarques ou sujets ; en un mot, hommes, tous en général, chacun en particulier, souvenez-vous que vous n'êtes que poudre, et que vous retournerez en poudre. Ce souvenir ne vous plaira pas ; cette pensée vous blessera, vous troublera, vous affligera : mais en vous blessant, elle vous guérira ; en vous troublant et en vous affligeant, elle vous sera salutaire ; et peut-être, comme salutaire, vous deviendra-t-elle enfin, non seulement supportable, mais consolante et agréable. Quoi qu'il en soit, je veux vous en faire voir les avantages, et c'est par là que je commence le cours de mes prédications.

 

Divin Esprit, vous qui d'un charbon de feu purifiâtes les lèvres du Prophète, et les fîtes servir d'organe à votre adorable parole, purifiez ma langue, et faites que je puisse dignement remplir le saint ministère que vous m'avez confié. Eloignez de moi tout ce qui n'est pas de vous. Ne m'inspirez point d'autres  pensées que  celles qui sont  propres à toucher, à persuader, à convertir. Donnez-moi,  comme à l'Apôtre des nations, non pas une éloquence vaine, qui n'a pour but que de contenter la curiosité des hommes ; mais une éloquence chrétienne, qui, tirant toute sa vertu de votre Evangile, a la force de remuer les consciences, de sanctifier les âmes, de gagner les pécheurs, et de les soumettre à l'empire de  votre loi. Préparez les esprits de mes auditeurs à recevoir les saintes lumières qu'il vous plaira de me communiquer ; et, comme en leur parlant je ne dois point avoir d'autre vue que leur salut,  faites qu'ils m'écoutent avec un désir sincère de ce salut éternel que je leur prêche, puisque c'est l'essentielle disposition à toutes les grâces qu'ils  doivent attendre de vous. C'est ce que je vous demande, Seigneur, et pour eux et pour moi, par l'intercession de Marie, à qui j'adresse la prière ordinaire. Ave, Maria.

 

C'est un principe dont les sages mêmes du  paganisme   sont   convenus,   que la grande science ou  la grande étude de la vie est la  science ou l'étude de la mort ; et qu'il est impossible à l'homme de vivre dans l'ordre et de se maintenir dans une vertu solide et constante, s'il ne pense souvent qu'il doit mourir. Or, je trouve que toute notre vie, ou pour mieux dire tout ce qui peut être perfectionné dans  notre vie,  et  par la raison et par la foi, se rapporte à trois choses : à nos passions, à nos délibérations, et à nos actions. Je m'explique.

 

Nous avons dans le cours de la vie des passions à ménager, nous avons des conseils à prendre, et nous avons des devoirs à accomplir. En cela, pour me servir du terme de  l'Ecriture,   consiste   tout  l'homme ; tout  l'homme, dis-je, raisonnable et chrétien : Hoc est enim omnis homo (Eccl., XII, 13.). Des passions à ménager, en réprimant leurs saillies et en modifiant leurs violences : des conseils à prendre, en se préservant, et des erreurs qui les accompagnent, et des repentirs qui les suivent : des devoirs à accomplir, et dont la pratique doit être prompte et fervente. Or, pour tout cela, Chrétiens, je prétends que la pensée de la mort nous suffit, et j'avance trois propositions que je vous prie de bien comprendre, parce qu'elles vont faire le partage de ce discours. Je dis que la pensée de la mort est le remède le plus souverain pour amortir le feu de nos passions ; c'est la première partie. Je dis que la pensée de la mort est la règle la plus infaillible pour conclure sûrement dans nos délibérations ; c'est la seconde. Enfin, je dis que la pensée de la mort est le moyen le plus efficace pour nous inspirer une sainte ferveur dans nos actions; c'est la dernière. Trois vérités dont je veux vous convaincre, en vous faisant sentir toute la force de ces paroles de mon texte : Memento, homo, quia pulvis es, et in pulverem reverteris. Vos passions vous emportent, et souvent il vous semble que vous n'êtes pas maîtres de votre ambition et de votre cupidité : Memento, souvenez-vous, et pensez ce que c'est que l'ambition et la cupidité d'un homme qui doit mourir. Vous délibérez sur une matière importante, et vous ne savez à quoi vous résoudre : Mémento, souvenez-vous, et pensez quelle résolution il convient de prendre à un homme qui doit mourir. Les exercices de la religion vous fatiguent et vous lassent ; et vous vous acquittez négligemment de vos devoirs : Memento, souvenez-vous, et pensez comment il importe de les observer à un homme qui doit mourir. Tel est l'usage que nous devons faire de la pensée de la mort, et c'est aussi tout le sujet de votre attention.

 

 Pour amortir le feu de nos passions, il faut commencer par les bien connaître ; et pour les connaître parfaitement, dit saint Chrysostome, il suffit de bien comprendre trois choses : savoir, que nos passions sont vaines, que nos passions sont insatiables, et que nos passions sont injustes. Qu'elles sont vaines, par rapport aux objets à quoi elles s'attachent ; qu'elles sont insatiables et sans bornes, et par là incapables d'être jamais satisfaites et de nous satisfaire nous-mêmes ; enfin,qu'elles sont injustes dans les sentiments présomptueux qu'elles nous inspirent, lorsque, aveuglés et enflés d'orgueil, nous prétendons nous distinguer, en nous élevant au-dessus des autres. Voilà en quoi saint Chrysostome a fait particulièrement consister le désordre des passions humaines. Il nous fallait donc, pour en réprimer les saillies et les mouvements déréglés, quelque chose qui nous en découvrît sensiblement la vanité ; qui, les soumettant à la loi d'une nécessité souveraine, les bornât dans nous malgré nous ; et qui, faisant cesser toute distinction, les réduisît au grand principe de la modestie ; c'est-à-dire à l'égalité que Dieu a mise entre tous les hommes, et nous obligeât, qui que nous soyons, à nous rendre au moins justice, et à rendre aux autres sans peine les devoirs de la charité. Or, ce sont, mes chers auditeurs, les merveilleux effets que produit infailliblement, dans les âmes touchées de Dieu, le souvenir et la pensée de la mort. Ecoutez-moi, et ne perdez rien d'une instruction si édifiante.

 

Nos passions sont vaines ; et pour nous en convaincre, il ne s'agit que de nous former une juste idée de la vanité des objets auxquels elle s'attache ; cela seul doit éteindre dans nos cœurs ce feu de la concupiscence qu'elles y allument, et c'est l'importante leçon que nous fait le Saint-Esprit dans le livre de la Sagesse. Car, avouons-le, Chrétiens, quoique à notre honte : tandis que les biens de la terre nous paraissent grands, et que nous les supposons grands, il nous est comme impossible de ne les pas aimer, et en les aimant de n'en pas faire le sujet de nos plus ardentes passions. Quelque raison qui s'y oppose, quelque loi qui nous le défende, quelque vue de conscience et de religion qui nous en détourne, la cupidité l'emporte ; et, préoccupés de l'apparence spécieuse du bien qui nous flatte et qui nous séduit, nous fermons les yeux à toute autre considération, pour suivre uniquement l'attrait et le charme de notre illusion. Si nous résistons quelquefois, et si, pour obéir à Dieu, nous remportons sur nous quelque victoire, cette victoire, par la violence qu'elle nous coûte, est une victoire forcée. La passion subsiste toujours, et l'erreur où nous sommes que ces biens, dont le monde est idolâtre, sont des biens solides, capables de nous rendre heureux, nous fait concevoir des désirs extrêmes de les acquérir, une joie immodérée de les posséder, des craintes mortelles de les perdre. Nous nous affligeons d'en avoir peu, nous nous applaudissons d'en avoir beaucoup ; nous nous alarmons, nous nous troublons, nous nous désespérons, à mesure que ces biens nous échappent, et que nous nous en voyons privés. Pourquoi ? parce que notre imagination, trompée et pervertie, nous les représente comme des biens réels et essentiels dont dépend le parfait bonheur.

 

Pour nous en détacher, dit saint Chrysostome, le moyen sûr et immanquable est de nous en détromper. Car du moment que nous en comprenons la vanité, ce détachement nous devient facile ; il nous devient même comme naturel : ni l'ambition, ni l'avarice, si j'ose m'exprimer ainsi, n'ont plus sur nous aucune prise. Bien loin que nous nous empressions, pour nous procurer par des voies indirectes et illicites les avantages du monde, convaincus de leur peu de solidité, à peine pouvons-nous même gagner sur nous d'avoir une attention raisonnable à conserver les biens dont nous nous trouvons légitimement pourvus ; et cela fondé sur ce que les biens du monde, supposé cette conviction, ne nous paraissent presque plus valoir nos soins, beaucoup moins nos empressements et nos inquiétudes. Or, d'où nous vient cette conviction salutaire ? Du souvenir de la mort, saintement méditée, et envisagée dans les principes de la foi.

 

Car la mort, ajoute saint Chrysostome, est à notre égard la preuve palpable et sensible du néant de toutes les choses humaines, pour lesquelles nous nous passionnons. C'est elle qui nous le fait connaître : tout le reste nous impose ; la mort seule est le miroir fidèle qui nous montre sans déguisement l'instabilité, la fragilité, la caducité des biens de cette vie ; qui nous désabuse de toutes nos erreurs, qui détruit en nous tous les enchantements de l'amour du monde, et qui, des ténèbres mêmes du tombeau, nous fait une source de lumières, dont nos esprits et nos sens sont également pénétrés : In illa die, dit l'Ecriture en parlant des enfants du siècle livrés à leurs passions, in illa die peribunt omnes cogitationes eorum (Psalm., CXLV, 4.). Toutes leurs pensées, à ce jour-là, s'évanouiront. Ce jour de la mort, que nous nous figurons plein d'obscurité, les éclairera, et dissipera tous les nuages dont la vérité jusqu'alors avait été pour eux enveloppée. Ils cesseront de croire ce qu'ils avaient toujours cru, et ils commenceront à voir ce qu'ils n'avaient jamais vu. Ce qui faisait le sujet de leur estime deviendra le sujet de leur mépris ; ce qui leur donnait tant d'admiration les remplira de confusion. En sorte qu'il se fera dans leur esprit comme une révolution générale, dont ils seront eux-mêmes surpris, saisis, effrayés. Ces idées chimériques qu'ils avaient du monde et de sa prétendue félicité s'effaceront tout à coup, et même s'anéantiront : Peribunt omnes cogitationes eorum. Et comme leurs passions n'auront point eu d'autre fondement que leurs pensées, et que leurs pensées périront, selon l'expression du Prophète, leurs passions périront de même ; c'est-à-dire qu'ils n'auront plus ni ces entêtements de se pousser, ni ces désirs de s'enrichir, parce qu'ils verront dans un plein jour, in illa die, la bagatelle, et, si j'ose ainsi parler, l'extravagance de tout cela. Or, que faisons-nous, quand nous nous occupons durant la vie du souvenir de la mort ? nous anticipons ce dernier jour, ce dernier moment ; et, sans attendre que la catastrophe et le dénouement des intrigues du monde nous développe malgré nous ce mystère de vanité, nous nous le développons à nous-mêmes par de saintes réflexions.  Car, quand je me propose devant Dieu le tableau de la mort, j'y contemple dès maintenant toutes les choses du monde dans le même point de vue où la mort me les fera considérer ; j'en porte le même jugement que j'en porterai ; je les reconnais méprisables, comme je les reconnaîtrai ; je me reproche de m'y être attaché, comme je me le reprocherai ; je déplore en cela  mon aveuglement, comme je le déplorerai ; et de là ma passion se refroidit, la concupiscence  n'est plus si vive, je n'ai plus que de l'indifférence pour ces biens passagers et périssables ; en un mot, je meurs à tout d'esprit et de cœur,  parce que je prévois que bientôt j'y dois mourir réellement et par nécessité.

 

Et voilà, mes chers auditeurs, le secret admirable que David avait trouvé pour tenir ses passions en bride, et pour conserver jusque dans le centre du monde, qui est la cour, ce parfait détachement du monde où il était parvenu. Que faisait ce saint roi ? Il se contentait de demander à Dieu, comme une souveraine grâce, qu'il lui fit connaître sa fin : Notum fac mihi, Domine, finem meum (Psalm., XXXVIII, 5.) ; et qu'il lui fit même sentir combien il en était proche, afin qu'il sût, mais d'une science efficace et pratique, le peu de temps qu'il lui restait encore à vivre : Et  numerum  dierum meorum quis est, ut sciam quid desit mihi (Ibid.). Il ne doutait pas que cette  seule  pensée, il faut mourir, ne dût suffire pour éteindre le feu de ses passions les plus ardentes. Et en  effet, ajoutait-il, vous avez, Seigneur, réduit mes jours à une mesure bien courte : Ecce mensurabiles posuisti dies meos (Ibid.) ; et par là tout ce que je suis, et tout ce que je puis désirer ou espérer d'être, n'est qu'un pur néant devant vous : Et substantia mea tanquam nihilum ante te (Ibid.). Devant moi ce néant est quelque chose, et même toutes choses ; mais devant  vous, ce que j'appelle toutes choses se confond et se perd dans ce néant ; et la mort, que tout homme vivant doit regarder comme sa destinée inévitable, fait généralement et sans  exception de tous les biens qu'il possède, de tous les plaisirs dont il jouit, de tous les titres dont il se glorifie, comme  un abîme  de vanité :  Verumtamen universa   vanitas   omnis   homo   vivens  (Ibid.). L'homme mondain n'en convient pas, et il affecte même de l'ignorer ; mais il est pourtant vrai que sa vie n'est qu'une ombre, et une figure qui passe : Verumtamen in imagine pertransit homo. Il se trouble, et, comme mondain, il est dans une continuelle agitation : mais il se trouble inutilement, parce que c'est pour des entreprises que la mort déconcertera, pour des intrigues que la mort confondra : pour des espérances que la mort renversera : Sedet frustra conturbatur (Psalm., XXXVIII, 7.) Il se fatigue, il s'épuise pour amasser et pour thésauriser, mais son malheur est de ne savoir pas même pour qui il amasse ni qui profitera de ses travaux : si ce seront des enfants ou des étrangers ; si ce seront des héritiers reconnaissants ou des ingrats ; si ce seront des sages ou des dissipateurs : Thesaurizat, et ignorat cui congregabit ea (Ibid.). Ces sentiments, dont le Prophète était rempli et vivement touché, réprimaient en lui tontes les passions, et d'un roi assis sur le trône en faisaient un exemple de modération.

 

C'est ce que nous éprouvons nous-mêmes tous les jours : car, disons la vérité, Chrétiens ; si nous ne devions point mourir, ou si nous pouvions nous affranchir de cette dure nécessité qui nous rend tributaires de la mort, quelque vaines que soient nos passions, nous n'en voudrions jamais reconnaître la vanité, jamais nous ne voudrions renoncer aux objets qui les flattent, et qu'elles nous font tant rechercher. On aurait beau nous faire là-dessus de longs discours ; on aurait beau nous redire tout ce qu'en ont dit les philosophes ; on aurait beau y procéder par voie de raisonnement et de démonstration, nous prendrions tout cela pour des subtilités encore plus vaines que la vanité même dont il s'agirait de nous persuader. La foi avec tous ses motifs n'y ferait plus rien : dégagés que nous serions de ce souvenir de la mort, qui, comme un maître sévère, nous retient dans l'ordre, nous nous ferions un point de sagesse de vivre au gré de nos désirs ; nous compterions pour réel et pour vrai tout ce que le monde a de faux et de brillant ; et notre raison, prenant parti contre nous-mêmes, commencerait à s'accorder et à être d'intelligence avec la passion.

 

Mais quand on nous dit qu'il faut mourir, et quand nous nous le disons à nous-mêmes, ah ! Chrétiens, notre amour-propre, tout ingénieux qu'il est, n'a plus de quoi se défendre. Il se trouve désarmé par cette pensée, la raison prend l'empire sur lui, et il se soumet sans résistance au joug de la foi. Pourquoi cela ? parce qu'il ne peut plus désavouer sa propre faiblesse, que la vue de la mort non seulement lui découvre, mais lui fait sentir. Belle différence que saint Chrysostome a remarquée entre les autres pensées chrétiennes, et celle de la mort. Car pourquoi, demande ce saint docteur, la pensée de la mort fait-elle sur nous une impression plus forte, et nous fait-elle mieux connaître la vanité des biens créés, que toutes les autres considérations ? Appliquez-vous à ceci. Parce que toutes les autres considérations ne renferment tout au plus que des témoignages et des preuves de cette vanité, au lieu que la mort est l'essence même de cette vanité, ou que c'est la mort qui fait cette vanité. Il ne faut donc pas s'étonner que la mort ait une vertu spéciale pour nous détacher de tout. Et telle était l'excellente conclusion que tirait saint Paul pour porter les premiers fidèles à s'affranchir de la servitude de leurs passions, et à vivre dans la pratique de ce saint et bienheureux dégagement, qu'il leur recommandait avec tant d'instance. Car le temps est court, leur disait-il : Tempus breve est (1 Cor., VII, 29.). Et que s'ensuit-il de là ? que vous devez vous réjouir, comme ne vous réjouissant pas ; que vous devez posséder, comme ne possédant pas ; que vous devez user de ce monde, comme n'en usant pas : Reliquum est ut qui gaudent, tanquam non gaudentes; et qui emunt, tanquamnon possidentes ; et qui utuntur hoc mundo, tanquam non utantur (Ibid., 29,30.). Quelle conséquence ! Elle est admirable, reprend saint Augustin ; parce qu'en effet se réjouir et devoir mourir, posséder et devoir mourir, être honoré et devoir mourir, c'est comme être honoré et ne l'être pas, comme posséder et ne posséder pas, comme se réjouir et ne se réjouir pas. Car ce terme, mourir, est un terme de privation et de destruction qui abolit tout, qui anéantit tout ; qui, par une propriété tout opposée à celle de Dieu, nous fait paraître les choses qui sont, comme si elles n'étaient pas ; au lieu que Dieu, selon l'Ecriture, appelle celles qui ne sont pas comme si elles étaient.

 

Non seulement nos passions sont vaines ; mais quoique vaines, elles sont insatiables et sans bornes. Car quel ambitieux, entêté de sa fortune et des honneurs du monde, s'est jamais contenté de ce qu'il était ? quel avare, dans la poursuite et dans la recherche des biens de la terre, a jamais dit : C'est assez ? Quel voluptueux, esclave de ses sens, a jamais mis de fin à ses plaisirs ? La nature, dit ingénieusement Salvien, s'arrête au nécessaire ; la raison veut l'utile et l'honnête ; l'amour-propre, l'agréable et le délicieux : mais la passion, le superflu et l'excessif. Or, ce superflu est infini ; mais cet infini, tout infini qu'il est, trouve, si nous voulons, ses limites et ses bornes dans le souvenir de la mort, comme il les trouvera malgré nous dans la mort même. Car je n'ai qu'à me servir aujourd'hui des paroles de l'Eglise : Memento, homo, quia pulvis es. Souvenez-vous, homme, que vous êtes poussière, et in pulverem reverteris, et que vous retournerez en poussière. Je n'ai qu'à l'adresser, cet arrêt, à tout ce qu'il y a dans cet auditoire d'âmes passionnées, pour les obliger à n'avoir plus ces désirs vastes et sans mesure qui les tourmentent toujours, et qu'on ne remplit jamais. Je n'ai qu'à leur faire la même invitation que firent les Juifs au Sauveur du monde, quand ils le prièrent d'approcher du tombeau de Lazare, et qu'ils lui dirent : Veni, et vide (Joan., XI, 34.) ; venez, et voyez. Venez, avare : vous brûlez d'une insatiable cupidité, dont rien ne peut amortir l'ardeur ; et parce que cette cupidité est insatiable, elle vous fait commettre mille iniquités, elle vous endurcit aux misères des pauvres, elle vous jette dans un profond oubli de votre salut. Considérez bien ce cadavre : Veni, et vide ; venez, et voyez. C'était un homme de fortune comme vous ; en peu d'années il s'était enrichi comme vous ; il a eu comme vous la folie de vouloir laisser après lui une maison opulente et des enfants avantageusement pourvus. Mais le voyez-vous maintenant ? voyez-vous la nudité, la pauvreté où la mort l'a réduit ? Où sont ses revenus ? où sont ses richesses ? où sont ses meubles somptueux et magnifiques ? A-t-il quelque chose de plus que le dernier des hommes ? cinq pieds de terre et un suaire qui l'enveloppe, mais qui ne le garantira pas de la pourriture : rien davantage. Qu'est devenu tout le reste ? Voilà de quoi borner votre avarice. Veni, et vide ; venez homme du monde, idolâtre d'une fausse grandeur : vous êtes possédé d'une ambition qui vous dévore ; et parce que cette ambition n'a point de terme, elle vous ôte tous les sentiments de la religion, elle vous occupe, elle vous enchante, elle vous enivre. Considérez ce sépulcre : qu'y voyez-vous ? C'était un seigneur de marque comme vous, peut-être plus que vous ; distingué par sa qualité comme vous, et en passe d'être toutes choses. Mais le reconnaissez-vous ? Voyez-vous où la mort l'a fait descendre ? voyez-vous à quoi elle a borné ses grandes idées ? voyez-vous comme elle s'est jouée de ses prétentions ? c'est de quoi régler les vôtres. Veni, et vide ; venez, femme mondaine, venez : vous avez pour votre personne des complaisances extrêmes ; la passion qui vous domine est le soin de votre beauté ; et parce que cette passion est démesurée, elle vous entretient dans une mollesse honteuse ; elle produit en vous des désirs criminels de plaire, elle vous rend complice de mille péchés et de mille scandales. Venez, et voyez : c'était une jeune personne aussi bien que vous ; elle était l'idole du monde comme vous, aussi spirituelle que vous, aussi recherchée et aussi adorée que vous. Mais la voyez-vous à présent ? voyez-vous ces yeux éteints, ce visage hideux et qui fait horreur ? c'est de quoi réprimer cet amour infini de vous-même. Veni, et vide.

 

Enfin nos passions sont injustes, soit dans les sentiments qu'elles nous inspirent à notre propre avantage, soit dans ceux qu'elles nous font concevoir au désavantage des autres : mais la mort, dit le philosophe, nous réduit aux termes de l'équité, et par son souvenir nous oblige à nous faire justice à nous-mêmes, et à la faire aux autres de nous-mêmes : Mors sola jus œquum est generis humani (Senec). En effet, quand nous ne pensons point à la mort, et que nous n'avons égard qu'à certaines distinctions de la vie, elles nous élèvent, elles nous éblouissent, elles nous remplissent de nous-mêmes. On devient fier et hautain, dédaigneux et méprisant, sensible et délicat, envieux et vindicatif, entreprenant, violent, emporté. On parle avec faste ou avec aigreur, on se pique aisément, on pardonne difficilement, on attaque celui-ci, on détruit celui-là ; il faut que tout nous cède, et l'on prétend que tout le monde aura des ménagements pour nous, tandis qu'on n'en veut avoir pour personne. N'est-ce pas ce qui rend quelquefois la domination des grands si pesante et si dure ? Mais méditons la mort, et bientôt la mort nous apprendra à nous rendre justice, et à la rendre aux autres de nos fiertés et de nos hauteurs, de nos dédains et de nos mépris, de nos sensibilités et de nos délicatesses, de nos envies, de nos vengeances, de nos chagrins, de nos violences, de nos emportements. Comme donc il ne faut, selon l'ordre de la parole du Dieu tout-puissant, qu'un grain de sable pour briser les flots de la mer : Hic confringes lamentes fluctus tuos (Job, XXXVIII, 11.), il ne faut que cette cendre qu'on nous met sur la tête, et qui nous retrace l'idée de la mort, pour rabattre toutes les enflures de notre cœur, pour en arrêter toutes les fougues, pour nous contenir dans l'humilité et dans une sage modestie. Comment cela ? c'est que la mort nous remet devant les yeux la parfaite égalité qu'il y a entre tous les autres hommes et nous. Egalité que nous oublions si volontiers, mais dont la vue nous est si nécessaire, pour nous rendre plus équitables et plus traitables.

 

Car, quand nous repassons ce que disait Salomon, et que nous le disons comme lui : Tout sage et tout éclairé que je puis être, je dois néanmoins mourir comme le plus insensé : Unus, et stulti, et meus occasus erit (Eccles., II, 15.) ; quand nous nous appliquons ces paroles du Prophète royal : Vous êtes les divinités du monde, vous êtes les enfants du Très-Haut ; mais, fausses divinités, vous êtes mortelles, et vous mourrez en effet, comme ceux dont vous voulez recevoir l'encens, et de qui vous exigez tant d'hommages et tant d'adorations : Dii estis, et filii Excelsi omnes : vos autem sicut homines moriemini (Psalm., LXXXI, 7.) : quand, selon l'expression de l'Ecriture, nous descendons encore tout vivants et en esprit dans le tombeau, et que le savant s'y voit confondu avec l'ignorant, le noble avec l'artisan, le plus fameux conquérant avec le plus vil esclave : même terre qui les couvre, mêmes ténèbres qui les environnent, mêmes vers qui les rongent, même corruption, même pourriture, même poussière : Parvus et magnus ibi sunt, et servus liber a domino suo (Job, III, 19.) : quand, dis-je, on vient à faire ces réflexions, et à considérer que ces hommes au-dessus de qui l'on se place si haut dans sa propre estime ; que ces hommes à qui on est si jaloux de faire sentir son pouvoir et sur qui on veut prendre un empire si absolu ; que ces hommes pour qui l'on n'a ni compassion, ni charité, ni condescendance, ni égards ; que ces hommes de qui l'on ne peut rien supporter, et contre qui on agit avec tant d'animosité et tant de rigueur, sont néanmoins des hommes comme nous, de même nature, de même espèce que nous; ou si vous voulez, que nous ne sommes que des hommes comme eux, aussi faibles qu'eux, aussi sujets qu'eux à la mort et à toutes les suites de la mort : ah ! mes chers auditeurs, c'est bien alors que l’on entre en d'autres dispositions. Dès là l'on n'est plus si infatué de soi-même, parce que l’on se connaît beaucoup mieux soi-même. Dès là l'on n'exerce plus une autorité si dominante et si impérieuse sur ceux que la naissance ou que la fortune a mis dans un rang inférieur au nôtre, parce qu'on ne trouve plus, après tout, que d'homme à homme il y ait tant de différence. Dès là l'on n'est plus si vif sur ses droits, parce que l'on ne voit plus tant de choses que l'on se croie dues. Dès là l'on ne se tient plus si grièvement offensé dans les rencontres, et l'on n'est plus si ardent ni si opiniâtre à demander des satisfactions outrées, parce qu'on ne se figure plus être si fort au-dessus de l'agresseur, ou véritable ou prétendu, et qu'on n'est plus si persuadé qu'il doive nous relâcher tout, et condescendre à toutes nos volontés. On a de la douceur, de la retenue, de l'honnêteté, de la complaisance, de la patience ; on sait compatir, prévenir, excuser, soulager, rendre de bons offices et obliger. Saints et salutaires effets de la pensée de la mort. C'est le remède le plus souverain pour amortir le feu de nos passions, comme c'est encore la règle la plus infaillible pour conclure sûrement dans nos délibérations. Vous l'allez voir dans la seconde partie.

 

BOURDALOUE, SERMON POUR LE MERCREDI DES CENDRES 

 

Funeral Monument of Lamoral, Mattheus van Beveren

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19 février 2012 7 19 /02 /février /2012 21:05
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19 février 2012 7 19 /02 /février /2012 05:00

et la nouvelle se répandit qu'il était à la maison. Tant de monde s'y rassembla qu'il n'y avait plus de place, même devant la porte. Il leur annonçait la Parole.


Arrivent des gens qui lui amènent un paralysé, porté par quatre hommes. Comme ils ne peuvent l'approcher à cause de la foule, ils découvrent le toit au-dessus de lui, font une ouverture, et descendent le brancard sur lequel était couché le paralysé. Voyant leur foi, Jésus dit au paralysé : "Mon fils, tes péchés sont pardonnés."


Or, il y avait dans l'assistance quelques scribes qui raisonnaient en eux-mêmes : " Pourquoi cet homme parle-t-il ainsi ? Il blasphème. Qui donc peut pardonner les péchés, sinon Dieu seul ?"

 

Saisissant aussitôt dans son esprit les raisonnements qu'ils faisaient, Jésus leur dit : " Pourquoi tenir de tels raisonnements ? Qu'est-ce qui est le plus facile ? de dire au paralysé : 'Tes péchés sont pardonnés', ou bien de dire : 'Lève-toi, prends ton brancard et marche' ? Eh bien ! Pour que vous sachiez que le Fils de l'homme a le pouvoir de pardonner les péchés sur la terre, je te l'ordonne, dit-il au paralysé : Lève-toi, prends ton brancard et rentre chez toi."

 
L'homme se leva, prit aussitôt son brancard, et sortit devant tout le monde. Tous étaient stupéfaits et rendaient gloire à Dieu, en disant : "Nous n'avons jamais rien vu de pareil."

 

Évangile de Jésus Christ selon saint Marc

 

Basilica di Sant’Apollinare Nuovo

Vie du Christ, Mosaïque de la Basilique Saint-Apollinaire-le-Neuf (Sant'Apollinare Nuovo), Ravenne, VIe s.

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18 février 2012 6 18 /02 /février /2012 22:48
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18 février 2012 6 18 /02 /février /2012 12:30

Nous voyons encore, au XVIIe siècle, la mémoire de saint Grégoire VII outragée dans un État catholique, en Portugal.

 

Il ne paraît pas cependant qu'on y ait proscrit la  légende ; mais   un   homme plus téméraire, Antoine Pereira  de Figueiredo, entre  les nombreux  écrits qu'il publia contre les droits de l'Église et du Saint-Siège, consacra une dissertation spéciale à combattre la personne et les écrits de notre saint pontife, sous ce titre : De Gestis et scriptis Gregorii VII.

 

C'était, assurément, un outrage parti de bien bas, que celui qui provenait d'un homme auquel  son attachement à   la cause du Saint-Siège avait d'abord valu la disgrâce de Pombal, et qui devenu, sans transition, l'enthousiaste prôneur de ce ministre, l'un des plus infâmes persécuteurs de l'Église, se montra l'ignoble flatteur d'un aussi pauvre souverain que le fut Joseph Ier. Non, le caractère  apostolique de  saint Grégoire VII n'avait rien de commun avec l'ex-oratorien qui applaudit à l'atroce supplice de Malagrida, et dont la plume vénale écrivit les fades pamphlets intitulés : Parallèle d'Auguste César et de Don Joseph, roi magnanime de Portugal, et Vœux de la nation portugaise à l'ange gardien du Marquis de Pombal (Lisbonne, 1775.).

 

Le XIXe siècle a bien fourni aussi quelques insultes à la mémoire du saint pontife. Sans parler des blasphèmes qui plus d'une fois, au parlement anglais, sont partis des bancs des Pairs ecclésiastiques, contre la personne du fougueux Hildebrand, il en est dont les pays catholiques ont été le théâtre. Commençons par l'Italie.

 

Jusqu'en 1810, l'office de saint Grégoire VII n'avait cessé d'être célébré dans les églises des divers diocèses dont se composait le royaume d'Italie. L'excommunication encourue par Napoléon, en 1809, le rendit inquiet à l'excès, et l'on sait en général combien de mesures persécutrices pesèrent sur le clergé à cette époque. Mais ce que l'on sait moins, c'est que le grand empereur, en même temps qu'il élevait sa main contre Pie VII, osa défier aussi la majesté d'un pontife, autrefois, comme Pie VII, assiégé et captif, mais depuis et à jamais couronné par Celui qui le premier a bu l'eau du torrent, avant d'élever la tête (Psalm. CIX.). Une lettre du ministre des cultes, Bigot de Préameneu, écrite en février 1810, enjoignait aux évêques d'Italie d'imiter le silence de l'Église gallicane sur le nom et les actes d'Hildebrand. Nous ne saurions dire les noms des prélats italiens (il y en eut plusieurs) qui préférèrent obéir à César plutôt qu'à l'Église ; mais nous avons entre les mains, et nous gardons comme un monument, la lettre autographe dans laquelle Hyacinthe de La Tour, archevêque de Turin, envoie au ministre le mandement qu'il s’est fait un devoir de donner pour interdire l'office de saint Grégoire VII, et dont il déclare que copie est affichée dans toutes les sacristies des églises de son diocèse. La lettre est du 1er mars 1810.

 

A peine échappé aux violences de l’aigle redoutable qui étreignait l'Europe, mais toujours debout à la même place, l'héroïque Hildebrand tomba en proie à ces anarchistes dont les désirs sont aussi des désirs de tyrannie. En France, on vit le régicide Grégoire, dans son Essai historique sur les libertés de l'Église gallicane, publié en 1818, accumuler contre le saint pape et sa légende tous les blasphèmes des protestants et des jansénistes.

 

En Espagne, au mois de mars 1822, on faisait aux Cortès la proposition de supprimer une partie de l'office de Grégoire VII, "comme attentatoire aux droits des nations" ! Certes, c'était là une bien amère dérision de ces rois et de ces évêques courtisans, occupés depuis si longtemps à poursuivre le culte du saint Pontife, et qui l'avaient noté comme coupable de lèse-majesté royale ! Elle fut donc bien droite, bien pure, la politique de ce grand homme ; Dieu avait donc placé en lui une notion  bien haute du droit public, si tous les hommes à excès se sont donné le mot pour faire de son nom et de sa mémoire l'objet de leurs attaques. Jouissez de cette gloire, saint Pontife ; jusqu'ici nul mortel ne l'a partagée avec vous.

 

Encore un outrage : ce sera le dernier. Au commencement de l'année 1828, une nouvelle édition du Bréviaire romain paraissait à Paris chez le libraire Rusand. L'éditeur avait cru pouvoir y insérer l'office de saint Grégoire VII : encore ne l'avait-il placé qu'à la fin du volume, ne se sentant pas pleinement rassuré par la promesse de cette liberté religieuse garantie à tous par la Charte de 1814. Peu de jours après la publication du bréviaire, certaines feuilles se disant libérales, et fraternisant en toutes choses avec les Cortès espagnoles de 1822, se prirent à crier à l'ultramontanisme qui débordait chez nous, jusque-là, disaient-ils, qu'on osait, en 1828, imprimer et mettre en vente la légende de Grégoire VII. Leurs clameurs furent entendues, et on vit, à Paris, en 1828, la légende de saint Grégoire VII, soumise, par ordre de l'archevêché, aux mutilations que lui inflige l'Autriche dans ses États, sans oublier la suppression charitable de l'épithète iniqui, si justement assignée à Henri IV par l'Église ! Depuis dix ans, plusieurs éditions du Bréviaire romain ont été données, tant à Lyon qu'à Paris ; l'office de saint Grégoire VII s'y lit à sa place et dans son entier, et l'édition parisienne de 1828 va s'épuisant de jour en jour, gardant jusqu'ici la trace de cette dernière faiblesse que nous n'aurions pu taire sans partialité.

 

Hâtons-nous de franchir quelques années difficiles ; l'heure de la réhabilitation a sonné. Le Dieu qui est admirable dans ses saints, a résolu enfin de venger son serviteur Grégoire. Ce n'est plus la voix des Leibnitz, des Jean de Muller, des Voigt, etc., qui va retentir ; ce n'est plus même celle de Joseph de Maistre, prophète du passé, annonçant à l'Europe que le moment est venu d'adorer ce qu'elle a brûlé, de brûler ce qu'elle avait adoré. Toutes les barrières sont tombées ; c'est maintenant l'Église de France qui proclamera saint Grégoire VII sauveur de la société, restaurateur de la science, de la vertu et de la justice ; et l'organe de l'Église de France, dans l'accomplissement de ce devoir sacré, sera ce pieux et savant évêque, fils, par l'intelligence autant que par le sang, du grand philosophe catholique à qui Dieu donna d'approfondir la législation primitive des sociétés, et de comprendre dans toute son étendue le rôle sublime du législateur pontife. Or ce fut le 4 mars 1838, que fut donnée au Puy, par monseigneur Louis-Jacques-Maurice de Bonald, aujourd'hui cardinal de la sainte Église romaine, archevêque de Lyon, Primat des Gaules, cette magnifique et courageuse lettre pastorale sur le chef visible de l'Église, qui restera dans les annales de l'Église de France, comme un des événements les plus graves qu'ait vus notre siècle, qui en a vu un si grand nombre.

 

C'est en ce jour mémorable qu'on entendit professer, avec non moins d'éloquence que de doctrine, du haut de la chaire épiscopale, la foi dans l'infaillibilité du pontife romain parlant aux églises, et proclamer la haute mission imposée par la Providence à saint Grégoire VII, et si dignement accomplie par sa grande âme : 

« L'irruption des barbares, disait le prélat, n'était que l'image d'une invasion plus dangereuse pour l'Église et pour le monde civilisé ; ce n'était que la figure de cette triple coalition de l'ignorance, du vice et de la cupidité, ligués pour éteindre toute lumière, flétrir toute vertu et étouffer toute justice. Le moyen âge vit cet abîme dilater ses entrailles pour engloutir la société tout entière. Et la société, où ira-t-elle se réfugier dans sa détresse ? Encore aux pieds de la chaire de saint Pierre. Là elle trouvera son appui et son salut, dans un pauvre moine élevé au souverain pontificat, mais qui cachait, sous le vêtement grossier du cloître, une âme dont l'élévation n'a pas été comprise, et qui le serait difficilement dans nos jours de spéculation et d'indifférence.

« Hildebrand mesure la profondeur de la plaie du corps social. A tout autre, les obstacles pour la guérir paraîtraient insurmontables ; pour Grégoire VII, c'est dans ces obstacles mêmes qu'il puise un nouveau courage, et va ranimer l'énergie de son caractère. Armé d'une force inébranlable et d'une rectitude inflexible de volonté ; cédant aussi aux maximes de ses contemporains et à l'esprit de son temps, il entreprend une lutte terrible contre son siècle et toutes les puissances de son siècle. La science a déserté le sanctuaire ; il l'y ramènera. La vertu semble être bannie de tous les coeurs ; il la rétablira dans ses droits. La justice est foulée aux pieds ; il la fera triompher. Il se croit envoyé pour opposer un front d'airain au vice, qu'il le trouve à l'autel ou sur le trône. Toujours inaccessible à la crainte, toujours au-dessus des considérations mondaines, Grégoire ne donnera point de repos à son zèle, jusqu'à ce qu'il ait réformé le palais des grands, le sanctuaire de la justice, le cloître des cénobites, et la maison de Dieu ; jusqu'à ce qu'il ait rallumé le flambeau du savoir, les flammes célestes de la piété ; fait passer dans les cœurs des souverains et des prêtres, cet amour de la justice, cette haine de l'iniquité qui, de son âme, où ces vertus surabondent, se répandent avec une sainte profusion dans ses écrits, dans ses actions, dans ses paroles, dans tout son pontificat.

« Peu lui importent les calomnies, les persécutions et la mort, pourvu qu'il abaisse toute hauteur et fasse fléchir le genou devant les lois éternelles de la justice et de la vérité. Dans ses démêlés avec les princes de la terre, on n'a voulu voir que des empiétements injustes ; on a appelé comme d'abus des saintes entreprises de ce grand pape. Que pouvait-il faire, quand les peuples, broyés sous le pressoir du despotisme insensé de leurs maîtres, venaient réclamer à genoux, comme un dernier secours et un extrême remède à leurs maux, l'exercice sévère de sa juridiction, et les foudres de ses sentences spirituelles ? Ce qui nous étonne et presque nous scandalise, n'était aux yeux du moyen âge que l'exercice d'un juste droit et l'accomplissement nécessaire d'une mission divine. Or, combattre pour établir partout le règne de la justice, de la science et de la vertu, qu'est-ce autre chose que de combattre pour civiliser le monde ? Ce furent là les combats de Grégoire VII, et le sujet pour lui d'une gloire immortelle.»

 

En lisant ces lignes si calmes, si épiscopales, dans lesquelles est béni avec tant d'amour le nom de ce Grégoire que nous avons vu poursuivi avec tant d'acharnement dans les pages qui précèdent, ne semble-t-il pas au lecteur catholique qu'il se repose avec suavité dans une paix qui ne sera plus troublée ? Après ce mandement, on peut le dire, la bataille est gagnée ; il n'y a plus d'Alpes ; Rome et la France sont unanimes à célébrer la gloire et les vertus de Grégoire, père de la chrétienté. Tout est oublié, renouvelé ; le Christ est glorifié dans son serviteur. Mais espérons que bientôt la louange de Grégoire ne retentira plus seulement dans des discours et des instructions pastorales ; que bientôt des autels s'élèveront à sa gloire dans cette France qu'il aima et qui le méconnut trop longtemps ; qu'enfin, le jour viendra où nous chanterons tous à l'honneur de Grégoire ce bel éloge que Rome et toutes les autres églises latines entonnent dans la solennité de ces saints pontifes qui, pour leur fidélité, ont mérité d'échanger la tiare contre la couronne de l'immortalité : Dum esset summus Pontifex terrena non metuit ; sed ad cœlestia regna gloriosus migravit.

 

Si maintenant, selon notre usage, nous en venons à tirer les conséquences des faits consignés au présent chapitre, elles se présentent en telle abondance, qu'il nous faudrait consacrer un chapitre entier à les recueillir ; mais nous nous bornerons à celles qui rentrent directement dans notre sujet.

 

La première,que nous offrons à ceux de nos lecteurs qui ne comprendraient pas encore toute l'importance de la science liturgique, est que néanmoins, ainsi qu'ils ont pu le voir, un seul fait liturgique a suffi pour mettre en mouvement la plus grande partie de l'Europe et pour occuper la plupart des gouvernements, au dix-huitième siècle ; en sorte que, pour raconter de la manière la plus succincte, l'histoire d'une page du Bréviaire romain, il nous a fallu ajouter soixante pages à cette histoire, déjà si abrégée, de la Liturgie.

 

En second lieu, on a pu remarquer avec quel soin la divine Providence s'est servie de la liturgie comme du seul moyen qui restât au Saint-Siège de sauver l'honneur d'un de ses plus grands pontifes, à une époque où tout autre moyen que la rédaction officielle de sa légende eût été impuissant à prévenir la prescription contre sa gloire.

 

En troisième lieu, on a été à même de voir comment un clergé, isolé de Rome, même dans des choses d'une importance secondaire, porte toujours la peine de cet isolement par les contradictions en lesquelles il se précipite, victime de la position fausse où il s'est placé.

 

En quatrième lieu, c'est un spectacle instructif de voir les magistrats séculiers s'arroger tout naturellement, sur les choses de la Liturgie, le pouvoir qu'ils refusent à Rome sur ce point, et raisonner d'ailleurs avec justesse sur l’autorité que donne immanquablement à un fait et à une maxime, son insertion dans les livres liturgiques de l'Eglise romaine.

 

DOM GUÉRANGER INSTITUTIONS LITURGIQUES : CHAPITRE XXI : SUITE DE L'HISTOIRE DE LA LITURGIE, DURANT LA PREMIERE MOITIÉ DU DIX-HUITIÈME SIECLE. — AFFAIRE DE LA LEGENDE DE SAINT GRÉGOIRE VII

 

Cardinal de Bonald

Cardinal de Bonald, par Flandrin, Archevêché de Lyon

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17 février 2012 5 17 /02 /février /2012 21:00


Lyrics & Music : Vasilis Tsitsanis
Singer : Vick Tsaccounis
Violin : Anastasios Theodoridis
Bouzouki : Stratos Mitilineos
Guitar : Arhilea Theodoridis

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17 février 2012 5 17 /02 /février /2012 12:30

Il nous tarde de finir le honteux récit des outrages qu'eut à subir en France, au XVIIIe siècle, la mémoire de l'incomparable pontife.

 

Hâtons-nous donc de dire que l'évêque de Montpellier, dans son courroux contre l'Assemblée qui avait refusé de s'associer à ses fureurs, attaqua violemment son collègue l'évêque de Nîmes, dans une lettre pastorale, en date du 30 novembre 1730, où il s'efforce de montrer la contradiction, évidente en effet, entre la harangue du prélat et l'adresse de l'Assemblée au roi : "Dans la harangue, dit-il, on donne pour maxime que le règne de Sa Majesté est fondé sur la catholicité, et qu'il doit toujours se soutenir sur les mêmes principes ; d'où il est aisé de conclure que si un prince avait le malheur de tomber dans l'hérésie, le pape serait en droit de le déposer, et les peuples seraient dispensés de lui obéir !"

 

D'un autre côté, le parlement de Paris, soulevé d'indignation, préparait une procédure contre la harangue, et faisait faire, par son président, des remontrances au roi sur les principes attentoires à la majesté royale que l'orateur y avait professés : tout faisait présager un orage. L'esprit pacifique du cardinal de Fleury parvint, cette fois encore, à l'apaiser, et le roi s'en tint à déclarer au parlement qu'il évoquait l'affaire à son conseil. Tout se termina là ; les vagues tombèrent peu à peu ; mais la France demeura en dehors de la catholicité, quant au culte d'un saint pape. On put voir alors tout le chemin qu'on avait fait depuis 1682.

 

Si nous recherchons maintenant ce qui se passait dans plusieurs autres contrées de l'Europe, au sujet de la Légende, nous rencontrons des faits singulièrement humiliants pour nous autres Français ; il est triste, en effet, de voir les adversaires de l'Église et les hérétiques eux-mêmes s'unir à nous pour anéantir le culte d'un saint.

 

Naples avait eu la gloire de porter le premier coup au Siège apostolique dans cette déplorable circonstance. Cette ville et son État appartenaient alors à l'empereur, qui  y entretenait un vice-roi. Ce personnage, nommé le comte de Harrach, ayant eu connaissance de l'entrée de la légende dans ce royaume, s'empressa d'en dénoncer la publication au tribunal napolitain dit du Collatéral, où on ne manqua pas de la traiter comme un délit, et le vice-roi, le 3 mars 1729, adressait à son souverain un long rapport, dans lequel, après avoir discuté longuement les graves dangers qui s'ensuivaient tout naturellement pour la couronne impériale du seul fait de la légende, il s'exprimait en ces termes :

« De tous ces grands et insupportables préjudices, qui naissent en général de la publication des susdites leçons contre l'indépendance de la souveraineté, et en particulier contre les droits royaux de Votre Majesté, comme empereur, il nous paraissait s'ensuivre naturellement qu'il était du devoir de notre charge qu'imitant la coutume et l'adresse de la cour romaine, nous eussions défendu ces leçons, ordonnant aux évêques de ne les point insérer dans les bréviaires. Mais ayant fait réflexion que nonobstant cette défense, les ecclésiastiques auraient continué de les réciter, et que la prohibition d'un office aurait causé du scandale à ce peuple trop superstitieux, et que la cour de Rome, profitant de ce mécontentement, aurait suscité d'autres inconvénients qui nous auraient après obligés à prendre de plus grands engagements, le tribunal du Collatéral fut d'avis de ne point défendre de réciter les leçons, et qu'il était même plus à propos de ne faire paraître aucun ressentiment, pour ne pas faire connaître aux simples et aux ignorants le venin caché qu'elles renferment, et qu'il suffirait a ordonner que les imprimeurs fussent emprisonnés et tous les exemplaires fussent supprimés ; et cela, sur le seul motif qu'on   avait  introduit,  réimprimé,  vendu ces leçons sans ma permission, et celle du Collatéral, contre la Pragmatique de ce royaume, d'autant plus qu'elles étaient imprimées avec la permission des supérieurs ecclésiastiques, quoiqu'on n'eût pas permis de la donner.»

 

Après la prohibition de la légende de saint Grégoire VII, par le vice-roi de Naples, vient celle que fit, peu de jours après, l'hérétique archevêque d'Utrecht, Corneille-Jean Barchman, par un mandement en date du 12 mai 1730. Il tient dans cette pièce scandaleuse le même langage que nous avons remarqué dans les mandements des évêques d'Auxerre, de Montpellier, de Troyes. Ce sont les mêmes injures grossières contre le chef de l'Église, le même mépris de ses ordonnances : "Si la loi de la prière, dit Barchman, doit établir celle de la foi, les évêques sont obligés de veiller pour empêcher que rien ne se glisse dans les prières publiques qui puisse corrompre insensiblement la loi de la foi. Si on lit dans l'Église l'histoire des saints, afin qu'en considérant la fin de la vie de ceux qui nous ont annoncé la parole de Dieu, nous imitions leur foi et nous suivions leurs exemples, d'autant plus dignes d'être imités, que la piété y paraît d'une manière plus excellente ; il faut prendre garde de ne rien louer dans les divins offices, que nous ne devions approuver et imiter même, lorsque l'occasion s'en présentera."

 

Le mandement se termine par ces paroles : " A ces causes, pour défendre la doctrine de l'Église catholique par rapport à la distinction des deux puissances; pour conserver autant qu'il est en nous, à la puissance civile, son indépendance de la puissance spirituelle : pour donner à nos seigneurs les États généraux, suprêmes modérateurs de notre république, des preuves de la fidélité que nous leur devons, sans affaiblir en rien le respect que  nous devons  au  Saint-Siège apostolique, nous défendons de réciter l'office de saint Grégoire VII, tant publiquement dans les églises qu'en  particulier, à tous ceux qui sont obligés aux heures canoniales. La grâce de Dieu soit avec vous tous. Ainsi soit-il."

 

Lorsqu'un prélat qui se prétendait catholique, malgré l'Église, se livrait à de pareils excès, il n'y a plus lieu de  s'étonner qu'un gouvernement protestant ne voulût pas demeurer en retard et se ruât avec violence contre la mémoire du saint pape. Ce n'est donc pas là ce qui doit nous surprendre; mais ce qui est humiliant, c'est d'être forcé de reconnaître que ce gouvernement protestant, dans ses mesures hostiles à notre foi et aux objets de notre vénération, ne se montre pas plus hostile que diverses puissances de la communion romaine. Voici l'arrêt que les États généraux des Provinces-Unies firent publier et afficher, dans toutes les villes de la confédération. Il est daté du 20 septembre 1730 : 

« Les États de Hollande et de West-Frise, à tous ceux qui ces présentes verront, salut.

« Comme nous avons appris qu'on abuse de notre indulgence à conniver l'exercice du service divin des catholiques romains, sans faire exécuter à divers égards les placards émanés ci-devant contre cet exercice, juste qu'au point qu'on imprime publiquement, dans notre pays de Hollande et de West-Frise, pour l'usage des églises romaines, soit séparément, soit avec ou à la fin de ce qu'on appelle Directorium ou bréviaire, l'office ainsi nommé du pape Grégoire VII, arrêté à Rome par l'autorité papale, le 25 septembre 1728 ; quoique ledit office exalte comme une action louable l'entreprise de ce pape, pour avoir excommunié un empereur des Romains, a privé ce prince de son royaume et absous ses sujets de la fidélité qu'ils lui avaient promise, et qu'on ne puisse ignorer que diverses puissances de la communion romaine regardent cette entreprise de Grégoire VII comme si séditieuse, si contraire à la tranquillité publique, et d'une suite si dangereuse, qu'elles ne permettent pas qu'on  en  fasse  aucun  usage dans   leurs royaumes et Etats.

« A ces causes, après une mûre délibération, nous avons jugé à propos, pour la conservation de la tranquillité commune, et pour la sûreté de la régence et de la véritable religion réformée, de statuer et d'ordonner contre les entreprises et les machinations des adhérents du Siège de Rome, comme nous statuons et ordonnons par la présente :

« Premièrement, qu'on ne pourra faire le moindre usage dans notre pays de Hollande et de West-Frise, soit en public, soit en particulier, dudit office du pape Grégoire VII, sous peine que les prêtres catholiques romains qui y contreviendront, seront punis sans aucune rémission comme perturbateurs du repos public, et que les églises de la religion romaine, chapelles ou autres assemblées dans lesquelles on fera à l'avenir usage dudit office, seront fermées pendant six mois.

« En second lieu, qu'on ne pourra réimprimer dans notredit pays, ou y apporter du dehors ledit office, pour y être débité ou vendu, soit séparément, ou tel qu'il est imprimé à la fin dudit Directorium de la Messe et autres cérémonies de l'Église romaine, et qu'on ne pourra faire aucune mention dudit office dans les éditions suivantes dudit Directorium ; le tout sous peine d'une amende de mille florins contre celui qui y contreviendra, dont la moitié appartiendra à l'officier, et l'autre au dénonciateur, et d'être privé de son trafic.

« Chargeant et ordonnant à tous officiers, juges et justiciers de notredit pays, d'exécuter et de faire exécuter notre présent placard et commandement, et de procéder et de faire procéder sans aucune grâce, faveur ou dissimulation, contre ceux qui y contreviendront; nous voulons qu'il soit publié et affiché partout où besoin sera. Fait à La Haye, le 20 septembre 1730.»

(Gazette de Hollande, 3 octobre 1730.)

 

Nous trouvons, en 1750, une circulaire partie du cabinet impérial, et adressée aux  évêques des Pays-Bas, leur enjoignant de supprimer au bréviaire l'office de saint Grégoire VII. Le clergé de Belgique, déjà mécontent du joug  autrichien, ne  paraît pas avoir mis une grande importance à cette  prohibition, puisque, suivant l'abbé Grégoire (Essai sur les Libertés de l'Église gallicane, page 110.), le gouvernement de Vienne fut obligé de renouveler la proscription de la légende, en 1774. Il est inutile, sans doute, de faire observer que Joseph II se montra impitoyable contre le culte du fougueux Hildebrand ; au reste, saint Grégoire VII ne fut pas le seul saint pontife qu'il poursuivit au bréviaire. On cite, sous la date de 1787, une ordonnance de la régence de la basse Autriche, supprimant, au Bréviaire des chanoines réguliers, divers passages de l'office de plusieurs saints papes, entre autres celui-ci dans la cinquième leçon de saint Zacharie, au 15 mars : Consultus a Francis, regnum illud a Chilperico viro stupido et ignavo, ad Pipinum pietate et fortitudine prœstantem auctoritate Apostolica transtulit. Cet office de saint Zacharie n'est pas au Bréviaire romain proprement dit, mais fait simplement partie des offices propres du clergé de la ville de Rome.

 

Pour en revenir à la légende de saint Grégoire VII, elle a fini néanmoins par triompher, en Autriche, du mauvais vouloir des gouvernants, à la condition toutefois de subir, de par la police, une ridicule formalité. Nous ignorons à quelle époque précise a été statuée cette condition, mais tous les bréviaires romains imprimés dans les Etats  de l'Autriche depuis le commencement de ce siècle, qui nous sont tombés entre les mains, sont remarquables par une mutilation très curieuse. Elle consiste d'abord dans la suppression de ces paroles qui terminent la cinquième leçon : Contra Henrici Imperatoris impios conatus, fortis per omnia athleta impavidus permansit, seque pro muro domui Israël ponere non timuit, ac eumdem Henricum in profundum malorum prolapsum, fidelium communione, regnoque privavit, atque subditos populos fide ei data liberavit.

 

Enfin, la censure impériale, franchissant toutes mesures, non contente d'avoir à jamais assuré la couronne des Césars contre les entreprises de la papauté, et garanti ainsi l'inamissibilité du trône de tout envahissement de la liturgie, la censure, disons-nous, a décrété en même temps l'impeccabilité impériale ; ce qui a bien aussi son mérite pour ce monde et surtout pour l'autre. La sixième leçon est donc maintenue dans son entier, sauf un seul mot : l'épithète iniqui appliquée à Henri de Germanie ! Rome et toutes les églises qui obéissent à ses décrets sur la Liturgie, lisent cum ab INIQUI Henrici exercitu Romœ gravi obsidione premeretur ; dans les États d'Autriche, il faut imprimer et lire simplement : Cum ab Henrici exercitu Romœ, etc. Ceci ne rappelle-t-il pas tout naturellement ce qui se passa à Milan, il y a quelques années, quand on vit un mandement du cardinal-archevêque, à l'occasion de la mort de l'empereur François II, repris par la censure, parce que le prélat y exhortait les fidèles à prier pour un souverain bien-aimé qui, malgré toutes ses vertus, pouvait néanmoins avoir contracté quelques taches de l'humaine faiblesse ?

 

Nous voyons encore, au XVIIe siècle, la mémoire de saint Grégoire VII outragée dans un État catholique, en Portugal.

 

DOM GUÉRANGER INSTITUTIONS LITURGIQUES : CHAPITRE XXI : SUITE DE L'HISTOIRE DE LA LITURGIE, DURANT LA PREMIERE MOITIÉ DU DIX-HUITIÈME SIECLE. — AFFAIRE DE LA LEGENDE DE SAINT GRÉGOIRE VII

 

M. l'abbé Grégoire

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