Grand enfant dans l’âme et second rôle incontournable du cinéma français, Jacques Duby est décédé mercredi 15 février. Il était âgé de 89 ans. > Décès de l’acteur français Jacques Duby allocine.fr
"Je vous donne un commandement nouveau : c'est de vous aimer les uns les autres.
Comme je vous ai aimés, vous aussi aimez-vous les uns les autres.
Ce qui montrera à tous les hommes que vous êtes mes disciples, c'est l'amour que vous aurez les uns pour les autres."
Evangile de Jésus-Christ selon saint Jean
" Le Défenseur, l'Esprit Saint que le Père enverra en mon nom, lui, vous enseignera tout, et il vous fera souvenir de tout ce que je vous ai dit."
Évangile de Jésus Christ selon saint Jean
Saint Père François
1er mai 2011 Béatification de Jean-Paul II
Béatification du Serviteur de Dieu Jean-Paul II
Béatification du Père Popieluszko
à Varsovie, 6 juin 2010, Dimanche du Corps et du Sang du Christ
Varsovie 2010
Basilique du
Sacré-Cœur de Montmartre
Sanctuaire de l'Adoration Eucharistique et de la Miséricorde
Divine
La miséricorde de Dieu
est comme un torrent débordé. Elle entraîne les cœurs sur son passage.
(Saint Curé d'Ars)
Le côté du Christ a été transpercé et tout le mystère de Dieu sort de là. C’est tout le mystère de Dieu qui aime, qui se livre jusqu’au bout, qui se donne jusqu’au bout. C’est le don le plus
absolu qui soit. Le don du mystère trinitaire est le cœur ouvert. Ce n’est pas une image, c’est une réalité. C’est la réalité la plus profonde qui soit, la réalité de
l’amour.
Père Marie-Joseph Le
Guillou
Dans le cœur transpercé
de Jésus sont unis
le Royaume du Ciel
et la terre d'ici-bas
la source de la vie
pour nous se trouve là.
Ce cœur est cœur divin
Cœur de la Trinité
centre de convergence
de tous les cœur humains
il nous donne la vie
de la Divinité.
Sainte Thérèse Bénédicte de la Croix
(Edith Stein)
Le Sacré-Cœur représente toutes les puissances d'aimer, divines et humaines, qui sont en
Notre-Seigneur.
Père Marie-Eugène de l'Enfant
Jésus
feuille d'annonces de la Basilique du Sacré-Coeur de
Montmartre
Notre Dame de Grâce
Cathédrale Notre Dame de Paris
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samedi 27 juin 2009 à Notre Dame de Paris
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... ma vocation, enfin je l’ai trouvée, ma vocation, c’est l’Amour !
SAINT PIERRE ET SAINT ANDRÉ
BENOÎT XVI à CHYPRE
Salutation avec l'Archevêque Chrysostomos à l'église d' Agia Kyriaki Chrysopolitissa de Paphos, le vendredi 4 juin 2010
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Yahad-In Unum
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Grand enfant dans l’âme et second rôle incontournable du cinéma français, Jacques Duby est décédé mercredi 15 février. Il était âgé de 89 ans. > Décès de l’acteur français Jacques Duby allocine.fr
La nouvelle de ce bref arriva bientôt en France et ne tarda pas d'exciter la fureur des suppôts du gallicanisme.
Le parlement de Paris rendit en date du 23 février 1730, un arrêt contre la publication, distribution et exécution de ce bref, ainsi que de ceux qui avaient été lancés contre les évêques. Cette cour exhalait son indignation par le ministère de son fidèle organe, Gilbert de Voisins, qui s'exprimait ainsi dans le début de son réquisitoire :
« Après l'arrêt solennel que la cour rendit, au mois de juillet dernier, sur nos conclusions, à l'occasion de l'office de Grégoire VII, nous avions lieu de croire que nous n'aurions plus d'autre devoir à remplir sur cet objet, et que la cour de Rome nous en laisserait insensiblement perdre la mémoire.
« Mais nous reconnaissons, avec douleur, combien nos espérances ont été trompées, à la vue d'un bref de Rome, que nous avons entre les mains, et dont on peut dire qu'il réduit en pratique la doctrine répandue dans l'office de Grégoire VII, en cassant, par l'autorité pontificale, tous édits, arrêts, ordonnances, et autres actes émanés à ce sujet des puissances séculières, même souveraines. Ce bref entreprend de soumettre au sacerdoce l'empire temporel des souverains. Il exerce une autorité suprême sur des actes revêtus du caractère de leur pouvoir. Il attaque leur indépendance jusque dans ses fondements, et tend à leur ôter la voie de la défendre.»
Toutefois, l'arrêt du 23 février 1730, quoique rendu dans les formes et imprimé, ne fut pas publié : défense expresse en fut intimée au parlement de la part du cardinal de Fleury. Déjà, dès les premiers jours du mois de décembre 1729, le chancelier avait écrit aux gens du roi de tous les parlements, de ne faire aucun réquisitoire concernant les libertés de l'Église gallicane, sans avoir auparavant consulté la cour ; il avait même déclaré en termes exprès à l'avocat général du conseil supérieur de Roussillon, qu'il fallait aller doucement et qu'on n'était pas en position de soutenir cette affaire.
Cette conduite du gouvernement, opposée au voeu de la magistrature, s'expliquera facilement, si l'on se rappelle la situation du pouvoir royal à cette époque. Sans doute, les maximes qui avaient prévalu depuis longtemps à la cour de Versailles, ne permettaient pas qu'on tolérât dans les églises du royaume l'usage de la légende de saint Grégoire VII ; mais, d'autre part, un éclat contre Rome eût ameuté le parti janséniste, qui ne demandait qu'à se ruer contre cette autorité sacrée que la couronne de France trouvait encore bonne à conserver. Les pamphlets jansénistes du temps retentissaient des accents de jubilation du parti qui se croyait à la veille de voir rapporter, par le fait de la suppression de la légende, l'odieuse condamnation de la proposition XCI de Quesnel ; mais la cour avait besoin de la bulle Unigenitus pour contenir la séditieuse phalange des nouveaux calvinistes, tandis que, d'autre part, les quatre articles de 1682, en vain révoqués par Louis XIV, lui semblaient le palladium de l'autorité royale. Ce n'était donc ni des mandements déclamatoires, ni des arrêts fanatiques qu'il lui fallait, mais tout simplement une résolution prise à l'amiable par le clergé, de supprimer sans bruit la. légende. Ainsi la cour l'entendit, ainsi fut-elle docilement comprise dans toute l'Eglise de France, en sorte que jusqu'à la destruction de l'ancienne société, en 1789, pas une église séculière ou régulière n'avait pu inaugurer le culte du grand pontife Grégoire VII.
Donnons encore quelques traits de cette déplorable histoire.
L'évêque d'Auxerre, toujours ardent à la défense de la double cause gallicane et janséniste, sentant aussi la fausse position de la cour et de l'épiscopat dans leur résolution d'ensevelir la légende sans éclat, s'agitait en désespéré pour accroître le bruit. Il présentait requête au parlement de Paris contre le bref qui avait flétri son mandement, ayant préalablement pris l'avis d'un conseil auquel ne siégeaient pas moins de cent avocats. Peu de jours après, le 11 février 1730, il adressait ses doléances au roi, dans une longue lettre où il cherche à exciter le zèle du monarque contre les entreprises de la cour de Rome. Il n'obtint cependant pas l'éclat qu'il désirait, car le 18 février le cardinal de Fleury écrivit aux gens du roi la lettre suivante, qui montra que la politique du moment était de s'en tenir à la paix :
« Je n'ai rien à ajouter, Messieurs, à ce que j'écris à M. le premier président ; et je m'en remets aussi aux ordres du roi, que M. le Chancelier vous communiquera. Il suffit, dans les conjonctures présentes, que l'essentiel, c'est-à-dire les maximes du royaume, soient à couvert : et la prudence demande qu'on ne cherche pas à irriter le mal, plutôt que de le guérir. Le roi veut, surtout, qu'il ne soit fait aucune mention de la requête, ni du mandement de M. l'évêque d'Auxerre. Il devait savoir qu'avant de le publier, il convenait qu'il sût les intentions de S. M. sur une matière aussi délicate, et concerter la manière dont il s'expliquerait ; et il est encore plus indécent qu'il fasse signer sa requête par une foule d'avocats. Ce procédé tient beaucoup plus d'une cabale que d'un véritable zèle.»
Or l'année 1730 devait voir réunie l'Assemblée générale du clergé, et chacun pensait en soi-même combien alors serait embarrassante la situation des prélats dans cette conjoncture délicate. S'élèveraient-ils contre la légende ? la passeraient-ils entièrement sous silence ? Tel était le problème difficile qui restait à résoudre. En attendant, soit hasard, son intention, l'Assemblée s'ouvrit à Paris le 25 mai, jour même de la fête de saint Grégoire VII. Le 22 juin suivant, le cardinal de Fleury s'étant présenté à l'Assemblée, et ayant pris la place du président, Son Éminence, dans un discours sur la situation des affaires ecclésiastiques dit, entre autres choses :
" Que personne n'ignorait avec quel artifice et quelle mauvaise foi les novateurs cherchaient à répandre d'injustes soupçons contre le clergé de France, comme si, en se déclarant aussi solennellement qu'il a fait en faveur de la Bulle Unigenitus, il eût eu intention secrète de favoriser des opinions aussi injurieuses à l'indépendance du pouvoir temporel de nos rois, qu'opposées aux anciennes maximes que les évêques de France avaient, dans tous les siècles, si constamment défendues ; que, quoique cette indigne a accusation ne fût pas revêtue de la plus légère ombre de vraisemblance, il lui paraissait cependant que, pour ôter à leurs ennemis le dernier retranchement qu'ils avaient imaginé pour affaiblir l'autorité des jugements prononcés contre eux, il était de l'honneur du clergé de s'expliquer sur cette calomnie d'une manière à leur fermer la bouche et à découvrir toute leur malignité."
(Procès-verbaux du clergé. Tome VII, page 892. )
L'archevêque de Paris, Charles de Vintimille, dans sa réplique au cardinal, répondit en ces termes sur l'article en question :
" A l'égard de nos maximes sur le temporel de nos rois et la fidélité que nous leur devons, qui est-ce qui les a plus à cœur et qui les annonce avec plus de zèle que le clergé de France ? Vous savez, Monseigneur, et j'avais eu l'honneur de vous le dire en particulier, ce que pensent tous ceux qui composent cette illustre Assemblée, qui avait résolu de ne point se séparer sans s'expliquer d'une manière à fermer la bouche à un parti opiniâtre qui, dans le temps qu'il méconnaît l'autorité de l'Église et celle du roi, ose se couvrir d'un prétendu zèle pour ces mêmes maximes."
(Procès-verbaux du clergé. Tome VII, page 894.)
Nous ne tarderons pas à voir comment l'Assemblée se tira de ce pas difficile : mais, en attendant la décision, un incident remarquable la força de prendre position sur le fait même de la légende. L'évêque d'Auxerre avait imaginé d'adresser une lettre à l'Assemblée, pour lui remontrer l'obligation où elle était de sévir contre la scandaleuse entreprise de Rome, et ramenait dans l'affaire la condamnation de la proposition XCI de Quesnel. L'Assemblée, ayant refusé d'entendre la lecture de la lettre, prit les résolutions suivantes que nous empruntons à son procès-verbal :
« La Compagnie a unaninement témoigné qu'elle avait un juste sujet de se plaindre de la conduite de monseigneur l'évêque d'Auxerre, qui croyait devoir exciter le zèle de l'Assemblée pour le maintien des droits sacrés attachés à l'autorité royale, comme si elle méritait d'être soupçonnée d'en manquer.
« Que cette conduite de monseigneur l'évêque d'Auxerre était d'autant moins convenable, que ce prélat s'ingérait à faire des exhortations à une assemblée qui n'en avait pas besoin, et dont il ne pouvait ignorer les sentiments ; tandis qu'il était lui-même dans une désobéissance ouverte à l'autorité de l'Église, dont il rejetait les décisions ; qu'il se trouvait par là réfractaire aux ordres du roi, qui, comme protecteur de l'Église, employait son autorité à en faire exécuter les lois.
« Que l'Assemblée comprenait, sans peine, que le motif qui avait porté monseigneur l'évêque d'Auxerre à lui écrire, n'était que pour se donner la liberté de s'élever contre la constitution Unigenitus ; mais que ce n'était pas sans indignation que l'Assemblée voyait à quels excès il s'était ci-devant porté contre un jugement dogmatique de l'Église universelle, auquel tout évêque, comme tout fidèle, doit adhérer de cœur et d'esprit.
« Que l'Assemblée, au surplus, était justement scandalisée de ce que ce prélat prétend qu'il y a une liaison entre la constitution Unigenitus et l'opinion qui combat l'indépendance de nos rois et de leur couronne, en ce qui concerne le temporel : enfin que, par toutes ces raisons, l'Assemblée ne devait point permettre qu'on lût la lettre que monseigneur l'évêque d'Auxerre lui avait adressée.»
(Procès-verbaux du clergé. Tome VII, page 1062.)
Peu de jours après, l'Assemblée eut à s'occuper de la lettre que l'évêque de Montpellier avait écrite au roi, le 3i décembre 1729,au sujet de la légende, et dans laquelle il cherchait à jeter des nuages sur les intentions des prélats qui n'avaient pas jugé à propos de prohiber, par mandements, le culte de saint Grégoire VII. Jalouse de se justifier du soupçon d'indifférence pour les droits de Sa Majesté, l'Assemblée arrêta le plan d'une adresse à Louis XV, qui fut rédigée et signée sous la date du 11 septembre. Les prélats s'y plaignaient amèrement des insinuations de l'évêque de Montpellier contre leur fidélité, et disaient entre autres ces paroles remarquables :
« C'est par de vaines déclamations et par des imputations calomnieuses, que M. l'évêque de Montpellier croit pouvoir faire oublier ses excès, et couvrir, à l'ombre d'un zèle amer et déplacé, les erreurs qu'il débite, et le scandale qu'il cause dans l'Église. Cet artifice n'est pas nouveau; tous les sectaires l'ont mis en usage ; les ennemis de l'unité s'en servent aujourd'hui, et leur dessein est aisé à pénétrer. Occupés depuis seize ans à soulever les magistrats et les peuples contre l'autorité de la constitution, et à rendre méprisables ceux qui l'ont reçue, ils ont saisi l'occasion de la légende de Grégoire VII ; légende qui n'a été adoptée dans votre royaume par aucun évêque, et dont l'usage n'a été et ne sera permis dans aucun de nos diocèses : ils ont cru pouvoir, par des réflexions malignes et captieuses, rompre l'union et le concert qui règnent entre les deux puissances, et, à la faveur des divisions qu'ils tentent d'exciter, se mettre à couvert de l'une et de l'autre ; ils ont voulu, par une diversion sur les contestations qu'ils s'efforcent de réveiller, faire perdre de vue l'intérêt commun de l'Église et de l'État, qui consiste à conserver l'unité de la foi, et à ramener ou à soumettre ceux qui la violent.
« On affecte, Sire, de mettre une indifférence entre la puissance de Louis XIV et la vôtre : c'est un trait également injurieux à Votre Majesté et à votre auguste bisaïeul : héritier de son trône et de ses vertus, devenu l'amour de vos peuples en naissant, sans avoir jamais éprouvé aucune contradiction, ni domestique, ni étrangère, que pourrait-il manquer à Votre Majesté, pour soutenir ses droits, comme il soutenait les siens ? Mais, en les soutenant, ce grand roi n'oublia jamais les sages ménagements que la religion inspire.»
(Procès-verbaux du clergé. Tome VII, page 1074.)
Voilà sans doute quelque chose de positif. Point de mandements contre la légende de saint Grégoire VII, que l'Église gallicane appelle ici simplement Grégoire VII, dans une occasion où il s'agit précisément du culte décerné à ce saint pontife, protestant ainsi contre le martyrologe et contre l'autorité qui promulgue le calendrier catholique ; point de mandements individuels et passionnés, mais la résolution prise, en corps, froidement et d'autorité, par l'assemblée, d'étouffer ce culte, d'arrêter l'effet des volontés apostoliques ; de se mettre, par une désobéissance flagrante au Saint-Siège, dans une situation analogue à celle de l'évêque d'Auxerre dont on signalait l'esprit de révolte. Sans doute cette désobéissance de l'Assemblée aux ordres du pape, n'avait lieu que sur un point de simple discipline ; mais croyait-on pouvoir conserver longtemps dans le clergé les liens de la subordination, quand on les brisait si aisément à l'égard du pontife qui, d'après la doctrine même de 1682, rend les décrets qui obligent toutes les Eglises ? Rome dissimula l'outrage ; mais elle maintint courageusement la légende. Un siècle s'est écoulé depuis, et voilà qu'une auréole de gloire environne le nom de ce Grégoire VII que l'assemblée refusa d'appeler saint, et la voix publique salue avec acclamation celui dont les prélats de 1730 se faisaient honneur d'avoir banni la mémoire de leurs diocèses. Certes, si la patience de Dieu est d'autant plus imposante qu'il en puise le motif dans son éternité, combien est sublime celle de sa noble épouse, notre mère, la sainte Église romaine, dont le temps vengea toujours l'injure !
Cette adresse déplorable était signée de quatorze archevêques et évêques de l'Assemblée, et de dix-neuf députés du second ordre. Un seul nom y manquait. C'était celui de Jean-César de La Parisière, évêque de Nîmes. Ce prélat, zélé contre le jansénisme et honoré de la haine de la secte, fut un de ceux qui osèrent maintenir le Bréviaire romain dans leurs églises, au milieu de l'innovation liturgique. Dans l'Assemblée de 1730, il vit de bonne heure tout ce que la conduite de ses collègues contre la légende de saint Grégoire VII renfermait de contraire à l'honneur du Siège apostolique, et malgré tout l'éloignement qu'il professait pour la personne et les doctrines de l’évêque de Montpellier, il osa refuser de prendre part à la délibération qu'on tint au sujet de la lettre de ce prélat au roi, et dans laquelle on concerta l'adresse dont nous venons de parler. Son isolement à l'égard de tout ce qui se passa dans cette affaire est expressément attesté dans le procès-verbal de l'Assemblée (page 1073).
Nous ignorons comment il se put faire que ce prélat, qui avait refusé de partager avec ses collègues la responsabilité de l'adresse qu'ils présentèrent à Louis XV pour l'assurer de la fidélité qu'ils lui garderaient aux dépens même de l'obéissance jurée au Saint-Siège, fut néanmoins choisi pour rédiger et prononcer la harangue au roi, par laquelle se terminaient d'ordinaire les Assemblées du clergé. Quoi qu'il en soit, cette harangue courageuse et indépendante roulait uniquement sur les maux de l'Église. L'évêque de Nîmes y signalait avec une éloquence apostolique les entreprises des magistrats contre la liberté ecclésiastique et l'insolence de la secte janséniste, enhardie par une telle protection ; et, rappelant l'obligation pour un roi chrétien de défendre le clergé, il disait ces belles paroles :
« C'est pour cela, Sire, que votre trône, qui, depuis qu'un saint Pontife le consacra, en arrachant le grand Clovis au paganisme, n'a jamais été profané par l'erreur, est une ressource si sûre et si nécessaire pour nous, et que le droit qu'il vous a donné de nous protéger est le plus auguste de tous vos titres. Nous venons à vous pour maintenir l'ouvrage de Jésus-Christ même, et pour nous conserver la liberté d'un ministère dont l'usurpation et la violence peuvent bien arrêter l'exercice, mais qu'on ne saurait essentiellement nous ravir.
« Tout ce qui n'est qu'humain peut être à la merci des hommes ; mais pour le dépôt de la foi, et notre juridiction qui en est une suite nécessaire, c'est notre trésor, notre gloire, notre engagement : nous ne pouvons jamais consentir qu'on nous l'enlève ; nous en sommes redevables à Dieu, à l'Église, aux peuples, à Votre Majesté, dont le règne est fondé sur la catholicité, et doit toujours se soutenir sur les mêmes principes.»
C'était le dernier soupir de l'antique liberté qui s'exhalait dans ces fortes paroles : Votre Majesté, dont le règne est fondé sur la catholicité. Jamais plus un seul mot dans les actes du clergé français ne rappela cet axiome de l'ancien droit de la chrétienté, qu'une nation catholique ne pouvait être gouvernée que par un prince catholique.
Ce mot si court, si simple, mais si profond que l'évêque de Nîmes avait jeté dans sa harangue, était d'ailleurs la seule allusion qu'elle renfermât à l'affaire de la légende de saint Grégoire VII ; mais on ne pouvait désavouer avec plus de délicatesse tout ce qui s'était fait contre l'héroïque pontife qu'en rappelant, en présence du roi même, qu'il y avait encore quelque chose au-dessus de sa couronne : l'intérêt de la catholicité. Certes, la harangue ferait oublier l'adresse, si on n'était contraint de voir dans la harangue le fait d'un seul évêque, et dans l'adresse la résolution prise et observée, jusqu'à la fin, par les représentants du clergé d'alors, d'anéantir le culte de saint Grégoire VII. Or ceci se passait en 1730 ; et avant la fin du même siècle, cette royauté qui avait voulu être inamissible, était déclarée abolie à jamais. Le successeur de Louis XV, atteint du vertige dont Dieu semblait avoir frappé ceux de sa race, après s'être vu entraîné à sanctionner des actes qui anéantissaient l'Église, montait sur un échafaud, sans que sa loyauté, sa vertu, ni son repentir, fussent capables de sauver les principes monarchiques éclipsés pour de longues années encore, tandis que, ramené en triomphe, saint Grégoire VII reparaît avec une majesté inouïe et partagera désormais avec Charlemagne le titre sublime de fondateur de la société européenne.
Il nous tarde de finir le honteux récit des outrages qu'eut à subir en France, au XVIIIe siècle, la mémoire de l'incomparable pontife.
DOM GUÉRANGER INSTITUTIONS LITURGIQUES : CHAPITRE XXI : SUITE DE L'HISTOIRE DE LA LITURGIE, DURANT LA PREMIERE MOITIÉ DU DIX-HUITIÈME SIECLE. — AFFAIRE DE LA LEGENDE DE SAINT GRÉGOIRE VII
Jean César Rousseau de la Parisière, Evêque de Nîmes, par Hyacinthe Rigaud, Musée Fabre - Montpellier
Quant à Benoît XIII lui-même, que M. de Metz appelle un saint pontife, jugement que l'histoire a du moins confirmé, il ne parut pas fort disposé à laisser croire que les actes les plus importants de son gouvernement s'accomplissaient à son insu. Nous verrons bientôt l'énergique réponse qu'il fit à ces insolentes provocations.
En attendant, le prélat déclare que, voulant, dans une occasion aussi importante, donner au roi des preuves de la fidélité qu'il lui a vouée, à l'empereur, à S. A. R. de Lorraine et aux autres souverains qui ont quelque portion de leurs États dans son diocèse, de l'attention qu'il aura toujours pour ce qui les intéressera, et "pour préserver les âmes commises à sa charge des illusions que le prétexte d'une piété mal entendue pourrait leur faire, il a défendu et défend à toutes les communautés et à toutes les personnes de l'un et l'autre sexe de son diocèse....., de réciter, soit en public, soit en particulier, l'office de Grégoire VII". Il défend pareillement à tous les imprimeurs, etc., de publier le même office. Il ordonne, de plus, que les exemplaires en seront rapportés au greffe de sa chambre épiscopale. Le tout, sous les peines de droit.
Les réflexions seraient ici superflues : nous continuerons donc notre récit. Encouragé par le zèle des trois prélats, le Parlement de Bretagne s'empressa de suivre les traces de celui de Paris. Le 17 août, il rendit un arrêt pour supprimer la légende. On remarquait les phrases suivantes dans le réquisitoire du procureur général :
« Permettez-moi de vous rappeler, Messieurs, que Grégoire VII est le premier de tous les papes qui ait osé faire éclater ses prétentions sur le temporel des rois, en s'attribuant ouvertement le droit imaginaire de pouvoir les déposer, et délier leurs sujets du serment de fidélité. Imagination fatale, qui ne s'est que trop perpétuée au-delà des monts, parmi des esprits à qui l'ignorance et une soumission aveugle tiennent presque toujours lieu de savoir.
« C'est cette chimère contre laquelle on ne peut être trop en garde dans ce royaume, qu'on veut réaliser aujourd'hui, en insinuant aux peuples qu'elle a servi de degré à ce pape pour parvenir à la sainteté : moyen inconnu avant lui. Et vous ne verrez, sans doute, qu'avec indignation, que ces paroles séditieuses : Contra Henrici Imperatoris, etc., marchent sur la même ligne que les paroles de vie et de paix qui sont sorties de la bouche de Jésus-Christ même.
« Quel assemblage, et que peut-on penser de cet éloge monstrueux ? si ce n'est qu'on a cru, en l'insérant dans un livre de prières, qu'il aurait plus d'effet, et ferait respecter comme permises, ces foudres que les papes se croient en droit de lancer contre les monarques ; puisque, dira-t-on, si c'était un crime, ou que cela passât leur pouvoir, on n'eût pas relevé une pareille action dont les ministres de nos autels ne peuvent que trop abuser dans leurs instructions.»
Comme l’on voit, les magistrats, fidèles d'ailleurs à leur omnipotence liturgique, ne se dissimulaient pas plus que les évêques d'Auxerre, de Montpellier et de Metz, la valeur et l'autorité d'une pièce insérée au Bréviaire romain, Il était aisé de prévoir que le jour n'était pas loin où l'on chercherait à rompre le lien liturgique avec Rome pour s'affranchir, ainsi qu'on l'a vu précédemment, de plusieurs choses contraires aux maximes de notre Eglise gallicane. Le jansénisme, sans doute, était pour beaucoup dans les scandales que nous racontons ; mais le simple gallicanisme y avait bien aussi sa part. On le vit clairement, lorsque le 21 août parut le mandement de Charles-François d'Hallencourt, évêque de Verdun. Ce prélat avait adhéré à la bulle Unigenitus, et dans le mandement même que nous citons, il disait expressément que l'obéissance au pape et aux évêques, dans ce qui concerne la religion, est la seule voie sûre pour le salut.
Écoutons maintenant ce que la doctrine de 1682 lui inspirait au sujet de la légende :
« Non, Nos très chers Frères, quelles que puissent être les fautes de l'empereur Henri quatrième, le pape n'était pas en droit de lui enlever sa couronne, ni de délier les nœuds sacrés qui attachaient ses sujets à son service. Ce fait dans lequel ce pape a si injustement excédé son pouvoir, ce fait qu'il est à présumer qu'il expia par la pénitence, ne peut être un des motifs de sa canonisation ; et, si l'on ne le regarde que comme un fait historique, ce n'est pas dans une légende de saint, ni au milieu d'un office divin, qu'il doit être cité.»
Voilà bien la naïveté de certains honnêtes gallicans, qui seraient tout aussi éloignés d'admettre les conséquences du système à la manière des parlements, que de ménager les prétentions ultramontaines. L'évêque de Verdun, plus catholique que celui de Montpellier, consent donc à reconnaître Grégoire VII pour saint, mais, pour se rendre compte à lui-même de la valeur de sa canonisation, il suppose ingénument que ce grand pape a fait pénitence de la déposition de Henri IV. Toutefois, cette distinction ne l'empêche pas de conclure son mandement par la même prohibition que ses trois collègues : "Dans la crainte, dit-il, que cette légende ne fasse illusion à quelques esprits faibles, et les évêques ne pouvant veiller de trop près à la sûreté des rois ; pour ensevelir autant qu'il est en nous, dans un éternel oubli, cette entreprise du pape Grégoire VII, nous avons défendu et défendons par ces présentes de réciter, soit en public, soit en particulier, l'office contenu dans ladite feuille, le tout sous les peines de droit."
Après cela, on ne dut pas être étonné d'entendre publier un arrêt du parlement de Metz, en date du 1er septembre, qui condamnait la légende comme l'avaient condamnée les parlements de Paris et de Bretagne. Celui de Bordeaux ne tarda pas non plus à se déclarer par un arrêt, sous la date du 12 du même mois, et on entendit même l'avocat général Dudon demander à la cour, dans son réquisitoire, qu'il lui plût de prendre certaines précautions qui pourvoient à l'avenir à ce qu'il ne se glisse rien dans les livres destinés au service divin, et autres livres de piété, qui puisse blesser les droits du roi et troubler la tranquillité de l'État.
L'affaire était bien loin d'être terminée par ces scandaleux arrêts : de nouveaux troubles se manifestèrent encore en plusieurs lieux. A Paris, un certain nombre de curés de la ville, faubourgs et banlieue, présentèrent requête à l'archevêque Vintimille, le 14 septembre, et lui dénoncèrent la légende. Nous ne citerons rien de cette pièce, analogue pour le fond et les termes aux mandements et arrêts que nous avons cités. Les curés concluent à supplier l'archevêque de joindre son autorité spirituelle à celle du parlement pour ordonner "ce que la religion, la justice, la fidélité au roi, et l'amour de la patrie, ne peuvent manquer d'inspirer à l'évêque de la capitale du royaume, en pareilles occasions, et singulièrement de prescrire que la Déclaration du Clergé de France, de 1682, soit inviolablement maintenue et exactement observée dans les communautés séculières et régulières, et dans toute l'étendue de ce diocèse, conformément aux lois si nécessaires qu'a établies le feu roi : que, par une action si glorieuse, il rendra un service essentiel à l'Eglise et à l'État."
L'archevêque, qui sentait que les jansénistes n'excitaient tout ce bruit que pour déconsidérer, s'il eût été possible, le siège apostolique, dont les prérogatives leur étaient d'autant plus odieuses qu'ils en avaient éprouvé les effets, eut la prudence de ne faire aucune démonstration publique contre la légende, et affecta de la passer sous silence dans une instruction pastorale qu'il publia, le 29 du même mois de septembre, sur les querelles religieuses du temps. Les curés signataires de la requête dont nous avons parlé, présentèrent à l'archevêque un nouveau mémoire, dans lequel ils se plaignaient amèrement de la rigueur du prélat envers le parti, et revenaient encore sur la légende. Ce fut alors que l'archevêque, si l'on en croit les Nouvelles Ecclésiastiques, leur dit avec sévérité :
« Je condamne ce qu'on a fait à Rome, et je suis aussi bon serviteur du roi que vous ; mais puisque le roi l'a fait condamner par son Parlement, il était inutile d'en parler. Si quelqu'un remue sur cela, M. l'official fera son devoir, et, s'il le faut, on abrégera les procédures en envoyant à la Grève, ce que le Prélat répéta deux fois. MM. les Curés se levèrent, disant qu'ils n'avaient point dessein de lui faire de la peine, mais de lui représenter l'état de leurs paroisses, et le scandale que cause la légende qui est entre les mains de plus de la moitié des prêtres du diocèse, qui récitent le Bréviaire romain.» (7 octobre 1729.)
Pendant que ces choses se passaient en France, Rome outragée dans ce qu'elle a de plus cher, l'honneur des saints qu'elle invoque, et sa propre dignité qui n'étant pas de ce monde (non est de hoc mundo), ne doit pas être sacrifiée aux considérations humaines et personnelles, Rome se mit en devoir de se défendre par les armes que le Roi des rois a déposées entre ses mains. En vain, les mandements que nous avons cités, les arrêts des parlements eux-mêmes, en condamnant la légende, avaient fait leur réserve sur la complicité de Benoît XIII, prétendant qu'il avait ignoré cet attentat, qu'il était trop vertueux, trop animé de l’esprit apostolique des premiers siècles de l'Eglise, pour s'être permis de contrarier si violemment les maximes françaises ; le saint Pontife eut à cœur de donner un solennel démenti à ces réserves infamantes. Dès le 17 septembre, on affichait dans la ville sainte un bref énergique qui commençait par ces mots :
« Comme il est parvenu à la connaissance de Notre Apostolat qu'il s'était répandu dans le vulgaire certains feuillets en langue française, avec ce titre : Mandement de Monseigneur l'évêque d'Auxerre, qui défend de réciter l'office imprimé sur une feuille volante qui commence par ces mots : Die 25 Maii. In Festo sancti Gregorii VII, Papœ et Confessoris. Donné à Auxerre, le vingt-quatre du mois de juillet mil sept cent vingt-neuf.
« Nous avons choisi pour faire l'examen de ces feuillets plusieurs de Nos vénérables frères les cardinaux et de la sainte Église romaine, et d'autres docteurs de la sacrée Théologie, lesquels, après une mûre discussion, Nous ont rapporté ce qu'il leur semblait sur cette affaire. Ayant donc entendu les avis desdits cardinaux et docteurs, Nous déclarons de la plénitude de l'autorité apostolique, les injonctions contenues dans les susdits feuillets, nulles, vaines, invalides, sans effet, attentatoires, et de nulle force pour le présent et pour l'avenir.
« Et néanmoins, pour plus grande précaution et en tant que besoin est, Nous les révoquons, cassons, irritons, annulons, destituons entièrement de toutes forces et effet, voulant et ordonnant qu'elles soient à jamais regardées comme révoquées, cassées, irritées, nulles, invalides et abolies. Défendons en outre, par la teneur des présentes, de lire ou retenir lesdits feuillets, tant imprimés que manuscrits, et en interdisons l'impression, transcription, lecture, rétention et usage, à tous et chacun des fidèles chrétiens, même dignes d'une mention spéciale et individuelle, sous peine d'excommunication encourue ipso facto par les contrevenants, et de laquelle nul d'entre eux ne pourra être absous que par Nous, ou par le pontife romain pour lors existant, si ce n'est à l'article de la mort.
« Voulant et mandant d'autorité apostolique, que ceux qui auraient ces feuillets en leur possession, aussitôt que les présentes lettres parviendront à leur connaissance, les livrent et consignent aux ordinaires des lieux, ou aux inquisiteurs de l'hérétique perversité, lesquels auront soin de les livrer incontinent aux flammes.»
Telle fut la première sentence du Siège apostolique contre les oppositions françaises à la légende de saint Grégoire VII. Rome faisait voir assez, sans doute, qu'elle n'avait pas lancé à la légère cet éloge d'un si illustre pontife, et qu'elle ne reculerait pas dans la ligne qu'elle avait adoptée. Le gallicanisme n'avait cependant pas encore atteint la mesure de son audace, en France. Le 30 septembre vit paraître un mandement colossal de Jacques-Bénigne Bossuet, évêque de Troyes, qui venait se joindre à ses collègues d'Auxerre, de Montpellier et de Metz, et affronter les redoutables hasards d'une lutte avec l'Église romaine. Ce mandement, qui était tout un gros livre, avait été facile à rédiger. L'auteur s'y était tout simplement proposé d'établir la doctrine du premier article de la Déclaration de 1682, et pour cela, il avait cru suffisant de traduire en français assez lourd, plusieurs des pages que son oncle a consacrées à cette matière, dans la Défense encore inédite de la Déclaration du Clergé de France. Nous ne citerons que quelques lignes de cet énorme factum tout rempli d'injures brutales contre les souverains Pontifes :
« Vous sentez, mes chers frères, à ce simple exposé, dit le Prélat, tout le poison dont cette feuille est remplie ; vous en comprenez tout le danger, vous apercevez sans peine les maximes qu'on voudrait vous inspirer, en vous proposant de célébrer dans vos jours de fête des actions qui auraient dû demeurer ensevelies dans un éternel oubli, et qui ne peuvent que déshonorer leurs auteurs ; de consacrer par un culte public la mémoire d'une sanglante tragédie, et de canoniser dans les offices de l'Église comme inspirée par le Saint-Esprit, une conduite entièrement opposée à l'Évangile, à l'esprit de Jésus-Christ et de la sainte Église.»
L'évêque de Troyes finissait par défendre, dans tout son diocèse, l'usage de la légende, pour donner au roi de nouvelles preuves de son attachement à sa personne sacrée, de son zèle pour la défense des droits de sa couronne et pour le maintien de la tranquillité de son royaume; enfin, pour préserver le troupeau de Jésus-Christ des illusions d'une fausse piété.
Rome ne pouvait demeurer impassible à ces nouveaux outrages. Un second bref, portant condamnation du mandement de l'évêque de Metz, et conçu dans les mêmes termes que celui qui avait été lancé contre l'évêque d'Auxerre, fut solennellement publié et affiché dans Rome, le 8 octobre.
En France, ces actes apostoliques ne ralentissaient pas le zèle des ennemis de Rome. Le scandale d'un nouveau mandement contre la légende éclatait à grand bruit. Voici en quels termes Honorat de Quiquerand de Beaujeu, évêque de Castres, s'exprimait sur la légende, dans une lettre pastorale du 11 novembre 1729 : "Je ne puis me résoudre de traduire ici des paroles plus propres à scandaliser les bons Français, qu'à édifier les bons catholiques.» Nous ne le suivrons pas dans le cours de ses banales déclamations, au milieu desquelles il cherche à insinuer que des motifs humains pourraient bien avoir dicté seuls la canonisation de Grégoire VII, et nous nous hâtons d'arriver à la conclusion, dans laquelle le prélat déclare que, pour prévenir autant qu'il dépend de lui les impressions qu'une fausse maxime pourrait faire sur les esprits de toutes les personnes qui, avec beaucoup de piété, manquent de lumières, il défend de réciter le nouvel office, soit en public, soit en particulier, ordonnant que les exemplaires en soient rapportés au greffe de son officiante : le tout sous les peines de droit.
Quelques semaines après, le 6 décembre, Rome, pour la troisième fois, répondait à ces grossières insultes par un bref qui flétrissait avec énergie le mandement de l'évêque de Montpellier, et ce bref ne tarda pas à être suivi d'un quatrième, par lequel Benoît XIII, sous la date du 19 du même mois, infligeait enfin, par son autorité apostolique, aux parlements de Paris et de Bordeaux, le châtiment qu'ils avaient mérité par leurs arrêts attentatoires à l'autorité du Saint-Siège et à l'honneur d'un glorieux serviteur de Dieu. Dans ce bref remarquable, le pape ne se contentait pas de déclarer abusifs et nuls pour la conscience, les arrêts et injonctions de ces parlements, mais il les cassait et annulait de sa propre autorité, en la manière que dans les jours mêmes où nous écrivons ces lignes, Grégoire XVI vient de casser et d'annuler tous les actes de la Régence d'Espagne qui sont contraires aux droits et à la liberté de l'Église.
« Comme il est parvenu à nos oreilles, disait Benoît XIII, que plusieurs magistrats, officiers et ministres séculiers se sont élevés, dans des édits, arrêts, résolutions, ordonnances, mandats et autres règlements et provisions, sous quelque nom que ce soit, contre le décret récemment publié par nous pour l'extension de l'office de saint Grégoire VII à toute l'Église ; office qui, en vertu des induits de Paul V, Clément X, Alexandre VIII et Clément XI, nos prédécesseurs d'heureuse mémoire, se célébrait déjà publiquement et solennellement dans beaucoup d'églises du monde chrétien, et que nous avons rendu obligatoire pour tous ceux qui sont tenus aux heures canoniales, à l'effet d'accroître le culte de ce saint pontife et confesseur qui a travaillé avec un courage si infatigable au rétablissement et au renouvellement de la discipline ecclésiastique, et à la réforme des mœurs.
« Voulant, conformément au devoir de la charge pastorale que la divine miséricorde a confiée à Notre bassesse, et qui est si fort au-dessus de Nos mérites et de Nos forces, défendre et conserver sans diminution et sans tache Notre autorité et celle de l'Église, attaquées dans les pernicieuses entreprises de ces laïques, et ayant présente à Notre esprit toute la suite de toutes et chacune des choses qui se sont passées.....; du conseil de plusieurs de Nos vénérables frères les cardinaux de la sainte Église romaine, par l'autorité apostolique, de la teneur des présentes, nous déclarons les édits, arrêts, résolutions, décrets, ordonnances, promulgués par les magistrats même suprêmes, et tous officiers ou ministres séculiers de quelque puissance laïque que ce soit, contre Notre susdit décret d'extension de l'office de saint Grégoire VII....., nuls, vains, invalides, dépourvus à perpétuité de toute force, ni valeur, ainsi que toutes les choses qui en sont suivies ou suivraient.
« Et de plus, pour plus grande sûreté, et en tant que besoin est, par les présentes, Nous les révoquons, cassons, irritons, annulons et abolissons à perpétuité, les privant de toute force et effet, et voulons qu'ils soient à jamais tenus pour révoqués, cassés, irrités, annulés, invalidés, abolis, et privés entièrement de toute force et effet, etc..»
La nouvelle de ce bref arriva bientôt en France et ne tarda pas d'exciter la fureur des suppôts du gallicanisme.
DOM GUÉRANGER INSTITUTIONS LITURGIQUES : CHAPITRE XXI : SUITE DE L'HISTOIRE DE LA LITURGIE, DURANT LA PREMIERE MOITIÉ DU DIX-HUITIÈME SIECLE. — AFFAIRE DE LA LEGENDE DE SAINT GRÉGOIRE VII
Tomb of Pope Benedict XIII, by Pietro Bracci, Santa Maria sopra Minerva, Rome
Mais il est temps de révéler au lecteur cette monstrueuse légende qui mettait ainsi en péril les vérités révélées.
Les pages que l'on va lire sont belles sans doute, pleines de noblesse et d'une éloquente simplicité : elles sont. pourtant moins énergiques dans les éloges qu'elles donnent au pontife, que certaines pages qu'on peut lire tous les jours dans les écrits de plusieurs historiens, ou publicistes protestants. Voici la légende en son entier.
IN FESTO S. GREGORII VII. PAPAE ET CONFESSORIS.
IN SECUNDO NOCTURNO.
LECTIO IV.
« Gregorius Papa septimus antea Hildebrandus, Soanae in Etruria natus, doctrina, sanctitate omnique virtutum genere cum primis nobilis, mirifice universam Dei illustravit Ecclesiam. Cum parvulus ad fabri ligna edolantis pedes, jam litterarum inscius, luderet, ex rejectis tamen segmentis illa Davidici elementa oraculi: Dominabitur a mari usque ad mare, casu formasse narratur, manum pueri ductante Numine, quo significaretur ejus fore amplissimam in mundo auctoritatem. Romam deinde profectus, sub protectione sancti Petri educatus est. Juvenis Ecclesiae libertatem a laicis oppressam ac depravatos Ecclesiasticorum mores vehementius dolens, in Cluniacensi Monasterio, ubi sub Regula sancti Benedicti austerioris vitae observantia eo tempore maxime vigebat, Monachi habitum induens ,tanto pietatis ardore divinte Majestati deserviebat, ut a sanctis ejusdem Coenobii Patribus Prior sit electus. Sed divina Providentia majora de eo disponente in salutem plurimorum, Cluniaco eductus Hildebrandus, Abbas primum Monasterii sancti Pauli extra muros Urbis electus, ac postmodum Romana; Ecclesias Cardinalis creatus, sub summis Pontificibus, Leone nono, Victore secundo, Stephano nono, Nicolao secundo, et Alexandro secundo, praecipuis muneribus, et legationibus perfunctus est, sanctissimi, et purissimi consilii vir a Beato Petro Damiani nuncupatus. A Victore Papa secundo Legatus a latere in Galliam missus, Lugduni Episcopum simoniaca labe infectum ad sui criminis confessionem miraculo adegit. Berengarium in concilio Turonensi ad iteratam heeresis adjurationem compulit. Cadolai quoque schisma sua virtute compressit. »
LECTIO V.
« Mortuo Alexandro secundo, invitus, et moerens unanimi omnium consensu, decimo Kalendas Maii, anno Christi millesimo septuagesimo tertio, summus Pontifex electus, sicut sol effulsit in Domo Dei ; nam potens opere et sermone, Ecclesiasticae disciplinas reparandae, fidei propagandae, libertati Ecclesias restituendae, extirpandis erroribus et corruptelis, tanto studio incubuit, ut ex apostolorum setate nullus Pontificum fuisse tradatur qui majores pro Ecclesia Dei labores, molestiasque pertulerit, aut qui pro ejus libertate acrius pugnaverit. Aliquot Provincias a simoniaca labe expurgavit. Contra Henrici Imperatoris impios conatus fortis per omnia athleta impavidus permansit, seque pro muro domui Israel ponere non timuit, ac eumdem Henricum in profundum malorum prolapsum, fidelium communione, regnoque privavit, atque subditos populos fide ei data liberavit. »
LECTIO VI.
« Dum Missarum solemnia perageret, visa est viris piis columba e caelo delapsa, humero ejus dextro insidens, alis extensis caput ejus velare,quo significatum est, Spiritus Sancti afflatu, non humanas prudentias rationibus ipsum duci in Ecclesia; regimine. Cum ab iniqui Henrici exercitu Romaa gravi obsidione premeretur, excitatum ab hostibus incendium signo crucis extinxit. De ejus manu tandem a Roberto Guiscardo Duce Northamno ereptus, Casinum se contulit; atque inde Salernum ad dedicandam Ecclesiam sancti Matthad Apostoli contendit, Cum aliquando in ea civitate sermonem habuisset ad populum, aerumnis confectus, iri morbum incidit quo se interiturum praescivit. Postrema morientis Gregorii verba fuere : Dilexi justitiam, et odivi iniquitatem : propterea morior in exilio. Innumerabilia sunt quae vel fortiter sustinuit, vel multis coactis in Urbe Synodis sapienter constituit vir vere sanctus, criminum vindex, et acerrimus Ecclesiœ defensor. Exactis itaque in Pontificatu annis duodecim, migravit in caelum, anno salutis millesime octogesimo quinto, pluribus in vita, et post mortem miraculis clarus, ejusque sacrum corpus in Cathedrali Basilica Salernitana est honorifice conditum. »
L'oraison qui complète et résume l'office de saint Grégoire VII, au missel et au bréviaire, est ainsi conçue :
Deus in te sperantium fortitudo, qui Beatum Gregorium Confessorem tuum atque Pontificem, pro tuenda Ecclesiœ libertate virtute constantiœ roborasti ; da nobis, ejus exemplo et intercessione, omnia adversantia fortiter superare.
Maintenant que nous avons mis sous les yeux du lecteur cette pièce si fameuse, avant d'entrer dans le récit des événements qui suivirent sa promulgation, nous nous permettrons quelques réflexions sur la portée de ce manifeste pontifical.
Que suit-il du récit que nous venons de lire des actes et des vertus d'un pape du XIe siècle ? Cela veut-il dire que Rome se prépare à fondre, comme l'aigle, sur les États européens, a disposer arbitrairement de la couronne des princes qui les gouvernent, en un mot, à ébranler le monde entier du bruit de ses foudres ? Nous qui vivons un siècle après l'apparition de cette redoutable légende, trouvons-nous beaucoup d'exemples depuis lors de cette omnipotence temporelle des pontifes du moyen âge, exercée par Benoît XIII, ou ses successeurs ? Nous semble-t-il que la couronne de France, pays où la légende a été proscrite, ait été l'objet de moins d'attaques que celle des souverains dans les Etats desquels elle a été admise par le clergé ? Et si par hasard, chez nous, depuis cette époque, les rois ont souffert la mort, l'exil, ou l'humiliation, est-ce Rome qui s'est montrée envers eux si impitoyable ? Ne perdons pas ce point de vue dans les diverses parties du récit qui va commencer. Beaucoup de gens vont jeter les hauts cris, comme si la puissance royale était au moment d'expirer dans l'univers entier, par le seul fait de la légende. La haine de Rome les aveugle : et Dieu les a donnés en spectacle à notre siècle, qui sait enfin que Rome n'en veut pas à la puissance des monarques ; qui semble même comprendre que si, dans les âges catholiques, elle exerça effectivement une influence temporelle sur la société, elle fut alors l'unique sauvegarde de la liberté des peuples, comme le plus solide appui de l'autorité dont elle réprimait les excès. La légende est donc tout simplement le bouclier sous lequel Rome met à couvert son honneur compromis par tant de sophismes et de déclamations. Par ce manifeste solennel, elle neutralise le mouvement aveugle qui entraîne certaines écoles sur les pas de ces auteurs hétérodoxes qui n'ont souci de l'honneur des pontifes romains, mais ont, au contraire, tout à gagner, s'ils les peuvent faire considérer comme des violateurs des lois divines et de l'ordre naturel de la société.
L'office de saint Grégoire VII parvint en France, peu après sa publication à Rome, comme il arrive encore aujourd'hui, quand le souverain Pontife impose de nouveaux offices ; seulement à cette époque où l'usage de la Liturgie romaine était encore presque universel en France, les décrets de ce genre devaient occuper davantage et les ecclésiastiques et les fidèles qu'il n'arrive maintenant. Comme aujourd'hui, l'office était imprimé sur une feuille volante destinée à être jointe au bréviaire, en attendant son insertion en sa place dans la prochaine édition de celui-ci. Les Nouvelles ecclésiastiques, journal du Jansénisme, signalent la librairie Coignard fils, à l'enseigne du Livre d'or, comme ayant eu l'audace de tenir en vente, à Paris, le feuillet in-8° qui recelait la légende. "Dès que parut cette légende, dit le républicain Grégoire, elle excita I'horreur de tous les hommes attachés aux libertés gallicanes". (Essai sur les libertés de l'Église gallicane, page 99.)
A peine le parlement de Paris, juge souverain en matières liturgiques, eut-il connaissance de cette séditieuse manifestation des prétentions romaines, qu'il se réunit pour rendre, le 20 juillet 1729, sur les conclusions de l'avocat général Gilbert de Voisins, le même qui devait, sept ans plus tard, prendre sous sa protection le Bréviaire parisien de Vigier et Mésenguy, un arrêt portant suppression de la feuille contenant l'office de saint Grégoire VII, avec défense d'en faire aucun usage public, sous peine de saisie du temporel. Nous citerons seulement quelques phrases du réquisitoire; elles suffiront pour constater l'esprit de la première magistrature du royaume, dans cette circonstance mémorable. L'avocat général, déguisant mal la haine dont lui et son corps étaient animés contre Rome, veut faire croire que, par le seul fait de la publication de l'office de saint Grégoire VII, la nation française est à la veille de secouer le joug de ses anciens rois. Il est vrai que ceci est arrivé avant même la fin du siècle dans lequel parlait l'honorable magistrat ; mais il est fort douteux que la légende y ait été pour quelque chose.
« On savait assez, dit l'avocat général, que Grégoire VII si célèbre par ses différends avec l'empereur Henri, est celui qu'on a vu porter le plus loin ses prétentions ambitieuses, inouïes dans les premiers siècles de l'Église, qui causèrent de si longs troubles, et allumèrent des guerres si cruelles de son temps.
« Mais, qu'il soit permis de le dire, ajoute-t-il, on n'avait pas lieu de s'attendre de voir entrer dans son éloge, et célébrer dans un office ecclésiastique, l'excès où le conduisirent enfin des principes si dangereux. Est-ce donc le chef-d'œuvre de son zèle, d'avoir entrepris de priver un Roi de sa couronne et de délier ses sujets du . serment de fidélité ? Et pouvons-nous voir sans douleur, qu'on appuie sur un fait si digne d'être enseveli dans l'oubli, les titres qu'on lui donne de défenseur de l'Église, de restaurateur de sa liberté, de rempart de la Maison d'Israël ?
« Pourquoi faut-il que les vestiges d'une entreprise, dont le temps semblait affaiblir la mémoire, reparaissent aujourd'hui jusque sous, nos yeux, qu'ils viennent encore exciter notre devoir et notre zèle ? Souffririons-nous qu'à la faveur de ce prétendu supplément du Bréviaire romain, on mît dans les mains des fidèles, dans la bouche des ministres de la religion, jusqu'au milieu de nos saints temples et de la solennité du culte divin, ce qui tend à ébranler les principes inviolables et sacrés de l'attachement des sujets à leur souverain ? »
Nous avons puisé une partie des pièces que nous devons citer en ce chapitre, dans un recueil publié en 1743 sur toute cette affaire. Il est intitulé : L'Avocat du Diable, Mémoires historiques et critiques sur la vie et sur la légende du Pape Grégoire VII, avec des Mémoires du même goût sur la bulle de canonisation de Vincent de Paul, instituteur des Pères de la Mission et des Filles de la charité (trois volumes in-12). L'auteur est Adam, curé de Saint-Barthélemi de Paris, appelant fameux. Il est remarquable que les jansénistes poursuivaient de la même haine saint Vincent de Paul et saint Grégoire VII ; comme pour faire mieux comprendre aux gens distraits que la même Église romaine, qui produit des Vincent de Paul pour le soulagement des misères corporelles de l'humanité, est aussi celle qui produit, suivant le besoin, des Grégoire VII pour remettre la société chrétienne sur ses véritables bases.
Le 24 du même mois de juillet, Daniel-Charles-Gabriel de Caylus, évêque d'Auxerre, qui venait de donner, en 1726, le nouveau bréviaire dont nous avons parlé, fidèle à l'impulsion de la magistrature, signala son zèle contre la légende, dans un mandement épiscopal adressé au clergé et aux fidèles de son diocèse. Appelant de la constitution Unigenitus, il s'était déjà essayé dans la résistance au Saint-Siège : il saisit donc avec empressement l'occasion d'outrager cette Rome, dont il ne portait le joug qu'en frémissant. Du reste, aussi zélé pour le pouvoir absolu et inamissible du prince temporel, que haineux envers l'autorité Apostolique, il donna, comme tous ceux de ses confrères dont nous citerons ci-dessous des extraits de mandement, le plus solennel démenti à certains écrivains de notre temps, qui s'obstinent à voir dans la secte de Port-Royal la première manifestation des idées soi-disant libérales.
« Ce n'est qu'avec peine, dit le Prélat, que nous rappelons ici le souvenir des entreprises de Grégoire VII. Il serait à souhaiter que ses successeurs eussent fait a connaître, par leur conduite, qu'ils étaient très éloignés de les approuver, et encore plus de les renouveler..... Nous serions dispensés par là de prendre de nouvelles précautions pour nous y opposer et en démontrer l'injustice. Nous les regarderions comme une tache effacée, et nous n'aurions garde d'aller rechercher dans l'histoire ecclésiastique des faits qui ne sont propres qu'à déshonorer leurs auteurs, et que la sainte Eglise désavouera toujours.
« Mais nous ne pouvons nous taire, continue M. d'Auxerre ; ce que nous devons à l'Église universelle, au roi très-chrétien, à l'État, aux fidèles de notre diocèse et à nous-même, nous force de parler à l'occasion de l'office de Grégoire VII.
« Ne nous arrêtons pas à remarquer ici que la sainteté de Grégoire VII n'est point reconnue dans l'Église ; qu'il ne paraît pas qu'on ait fait pour lui, à Rome, ce qui s'observe dans la canonisation des saints, et que l'histoire de son pontificat est difficile à accorder avec l'idée d'une sainteté formée sur l'esprit et sur les règles de l'Évangile, et digne de la vénération et du culte public des fidèles.
« Tenons-nous donc, poursuit le Prélat, inviolablement attachés à la doctrine de la sainte antiquité, qui apprend aux sujets que personne ne peut les dispenser de la fidélité qu'ils doivent à leurs légitimes souverains, et qu'il n'y a ni crainte, ni menace qui doive les empêcher de remplir ce devoir, que la loi de Dieu leur impose ; et aux papes comme aux évêques, qu'ils n'ont pas le pouvoir de donner ni d'ôter les royaumes, et que, quant au temporel, les rois ne leur sont point soumis et ne dépendent pas d'eux, mais de Dieu seul. »
Assurément, c'est un grand avantage pour les souverains de ne dépendre ni du pape ni des évêques ; mais quand l'évêque d'Auxerre leur garantit qu'ils ne dépendent ici-bas que de Dieu, il exprime son désir, sans doute, mais non ce qui existe réellement; car il n'est point d'homme ici-bas qui ne se soit rencontré, et souvent même, face à face avec son supérieur. Si les rois d'aujourd'hui n'ont plus à craindre la puissance du pape (et cependant voyez comme plusieurs la redoutent encore, cette Rome désarmée), ils ont, en revanche, de dures querelles et contestations à vider avec les peuples, qui à coup sûr sont moins justes et plus intéressés dans l'affaire que ne le seraient les pontifes romains.
Quoi qu'il en soit, M. d'Auxerre termine son mandement en déclarant que, pour remplir toute justice, en donnant au roi de nouvelles preuves de sa fidélité et de son zèle pour la sûreté de sa personne sacrée, et pour la tranquillité de son royaume, qui pourraient être encore exposés aux derniers malheurs, si les maximes autorisées par l'office du pape Grégoire VII trouvaient créance dans les esprits, il défend à toutes les communautés et personnes séculières et régulières de l'un et de l'autre sexe de son diocèse, se disant exemptes ou non exemptes, qui se servent du Bréviaire romain, ou qui reçoivent les offices des nouveaux saints qu'on insère dans ce bréviaire, de réciter soit en public, soit en particulier, l'office imprimé, etc.
Ainsi, le Pape enjoint à toute l'Église de réciter l'office de saint Grégoire VII, et il se trouve un évêque qui défend à ses diocésains de se soumettre à cette injonction. Évidemment, l'un des deux est dans son tort ; car autrement que deviendrait une société qui renfermerait dans son sein des pouvoirs contradictoires, et néanmoins toujours légitimes, dans tous les cas ?
Le mandement de l'évêque d'Auxerre fut incontinent suivi d'un autre, publié le 3i juillet, par Charles-Joachim Colbert, évêque de Montpellier, si fameux par le catéchisme auquel il a donné son nom, et par son obstination dans les principes des appelants. On se rappelle, sans doute, son zèle à faire adopter dans son diocèse le nouveau Bréviaire de Paris, et la courageuse opposition du chapitre à cette mesure. Nous ne fatiguerons point le lecteur de toutes les déclamations que ce mandement renferme contre lès prétentions romaines; nous extrairons seulement les qualifications qu'il applique à un acte du souverain Pontife. La Légende de saint Grégoire VII est condamnée comme "renfermant une doctrine séditieuse, contraire à la parole de Dieu, tendante au schisme, dérogeante à l'autorité souveraine des rois, et capable d'empêcher la conversion des princes infidèles et hérétiques". Il en défend l'usage, sous les peines de droit ; ordonne, sous les mêmes peines, qu'on en porte les exemplaires à son secrétariat, et il exhorte son clergé à demeurer inviolablement attaché à la doctrine des quatre articles de l'assemblée de 1682.
Ce n'était pas assez encore. Le 16 août, parut le mandement publié sur la même matière par Henri-Charles de Coislin, évêque de Metz, connu aussi par son attachement aux principes de la secte qui troublait alors l'Église de France, et qui avait mis sa plus chère espérance dans les doctrines de la Déclaration de 1682.
Après un sombre tableau des malheurs qui ne manquèrent pas d'ensanglanter le monde, chaque fois qu'il arriva à un souverain Pontife de faire usage de l'autorité spirituelle, pour venger certains grands crimes sociaux, tableau qu'on pourrait comparer, avec assez d'avantage, à ceux qu'on rencontre de temps en temps dans l’ Essai sur les Mœurs, de Voltaire ; même intelligence de l'histoire, même équité envers l'Église : l'évêque de Metz ajoute, avec une gravité solennelle : "L'expérience de tant d'événements funestes, qui avaient pris leur source dans les entreprises de Grégoire VII, semblait avoir depuis longtemps arrêté le cours de cet embrasement : mais il en a paru depuis une étincelle qui serait capable de le rallumer, si chacun de ceux que le Père céleste a mis à la garde de sa maison n'accourait, pour en prévenir la communication dans la portion du troupeau qui lui a été confiée."
Ainsi, il est bien démontré que c'est le pape qui met le feu à l'Église, tandis que Messieurs d'Auxerre, de Montpellier, de Metz, et plus tard Messieurs de Verdun, de Troyes, de Castres, et d'autres encore, font tout ce qu'ils peuvent pour l'éteindre.
« Il vient de se répandre, dit encore l'évêque de Metz, une feuille imprimée pour servir de supplément au Bréviaire romain, et dans cette feuille qui contient un office consacré à la mémoire de Grégoire VII, les prélats et les premiers magistrats du royaume ont aperçu ce qu'il y a de plus capable d'inspirer l'excès des prétentions ultra-montaines. On lit dans la cinquième leçon de cet office, que ce pape résista courageusement, etc.
« La connaissance que nous avons, nos très chers frères, de votre zèle pour la personne du Roi, et de votre fidèle attachement au service de Sa Majesté, et à l'obéissance que vous devez à vos souverains, ne nous laisse aucun lieu de douter que vous ne soyez touchés aussi sensiblement que nous l'avons été, en voyant dans ce peu de paroles un dessein ferme de proposer au clergé et aux peuples, comme un éloge destiné à rendre croyable la sainteté d'un pape, ce qui, suivant les principes de la foi et les lumières de la raison, ne devrait servir qu'à la condamnation de son gouvernement.
« Votre piété, sans doute, s'est sentie d'autant plus blessée, que cet étonnant office a été rendu public, sous les apparences d'une autorité empruntée de celle du Saint-Siège. Mais cette vue ne doit point alarmer votre vénération pour ce premier siège de l'Église.
« Le saint pontife, que la Providence a placé sur la Chaire de saint Pierre, n'a eu nulle part à la composition, encore moins à la publication de cet artificieux ouvrage. Il a appris, dans l'école de ce chef des Apôtres, le respect et l'obéissance qui est due aux souverains. Il préfère à cet égard les instructions et l'exemple de saint Grégoire le Grand, à la conduite et aux entreprises de Grégoire VII L'humilité du serviteur des serviteurs de Dieu éloigne de son cœur les pensées de maître des sceptres et des couronnes ; et sa sagesse est trop éclairée, pour ne pas voir qu'une prétention si mal fondée n'est capable que d'aigrir les princes et d’indisposer les peuples. »
On ne disconviendra pas que ces leçons données au chef de l'Église, par un simple évêque, ne dussent produire un très grand effet sur les peuples auxquels était adressé le mandement ; quant à Benoît XIII lui-même, que M. de Metz appelle un saint pontife, jugement que l'histoire a du moins confirmé, il ne parut pas fort disposé à laisser croire que les actes les plus importants de son gouvernement s'accomplissaient à son insu.
Nous verrons bientôt l'énergique réponse qu'il fit à ces insolentes provocations.
DOM GUÉRANGER INSTITUTIONS LITURGIQUES : CHAPITRE XXI : SUITE DE L'HISTOIRE DE LA LITURGIE, DURANT LA PREMIERE MOITIÉ DU DIX-HUITIÈME SIECLE. — AFFAIRE DE LA LEGENDE DE SAINT GRÉGOIRE VII
Bust of Pope Benedict XIII, by Pietro Bracci, Palazzo Venezia, Rome
Nous venons d'entendre le témoignage des historiens contemporains, sur l'opinion de sainteté qui environnait Grégoire VII durant sa vie, et après sa mort ; suivons maintenant à travers les siècles les différentes manifestations de cette persuasion qui, plus tard, devaient motiver le jugement infaillible du Saint-Siège.
Soixante-dix ans s'étaient à peine écoulés depuis le jour où le glorieux athlète de l'Eglise expirait dans l'exil, que déjà un de ses successeurs qui a laissé une mémoire vénérable, Anastase IV, plaçait son image parmi celles des Saints, sur la mosaïque de la chapelle de Saint-Nicolas, au palais patriarcal de Latran.
Le corps de Grégoire avait été enseveli par les soins de Robert Guiscart, ou de Roger, son fils, dans un tombeau de marbre, et placé dans la cathédrale de Salerne, déjà célèbre comme possédant les reliques de l'apôtre et évangéliste saint Matthieu. Orderic Vital, historien du XIe siècle, que nous avons cité plus haut, parle de l'affluence des pèlerins au tombeau du saint pape, et des grâces de santé que l'on y recevait. Une chronique, rédigée par ordre de Cencius Savelli, camérier apostolique, qui fut pape en 1216, sous le nom d'Honorius III, atteste pour son temps la continuation du culte de saint Grégoire VII et des prodiges opérés par son intercession ; et lorsque, vers la fin du même siècle, Jean de Procida dota et fit décorer avec magnificence la chapelle dite de Saint-Michel, dans la cathédrale de Salerne, il est naturel de penser, avec Papebrock, qu'il avait en vue de manifester sa dévotion envers le pontife qui reposait dans cette même chapelle, où il était l'objet du culte des peuples attirés par le bruit des merveilles qui s'y opéraient.
Le corps de saint Grégoire VII continuait toujours d'être l'objet de la vénération des habitants de Salerne, sans pourtant que cette vénération se répandît beaucoup au dehors de la province du royaume de Naples où est située cette ville, lorsqu'en 1574, le cardinal Marc-Antoine Marsile Colonna monta sur le siège qu'avait occupé saint Alphane, l'ami de notre saint pontife. La Providence avait dessein de se servir de lui pour accroître encore le culte jusque-là décerné au serviteur de Dieu, et pour en préparer les développements. Le prélat fit l'ouverture du tombeau, et il y trouva les précieux restes du saint pontife conservés presque en entier, avec les ornements pontificaux dont on l'avait revêtu lors de sa sépulture. C'est ce qu'il atteste par une inscription qui se lit encore dans la cathédrale de Salerne, et qui est conçue en ces termes :
Gregorio VII Soanensi P. O. M. Ecclesiasticœ libertatis vindici acerrimo, assertori constantissimo : qui dum Rom. Pontifias auctoritatem, adversus Henrici perfîdiam strenne tuetur, Salerni sancte decubuit, anno Domini M LXXXV, VIII Kal. Junii. Marais Antonius Colamna Marsilius, Bononiensis, Archiepiscopus Salerni tamis, cum illius corpus, post quingentos circiter annos, sacris amictum et fere integrum reperisset, ne tanti Pontificis sepulchrum memoria diutius careret. Gregorio XIII Bononiense sedente. Anno Domini MDLXXVIII. Pridie Kalendas Quintilis.
Le pieux cardinal mourut en 1582, et n'eut pas la consolation de voir consommée l'œuvre de la canonisation du saint pontife. Elle eut lieu deux ans après, par l'autorité de Grégoire XIII, qui inséra le nom de Grégoire VII au Martyrologe romain, avec cet éloge : Salerni, Depositio B. Gregorii Papœ septimi qui Alexandro secundo succedens, ecclesiasticam Libertatem a superbia principum suo tempore vindicavit, et viriliter Pontificia auctoritate defendit.
Cette sorte de canonisation, sans procès préalable, est distincte de la canonisation appelée formelle, et est désignée sous le nom d’équipollente. Elle a lieu lorsque le souverain Pontife décerne le culte public à un personnage déjà en possession d'honneurs religieux que lui rend la piété des fidèles, en même temps que l'héroïsme de ses vertus et la vérité de ses œuvres miraculeuses sont certifiés par le témoignage d'historiens dignes de foi. Cette canonisation a la même autorité que la canonisation formelle, et outre que le culte de presque tous les saints qui ont vécu dans l'Église avant l'institution des procédures aujourd'hui en usage, ne repose que sur un jugement du même genre, il est un grand nombre de saints parmi ceux qui ont fleuri dans l'Église,depuis que le Siège apostolique s'est réservé les causes de canonisation, qui n'ont cependant été inscrits au catalogue des saints que de cette manière équipollente ; tels sont, par exemple, saint Romuald, saint Norbert, saint Bruno, saint Pierre Nolasque, saint Raymond Nonnat, saint Ferdinand III, saint Jean de Matha, sainte Marguerite d'Ecosse, saint Etienne de Hongrie, etc. L'ignorance des règles de l'Église romaine a donc pu seule faire dire à certains auteurs jansénistes et non jansénistes, que saint Grégoire VII était honoré par l'Église, sans avoir été canonisé, puisque l'on en devrait dire autant des illustres saints que nous venons de nommer : conséquence à laquelle, sans doute, ces auteurs se refuseraient.
Quant à ce que l'on a prétendu, que Grégoire XIII avait voulu diriger l'effet de cette canonisation contre Henri de Bourbon,qui poursuivait alors la couronne de France, recommandant ainsi la mémoire d'un pontife qui avait foulé sous ses pieds un autre Henri, aussi quatrième du nom, il semble qu'il n'est pas besoin de recourir à cette explication. La translation du corps de saint Grégoire VII, par l'archevêque de Salerne, dans un moment où Grégoire XIII s'occupait de l'édition du martyrologe, était suffisante, avec la possession du culte antérieur, pour engager ce dernier pape à définir enfin la sainteté du glorieux confesseur de Salerne.
Sixte-Quint, successeur de Grégoire XIII, fit quelque changement à la formule consacrée par son prédécesseur à notre saint pape, dans le martyrologe ; il adopta cette phrase qui est restée dans l'édition de Benoît XIV, et les suivantes : Salerni, DepositioB. Gregorii Papce septimi, ecclesiasticœ libertatis propugnatoris ac defensoris acerrimi.
Bientôt après, sous Clément VIII, en 1505, le corps de saint Grégoire VII fut tiré du sépulcre que lui avait consacré le cardinal Colonna, et placé sous un autel, toujours dans la même chapelle de Saint-Michel. Il paraît même que ce fut alors, Mario Bolognini étant archevêque, que le chef fut séparé du reste du corps pour être renfermé dans un reliquaire spécial.
Sous le, pontificat du même Clément VIII, Baronius fit paraître le onzième tome de ses Annales, où il célébra et vengea tout à la fois, avec son éloquente érudition, la mémoire de saint Grégoire VII. Un peu avant lui, Bellarmin, dans ses controverses, et spécialement au livre quatrième, de Romano Pontifice, avait eu pareillement l'occasion de faire cette grande justice. Ainsi, les deux plus illustres écrivains du catholicisme, à cette époque de géants, se montraient préoccupés de la gloire du saint pontife : mais jusque-là les hérétiques seuls s'étaient levés pour la flétrir.
Du moment où le nom de saint Grégoire VII fut inséré au martyrologe, le chapitre de la cathédrale de Salerne, que le saint pape avait autrefois comblé de privilèges, accordant à ses membres la chape rouge et la mitre, fut autorisé à célébrer solennellement son office. Mais d'abord il ne fut récité que suivant le rite commun des confesseurs pontifes, jusqu'à ce qu'en 1609, à la prière du même chapitre et de l'archevêque Jean Beltramini, Paul V, par un bref qui commence ainsi : Domini Jesu Christi, accorda un office propre dont les Leçons se retrouvent en grande partie dans celles qui furent publiées, en 1728, par Benoît XIII, et dont nous allons bientôt parler.
L'archevêque Beltramini fit, vers le même temps, ériger une statue remarquable du saint pape dans la cathédrale de Salerne, et, ayant été transféré à un autre siège, il eut pour successeur le cardinal Lucius San Severino, non moins zélé que lui pour la garde du saint dépôt confié à son Église. Il en donna une preuve solennelle en 1614, faisant construire un nouvel autel à saint Grégoire VII, et y plaçant solennellement son corps ; ce que l'on doit compter pour la troisième translation de ces précieuses reliques : la première par le cardinal Marsile Colonna; la seconde par Mario Bolognini ; enfin, celle dont nous parlons ici, accomplie par le cardinal San Severino, laquelle est attestée par une inscription conçue en ces termes, qu'il fit placer dans la cathédrale de Salerne : Ego Lucius Sanseverinus, Archiepiscopus Salernitanus, altare hoc in honorent B. Gregorii Papae VII consecravi ; ejusque sacrum corpus in eo inclusi ; prcesentibus, annum unum, anniversaria deinceps consécrations die, ipsum pie visitantibus, quadraginta dies verœ indulgentiae de Ecclesiœ more, concessi. A. D. MDCXIV, die IV mensis Maii.
Ce fut peut-être à cette occasion, ou du moins peu auparavant, qu'un bras du saint pape fut distrait pour être donné à la ville de Soana, en Toscane, patrie de saint Grégoire VII, laquelle avait député deux ambassadeurs vers le chapitre de la cathédrale de Salerne, avec les lettres de recommandation du Grand-Duc, qui joignait ses instances à celles de la ville.
Vers la même époque, le savant jésuite Jacques Gretser, dont les immenses travaux ne sont point assez appréciés aujourd'hui, publia une docte apologie des actions et de la personne de saint Grégoire VII. Dans cette importante discussion, il n'allègue pas moins de cinquante écrivains à l'appui des éloges qu'il donne au Pontife, et le venge d'une manière victorieuse des imputations qu'avaient lancées contre lui et les schismatiques du XIe siècle, et les hérétiques du XVIe.
Vers le milieu du XVIIe siècle, Alexandre VII établit l'office de saint Grégoire VII dans les basiliques de Rome, sans cependant l'insérer encore au Bréviaire de l'Église romaine. Mais ce siècle devait être fameux par les attaques portées au saint pontife, non plus seulement de la part des protestants, mais de la part des juristes, et surtout des théologiens et canonistes gallicans. Nous nous contenterons de rappeler le trop fameux Edmond Richer, dans son livre de Ecclesiastica et politica potestate ; Ellies Dupin, dans son Traité de la puissance ecclésiastique, et Bossuet, dans sa Défense de la déclaration de 1682, ouvrage dont le grave et impartial Benoît XIV a dit : Il serait impossible de trouver un livre qui soit plus opposé à la doctrine reçue en tous lieux, excepté en France, sur l'infaillibilité du Souverain Pontife, définissant ex Cathedra, sur sa supériorité à l'égard de tout concile œcuménique, sur le domaine indirect a qu'il a sur les droits temporels des souverains, quand l'avantage de la Religion et de l'Eglise le demande."
Cependant, de tous les auteurs gallicans du dix-septième siècle qui écrivirent contre saint Grégoire VII, celui dont la hardiesse fit le plus d'éclat à raison du châtiment qui lui fut infligé par le Saint-Siège, est le P. Noël Alexandre. Il avait publié les dix premiers siècles de son Histoire ecclésiastique, et mérité jusque-là les éloges du pape Innocent XI, qui occupait alors la Chaire de saint Pierre, et qui avait daigné lui faire parvenir le témoignage le plus flatteur de sa satisfaction pour l'érudition et l'orthodoxie qui, jusqu'alors, avait présidé à cette œuvre. Arrivé aux événements du XIe siècle, Noël Alexandre consacra deux dissertations à faire ressortir les torts qu'avait eus, selon lui, un pontife déjà placé sur les autels. Innocent XI, celui qui n'avait pas fléchi devant le grand roi, crut devoir manifester énergiquement l'indignation que lui inspirait une semblable conduite de la part d'un religieux. Il rendit un décret, en date du 13 juillet 1684, par lequel il condamnait le volume qui renfermait ces dissertations, et, afin de témoigner plus énergiquement encore le déplaisir que le Saint-Siège avait ressenti, tous les écrits du même auteur furent proscrits, avec défense de les lire, retenir, ou imprimer, sous peine d'excommunication. Ce fut ainsi qu'un Pontife, déclaré Vénérable par la congrégation des Rites, à cause de ses grandes vertus, se montra jaloux de l'honneur de son saint prédécesseur, dont la mémoire allait bientôt être en butte à de nouveaux outrages, en attendant les honneurs que lui réservait le XIXe siècle.
Au reste, Noël Alexandre n'attendit pas longtemps la réfutation de ses thèses gallicanes ; un religieux, dominicain comme lui, François d'Enghiel, publia peu après un livre très solide, au jugement de Benoît XIV, et intitulé : Auctoritas Sedis Apostolicœ pro Gregorio Papa VII vindicata, adversus Natalem Alexandrum Ordinis Prœdicatorum Doctorem Theologum.
Dom Mabillon, dans la publication des Acta sanctorum Ordinis sancti Benedicti, eut aussi à produire la vie et les actes de notre saint pape. Le deuxième tome du VIe siècle bénédictin parut en 1701 ; mais l'illustre éditeur sut franchir ce pas devenu difficile, sans manquer ni à la prudence ni à la fidélité de l'historien catholique.
Cependant Clément XI, à la prière du cardinal Gabrielli, dont la conduite avait été si ferme dans l'affaire de la Régale, accorda, en 1705, à l'ordre de Cîteaux le privilège de faire l'office de saint Grégoire VII, et cinq ans après, le même pontife concéda la même grâce à l'ordre de Saint-Benoît, sur les instances du procureur général de la congrégation du Mont-Cassin. Ces différentes concessions d'office ne firent aucun bruit ; mais lorsque, par un décret du 25 septembre 1728, Benoît XIII eut ordonné d'insérer la fête de saint Grégoire VII au missel et au bréviaire, et enjoint à toutes les églises du monde de la célébrer, un grand orage s'éleva dans plusieurs États de l'Europe, et particulièrement en France.
Il est évident, sans doute, que dans l'établissement de cette fête et la promulgation universelle de la Légende si remarquable qui devait se lire dans l'office, Rome se proposait un but ; nous n'avons garde d'en disconvenir. Mais nous dirons, en premier lieu, que c'est un assez beau spectacle pour nous, hommes de ce siècle, de voir au moment où d'absurdes préjugés commençaient à éclipser toute vérité historique sur le moyen âge, où une philosophie menteuse et sans intelligence foulait aux pieds les plus salutaires enseignements du passé ; de voir, disons-nous, Rome arracher par un acte courageux à ce naufrage universel, le nom vénérable d'un héros de l'humanité, en qui le siècle suivant devait saluer, avec enthousiasme, le vengeur de la civilisation et le conservateur des libertés publiques, aussi bien que des libertés ecclésiastiques. C'était là, certes, un progrès, et d'autant plus méritoire que le Pontife qui s'en portait l'auteur ne pouvait ignorer que l'autorité du Saint-Siège, déjà si affaiblie, allait encore devenir à cette occasion même l'objet de nouvelles attaques.
Nous dirons en second lieu, et sans détour, que Rome avait bien, par cet acte, quelque intention de pourvoir à son honneur outragé dans la fameuse Déclaration de l'Assemblée du Clergé de 1682, et dans tout ce qui s'en était suivi en France de la part des deux autorités. Le roi Louis XIV avait, il est vrai, promis de révoquer son édit pour l'enseignement des quatre Articles, et, tant qu'il avait vécu, on avait tenu à l'exécution de cet engagement, qui, joint à la lettre de réparation des évêques de l'assemblée du pape, avait été la condition nécessaire de l'institution canonique des prélats nommés depuis plus de dix ans aux sièges vacants. Mais déjà les promesses n'étaient plus exécutées ; les universités faisaient chaque jour soutenir dans leur sein des thèses dans lesquelles les doctrines romaines étaient attaquées, l'autorité apostolique circonscrite dans des bornes arbitraires, la conduite des plus saints papes taxée de violence aveugle, et signalée comme contraire au droit naturel et divin.
Il était temps que la grande voix du Siège apostolique se fît entendre, et qu'elle protestât du moins contre l'audace sans cesse croissante de ces docteurs toujours prêts à restreindre les limites du pouvoir spirituel, en même temps qu'ils enseignaient avec tant de complaisance l’inamissibilité du pouvoir royal. Heureusement l'Église a eu de tout temps, dans sa Liturgie, un moyen de répression contre les entreprises téméraires qu'on a osées sur sa doctrine ou contre son honneur. Ce qu'elle confesse dans la prière universelle, devient règle pour ses enfants, et comme nous l'avons fait voir dans cette histoire, si quelques-uns ont cherché à s'isoler des formules qu'elle consacre, c'est qu'ils sentaient avec quelle irréfragable autorité elle impose, dans ce bréviaire, dans ce missel si odieux, ses jugements sur les doctrines, sur les personnes et sur les institutions. Benoît XIII eut donc intention, en étendant à l'Église universelle l'office de saint Grégoire VII, de faire un contrepoids aux envahissements du gallicanisme qui, de jour en jour, augmentaient de danger et d'importance, à raison surtout des efforts d'une secte puissante et opiniâtre qui menaçait de plus en plus l'existence de la foi catholique au sein du royaume de France. Si Rome laissait flétrir plus longtemps la mémoire des plus saints pontifes des siècles passés, elle donnait gain de cause à ces hommes audacieux qui criaient sur les toits qu'elle avait renouvelé ses prévarications, et qu'Innocent X, Alexandre VII, Clément XI, n'étaient ni plus ni moins coupables que Grégoire VII, Innocent III et tant d'autres.
Écoutez plutôt un des fidèles organes de la secte :
" Au premier coup d'œil, on saisit la connexité de doctrine entre les brefs d'Innocent XI et d'Alexandre VIII, contre l'assemblée de 1682 ; la Proposition quatre-vingt-onze, concernant l'excommunication, censurée par la Bulle Unigenitus, et cette légende contraire aux vérités révélées qui enjoignent aux papes comme aux autres individus de la société, la soumission à l'autorité civile." (Grégoire. Essai historique sur les Libertés de l'Église gallicane, page 98.)
Mais il est temps de révéler au lecteur cette monstrueuse légende qui mettait ainsi en péril les vérités révélées.
DOM GUÉRANGER INSTITUTIONS LITURGIQUES : CHAPITRE XXI : SUITE DE L'HISTOIRE DE LA LITURGIE, DURANT LA PREMIERE MOITIÉ DU DIX-HUITIÈME SIECLE. — AFFAIRE DE LA LEGENDE DE SAINT GRÉGOIRE VII
Bulle Unigenitus de Clément XI condamnant le jansénisme, 8 septembre 1713
il tombe à ses genoux et le supplie : " Si tu le veux, tu peux me purifier. "
Pris de pitié devant cet homme, Jésus étendit la main, le toucha et lui dit : " Je le veux, sois purifié." À l'instant même, sa
lèpre le quitta et il fut purifié.
Aussitôt Jésus le renvoya avec cet avertissement sévère : " Attention, ne dis rien à personne, mais va te montrer au prêtre. Et
donne pour ta purification ce que Moïse prescrit dans la Loi : ta guérison sera pour les gens un témoignage."
Une fois parti, cet homme se mit à proclamer et à répandre la nouvelle, de sorte qu'il n'était plus possible à Jésus d'entrer
ouvertement dans une ville. Il était obligé d'éviter les lieux habités, mais de partout on venait à lui.
Évangile de Jésus Christ selon saint Marc