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"Je vous donne un commandement nouveau : c'est de vous aimer les uns les autres.

 

Comme je vous ai aimés, vous aussi aimez-vous les uns les autres.

 

Ce qui montrera à tous les hommes que vous êtes mes disciples, c'est l'amour que vous aurez les uns pour les autres."

 

Evangile de Jésus-Christ selon  saint Jean 

   

 

Pentecôte

" Le Défenseur, l'Esprit Saint que le Père enverra en mon nom, lui, vous enseignera tout, et il vous fera souvenir de tout ce que je vous ai dit."

 

Évangile de Jésus Christ selon saint Jean  

 

   

 

 El Papa es argentino. Jorge Bergoglio                 

Saint Père François

 

 

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1er mai 2011 Béatification de Jean-Paul II

Béatification du Serviteur de Dieu Jean-Paul II

 

 

  Béatification du Père Popieluszko

beatification Mass, in Warsaw, Poland

à Varsovie, 6 juin 2010, Dimanche du Corps et du Sang du Christ

 

 

presidential palace in Warsaw

Varsovie 2010

 

 

Basilique du Sacré-Cœur de Montmartre
Sanctuaire de l'Adoration Eucharistique et de la Miséricorde Divine

La miséricorde de Dieu est comme un torrent débordé. Elle entraîne les cœurs sur son passage.
(Saint Curé d'Ars)
 

 


Le côté du Christ a été transpercé et tout le mystère de Dieu sort de là. C’est tout le mystère de Dieu qui aime, qui se livre jusqu’au bout, qui se donne jusqu’au bout. C’est le don le plus absolu qui soit. Le don du mystère trinitaire est le cœur ouvert. Ce n’est pas une image, c’est une réalité. C’est la réalité la plus profonde qui soit, la réalité de l’amour.
Père Marie-Joseph Le Guillou




Dans le cœur transpercé
de Jésus sont unis
le Royaume du Ciel
et la terre d'ici-bas
la source de la vie
pour nous se trouve là.

Ce cœur est cœur divin
Cœur de la Trinité
centre de convergence
de tous les cœur humains
il nous donne la vie
de la Divinité.


Sainte Thérèse Bénédicte de la Croix
(Edith Stein)



Le Sacré-Cœur représente toutes les puissances d'aimer, divines et humaines, qui sont en Notre-Seigneur.
Père Marie-Eugène de l'Enfant Jésus

 



feuille d'annonces de la Basilique du Sacré-Coeur de Montmartre

 

 

 

 

 

 

 

     

The Cambrai Madonna

Notre Dame de Grâce

Cathédrale de Cambrai

 

 

 

Cathédrale Notre Dame de Paris 

   

Ordinations du samedi 27 juin 2009 à Notre Dame de Paris


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Magnificat

     



Solennité de l’Immaculée Conception de la Vierge Marie à Notre-Dame de Paris


NOTRE DAME DES VICTOIRES

Notre-Dame des Victoires




... ma vocation, enfin je l’ai trouvée, ma vocation, c’est l’Amour !

 

 

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Voyages de Benoît XVI

 

SAINT PIERRE ET SAINT ANDRÉ

Saint Pierre et Saint André

 

BENOÎT XVI à CHYPRE 

 

Benedict XVI and Cypriot Archbishop Chrysostomos, Church of 

Salutation avec l'Archevêque Chrysostomos à l'église d' Agia Kyriaki Chrysopolitissa de Paphos, le vendredi 4 juin 2010

 

     

 

Benoît XVI en Terre Sainte  


 

Visite au chef de l'Etat, M. Shimon Peres
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Visite au mémorial de la Shoah, Yad Vashem




 






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Vicariat hébréhophone en Israël

 


 

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SALVE REGINA

3 février 2012 5 03 /02 /février /2012 05:00

Comme le nom de Jésus devenait célèbre, le roi Hérode en entendit parler. On disait : " C'est Jean le Baptiste qui est ressuscité d'entre les morts, et voilà pourquoi il a le pouvoir de faire des miracles." Certains disaient : "C'est le prophète Élie." D'autres disaient encore : "C'est un prophète comme ceux de jadis." Hérode entendait ces propos et disait : "Celui que j'ai fait décapiter, Jean, le voilà ressuscité !" Car c'était lui, Hérode, qui avait fait arrêter Jean et l'avait mis en prison.


En effet, il avait épousé Hérodiade, la femme de son frère Philippe, et Jean lui disait : " Tu n'as pas le droit de prendre la femme de ton frère." Hérodiade en voulait donc à Jean, et elle cherchait à le faire mettre à mort. Mais elle n'y arrivait pas parce que Hérode avait peur de Jean : il savait que c'était un homme juste et saint, et il le protégeait ; quand il l'avait entendu, il était très embarrassé, et pourtant, il aimait l'entendre.


Cependant, une occasion favorable se présenta lorsque Hérode, pour son anniversaire, donna un banquet à ses dignitaires, aux chefs de l'armée et aux notables de la Galilée. La fille d'Hérodiade fit son entrée et dansa. Elle plut à Hérode et à ses convives. Le roi dit à la jeune fille : "Demande-moi tout ce que tu veux, et je te le donnerai." Et il lui fit ce serment : "Tout ce que tu me demanderas, je te le donnerai, même si c'est la moitié de mon royaume." Elle sortit alors pour dire à sa mère : "Qu'est-ce que je vais demander ?" Hérodiade répondit : "La tête de Jean le Baptiste."


Aussitôt la jeune fille s'empressa de retourner auprès du roi, et lui fit cette demande : "Je veux que tout de suite tu me donnes sur un plat la tête de Jean Baptiste." Le roi fut vivement contrarié ; mais à cause du serment fait devant les convives, il ne voulut pas lui opposer un refus. Aussitôt il envoya un garde avec l'ordre d'apporter la tête de Jean. Le garde s'en alla, et le décapita dans la prison. Il apporta la tête sur un plat, la donna à la jeune fille, et la jeune fille la donna à sa mère.

 

Lorsque les disciples de Jean apprirent cela, ils vinrent prendre son corps et le déposèrent dans un tombeau.

 

Évangile de Jésus Christ selon saint Marc

 

SAINT JEAN BAPTISTE, Fra Carnevale

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2 février 2012 4 02 /02 /février /2012 05:00

Quand arriva le jour fixé par la loi de Moïse pour la purification, les parents de Jésus le portèrent à Jérusalem pour le présenter au Seigneur, selon ce qui est écrit dans la Loi : Tout premier-né de sexe masculin sera consacré au Seigneur. Ils venaient aussi présenter en offrande le sacrifice prescrit par la loi du Seigneur : un couple de tourterelles ou deux petites colombes.


Or, il y avait à Jérusalem un homme appelé Syméon. C'était un homme juste et religieux, qui attendait la Consolation d'Israël, et l'Esprit Saint était sur lui. L'Esprit lui avait révélé qu'il ne verrait pas la mort avant d'avoir vu le Messie du Seigneur. Poussé par l'Esprit, Syméon vint au Temple. Les parents y entraient avec l'enfant Jésus pour accomplir les rites de la Loi qui le concernaient. Syméon prit l'enfant dans ses bras, et il bénit Dieu en disant :
" Maintenant, ô Maître, tu peux laisser ton serviteur s'en aller dans la paix, selon ta parole. Car mes yeux ont vu ton salut, que tu as préparé à la face de tous les peuples : lumière pour éclairer les nations païennes, et gloire d'Israël ton peuple."


Le père et la mère de l'enfant s'étonnaient de ce qu'on disait de lui. Syméon les bénit, puis il dit à Marie sa mère :

" Vois, ton fils qui est là provoquera la chute et le relèvement de beaucoup en Israël. Il sera un signe de division. — Et toi-même, ton cœur sera transpercé par une épée. — Ainsi seront dévoilées les pensées secrètes d'un grand nombre."

 

Il y avait là une femme qui était prophète, Anne, fille de Phanuel, de la tribu d'Aser. Demeurée veuve après sept ans de mariage, elle avait atteint l'âge de quatre-vingt-quatre ans. Elle ne s'éloignait pas du Temple, servant Dieu jour et nuit dans le jeûne et la prière. S'approchant d'eux à ce moment, elle proclamait les louanges de Dieu et parlait de l'enfant à tous ceux qui attendaient la délivrance de Jérusalem.

 

Lorsqu'ils eurent accompli tout ce que prescrivait la loi du Seigneur, ils retournèrent en Galilée, dans leur ville de Nazareth.


L'enfant grandissait et se fortifiait, tout rempli de sagesse, et la grâce de Dieu était sur lui.

 

Évangile de Jésus Christ selon saint Luc

 

La Présentation au Temple, Bartolo di Fredi, Musée du Louvre, Salle des Sept-Mètres

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1 février 2012 3 01 /02 /février /2012 12:30

Au reste, le nouveau missel n'avait pas su se défendre d'une contradiction éclatante avec les principes mêmes de sa rédaction.

 

Dans la messe du jour de la Pentecôte, on n'avait pas osé remplacer, par un texte biblique, l'antique verset alléluiatique, bien qu'il ne fût que d'une simple composition humaine. Soit défaut d'audace, soit respect invincible, soit injonction de l'autorité supérieure, Mésenguy avait conservé ces grandes et touchantes paroles : Alleluia. Veni, sancte Spiritus, reple tuorum corda fidelium, et tui amoris in eis ignem accende !

 

Avec cette seule exception, nous sommes en mesure de réclamer, ligne par ligne, tout l'Antiphonaire de saint Grégoire. Y a-t-il, par hasard, moins de piété ou d'autorité dans les autres formules si arbitrairement sacrifiées ? Il nous semble que si, dans la Liturgie régénérée, on peut encore chanter sans inconvenance : Alleluia. Veni, sancte Spiritus, reple tuorum corda, etc., on pourrait bien aussi chanter, pour honorer la Mère de Dieu, l'introït suivant : 

Salve, sancta Parens, enixa puerpera Regem qui cœlum terramque regit in sœcula sœculorum !

 

Et le graduel : 

Benedicta et venerabilis es, Virgo Maria, quœ sine tactu pudoris inventa es Mater Salvatoris.

 

Et l’alléluia : 

Assumpta est Maria in cœlum : gaudet exercitus Angelorum.

 

Et le trait : 

Gaude, Maria Virgo, cunctas haereses sola interemisti, quœ Gabrielis Archangeli dictis credidisti, etc.

 

Et cet autre alléluia : 

Virga Jesse floruit; Virgo Deum et hominem genuit : pacem Deus reddidit, in se reconcilians ima summis.

 

Et l'offertoire : 

Felix namque es, sacra Virgo Maria, et omni laude dignissima : quia ex te ortus est sol justitiœ, Christus Deus nos ter.

 

Et la communion : 

Beata viscera Mariœ Virginis quœ portaverunt œterni Patris Filium !

 

Mais, qu'est-il besoin d'insister sur la contradiction d'avoir conservé le verset alléluiatique de la Pentecôte, quand nous avons si ample matière à un argument ad hominem, bien autrement embarrassant ? Le nouveau missel était rempli de proses nouvelles, pour toutes les fêtes possibles. Ces compositions n'étaient pourtant ni tirées de l'Écriture sainte, ni empruntées aux anciennes Liturgies. Elles étaient à la fois une parole humaine et une parole nouvelle. Bien plus, on ne s'était pas contenté de faire des proses nouvelles ; une des anciennes avait été retouchée d'après les idées modernes. Ainsi on ne lisait plus la première strophe de la prose des morts, comme autrefois :

 

Dies irœ, dies illa,

Solvet seclum in favilla,

Teste David cum sibylla.

 

Mais bien :

 

Dies irœ, dies illa,

Crucis expandens vexilla,

Solvet seclum in favilla.

 

Après la fameuse censure de la Sorbonne contre les jésuites auteurs des Mémoires de la Chine, Mésenguy ne pouvait plus souffrir qu'on chantât,dans l'Église de Paris, un verset de séquence dans lequel était invoqué le témoignage d'une sibylle des gentils à côté des oracles du peuple juif. Il est, en effet, bien étonnant que l'Église romaine et le reste de l'Occident s'obstinent à chanter toujours cette strophe, même après le jugement souverain de la Sorbonne !

 

Mésenguy avait trouvé l'occasion de faire une autre justice dans le Dies irœ. On y confondait encore, en dépit des progrès de la critique, sainte Marie-Madeleine avec Marie, sœur de Lazare : Qui Mariam absolvisti ;

 

Mésenguy voulut que Ton chantât et l'on a chanté depuis : 

Peccatricem absolvisti !

 

Mais revenons à la lettre pastorale : " C'est donc à ces  sources si pures, et principalement dans les sacramentaires de l'Église romaine qui est la Mère et la Maîtresse  des autres, que nous avons puisé les oraisons de notre  missel. On peut même dire que ce n'est pas sans une  conduite de la divine  Providence qu'a eu lieu,  pour  notre grande consolation et celle de notre troupeau, la  découverte récente du plus ancien de tous les sacramentaires de l'Église romaine, qui avait été inconnu depuis  plusieurs siècles. Ce livre d'or, écrit sur un manuscrit  en parchemin de plus de mille ans, a été publié à l'imprimerie Vaticane, sous les auspices du Souverain Pontife Clément. XII, qui conduit aujourd'hui,   avec non  moins de sainteté que de sagesse, la barque de saint  Pierre.  C'est à ce monument considérable que nous  avons emprunté un grand nombre de prières qui respirent une piété excellente et rappellent, pour le style  et la doctrine, saint Léon le Grand, à qui on les attribue comme à leur auteur très certain."

Nous  avons déjà dit un  mot de ce prétendu Sacramentaire de saint Léon, qui parut en 1735, à la tête du quatrième tome de l'édition du Liber pontificalis, dit d'Anastase, par Bianchini. Nous y reviendrons dans notre prochain volume. Mais ce manuscrit eût-il été réellement le Sacramentaire de saint Léon, était-ce, pour l'Église de Paris, une manière bien efficace de témoigner de son accord parfait avec la Mère et la Maîtresse des Églises, que de répudier le missel qu'elle promulgue et garantit de son autorité, pour s'en fabriquer un nouveau, dans la composition duquel on ferait entrer quelques lambeaux d'un ancien sacramentaire qui a été l'objet d'une réforme il y a tant de siècles ? Ce n'est pas  que  nous désapprouvions dans une Eglise qui, comme celle de Paris, se trouve en droit de reformer sa liturgie, qu'on prenne dans les anciens sacramentaires certaines prières bien approuvées, pour enrichir encore le romain d'aujourd'hui ; mais cette conduite est toute différente de celle qu'on a tenue. On s'est débarrassé du missel romain, qui est le Sacramentaire et l'Antiphonaire grégoriens combinés, et ensuite, parmi les pièces anciennes que l'on a consenti à recevoir de nouveau, on a daigné remonter jusqu'au prétendu Sacramentaire léonien, conservant même la plupart des oraisons de saint Gélase et de saint Grégoire, parce qu'on le jugeait ainsi à propos. C'est une manière de procéder fort large ; mais il ne faudrait pas lui donner la couleur d'un zèle pour la liturgie romaine. Clément XII, en faisant les frais du quatrième tome de l'Anastase de Bianchini, comme ses prédécesseurs avaient fait les frais des trois premiers, n'avait pas, assurément, la pensée que le sacramentaire tel quel, publié parmi plusieurs autres monuments dans ce volume, dût fournir à l'Église de Paris un prétexte de se débarrasser du Missel romain que les Harlay et les Noailles avaient encore respecté.

 

" Nous avons largement distribué dans tout notre missel ces richesses liturgiques ; d'où il est arrivé qu'en  plusieurs endroits de ce missel, on trouvera des collectes différentes des oraisons qu'on aura récitées dans  le bréviaire ; inconvénient léger et même nul en soi. Il  nous eût semblé plus fâcheux de priver notre Église  de tant d'excellentes prières des anciens Pères."

On dira ce qu'on voudra, mais ce n'en est pas moins une chose inouïe dans la Liturgie, que la discordance de l'oraison des heures avec la collecte de la messe, dans un même office. Ce défaut d'harmonie qu'on voudrait excuser ici ne montre que trop la précipitation avec laquelle les nouveaux livres furent fabriqués. Jamais cette Liturgie romaine dont on s'est défait si cavalièrement ne fournit d'exemple de ces anomalies, parce que les choses du culte divin sont toujours disposées à Rome avec le sérieux, la gravité, la lenteur, qui seuls peuvent faire éviter de pareilles fautes.

 

La lettre pastorale contient ensuite ces paroles remarquables : " Cependant,  nous voulons vous avertir  que, dans plusieurs oraisons des anciens sacramentaires, il a été fait certains changements, soit dans le but de les  abréger, soit dans celui d'ôter l'obscurité et d'aplanir le  style, soit enfin pour les accommoder à la forme spéciale des collectes, secrètes et postcommunions. Cet  exemple nous était donné par toutes les églises de tous  les temps, dans les livres desquelles on rencontre beaucoup de prières transférées d'une Liturgie dans une  autre, et qui ont subi quelques légers changements dans  les paroles, tout en conservant le même sens. Nous  avons pensé que la même chose nous était permise, à  la même condition, à savoir, que le changement ne tomberait pas sur le fond des choses, mais seulement sur  les expressions. Nous pouvons affirmer que les vérités  du dogme catholique, exprimées dans ces prières, ont  été religieusement conservées par nous dans toute leur  intégrité et inviolabilité."

Voilà donc un évêque catholique réduit à affirmer solennellement à son clergé, en tête d'un missel, qu'il n'a pas altéré frauduleusement le dépôt de la tradition sur les vérités catholiques ! Que s'était-il donc passé qui nécessitât cette humiliante déclaration ? quel événement avait excité à un si haut point les susceptibilités du clergé orthodoxe, que le pasteur fût ainsi obligé de courir au-devant, sans nul souci des convenances les plus sacrées ? Cette déclaration sans exemple avait pour but de prévenir de nouvelles réclamations dans le genre de celles qui s'étaient élevées sur le bréviaire, et, dans le fait, l'on doit convenir que le missel était généralement plus pur que le bréviaire, bien qu'il renfermât encore une somme immense de nouveautés. On a dû remarquer plus haut que l'archevêque, en parlant de la commission pour le missel, ne s'était pas borné, comme dans la lettre pastorale du bréviaire, à désigner en termes généraux les hommes sages et érudits auxquels il avait confié cette délicate opération, mais qu'il avoue simplement le concours de plusieurs chanoines de la métropole. C'était mettre totalement hors de cause la coopération de Mésenguy, de Boursier et leurs semblables.

 

On trouvait encore, dans les clauses de la promulgation du missel, une particularité qui faisait voir que le prélat avait eu en vue de ménager sur plus d'un point les susceptibilités catholiques. Le lecteur doit se rappeler que la lettre pastorale sur le bréviaire déclarait ce livre obligatoire pour toutes les églises, monastères, collèges, communautés, ordres, enfin pour tous les clercs astreints à l'office divin, sans exception aucune ; la lettre pastorale du missel, beaucoup moins absolue, n'exigeait cette soumission que de ceux qui, par le droit et la coutume, sont tenus de célébrer et réciter l'office parisien.

 

Nous ne nous appesantirons pas davantage, pour le moment, sur les particularités de ce nouveau missel ; il nous suffira ici d'en avoir exposé le plan, d'après la lettre pastorale qui lui sert comme de préface. Au reste, nous le répétons, ce livre était en soi moins répréhensible que le bréviaire. Les réclamations des catholiques avaient du moins eu l'avantage de réprimer l'audace de la secte qui s'était vue à la veille de triompher par la Liturgie. Toutefois, soit lassitude, soit découragement, les répugnances se calmèrent peu à peu : le Bréviaire et le Missel de Vintimille s'implantèrent profondément, et c'en fut fait de la Liturgie romaine dans l'Église de Paris.

 

Bien plus, cette Église que Dieu, dans ses conseils impénétrables, avait ainsi soumise à la dure humiliation de voir des mains hérétiques élaborer les offices divins qu'elle aurait désormais à célébrer, eut le triste honneur d'entraîner grand nombre d'autres Églises du royaume, dans la malheureuse voie où on l'avait poussée. Déjà l'exemple qu'elle avait donné au temps  de François de Harlay avait été contagieux ; celui qu'elle offrit au temps de Charles de Vintimille eut bien d'autres conséquences. Trente ans après l'apparition du Bréviaire de 1736, la Liturgie romaine avait disparu des trois quarts de nos cathédrales, et, sur ce nombre, cinquante et plus s'étaient déclarées pour l'œuvre des Vigier et des Mésenguy. La sainte Église de Lyon était de ce nombre.

 

Quel événement donc que l'apparition des livres de Vintimille ! Comment n'a-t-il pas laissé plus de place dans l'histoire ? C'est que l'indifférence, le mépris, l'oubli même du passé était la grande maladie qui travaillait les hommes du XVIIIe siècle ; et cependant, quand les jansénistes et les philosophes eurent totalement miné la société religieuse et civile, beaucoup d'honnêtes gens s'étonnèrent de voir crouler pêle-mêle, en un instant, tant d'institutions que les mœurs ne soutenaient plus. Le récit de cette catastrophe n'est pas de notre sujet : nous avons seulement à raconter comment une des formes principales de la civilisation religieuse du moyen âge, la forme liturgique, a péri en France ; poursuivons notre histoire.

 

Il serait par trop minutieux d'enregistrer ici successivement les divers diocèses qui acceptèrent tour à tour les nouveaux livres parisiens. Il suffira de dire que partout où cette adoption eut lieu, on fondit le calendrier et le propre diocésains avec ceux de Paris, et qu'on mit en tête du bréviaire et du missel le titre diocésain, le nom de l'évêque qui faisait cette adoption, et une lettre pastorale composée d'ordinaire sur le modèle de celle de Vintimille. Les premières Églises qui entrèrent dans cette voie, furent celles de Blois, d'Évreux et de Séez. On fit dans ces diocèses quelques légères rectifications au bréviaire, et même les Nouvelles ecclésiastiques se plaignent amèrement qu'à Évreux on ait osé changer quelque chose dans la fameuse strophe de l'hymne de Santeul, pour l'office des évangélistes. Elle avait été mise ainsi : 

Insculpta saxo lex vetus

Prœcepta, non vi res dabat ,

Inscripta cordi lex nova

Dat posse quidquid prœcipit.

 

On avait donc adouci le dernier vers : Quidquid jubet dat exequi ; mais les trois premiers exprimaient encore les propositions de Quesnel, 6, 7 et 8.

 

Le nouveau Bréviaire de Paris fut aussi adopté, en 1764, par les chanoines réguliers de Sainte-Geneviève, dits de la congrégation de France. Nous ne ferions que mentionner simplement ce fait, si une des circonstances de son accomplissement n'offrait matière à une observation très grave. Le P. Charles-François de Lorme, abbé de Sainte-Geneviève et général de la congrégation, avait placé en tête du bréviaire, suivant l'usage, une lettre pastorale adressée à tous les abbés, prieurs, curés et chanoines de sa juridiction, et, dans cette pièce, il rendait compte des motifs qui avaient présidé à la rédaction de ce nouveau Bréviaire de Paris, qui allait devenir désormais celui des chanoines réguliers de la congrégation de France. Après avoir parlé de la correction du Bréviaire romain par saint Pie V, et du mérite de cette œuvre pour le temps où elle fut accomplie, l'abbé de Sainte-Geneviève en venait au détail des inconvénients qui avaient porté plusieurs évêques de France à renoncer à ce bréviaire :

" Autant il était vrai, dit la Lettre pastorale, que le  Bréviaire romain l'emporte sur tous les autres, autant  on devait regretter que cette œuvre n'eût pas atteint sa  perfection, moins par la faute de ses auteurs que par le  malheur des temps. Il y était resté beaucoup de choses  qui, soumises depuis à un examen sévère, ont été trouvées incertaines et même fausses. Il s'y était introduit  plusieurs choses contraires aux maximes de notre église gallicane."

 

La voilà donc révélée par un témoin grave et contemporain, l'intention qu'on a eue en se défaisant du Bréviaire romain, d'aider à l'établissement du gallicanisme. Certes, un pareil aveu n'était plus nécessaire après les faits que nous avons rapportés : mais il ne laisse pas que de réjouir grandement, surtout à cause de la naïveté avec laquelle il est produit.

 

Tandis que le désir de consolider les maximes de notre Église gallicane portait une grande partie du clergé du royaume à rejeter le Bréviaire romain, l'esprit catholique, dont nous avons vu les résistances à Paris, se révoltait dans d'autres diocèses. Nous avons malheureusement peu de faits à citer ; mais c'est une raison de plus de les arracher à l'oubli. Nous dirons donc qu'à Marseille, l'héroïque évêque Henri de Belzunce adressa un mandement à son peuple, pour l'engager à redoubler de zèle dans le culte de la sainte Vierge et des saints, qui était menacé par de téméraires innovations. Des considérations de haute convenance l'empêchèrent d'expliquer plus clairement les attentats qu'il avait en vue ; mais des curés, tels que ceux des Accoules et de Saint-Martin, crurent pouvoir annoncer en chaire, à leurs peuples, que le prélat avait voulu signaler le récent Bréviaire de Paris, et l'on ne tarda pas à entendre retentir, dans les Nouvelles ecclésiastiques, tous les sifflets du parti contre l'illustre prélat à qui la secte n'a jamais pardonné son zèle ardent contre les dogmes jansénistes.

 

Ceci se passait quelques mois après l'apparition du Bréviaire de Vintimille. En 1762, un fait du même genre consola les amis des saines doctrines liturgiques. Jean-Georges de Souillac, évêque de Lodève, augustinien zélé, avait été du nombre des prélats qui les premiers adoptèrent le nouveau parisien. Il eut pour successeur, en 1750, un évêque célèbre pour la pureté de sa doctrine, et dont nous aurons prochainement occasion de parler. Ce prélat était Félix-Henri de Fumel. Un des premiers actes de son autorité fut de rétablir le Bréviaire romain et de supprimer le parisien qu'il avait trouvé en vigueur. Cet acte de courage lui attira, comme à Belzunce, les injures du parti ; mais de pareils outrages de la part des hérétiques sont la plus noble récompense que puisse ambitionner un évêque.

 

Tirons maintenant les conclusions qui résultent, pour la doctrine liturgique, des faits exposés dans ce chapitre.

 

D'abord, sur les douze caractères que nous avons signalés dans les œuvres de la secte antiliturgique, dix sont visibles dans les divers produits de la grande révolution que nous venons de raconter.

 

1° Eloignement pour les formules traditionnelles. Foinard, Grancolas, dans leurs Projets ; les Bréviaire et Missel de Paris de 1736, etc. Partout, on crie qu'il faut prier Dieu avec ses propres paroles : Deum de suo rogare.

 

2° En conséquence, remplacement des formules de style ecclésiastique par des passages de la Bible. C'est l'intention expressément avouée et mise à exécution. C'est le génie de l'œuvre tout entière.

 

3° Fabrication de formules nouvelles. Les hymnes de Coffin, dont nous avons relevé quelques traits. La Préface de la Toussaint, par Boursier. Une immense quantité de proses nouvelles.

 

4° Contradiction des principes avec les faits, rendue patente dans ces milliers  de nouveautés introduites par des gens qui ne parlent que de rétablir la vénérable antiquité, et qui non seulement fabriquent de nouvelles hymnes, de nouvelles proses, de nouvelles oraisons, de nouvelles préfaces, mais, de plus, débarrassent le Bréviaire et le Missel d'une immense quantité de pièces grégoriennes non seulement anciennes, mais empruntées à l'Ecriture sainte elle-même.

 

5° Affaiblissement de cet esprit de prière appelé Onction dans le catholicisme. Tout le monde convient que les nouveaux bréviaires, avec tout leur art, ne valent pas, pour la piété, les anciens livres. Continuelle attention, de la part de Vigier et Mésenguy, à introduire dans leur œuvre des phrases bibliques à double sens, comme autant de mots d'ordre pour le parti : ce serait un grand miracle qu'il fût demeuré beaucoup d'onction dans tout cela.

 

6° Diminution du culte de la sainte Vierge et des saints. Il suffit de jeter un coup d'oeil sur les projets de Foinard et de Grancolas, qui sont réalisés dans le Calendrier et le Propre des Saints du nouveau parisien, pour se convaincre que telle a été l'intention. Les résultats sont venus ensuite, et on ne doit pas s'en étonner..

 

7° Abréviation de l'office et diminution de la prière publique. On a vu avec quelle impudeur Foinard l'avait affiché jusque sur le titre de son livre. Dans les nouveaux bréviaires, rien n'a été épargné pour cela.

 

8° Atteintes portées à l'autorité du Saint-Siège. Qu'on se rappelle la collecte de saint Damase, la réunion des deux chaires de saint Pierre en une seule, l'extinction de l'octave de la fête même du prince des apôtres, etc.

 

9° Développement du presbytérianisme dans l'innovation liturgique, œuvre de simples prêtres, à laquelle ont pris part notable de simples acolytes, des laïques même : sujet de grande déconsidération pour la hiérarchie, et bientôt pour tout l'ordre ecclésiastique.

 

10° Intervention de la puissance séculière dans l'affaire du nouveau Bréviaire de Paris. Sentences contre un prêtre dont les sentiments n'étaient que catholiques. Nulle réclamation de l'autorité compétente contre un si énorme scandale.

 

C'est donc une déplorable forme liturgique que celle à laquelle sont devenues applicables, et en si grand nombre, les notes auxquelles on reconnaît la secte antiliturgiste. En outre, c'est une chose bien étrange que le remaniement total de la Liturgie ait eu pour auteurs et promoteurs des hérétiques jansénistes, séparés de la communion, même extérieure, de l'Église, tels que Le Brun Desmarettes, Coffin et Boursier, et d'autres non moins déclarés, appelants des jugements de l'Église, et, malgré cela, par une inexplicable contradiction, honorés de la confiance des prélats qui avaient promulgué ces mêmes jugements.

 

C'est aussi un fait bien instructif que celui d'un archevêque de Paris obligé d'admettre de nombreux cartons dans un bréviaire dont il a garanti l'excellence dans une lettre pastorale, et réduit à protester, deux ans après, en tête d'un missel, qu'il y a maintenu la foi dans sa pureté, et qu'en retouchant le style de certaines oraisons, il n'a point altéré la doctrine catholique qu'elles renfermaient.

 

C'est une chose bien humiliante, qu'en donnant la liste des réformateurs de la Liturgie, il nous faille ajouter, aux noms de Sainte-Beuve, Le Tourneux, de Vert, Santeul, Ledieu, Ellies Dupin, Beaudoin, Bossuet, évêque de Troyes, Petitpied et Jubé, tous jansénistes, ou fauteurs de cette hérésie, ceux de Caylus, évêque d'Auxerre, Le Brun Desmarettes, Vigier, Mésenguy, Cofin et Boursier, tous fameux à divers degrés pour leur zèle et leur indulgence envers la secte. Nous serions injuste de ne pas leur adjoindre l'intrépide champion du nouveau Bréviaire parisien, l'avocat général Gilbert de Voisins, dont nous signalerons encore, au chapitre suivant, le zèle pour les maximes françaises sur  la Liturgie. Notre impartialité nous oblige, tout en laissant les docteurs Foinard et Grancolas au rang des hommes les plus téméraires qui aient jamais écrit sur les rites sacrés, à ne pas les faire figurer expressément sur la liste des partisans ou fauteurs du jansénisme. Il est prouvé que Grancolas, du moins, avait accepté sans arrière-pensée les jugements de l'Église.

 

Sur la liste si peu nombreuse des réclamants contre la destruction de toutes les traditions liturgiques, nous inscrirons à la fin de ce chapitre, à côté de Languet et de Saint-Albin, Belzunce, évêque de Marseille ; de Fumel, évêque de Lodève ; les séminaires de Saint-Sulpice et de Saint-Nicolas-du-Chardonnet ; les abbés Regnault et Gaillande, et surtout ce courageux jésuite, le P. Hongnant, qui confessa, malgré la rage du parlement, ces pures traditions romaines dont sa société, toujours fidèle aux enseignements de saint Ignace, ne s'est jamais départie. Nous ne parlons point de Robinet, qui a eu trop de part à l'innovation, à Rouen et ailleurs, pour être recevable à la condamner à Paris.

 

DOM GUÉRANGER INSTITUTIONS LITURGIQUES : CHAPITRE XIX : SUITE DE L'HISTOIRE DE LA LITURGIE, DURANT LA PREMIERE MOITIÉ DU XVIIIe SIÈCLE. — PROJETS DE BREVIAIRE A PRIORI. — GRANCOLAS, FOINARD. — BREVIAIRES DE SENS, AUXERRE, ROUEN, ORLÉANS, LYON, ETC. — BRÉVIAIRE ET MISSEL DE PARIS, DU CARDINAL DE NOAILLES. — BREVIAIRE ET MISSEL DE PARIS, DE L'ARCHEVÊQUE VINTIMILLE. — AUTEURS DE CETTE LITURGIE. VIGIER. MÉSENGUY. COFFIN. — SYSTEME SUIVI DANS LES LIVRES DE VINTIMILLE. — RÉCLAMATIONS DU CLERGÉ. — VIOLENCES DU PARLEMENT DE PARIS. — TRIOMPHE DE LA LITURGIE DE VINTIMILLE. 

 

Mgr de Belzunce 

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31 janvier 2012 2 31 /01 /janvier /2012 12:30

Il était plus aisé de condamner au feu la pièce qu'on vient de lire que de la réfuter.

 

On ne pouvait refuser à son auteur le zèle de la foi, la connaissance de la matière ; on était obligé de convenir que c'était un homme dévoué à son archevêque, attaché à la hiérarchie, un digne compagnon de Languet dans la guerre contre les antiliturgistes. Nonobstant toutes ces raisons, l'archevêque résolut de maintenir le bréviaire avec les corrections ; on pensa que le temps calmerait cette agitation.

 

Cependant on eut la prudence de ne rien faire contre les deux Lettres et la Remontrance. Il n'eût pas été facile, en effet, de rédiger une censure contre ces pièces vraiment orthodoxes, et d'ailleurs, c'eût été accroître la déconsidération du bréviaire, en provoquant une réplique ; peut-être même le Siège apostolique eût-il été contraint d'intervenir dans cette question épineuse. Quant à l'opposition des séminaires de Saint-Sulpice et de Saint-Nicolas, elle dut céder enfin devant l'injonction expresse de la Lettre pastorale, surtout depuis les cartons mis au bréviaire qui, tout en attestant l'impure origine de ce livre, donnaient à l'autorité diocésaine une raison de plus de presser l'acceptation de la nouvelle Liturgie.

 

Ainsi l'œuvre de Vigier, Mésenguy et Coffin, s'implanta pour de longues années dans l'Église de Paris, et par suite dans une grande partie du royaume. Les jansénistes, quoique mortifiés par les cartons, se rangèrent autour du bréviaire, et trouvèrent des éloges pour l'archevêque Vintimille qui demeurait, malgré tout, le patron de leur œuvre. Rien n'est plus curieux que le langage des Nouvelles ecclésiastiques sur ce prélat : tour à tour la feuille janséniste gémit de son aveuglement et exalte son zèle providentiel dans la publication du bréviaire.

 

Cependant, si on n'osait censurer, à l'archevêché, les Lettres sur le nouveau bréviaire, ce bréviaire ne demeura pas néanmoins tout à fait sans apologie. Le P. Vigier entreprit une défense de son travail, sous le point de vue de l'orthodoxie. Son intention était de prouver que le bréviaire renfermait un nombre suffisant de textes favorables au dogme catholique de la mort de Jésus-Christ pour tous les hommes, au culte de la sainte Vierge et à la primauté du Siège apostolique. Quand il en eût été ainsi, cette démonstration n'eût pas infirmé les reproches des catholiques sur la suppression de tant de choses respectables, sur la frauduleuse insertion d'un si grand nombre de particularités suspectes, reproches d'autant plus fondés, que les cartons étaient là pour attester l'existence du mal. Il n'en demeurait pas moins évident que le bréviaire était une œuvre janséniste, par ses auteurs, son esprit et son exécution ; que les cartons n'avaient atteint, après tout, qu'une faible portion des choses répréhensibles, soit comme exprimant   des ambiguïtés sur  le dogme,   soit comme renversant, en tant d'endroits, les plus sacrées des traditions liturgiques.

 

D'ailleurs, pour qui connaît l'histoire du jansénisme, rien n'est moins étonnant que ce soin qu'avaient eu les rédacteurs du bréviaire, d'insérer dans leur œuvre un certain nombre de textes qu'on aurait à faire valoir, en cas d'attaque. Vigier était placé tout à son aise pour remplir ce personnage : il n'avait point appelé de la bulle comme Mésenguy et Coffin ; mais, d'un autre côté, il ne la regardait que comme simple règle de police. Dans cette heureuse situation, sa conscience ne lui défendait point de glisser dans son bréviaire ses sympathies janséniennes ; et du moment que des réclamations s'élèveraient, il pouvait, sans contradiction, en présence du public,revoir son œuvre, la bulle Unigenitus en main, et soutenir la thèse de la non-contrariété du bréviaire avec cette bulle.

 

Cependant, le parti ne s'accommodait pas trop de cette condescendance de Vigier. Les Nouvelles ecclésiastiques expriment hautement leur mécontentement sur l'Apologie :  "Tout ce que nous pouvons dire de cet écrit, dit le  gazetier, c'est que, malgré la protection dont M. l'archevêque a jugé à propos de l'honorer, le public (ce public est principalement celui du journal) ne  lui a pas fait un accueil bien favorable. Il se sent partout de l'étrange contrainte où l'on est, lorsqu'en recevant la constitution Unigenitus, on se trouve obligé de  défendre les Vérités que cette même constitution condamne, et cette malheureuse nécessité y a répandu d'un  bout à l'autre une teinture de molinisme qui a fait dire  à plus d'un lecteur que cette apologie fait peu d'honneur au bréviaire, qui n'en avait pas besoin et qui se  défend assez par lui-même. En un mot, on sait que  ceux qui ont eu le plus de part à la composition du  nouveau Bréviaire de Paris,  n'ont point goûté cette première Lettre". (Nouvelles ecclésiastiques. 24 novembre 1736.)

 

Ces collègues de Vigier, qui furent mécontents de l'apologie du bréviaire, n'étaient autres que Mésenguy et Coffin, auxquels leur caractère officiel d'appelants interdisait toute rétractation même apparente. Vigier était donc comme l'intermédiaire entre le nouveau bréviaire et les catholiques. L'Apologie qu'il avait publiée consistait en trois Lettres de M. l'abbé * * à un de ses amis, en réponse aux libelles qui ont paru contre le nouveau Bréviaire de Paris. Ces trois Lettres, qui forment ensemble cinquante-quatre pages in-4°, sont datées des 1er et 15 octobre, et du 30 décembre 1736, et parurent avec approbation et privilège du roi.

 

Le courageux Père Hongnant avait publié, vers la fin de la même année, une troisième Lettre sur le nouveau Bréviaire, dans laquelle il s'efforçait de renverser les subterfuges de Vigier et de faire voir que l'Apologie, pas plus que les cartons, ne parviendrait à faire du bréviaire une œuvre catholique. Nous ignorons si cette troisième Lettre obtint, comme les deux précédentes, les honneurs d'une condamnation au Parlement de Paris. Quoi qu'il en soit, la controverse demeura close pour le moment et le bréviaire resta, comme sont restées beaucoup d'autres choses, que le XVIIe et le XVIIIe siècle ont vues naître, et que le nôtre, peut-être, ne transmettra pas à ceux qui doivent le suivre.

 

Le bréviaire étant inauguré, il devenait nécessaire de donner un nouveau missel qui reproduisît le même système. On sent que le Missel de Harlay, revu par le cardinal de Noailles, était encore trop conforme à la Liturgie romaine pour se plier au calendrier et aux autres innovations du moderne bréviaire ; or il fallait un rédacteur au nouveau missel. L'acolyte Mésenguy fut choisi pour ce grand travail, sans doute par la protection de l'abbé d'Harcourt, qui disposait totalement de la confiance de l'archevêque, dans tout ce qui tenait à la Liturgie. Ce fut, au reste, une étrange influence que celle de Mésenguy dans toute cette opération. Il était auteur en partie du nouveau bréviaire, et, quand on forma la commission pour juger des réclamations que ce livre avait excitées, on ne lui avait pas fait l'honneur de le convoquer. Sans doute, sa qualité d'appelant et d'hérétique notoire avait exigé qu'on rendît du moins cet hommage à la pudeur publique. Maintenant qu'il s'agit d'un livre plus important, plus sacré encore que le bréviaire, du missel, du Sacramentaire de l'Église de Paris, on vient chercher cet homme, cet hérétique, étranger même au caractère de prêtre ; ce sera lui qui déterminera, pour cette Église, les prières, les rites, les mystères avec lesquels les prêtres, désormais, auront à célébrer le grand sacrifice. Au reste, cette confiance inouïe donnée à un hérétique par un prélat catholique, Mésenguy continua d'en jouir pendant toute la durée de l'épiscopat de Charles de Vintimille ; car, en 1745, peu avant la mort de l'archevêque, il présida à la nouvelle édition du bréviaire et aux changements, d'ailleurs assez légers, qui y furent faits.

 

Il paraît que Mésenguy avait, depuis plusieurs années, commencé le travail du missel, car ce livre fut en état de paraître dès 1738, et fut annoncé par une Lettre pastorale de l'archevêque, en date du 11 mars. Nous allons parcourir cette pièce importante, qui fut placée en tête du missel lui-même.

 

Elle commence par  des réflexions sur   la dignité   du sacrifice de la messe, considéré sous ses différents rapports,  et arrive bientôt à parler des efforts tentés dans plusieurs diocèses de France pour la correction et le perfectionnement des missels. On rappelle ensuite les travaux des archevêques de Harlay et de Noailles, qui ont cependant encore laissé beaucoup à désirer pour l'entière perfection de ce livre ; mais le nouveau missel est rédigé d'après des principes totalement conformes à ceux que suivirent ces deux prélats dans leur réforme liturgique : c'était assez dire que la partie romaine avait presque entièrement disparu.

 

La Lettre pastorale déclare ensuite que le nouveau bréviaire ayant rendu nécessaire un nouveau missel, l'archevêque s'est fait aider dans ce travail par plusieurs chanoines de la métropole. A leur tête naturellement le doyen, l'abbé d'Harcourt, qui ne travaillait pas par lui-même, mais par son protégé, Mésenguy. Nous ignorons quels sont les autres chanoines désignés ici, et la mesure de leur influence dans la composition du missel.

 

Venant au détail des modifications introduites dans ce livre, l'archevêque parle ainsi :

" On ne trouvera presque  aucun changement dans les évangiles et les épîtres des  dimanches et des fériés, non plus que dans ceux des  fêtes chômées par le peuple. On a fait davantage de  changements dans les pièces chantées aux messes du  propre du temps ; en sorte, toutefois, que nous avons  retenu ce qu'il y avait de meilleur en ce genre dans le  missel précédent, nous réservant quelquefois de le placer plus à propos."

Charles de Vintimille confesse ici, sans scrupule, une des plus graves infractions faites à la Liturgie, sous le point de vue de la popularité du culte divin. Sans parler ici des graduels, versets alléluiatiques, offertoires et communions, choisis par saint Grégoire et ses prédécesseurs, et qu'il eût pourtant été fort à propos de ne pas perdre, à une époque surtout où l'on se piquait si fort d'un zèle éclairé pour l'antiquité, n'était-ce pas une grande faute d'oser violemment changer, dans un grand nombre de messes, les introït eux-mêmes, qui, de toute antiquité, servaient à distinguer entre eux les divers dimanches de l'année ? Comment désormais lire et comprendre nos chroniques nationales, les chartes et les diplômes de nos ancêtres, dans lesquels les dimanches sont sans cesse désignés par les premières paroles de cette solennelle antienne ? Il faudra donc, et c'est à quoi on est réduit aujourd'hui, que le prêtre lui-même ne puisse plus expliquer ces monuments, s'il ne s'est muni d'un Missel romain, à l'effet de comprendre des choses que le peuple lui-même savait autrefois ?

 

Qu'il est pourtant triste de voir l'ardeur avec laquelle, à cette époque,on se ruait sur tout ce qui pouvait creuser un abîme entre le présent et le passé ! Au reste, sous ce rapport, comme sous les autres, on était tombé dans toutes les contradictions où entraîne d'ordinaire une conduite arbitraire. Ainsi, on avait daigné conserver les introït : Ad te levavi, du premier dimanche de l'Avent ; Dominus dixit ad me, de Noël, à la messe de minuit ; Invocabit, Reminiscere, Oculi, Lœtare, des quatre dimanches de carême ; Judica me, de la Passion ; Domine, ne longe, du dimanche des Rameaux ; Quasi modo, de l'octave de Pâques, et quelques autres encore des dimanches après la Pentecôte. On avait retranché Populus Sion, du second dimanche de l'Avent ; le fameux Gaudete, du troisième dimanche ; Rorate, qui est au quatrième ; Dum medium, au dimanche dans l'octave de Noël ; In excelso throno, au dimanche dans l'octave de l'Epiphanie ; Omnis terra, au deuxième dimanche après cette fête ; Adorate Dominum, au troisième et suivants ; Resurrexi, au jour même de Pâques ; Misericordia, au second dimanche après Pâques ; Jubilate, au troisième ; Exaudi, Domine, au dimanche dans l'octave de l'Ascension ; Factus est Dominus, au second dimanche après la Pentecôte ; Exaudi,  Domine, au cinquième ; Omnes gentes, au septième ; Suscepimus, Deus, au huitième ; Ecce Deus adjuvat me, au neuvième ; Deus in loco, au onzième ; Deus in adjutorium, au douzième ; Protector noster, au quatorzième ; Inclina, au quinzième ; Justus es, au dix-septième ; Da pacem, au dix-huitième ; Salus populi, au dix-neuvième ; Omnia quae fecisti, au vingtième ; Si iniquitates, au vingt-deuxième ; Dicit Dominus, aux vingt-troisième et vingt-quatrième.

 

Outre ces suppressions, plusieurs des introït conservés avaient été transposés d'un dimanche à l'autre ; ce qui n'était propre qu'à accroître la confusion et à rendre de plus en plus impraticable l'étude des chroniques et des diplômes. Ainsi, le Gaudete du troisième dimanche de l'Avent, se trouvait transplanté au vingt-quatrième après la Pentecôte, le Vocem jucunditatis, du cinquième dimanche après Pâques, était anticipé au troisième, etc. Nous ne parlons pas des introït du propre des saints ; comme ils ne sont pas employés ordinairement dans le style de l'Europe du moyen âge, leur suppression n'offensait que les convenances liturgiques. Quant à ce que disait la Lettre pastorale, qu'on avait conservé les épîtres et les évangiles des fêtes chômées par le peuple, il eût fallu dire : moins l'évangile de la fête de saint Pierre et saint Paul. Cet évangile avait disparu, avec son fameux texte : Tu es Petrus, et super hanc petram œdificabo. Ecclesiam meam, pour faire place au passage du XXIe chapitre de saint Jean, où Jésus-Christ dit à saint Pierre : Pasce oves meas ; texte important, sans doute, pour l'autorité du Saint-Siège, mais moins clair, moins populaire, moins étendu que Tu es Petrus, qu'on avait lu pendant mille ans, ce jour-là, à Paris comme à Rome.

 

La lettre pastorale continue : " Nous avons choisi les  passages de l'Écriture qui nous ont semblé les plus propres à exciter la piété, les plus faciles à mettre en chant et les plus en rapport avec les lectures sacrées qui se  font à la messe. Cependant, nous ne nous sommes point tellement enchaînés à une méthode quelconque que nous  ne nous soyons proposés, par-dessus tout, de rechercher ce qui pouvait élever le cœur à Dieu et l'aider à  concevoir le feu sacré de la foi, de l'espérance et de la charité."

Saint Grégoire s'était bien aussi proposé la même fin dans le choix des pièces de son antiphonaire, et passait même pour y avoir réussi. Il est étonnant que le XVIIIe siècle ait eu cette surabondance d'onction et d'esprit de prière, et qu'un janséniste, comme l'acolyte Mésenguy, ait été appelé à devenir ainsi, pour l'Église de Paris, l'organe de l'Esprit-Saint. Nous devons seulement remarquer ici que, dans ce nouveau missel, on avait conservé généralement un plus grand nombre de formes romaines que dans le bréviaire, par exemple, la presque totalité des épîtres et des évangiles, et que si on avait suivi le système de mettre les parties chantées en rapport avec ces lectures, en substituant de nouveaux introït, graduels, etc., quand les anciens ne s'harmonisaient pas, on n'avait pas cependant pressé, avec la dernière exagération, l'application de cette méthode. Nous aurons bientôt à signaler d'autres missels fabriqués sur un plan bien plus rigoureux.

 

Reprenons la lettre pastorale : " La même raison nous a portés à ajouter plusieurs préfaces propres qui manquaient, savoir, pour l'Avent et  certaines solennités plus considérables, comme la Fête-Dieu, la Dédicace, la Toussaint et autres. Ainsi, nous  sommes-nous efforcés de nous rapprocher, autant que  nous avons pu, de l'ancienne coutume de l'Église  romaine, qui avait autrefois presque autant de préfaces  propres que de messes, comme cela est encore d'usage  aujourd'hui dans les Églises du rite ambrosien."

Pourquoi donc n'avoir pas pris dans les anciens sacramentaires les préfaces de l'Avent, de la Dédicace,  de la Toussaint, de saint Denys même ? Pourquoi en faire rédiger de si longues, de si lourdes, par des docteurs de Sorbonne dont le style a si peu de rapport avec la phrase châtiée et cadencée de saint Léon et de saint Gélase ? Pourquoi, surtout, admettre à l'honneur de composer des prières d'un usage si sacré, un hérétique comme le docteur Laurent-François Boursier, expulsé de la Sorbonne en 1720, pour avoir écrit contre le concile d'Embrun ? C'est à un pareil homme que l'Eglise de Paris doit la préface de la Toussaint, qui se chante aussi à la fête du patron. Dans cette préface, Boursier dit à Dieu qu'en couronnant les mérites des Saints, il couronne ses propres dons, eorum coronando merita, coronas dona tua ; expression très catholique dans un sens, et très janséniste dans un autre. Nous manquerions à notre devoir d'historien liturgiste, si nous ne disions ici que Boursier mourut le 17 février 1749, sur la paroisse de Saint-Nicolas-du-Chardonnet, sans avoir rétracté son appel. Le curé de cette paroisse, quoique opposé à l'appel, s'étant montré moins ferme sur la foi que ne le fut plus tard, à l'égard de Coffin, celui de Saint-Étienne-du-Mont, et ayant cru pouvoir administrer les sacrements à Boursier, fut exilé à Senlis, en punition de cet acte de schisme, par l'archevêque de Beaumont. Et on a continué depuis à chanter la préface de Boursier !

 

" Nous avons apporté le même soin, continue la Lettre  pastorale,aux oraisons qui sont propres à chaque messe,  et qui tiennent un rang considérable dans la Liturgie ;  nous voulons parler des collectes, secrètes et postcommunions. Nous avons tiré des anciens sacramentaires la  plupart de ces oraisons si remplies de l'onction de la  piété. Nous en avons inséré quelques nouvelles, en très petit nombre, composées autant que possible sur le modèle des anciennes, et formées en grande partie des  paroles mêmes des sacramentaires. En effet, si, comme nous en avertit saint Célestin, la règle de la foi dérive  de celle de la prière, avec quelle pieuse et affectueuse  vénération ne devons-nous pas embrasser ces formules  de prières   que  nous ont laissées, par tradition,  ces  antiques témoins de la doctrine chrétienne, ces docteurs  excellents de la vénérable antiquité ! Nous voulons parler de ces hommes saints, dans lesquels habitait l'Esprit  d'intelligence et de prière,  les Léon, les Gélase, les  Grégoire, les Hilaire, les Ambroise, les Salvien,  les  Léandre, les Isidore.  Quelle imposante et sainte nuée  de témoins ! C'est par leur autorité, que, dans ces anciens temps, on avait la même foi que  nous professons aujourd'hui ; que les   mêmes vérités  catholiques ont été, depuis les siècles les plus reculés,  crues et défendues à Rome, à Milan, dans les Gaules, en  Espagne, en un mot dans tout l'Occident."

Cette doctrine liturgique de la lettre pastorale est, il est vrai, celle de tous les siècles chrétiens ; mais pourquoi faut-il qu'elle ne soit ici qu'une contradiction de plus ? En effet, si l’on doit embrasser avec une pieuse et affectueuse vénération ces formules de prières que nous ont laissées par tradition ces antiques témoins de la doctrine chrétienne,  ces docteurs excellents de la vénérable antiquité, comment justifier le missel en tête duquel on lit ces belles paroles, puisqu'il est clair comme le jour qu'un nombre considérable de formules de ce genre sont abolies par le seul fait de sa publication ? Si saint Célestin doit être loué d'avoir dit que la règle de la foi dérive de celle de la prière, pourquoi cette règle de la foi ne dérive-t-elle pas tout aussi pure des paroles d'une prière appelée introït ou graduel, que de celles d'une prière appelée collecte ou postcommunion ? Bien plus, ces introït, ces graduels, étant destinés à être chantés par le chœur des prêtres,  auquel s'unit la voix du peuple, n'aideront-ils pas plus puissamment encore à la perpétuité du dogme ? ne rendront-ils pas plus solennel et plus éclatant le témoignage des siècles, que ces oraisons que la seule voix de l'officiant fait retentir au fond du sanctuaire ?

 

Si l'on reconnaît que l'Esprit d'intelligence et de prière a animé les Pères de la Liturgie, les Grégoire et les Ambroise, par exemple, comment se justifiera-t-on d'avoir expulsé leurs hymnes du bréviaire ? Si les traditions liturgiques de l'Église de Milan et de celle d'Espagne sont dignes de notre respect, n'est-ce pas, après cela, se condamner soi-même que de rejeter les formules chantées de style ecclésiastique, quand on sait (et on doit le savoir) que les bréviaires et les missels de ces Églises gardent avec honneur la plupart de ces mêmes pièces de la Liturgie romaine que François de Harlay, Le Tourneux, de Vert, Vigier et Mésenguy ont si lestement effacées ? Est-il permis de parler de la Liturgie de l'Église des Léandreet des Isidore, et d'oublier le fameux canon du quatrième concile de Tolède, que nous avons cité ailleurs, et dans lequel sont si expressément condamnés ceux qui veulent chasser des offices divins les formules de composition humaine, pour ne chanter que des paroles de l'Écriture ?

 

Au reste, le nouveau missel n'avait pas su se défendre d'une contradiction éclatante avec les principes mêmes de sa rédaction.

 

DOM GUÉRANGER INSTITUTIONS LITURGIQUES : CHAPITRE XIX : SUITE DE L'HISTOIRE DE LA LITURGIE, DURANT LA PREMIERE MOITIÉ DU XVIIIe SIÈCLE. — PROJETS DE BREVIAIRE A PRIORI. — GRANCOLAS, FOINARD. — BREVIAIRES DE SENS, AUXERRE, ROUEN, ORLÉANS, LYON, ETC. — BRÉVIAIRE ET MISSEL DE PARIS, DU CARDINAL DE NOAILLES. — BREVIAIRE ET MISSEL DE PARIS, DE L'ARCHEVÊQUE VINTIMILLE. — AUTEURS DE CETTE LITURGIE. VIGIER. MÉSENGUY. COFFIN. — SYSTEME SUIVI DANS LES LIVRES DE VINTIMILLE. — RÉCLAMATIONS DU CLERGÉ. — VIOLENCES DU PARLEMENT DE PARIS. — TRIOMPHE DE LA LITURGIE DE VINTIMILLE.

 

François Philippe Mésenguy

François Philippe Mésenguy

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30 janvier 2012 1 30 /01 /janvier /2012 12:30

Un arrêt du Parlement de Paris, rendu le 8 juin, sur le réquisitoire de l'avocat général Gilbert de Voisins, condamnait la Lettre sur le nouveau bréviaire à être lacérée et brûlée, au pied du Grand-Escalier, par la main du bourreau. C'était sous de pareils auspices que s'annonçait la nouvelle Liturgie.

 

Cependant une réaction se préparait à l'archevêché. Charles de Vintimille, inquiété par les réclamations des deux grands vicaires, mû aussi par les remontrances du cardinal de Fleury, résolut de faire droit, au moins en quelque chose, aux plaintes qui arrivaient de tous côtés de la part des prêtres les plus vénérables et d'ailleurs les plus attachés à sa personne.

 

Rejeter avec éclat un bréviaire qu'on avait annoncé au diocèse avec tant de solennité, était un parti bien fort et qu'on ne pouvait guère espérer d'un vieillard qui, d'ailleurs, eût trouvé sur ce point une vive opposition dans la majorité de son conseil. Dans le courant du mois de juillet, le prélat réunit une commission composée de l'abbé d'Harcourt, doyen de Notre-Dame, le même qui avait fait choix de Vigier pour la rédaction du bréviaire ; l'abbé Couet, autrefois grand vicaire du cardinal de Noailles, et connu pour ses liaisons avec la secte à laquelle avait si longtemps appartenu cet archevêque ; les abbés de Romigny, Joly de Fleury, de La Chasse, et enfin le Père Vigier lui-même. On n'avait pas, sans doute, osé inviter Mésenguy ; les deux grands vicaires, Robinet et Regnauld, n'avaient pas non plus été convoqués.

 

Dans cette réunion, l'archevêque proposa la question de savoir ce qu'il pouvait y avoir à faire dans la conjoncture délicate où l'on se trouvait. Les abbés d'Harcourt et Joly de Fleury, et avec eux le P. Vigier, étaient d'avis qu'on passât outre, sans se préoccuper des plaintes .qui s'étaient élevées. Les abbés de La Chasse et de Romigny se retranchèrent dans le silence sur l'objet de la délibération. Enfin, l'abbé Couet, qui, si l'on en croit les Nouvelles ecclésiastiques, pensait au fond comme l'abbé d'Harcourt et les deux autres, étant effrayé des suites de cette affaire, conseilla à l'archevêque une demi-mesure qui consisterait à maintenir le bréviaire, en plaçant des cartons dans les endroits qui avaient le plus révolté les partisans de la bulle. Cet avis fut adopté. (Nouvelles ecclésiastiques, 28  juillet  173. Ami  de  la  Religion. Ibidem.)

 

On commença donc de suite une nouvelle édition du bréviaire, toujours sous la même date de 1736, et on prit des mesures pour arrêter le débit de la première dont les exemplaires, par suite de cette mesure, sont devenus extrêmement rares. Au reste, on ne fit que cinquante cartons environ, et les corrections ne furent pas très nombreuses. La plus remarquable fut la suppression de l'Ave, maris stella, arrangé par Coffin, et le rétablissement de cette hymne dans son ancienne forme. On rétablit l'homélie de saint Jean Chrysostome, qui avait été supprimée dans l'office de saint Jacques le Majeur. On fit disparaître le canon du troisième concile de Tolède, placé à prime du Mardi de la quatrième semaine de carême, etc.

 

Il était aisé de voir que ces légers changements, par lesquels on voulait donner quelque satisfaction aux catholiques, n'atteignaient point le fond du bréviaire lui-même, et laissaient même sans correction plusieurs des passages qui avaient excité des réclamations  spéciales. Il  fut impossible d'obtenir d'avantage. Mais aussi de quelle défaveur devait être marquée, aux yeux de la postérité, une œuvre liturgique composée pour une grande Église, promulguée par le premier pasteur, et qui, après cette promulgation, était soumise à l'humiliante insertion de cartons jugés nécessaires pour apaiser le scandale qu'elle produisait dans le peuple fidèle. Que ceux qui nous ont suivi dans toute cette longue histoire des formes du culte divin, disent s'ils ont jusqu'ici rencontré rien de semblable !

 

Le courageux auteur de la Lettre sur le nouveau bréviaire, ne jugeant pas que la censure du parlement eût, pour sa conscience de prêtre et de religieux, une valeur réelle, et espérant encore ouvrir les yeux du prélat qui venait d'attester si hautement que sa religion avait été surprise, crut devoir lui adresser une Remontrance pleine de respect, qui était en même temps une Seconde Lettre sur le nouveau bréviaire. Cette brochure, de douze pages in-4°, éprouva, de la part des magistrats du parlement, toujours fidèles à leur rôle d'arbitres de la Liturgie, le même sort que la précédente (elle fut condamnée au feu par arrêt du 20 août 1736).

 

Nous croyons faire plaisir à nos lecteurs en donnant ici cette pièce en entier. Ils y admireront le zèle de la foi et la liberté sacerdotale admirablement conciliés avec les souverains égards dus à un personnage tel que Charles de Vintimille : 

 

« Monseigneur,

« Ce n'est point ici le langage de l'indocilité et de l'orgueilleuse révolte que vous allez entendre. Enfant respectueux de l'Église qui demande pour première vertu  la soumission, je ne sus jamais qu'obéir ; j'eus toujours  pour elle et pour les oints du Seigneur, nos pères et  nos maîtres, ce tendre respect et cette docilité entière  qui caractérisent le vrai fidèle, et jamais je ne tremperai ma plume dans le fiel amer que présente l'erreur ou la  séduction.

« Si j'ose aujourd'hui vous faire d'humbles représentations et me plaindre de vous-même à vous-même,  c'est l'intérêt de votre gloire qui m'inspire, c'est le zèle  de cette religion que vous aimez, que vous soutenez,  que vous avez toujours si glorieusement défendue. Daignez un moment jeter les yeux sur ces réflexions simples  et naïves. Que le titre ordinairement odieux de Remontrance, sous lequel je l'annonce, ne me ferme point,  chez Votre Grandeur, une entrée qui ne fut jamais  refusée à personne.

« Il en est de différentes espèces, selon la différence des  motifs qui font agir, d'intérêt ou de fanatisme. Quoi  qu'il en soit, daignez lire celle-ci avec cette bonté ordinaire qui nous charme. Si par hasard elle n'est appuyée sur aucun fondement solide, qu'importe à votre gloire !  Regardez-la avec ce noble mépris dont on doit payer  un téméraire délire ; tout le public se joindra bientôt à  vous. Mais si je suis assez heureux pour parler le langage de la raison et de l'équité, de la religion et de la  piété, il est de votre droiture et de votre grandeur d'âme  de ne pas fermer les yeux à la lumière que j'ose prendre  la liberté de vous présenter. Vous prévenez peut-être  déjà ma pensée. Dans tout le cours d'une longue carrière, il n'est qu'une seule démarche qui n'ait pas  obtenu le suffrage de l'approbation publique dont je  vois toutes les autres marquées. Sans doute qu'elle seule  peut arracher nos plaintes et suspendre pour un moment les justes éloges que vous doivent tous ceux qui  savent discerner le vrai mérite. Cependant, quand il  faut m'expliquer, je sens qu'il me faut faire un violent  effort. Au nom seul de bréviaire, je crains de vous contrister, et l'idée de votre peine suffit pour m'accabler  moi-même de douleur. Mais enfin c'est un crime de se taire dans ces circonstances, et peut-être un jour me  saurez-vous gré de la liberté que je prends. Il faut lever  ce voile qu'on tâche de vous mettre sur les yeux, pour  vous empêcher de voir ce que tout le monde aperçoit.

« Apprenez donc de moi ce que pense tout le public  catholique ; j'ose protester devant Dieu que tous vos  bons diocésains s'expliquent ici par ma plume, et qu'en  lisant ce qu'elle vous trace, vous lisez les sentiments de  leurs cœurs.

« Oui, Monseigneur, le bréviaire que vous leur avez  mis entre les mains ne convient ni à leur religion, ni à  la vôtre. Il détruit ce que vous leur enseignez et ce qu'ils croient. Et que faut-il donc enfin pour vous le persuader ? Tout parle contre lui : son histoire abrégée suffira  pour la conviction la plus sensible et la plus palpable.

« Le père de cet ouvrage informe est un prêtre de l'Oratoire, zélé par goût autant que par état pour un parti  qu'il aurait autrement défendu que par la composition  d'un bréviaire, s'il avait eu plus de lumières et de  talents. Il s'est associé depuis, pour la composition des  hymnes, un prétendu poëte plus connu par son appel  au futur concile que par ses poésies, plus occupé à  fomenter les nouvelles erreurs dans son collège, qu'à y  faire fleurir les bonnes moeurs et les belles-lettres.

« Il y a plus de quinze ans que ce fruit conçu dans les  ténèbres était en état de paraître ; mais il fallait trouver  un protecteur à l'ombre duquel il pût impunément  braver le grand jour, et quels efforts n'a-t-on pas mis  en œuvre pour la réussite de ce projet ? L'ouvrage était  à peine achevé, qu'on s'adresse à feu Monseigneur le  Cardinal de Noailles pour le lui faire adopter ; mais  nous savons que ce prélat le rejeta avec mécontentement, et qu'il ne voulut point souffrir qu'on lui en parlât. Feu Monseigneur de Lorraine, évêque de Bayeux,  se montra plus favorable au bréviaire; il désira d'en introduire l'usage dans son Église, mais le soulèvement  de tout son chapitre et de tout son diocèse contre lui,  l'empêcha de tenter l'entreprise, et Son Altesse ne crut  pas que son nom ni sa dignité pussent mettre l'ouvrage  à couvert de la censure publique. Se serait-on persuadé  (et qu'on juge par ce seul trait des intrigues du parti)  qu'un bréviaire ainsi proscrit dût être un jour à l'abri  d'un nom aussi respectable et aussi cher à l'Église que  l'est celui de Vintimille ?

« Voilà, dis-je, un violent préjugé fondé sur la qualité  des auteurs et capable de jeter sur cette production un  soupçon plus que légitime, soupçon qui se tourne en  preuve convaincante par les événements qui précédèrent  et qui ont suivi l'édition.

« Accuser indifféremment tous les examinateurs, c'est  ce que l'équité ne nous permet pas. Il y avait parmi eux  des catholiques, et des catholiques décidés. En quel  nombre ? Monseigneur, vous le savez ; mais enfin la  conduite qu'ils ont tenue, ou que l'on a tenue à leur  égard, montre ce qu'ils ont pensé. Vous le savez, Monseigneur, la crainte de contrister V. G. m'empêche de  la lui remettre devant les yeux. En vain voudrait-on  rendre garants de cet ouvrage ces hommes respectables  et si dignes de votre confiance. Le public sait que tous  (je ne comprends point parmi eux feu M. Couet, dont  toute la fonction a été d'encenser en toute occasion  et le nouveau bréviaire et son auteur, et dont le  suffrage devait rendre l'ouvrage suspect) ont fait plusieurs fois, quoique inutilement, de très importantes  représentations, tant sur les auteurs que sur le fond  et la forme de ce bréviaire. Tout Paris sait qu'on  n'eut presque aucun égard à leurs réflexions ; de sorte  qu'à proprement parler, on peut dire que tous les approbateurs du bréviaire ont été ou les auteurs mêmes,  ou des hommes connus pour être partisans de l'erreur.

« Combien d'autres représentations Votre Grandeur  n'a-t-elle pas reçues de tous les côtés ? Elle a plusieurs  fois témoigné qu'elle en était fatiguée ; tristes, mais trop  sûrs garants du bruit que devait faire l'édition, et des  alarmes qu'elle causerait. Elles sont parvenues jusqu'à  vous, Monseigneur, et ce sont des faits que vous ne pouvez dissimuler. Vous n'ignorez pas que l'acceptation du  bréviaire par vos bons diocésains, est un sacrifice forcé  de leur soumission au poids de votre autorité. Le séminaire de Saint-Nicolas-du-Chardonnet n'a point caché  ses justes répugnances ; mais le curé ayant voulu absolument qu'il fût chanté dans son église, il n'a pas été  possible de lui résister.

« Les prélats qui vous avaient promis de se joindre à  vous commencèrent à se dégager d'une parole que leur  conscience ne leur permettait pas de garder. M. l'Évêque  de Valence comptait d'adopter le nouveau bréviaire ; il a a changé de résolution et s'en est assez nettement déclaré.  Le chapitre de Lodève était près de l'accepter de la main  de son évêque ; aujourd'hui il est déterminé à ne jamais  souffrir que le diocèse en soit infecté, et ce changement  est le fruit de la lecture que quelques-uns d'entre eux  en ont fait.

« M. l'Evêque de La Rochelle a avancé dix mille livres ;  mais on ne doute point qu'il ne les sacrifie généreusement, plutôt que de faire un présent si funeste à ses diocésains.

« Tandis que les catholiques, par des plaintes et des démarches publiques, montrent l'idée qu'ils ont conçue du nouveau bréviaire, les sectateurs des nouvelles opinions triomphent publiquement. M. de Montpellier s'en  est déclaré le protecteur ; il met tout en œuvre pour le  faire recevoir par son chapitre très orthodoxe, qui n'en veut pas.

« Les plaintes des uns, le triomphe des autres, font un argument dont un magistrat éclairé a senti toute la force. Voici comment il s'en est expliqué :

« Si Monseigneur l'Archevêque, disait-il, me parlait de  son bréviaire, je lui demanderais : Quels sont ceux qui  réclament contre ce nouveau bréviaire ? Ce sont tous les  bons catholiques, tous ceux qui sont connus par leur  soumission à l'Église, par leur attachement sincère à  votre personne et à votre autorité, et qui, depuis votre  arrivée à Paris, n'ont cessé de la défendre contre les.  novateurs. Qui sont maintenant ceux qui en prennent  la défense, qui sont empressés à le faire chanter, qui  disent que c'est un coup du ciel que ce bréviaire paraisse  sous votre nom ? Ce sont ceux qui sont révoltés contre  l'Église et ses décisions, ceux qui n'ont cessé de vous  déchirer dans leurs libelles, ceux qui ont tout mis en  œuvre pour noircir votre réputation et déshonorer votre  épiscopat, ceux, en un mot, que vous avez toujours paru  regarder comme hérétiques. Il ne vous convient pas de  vous déclarer ni contre les premiers, ni en faveur des  derniers ; et cependant c'est ce que vous paraissez faire,  lorsque vous soutenez le bréviaire et que vous vous  engagez à le soutenir toujours ; vous donnez lieu aux  Appelants de dire, comme ils le disent en effet, que  vous tournez de leur côté.

« Telles étaient, Monseigneur, les réflexions de ce magistrat dont vous estimez la religion, la droiture et les  lumières.

« Voilà, ce me semble, pour toutes les personnes non  prévenues, des preuves assez solides ; mais on n'aurait  pas absolument besoin de tous ces arguments étrangers,  puisque l'ouvrage dont il s'agit porte dans lui-même sa  condamnation, pour quiconque se donne la peine de  l'examiner. L'auteur de la Lettre sur le bréviaire démontre qu'il ne peut être que l'ouvrage du parti, et  qu'à ce seul titre, il nous doit être odieux. Persuadera-t-on jamais, en effet, que des catholiques aient pu faire  les indignes retranchements qu'il cite des passages formels et décisifs contre les nouvelles erreurs ? Il est vrai  qu'il ne parle que de peu de substitutions perverses où  le dogme soit directement attaqué. Quelles que puissent  être les raisons qui l'ont empêché d'entrer dans un plus  long détail, ce n'est pas la faute du bréviaire qui s'en  trouve rempli.

« Vous-même, oui, Monseigneur, Votre Grandeur elle-même s'est  déclarée contre cet ouvrage d'une manière non équivoque. Les mouvements qu'elle se donne pour le corriger, s'il était possible, ces cartons qu'elle fait apposer  de toutes parts et qui se multiplient par la recherche  des erreurs, sont autant de témoins irréprochables, qui  justifient nos plaintes et condamnent hautement le bréviaire.

« Réunissons à présent toutes ces preuves : n'en  résulte-t-il pas, dans les esprits les plus prévenus, que  tout parle effectivement contre le bréviaire ? La qualité  des auteurs justement suspects, la difficulté qu'ils ont eue à lui trouver un patron, la division des examinateurs, la multitude des représentations, les plaintes des  catholiques et l'approbation de leurs adversaires, la  lecture du bréviaire lui-même et votre propre conduite,  en faut-il davantage pour me faire dire avec justice qu'il  ne convient ni à vous, ni à vos diocésains ? et peut-il  y avoir des préjugés assez forts qui ne tombent à la  vue de preuves si lumineuses ?

« Je ne vois rien qui semble parler en sa faveur que  l'arrêt du parlement par lequel on a prétendu flétrir la  Lettre qui l'attaque; mais j'ose ici vous le demander à  vous-même, Monseigneur, et m'en rapporter aux secrets  sentiments de votre coeur ; si l'opposition que vous trouvez au bréviaire doit vous causer quelques inquiétudes,  cet arrêt sera-t-il capable de les apaiser ?

« Combien de réflexions judicieuses qu'il ne m'est pas  permis de mettre ici dans leur jour, doivent se présenter  à votre esprit pour balancer l'autorité d'un pareil jugement ! N'a-t-on pas vu souvent ?..... Mais je m'arrête, j'oubliais que le respect doit conduire ma plume, et qu'il  est des vérités sur lesquelles il ne m'appartient pas de  m'expliquer. Au moins, n'avez-vous pas sans doute  oublié que l'avocat général qui paraît aujourd'hui  prendre votre défense, est le même qui, plus d'une fois, éleva la voix dans lé parlement pour flétrir vos ouvrages  et les couvrir, s'il était possible, d'une éternelle ignominie ? Si les coups qu'il porte contre la Lettre ont quelque poids, ils eurent le même effet contre vos mandements, et approuver aujourd'hui son ministère, c'est  souscrire à votre condamnation. Non, son plaidoyer, ni  l'arrêt qui le suit, ne calmeront point les inquiétudes  d'un prélat véritablement orthodoxe qui ne reconnaît  que l'Église seule pour juge en matière de foi et de  religion.

« J'ajoute, qu'à ne consulter que l'arrêt lui-même, le  bréviaire n'est jamais justifié. J'ai en main le réquisitoire  de M. Gilbert de Voisins. Que dit-il ? et que condamne-t-il ? Entre-t-il dans le fond des matières ? examine-t-il  les preuves sur lesquelles la Lettre forme ses accusations ? Il n'avait garde. Le brillant obscur dont il a coutume d'envelopper ses tortueuses périodes, n'aurait pu  répandre aucun nuage sur l'évidence des preuves et  des raisons de l'auteur de la Lettre.

« Il s'arrête précisément au détail minutieux de quelques  phrases un peu fortes qu'il accable d'épithètes plus fortes  encore, mais qui, dans le vrai, ne signifient rien, puisqu'enfin, avant que de condamner ces expressions prétendues trop fortes, il faut prouver qu'elles portent à faux ; ce qu'il ne fait pas. Le principal motif qu'il  apporte pour le condamner,  est l'affectation singulière des qualités d'hérétiques et de catholiques appliquées à  ceux qui vivent dans le sein d'une même Église ; c'est-à-dire, Monseigneur, qu'il en veut autant à Votre Grandeur. qu'à  l'auteur de la Lettre, puisque vous avez fait la même  distinction dans vos mandements, c'est-à-dire qu'en feignant de vous défendre, il vous attaque véritablement ;  c'est-à-dire qu'il flétrit de nouveau vos mandements avec  la Lettre; c'est-à-dire, en un mot, que son réquisitoire  vous est aussi injurieux qu'il pourrait l'être à l'auteur  inconnu.

« Il est donc incontestable qu'en recueillant les voix  différentes, il s'élève un espèce de cri général contre le  nouveau bréviaire ; vouloir se cacher cette vérité, c'est  se mettre sur les yeux un bandeau volontaire, pour ne  pas apercevoir un objet réel qui blesse la vue. Or, dans  de telles circonstances généralement avouées, comment  convient-il à Votre Grandeur de se comporter ? C'est ce qui doit  faire l'objet de ses plus sérieuses réflexions, et je m'en  rapporterai volontiers à la décision de sa piété rendue à  elle-même et débarrassée des conseils de la molle condescendance. C'est à ce tribunal que j'en appelle, et je  m'assure du triomphe de ma cause. Il n'y a que deux  partis à prendre : l'un, de corriger le bréviaire et d'en  retrancher tout ce qui peut blesser la délicatesse catholique ; l'autre, de le repousser absolument et de le tenir comme non  avenu.

« Il paraît que c'est au premier parti que Votre Grandeur s'en est  tenue (car on n'est pas venu à bout de lui cacher tout  l'artifice de ce mystère d'iniquité) ; mais ce qu'il y a de  personnes autorisées dans votre diocèse vous proteste  ici, par mon ministère, que vous tentez une chose impossible. Malgré la déclamation non prouvée de l'avocat  général, il demeure constant parmi eux que tout le bréviaire est une masse d'un levain corrompu, de laquelle  on n'exprimera jamais un suc salutaire dont les catholiques veuillent se nourrir. Comment, en effet, rétablir  tous les retranchements des fêtes, des octaves, des prières  à la sainte Vierge et de cette immensité de textes de  l'Écriture et des Saints Pères, que les auteurs ont sacrifiés  aux mânes de Jansénius et de Quesnel ? Comment effacer  des hymnes, des leçons, des capitules, des répons, des  oraisons, cette multitude de phrases captieuses, équivoques, mal sonnantes, pour ne pas dire hétérodoxes,  sous lesquelles on a eu l'adresse d'insinuer des erreurs  si souvent condamnées ? Il faudrait absolument repétrir,  refondre toute cette masse impure, c'est-à-dire, qu'il n'en  coûterait pas davantage pour refaire un nouveau bréviaire.

« La chose fût-elle possible, ce qui n'est pas, croyez- vous, Monseigneur, que les vrais catholiques trouveront jamais du goût à réciter un bréviaire composé par  des ennemis de l'Église leur Mère? Non, nous ne voulons point de leurs présents ; nos lèvres ne souffriront  qu'avec peine des prières dont les auteurs ne furent pas  nos défenseurs; et le triste souvenir que nous les tenons  d'appelants et de fauteurs d'hérésie, sera capable de  troubler la dévotion de nos temples et de répandre  l'amertume sur la sainte gaieté de nos plus belles fêtes.  Le dirai-je, Monseigneur ? nous craignons de prononcer des blasphèmes, en ne récitant que des paroles respectables et uniquement tirées de nos saintes Écritures.  Un passage isolé, détaché de ce qui le précède et de ce  qui le suit, souvent ne présente par lui-même aucun  sens ; mais l'union artificieuse de plusieurs de ces passages leur donne souvent un sens tout à fait étranger,  et c'est ainsi que la parole de Dieu dans la bouche des  hérétiques devient le langage de l'erreur. Par exemple,  comparer l'état présent de l'Église à l'état d'Israël  séduit par Jéroboam, faire entendre qu'il ne la faut  plus chercher que dans un petit nombre d'élus que la Grâce du Seigneur s'est réservé, n'est-ce pas le langage  familier de tous les hérétiques ? Attendre que le prophète Élie vienne soutenir la foi du petit troupeau persécuté, n'est-ce pas le fanatisme dominant de nos jours ?  Des paroles tirées des saints Livres présentent toutes  ces horreurs dans plusieurs répons et plusieurs versets  de l'office du Dimanche après la Pentecôte. Dirait t-on que ce n'est pas là le sens naturel des paroles citées  dans le bréviaire? Qu'importe, si les catholiques ne  peuvent douter que ce ne soit là le sens qu'on a voulu  leur présenter ? Les traits de cette nature sont sans  nombre.

« Reste donc, Monseigneur (ici je sens qu'il faut me  faire une nouvelle violence ; c'est avec peine que  l'amour de la vérité l'emporte sur le respect), reste  donc, puisqu'il faut le dire, de reconnaître généreusement que vous avez été trompé, et de proscrire hautement un ouvrage qu'une confiance bien excusable dans  un prélat accablé de tant d'occupations vous a fait  adopter.

« S'il n'y avait que ce premier pas à faire, je crois aisément que Votre Grandeur n'y trouverait point de difficulté ; une  âme élevée comme la vôtre est au-dessus de cette faiblesse orgueilleuse qu'un glorieux aveu fait rougir.  Vous savez qu'il n'appartient qu'à l'élévation d'un noble  génie de se croire sujet à l'erreur, et que ce qui sépare  le grand homme d'avec l'homme faible n'est pas de ne  commettre aucune faute, mais de savoir l'avouer et  la réparer. L'immortel archevêque de Cambrai ne  s'est jamais tant distingué par la sublime beauté de ses  ouvrages, que par l'humble aveu qu'il a fait en chaire  de s'être trompé. Et son nom ne serait pas si glorieux  dans les fastes de l'Église, s'il avait toujours été à couvert de tout reproche.

« Le second  doit vous  coûter beaucoup plus,   sans doute, parce qu'il entraîne après lui de fâcheux embarras. Les frais sont faits ; la dépense est énorme ; où  trouver des fonds pour rembourser le libraire, et l'indemniser de ses avances ? Je conviens que cet article souffre difficulté. Il faudra se donner des mouvements,  lever bien des obstacles et de différentes espèces ; mais enfin la chose doit-elle être regardée comme impossible ? Les fonds de charité, d'honneur et de bienséance,  sont-ils donc épuisés dans la plus riche capitale du monde ? ou n'y a-t-il aucune voie à quelque accommodément ? Je conviens encore que, malgré les ressources  du zèle et de l'ingénieuse piété, différents particuliers  pourront souffrir quelque perte ; mais fût-elle fort au-dessus de ce qu'elle pourrait être en effet, des intérêts  purement humains peuvent-ils arrêter ou suspendre une  démarche prouvée nécessaire à la religion ?

« Rendez-vous donc, Monseigneur, à ce qu'elle vous  demande aujourd'hui. Toujours vous vous fîtes un devoir capital d'être docile à sa voix et de vous conduire  selon la sainteté de ses maximes. Il n'est qu'un seul  trait dans une longue suite d'années qui ne soit pas à  couvert de la critique ; trait cependant qui sera marqué  dans les fastes de l'Église, trait qui pourra défigurer le  glorieux portrait qu'on y fera de votre personne : hâtez-vous de l'effacer. Vous avez toujours été un de ces murs  d'airain, une de ces colonnes inébranlables que la religion oppose à l'hérésie. Vous êtes encore aujourd'hui  son ornement et son appui ; c'est un éloge que la malignité et l'envie ne peuvent vous refuser, et auquel je  suis le premier à souscrire. Vous soutiendrez jusqu'à  la fin ce noble caractère : vous vous souviendrez de ces beaux sentiments tracés avec tant d'énergie dans la  lettre que vous écriviez au roi, quelque temps après que  vous eûtes pris le gouvernement de cette Eglise : Je ferai  mon devoir (disiez-vous), je le ferai avec le zèle et la fermeté d'un évêque, qui, après avoir vieilli dans  l'épiscopat, n'est pas venu dans la capitale pour trahir son ministère et pour le déshonorer à la fin de ses  jours ; jours précieux, Monseigneur, pour lesquels je me trouverais heureux de sacrifier les miens inutiles  au monde, et qui s'avancent, hélas ! pour notre malheur, a à pas trop précipités. Il faudra paraître devant ce Juge  redoutable qui trouve des iniquités jusque dans ses  Saints. Vous porterez à son tribunal des œuvres de  salut et des vertus dignes d'un zélé ministre du Dieu  vivant dont vous avez soutenu les autels, mais vous y  rendrez compte aussi de ce qui fait le Sujet de cette  humble Remontrance.

« Au nom du Dieu que nous  servons, au nom de cette religion que nous suivons,  examinez sérieusement et pesez dès à présent, au poids  sacré du sanctuaire, ce que vous voudriez avoir fait  dans ce moment terrible et décisif, où la vérité pure  brillera sans nuage et débarrassée de toutes les préventions humaines. »

 

Il était plus aisé de condamner au feu la pièce qu'on vient de lire que de la réfuter.

 

DOM GUÉRANGER INSTITUTIONS LITURGIQUES : CHAPITRE XIX : SUITE DE L'HISTOIRE DE LA LITURGIE, DURANT LA PREMIERE MOITIÉ DU XVIIIe SIÈCLE. — PROJETS DE BREVIAIRE A PRIORI. — GRANCOLAS, FOINARD. — BREVIAIRES DE SENS, AUXERRE, ROUEN, ORLÉANS, LYON, ETC. — BRÉVIAIRE ET MISSEL DE PARIS, DU CARDINAL DE NOAILLES. — BREVIAIRE ET MISSEL DE PARIS, DE L'ARCHEVÊQUE VINTIMILLE. — AUTEURS DE CETTE LITURGIE. VIGIER. MÉSENGUY. COFFIN. — SYSTEME SUIVI DANS LES LIVRES DE VINTIMILLE. — RÉCLAMATIONS DU CLERGÉ. — VIOLENCES DU PARLEMENT DE PARIS. — TRIOMPHE DE LA LITURGIE DE VINTIMILLE.

 

Frontispice des Nouvelles écclésiastiques

Frontispice des Nouvelles écclésiastiques, année 1763, En foulant ses ennemis cruels Elie régale les cieux

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29 janvier 2012 7 29 /01 /janvier /2012 21:00
Le salaire de la peur (France 1953)
de Henri-Georges Clouzot, d'après le livre de Georges Arnaud
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29 janvier 2012 7 29 /01 /janvier /2012 05:00

Aussitôt, le jour du sabbat, il se rendit à la synagogue, et là, il enseignait. On était frappé par son enseignement, car il enseignait en homme qui a autorité, et non pas comme les scribes.

 

Or, il y avait dans leur synagogue un homme tourmenté par un esprit mauvais, qui se mit à crier : "Que nous veux-tu, Jésus de Nazareth ? Es-tu venu pour nous perdre ? Je sais fort bien qui tu es : le Saint, le Saint de Dieu". Jésus l'interpella vivement : "Silence ! Sors de cet homme". L'esprit mauvais le secoua avec violence et sortit de lui en poussant un grand cri.

 

Saisis de frayeur, tous s'interrogeaient : " Qu'est-ce que cela veut dire ? Voilà un enseignement nouveau, proclamé avec autorité ! Il commande même aux esprits mauvais, et ils lui obéissent."

 

Dès lors, sa renommée se répandit dans toute la région de la Galilée.

 

Évangile de Jésus Christ selon saint Marc

 

L'Adoration du Nom de Jésus, Le Greco, Monasterio de San Lorenzo, El Escorial

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