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"Je vous donne un commandement nouveau : c'est de vous aimer les uns les autres.

 

Comme je vous ai aimés, vous aussi aimez-vous les uns les autres.

 

Ce qui montrera à tous les hommes que vous êtes mes disciples, c'est l'amour que vous aurez les uns pour les autres."

 

Evangile de Jésus-Christ selon  saint Jean 

   

 

Pentecôte

" Le Défenseur, l'Esprit Saint que le Père enverra en mon nom, lui, vous enseignera tout, et il vous fera souvenir de tout ce que je vous ai dit."

 

Évangile de Jésus Christ selon saint Jean  

 

   

 

 El Papa es argentino. Jorge Bergoglio                 

Saint Père François

 

 

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1er mai 2011 Béatification de Jean-Paul II

Béatification du Serviteur de Dieu Jean-Paul II

 

 

  Béatification du Père Popieluszko

beatification Mass, in Warsaw, Poland

à Varsovie, 6 juin 2010, Dimanche du Corps et du Sang du Christ

 

 

presidential palace in Warsaw

Varsovie 2010

 

 

Basilique du Sacré-Cœur de Montmartre
Sanctuaire de l'Adoration Eucharistique et de la Miséricorde Divine

La miséricorde de Dieu est comme un torrent débordé. Elle entraîne les cœurs sur son passage.
(Saint Curé d'Ars)
 

 


Le côté du Christ a été transpercé et tout le mystère de Dieu sort de là. C’est tout le mystère de Dieu qui aime, qui se livre jusqu’au bout, qui se donne jusqu’au bout. C’est le don le plus absolu qui soit. Le don du mystère trinitaire est le cœur ouvert. Ce n’est pas une image, c’est une réalité. C’est la réalité la plus profonde qui soit, la réalité de l’amour.
Père Marie-Joseph Le Guillou




Dans le cœur transpercé
de Jésus sont unis
le Royaume du Ciel
et la terre d'ici-bas
la source de la vie
pour nous se trouve là.

Ce cœur est cœur divin
Cœur de la Trinité
centre de convergence
de tous les cœur humains
il nous donne la vie
de la Divinité.


Sainte Thérèse Bénédicte de la Croix
(Edith Stein)



Le Sacré-Cœur représente toutes les puissances d'aimer, divines et humaines, qui sont en Notre-Seigneur.
Père Marie-Eugène de l'Enfant Jésus

 



feuille d'annonces de la Basilique du Sacré-Coeur de Montmartre

 

 

 

 

 

 

 

     

The Cambrai Madonna

Notre Dame de Grâce

Cathédrale de Cambrai

 

 

 

Cathédrale Notre Dame de Paris 

   

Ordinations du samedi 27 juin 2009 à Notre Dame de Paris


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Solennité de l’Immaculée Conception de la Vierge Marie à Notre-Dame de Paris


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... ma vocation, enfin je l’ai trouvée, ma vocation, c’est l’Amour !

 

 

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SAINT PIERRE ET SAINT ANDRÉ

Saint Pierre et Saint André

 

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Benedict XVI and Cypriot Archbishop Chrysostomos, Church of 

Salutation avec l'Archevêque Chrysostomos à l'église d' Agia Kyriaki Chrysopolitissa de Paphos, le vendredi 4 juin 2010

 

     

 

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SALVE REGINA

13 janvier 2012 5 13 /01 /janvier /2012 12:30

Quant aux leçons des saints, nos deux docteurs s'accordent à dire qu'elles ne devront renfermer que des  histoires bien approuvées. Nous verrons bientôt ce qu'on doit entendre par ces paroles.

 

Le bréviaire, ainsi réduit, n'est bientôt plus qu'un livre de lecture privée ; il perd son caractère social. C'est pourquoi, rétrogradant toujours jusqu'à Quignonez, et jaloux d'enchérir sur les traditions de François de Harlay, Foinard ne se borne plus à retrancher de la récitation privée le salut au peuple chrétien, Dominus vobiscum, il veut en exclure la répétition des invitatoires, des répons brefs, le Jube, Domne, benedicere, le Tu autem, Domine, miserere nobis,  et même le Benedicamus Domino, sans doute à cause du pluriel Benedicamus. Il faut pourtant avouer que Foinard n'a pas été suivi, dans nos bréviaires, sur tous ces points : on s'est borné généralement à la suppression du Dominus vobiscum  dans l'office récité en particulier ; après tout, c'est accorder le principe et nier la conséquence. Foinard a été plus heureux dans la proposition de supprimer les Pater, Ave,  Credo, qui précèdent les heures de l'office. On lui a, en grande partie, octroyé sa demande, en cessant de réciter ces prières en tête des différentes heures quand on les chante, ou quand on les récite à la suite des unes des autres.

 

On voit dans cette dernière innovation, comme dans tout le reste, le grand désir d'abréger l'office, la crainte de n'en pas venir à ses fins, si on n'offrait pour compensation à  la ruine de toutes  les traditions l'appât d'un bréviaire très court. C'est  dans cette intention qu'un si grand   enthousiaste de l'antiquité que prétend l'être Maurice Foinard, ne craint pas de proposer l'établissement d'offices à six leçons pour les fêtes auxquelles on voudra donner un rang médiocre.   Nous ne connaissons qu'un seul bréviaire  dans lequel cette étrange forme d'office ait été admise.

 

Maintenant, si on se demande en  vertu de quel droit nos faiseurs imaginaient rendre licite un pareil bouleversement du culte divin, Foinard nous répond, et cette réponse a été souvent donnée, de nos jours, avec tout autant d'irréflexion et d'un air tout aussi triomphant, Foinard nous  répond que saint  Grégoire écrivit, au VIe  siècle, à saint Augustin, apôtre d'Angleterre, qu'il le faisait libre d'admettre dans le service divin les coutumes, soit  des Gaules, soit   de  toute  autre église, si leur  fusion avec celle de l'Eglise romaine pouvait faciliter et confirmer la conversion des Anglo-Saxons. C'est une bien étrange distraction que celle-là ; car, outre que, comme nous l'avons prouvé ailleurs, il ne s'agissait point de l'office divin proprement dit, qui fut toujours celui de Rome dans l'Église anglo-saxonne, mais simplement de certains usages et observances d'une importance secondaire, saint Grégoire donnait à saint Augustin un pouvoir légitime et spécial, non moins que personnel. En vertu de quelle extension aurait-on pu se l'attribuer en France, après tant de siècles, après la destruction du rite gallican, après l'établissement du rite romain, après le concile de Trente et la bulle de saint Pie V, après les conciles de France pour accepter cette bulle, etc. ? Est-il raisonnable, en outre, d'assimiler les usages liturgiques des Gaules, et autres anciennes Églises de fondation apostolique, à ceux dont Foinard ou ses pareils ont pris l'idée dans leur cerveau ? En un mot, de ce que saint Augustin aurait pu licitement, d'après la permission expresse de saint Grégoire le Grand, unir les rites sacrés de l'Église romaine avec quelques-uns de ceux, si vénérables, institués par les Pothin, les Irénée, les Hilaire et les Martin, s'ensuivait-il qu'on pouvait, onze siècles après, remplacer la plus grande partie des formules sacrées de l'office divin par d'autres formules improvisées par de simples prêtres ou laïques, les uns hérétiques, les autres suspects dans leurs relations et leurs tendances personnelles ? Mais en voilà plus qu'il n'en faut sur la lettre de saint Grégoire à saint Augustin : nous y reviendrons cependant une dernière fois dans la partie de cet ouvrage où nous aurons à traiter du droit de la Liturgie.

 

Les  utopies  liturgiques de Grancolas et de   Foinard doivent aussi être considérées sous le rapport des conséquences qu'elles amenèrent. Non seulement elles accélérèrent le  remaniement  des offices divins dans plusieurs diocèses, et  leur  complet renouvellement  en d'autres ; mais, et ceci n'est pas moins grave, elles firent descendre la Liturgie au rang vulgaire des compositions du génie humain. Chacun se crut en droit de juger des convenances du  bréviaire,  et, pendant  que  de  nombreux  amateurs dissertaient sur ce qu'il y avait à faire pour donner enfin à  l'Église une  expression digne   de   ses  mystères, des liturgistes de  profession  se  formèrent de toutes parts. Jusque-là, on avait pensé que la Liturgie, c'était la Tradition, et que de même qu'on ne fait pas de la Tradition comme on veut, on ne fait pas non plus de la Liturgie à volonté, bien que la Tradition et la Liturgie reçoivent l'une et l'autre, par le cours des siècles, certains accroissements qui viennent se fondre dans la masse. Alors, car il faut toujours que des mots soient faits pour exprimer les idées,  ou  les nouvelles formes  d'idées, alors on vit paraître  ces expressions, faire un bréviaire, l'auteur de tel bréviaire : le bréviaire de tel diocèse  est bien fait, cet autre est mal fait, celui-ci est mieux fait. Étrange renversement d'idées, mais qui trahissait bien les vues tout humaines,    toutes   nationales,   toutes   personnelles  qui avaient présidé à cette œuvre téméraire ! On ne réfléchissait, pas que s'il était encore temps, que même s'il était devenu nécessaire, après tant de siècles, de rédiger sur un nouveau plan la forme des prières et de la confession publique de l'Église, de deux choses l'une, ou le premier besoin de l'Église était demeuré  si  longtemps sans être satisfait et n'avait pu  l'être que par quelques prêtres et laïques  français, ou ces prêtres,  ces laïques,  en contradiction avec l'Église qui dédaignait leur  œuvre, avaient assumé sur eux la plus énorme responsabilité. Or l'Église universelle n'a pas fait un pas vers ces hommes et leur œuvre. Le Siège apostolique les a laissés dans leur isolement. Ils sont des hommes, ils ont fait une œuvre humaine ; elle aura le sort des œuvres humaines.

 

C'était donc une nouvelle branche de littérature dont Foinard et Grancolas avaient doté le pays. Les auteurs du Bréviaire de Cluny avaient du moins gardé, le secret de leurs théories ; nos deux docteurs les ébruitèrent, et un grand mouvement commença dans nos sanctuaires appelés à la régénération. Toutefois, les plus zélés partisans de cette œuvre sont bien obligés de convenir que le bienfait des nouvelles Liturgies n'a pas contribué à faire refleurir l'antique foi de nos pères : il leur faut même convenir, l'histoire en main, que cette foi antique a subi une décadence proportionnelle aux progrès de l'innovation. Après tout, il eût été difficile que le mauvais arbre produisît de bons fruits, que les conceptions des jansénistes ou de leurs fauteurs donnassent parmi nous des fruits de piété et d'orthodoxie. Rien n'est plus commun et plus divertissant en même temps que d'entendre, comme on en est à même tous les jours, les partisans des nouveaux bréviaires convenir ingénument que la piété et l'onction ne forment pas le caractère de ces livres de prières qu'ils ont substitués à ceux de cette Église romaine qui, fondée inébranlablement sur la foi et la charité, mue et conduite par l'Esprit-Saint dont elle est l'épouse, soupire, dans tous les siècles, cet ineffable gémissement dont notre faible livre cherchera à faire sentir la merveilleuse douceur.

 

Après 1727, nous ne retrouvons plus Grancolas sur la scène liturgique. Le Commentaire du Bréviaire romain, dont le Projet d'un nouveau Bréviaire forme un des chapitres, est son dernier ouvrage. C'était l'année précédente, 1726, que Foinard, joignant l'exemple au précepte, avait fait imprimer son Breviarium ecclesiasticum. Le coup était hardi de la part d'un homme qui alors n'avait plus  aucune  juridiction,   s'étant  démis   de  sa   cure de Calais. Aussi, n'ayant ni diocèse, ni paroisse même à qui le destiner et dont il put lui donner le nom, il jugea convenable d'en faire le Bréviaire de l'Église, et l'ouvrage parut sous ce titre : Breviarium ecclesiasticum, editi jam prospectus executionem exhibens. Ainsi sa Liturgie, après avoir été à l'état de prospectus, existait enfin en réalité.

 

De si grands avantages émurent plusieurs diocèses, et on remarqua bientôt un nouveau mouvement dans la Liturgie. Les bréviaires qu'on avait réformés dans les dernières années du XVIIe siècle et dans les premières du XVIIIe, tout en présentant de fâcheuses imitations de celui de François de Harlay, ne s'étaient pas cependant écartés d'une manière énorme de l'ancien fonds grégorien de l'office (parmi ces bréviaires nous citerons ceux de Senez (1700), de Lisieux (1704), de Narbonne (1709), de Meaux (1713), d'Angers (1716), de Troyes (1718), etc. Il y a de mauvaises intentions dans plusieurs de ces bréviaires. Généralement, celui de Cluny a trop influé sur leur rédaction ; mais ils sont loin d'être à la hauteur de ceux dont il nous reste à parler). On avait hésité à se lancer tout à fait dans la nouveauté : mais, après 1720, on osa franchir le pas et embrasser dans toute son étendue la responsabilité d'une nouvelle création liturgique. Ainsi le diocèse de Sens, qui avait reçu, en 1702, de son archevêque, Hardouin de la Hoguette, un bréviaire encore assez pur, fut obligé, dès 1725, d'en accepter un autre des mains de Denys-François Bouthillier de Chavigny. Ce second bréviaire, comme nous l'avoue Languet, successeur de Chavigny, dans sa controverse avec l'évêque de Troyes, avait eu pour rédacteur un homme de parti qui s'était appliqué à y faire entrer, à l'aide de passages de l'Écriture choisis dans un but suspect, les principes de la secte janséniste.

 

Daniel-Charles Gabriel de Caylus, évêque d'Auxerre, le même qui, après avoir suivi pendant douze ans la doctrine catholique contre le jansénisme, se déclara pour cette hérésie, peu de jours après la mort de Louis XIV, et en fut jusqu'à la fin l'un des plus opiniâtres champions, ne manqua pas de doter son diocèse d'une nouvelle Liturgie. Le bréviaire donné par le prélat, en 1726, eut pour principal rédacteur Jean-André Mignot, grand vicaire de Caylus, et son complice dans les mêmes doctrines.

 

En 1728, nous trouvons le Bréviaire de Rouen, publié par l'archevêque Louis de La Vergne de Tressan, et rédigé par le docteur Urbain Robinet, personnage de sentiments orthodoxes, il est vrai, et dont l'œuvre n'a rien qui tende, soit directement, soit indirectement, au dogme janséniste proprement dit, bien qu'elle n'en soit pas moins le produit d'un amour effréné de la nouveauté. Comme nous devons parler à loisir, dans un autre endroit, du docteur Robinet, nous nous bornerons à mentionner ici son premier essai liturgique, et nous ferons observer en même temps combien il était déplorable que l'Église de Rouen qui, dans le concile provincial de 1581, avait ordonné si solennellement l'obéissance aux décrets de saint Pie V, et qui avait pris soin de s'y conformer dans les éditions de 1687, 1594 et 1626, se livrât désormais, pour la Liturgie, à la merci d'un simple particulier.

 

En 1731, parut un bréviaire à l'usage de l'Église d'Orléans. Le nom de l'évêque Louis-Gaston Fleuriau d'Armenonville est seul inscrit sur le frontispice de ce livre ; ce n'était cependant qu'une édition nouvelle du Bréviaire que Le Brun Desmarettes avait rédigé par l'ordre du cardinal de Coislin. M. Fleuriau d'Armenonville  s'appropriait  jusqu'à la  lettre  pastorale,   par laquelle son prédécesseur avait promulgué la nouvelle forme de l'office, divin, en 1693. Pour toute différence entre les deux mandements, on ne trouve que la suppression de quelques phrases sans portée. Dans le corps du bréviaire, M. Fleuriau d'Armenonville avait renouvelé quelques hymnes, changé en plusieurs endroits les leçons tirées des Pères et fait quelques additions inspirées par l'esprit sincèrement catholique dont il était animé. Il rétablit, par exemple, la fête de la chaire de saint Pierre à Rome, supprimée dans le Bréviaire de 1693 ; mais, d'un autre côté, il faisait un nouveau pas dans la voie de l'innovation en changeant la disposition traditionnelle du Psautier, que le cardinal de Coislin avait respectée. En définitive, M. Fleuriau d'Armenonville, évêque d'une orthodoxie irréprochable, donnait un triste exemple en adoptant les théories et les œuvres liturgiques de la secte janséniste, qu'il combattait avec courage sur un autre terrain, et nous allons voir qu'il eut malheureusement des imitateurs, dont les fautes eurent les plus fatales conséquences.

 

L'année 1736 est à jamais fameuse dans les fastes de la Liturgie, par l'apparition du Bréviaire de Paris publié par l'archevêque Vintimille. Avant d'entamer le récit de la publication de ce livre célèbre, nous signalerons, en passant, un autre événement d'une importance majeure. En 1737, la sainte et vénérable Église de Lyon, qui jusqu'alors avait gardé religieusement la forme auguste de ses offices, dans lesquels l'ancien rite romain se mariait à de vénérables réminiscences de l'antique Liturgie gallicane, voyait porter atteinte à ce précieux dépôt. L'archevêque Charles-François de Châteauneuf de Rochebonne inaugurait un bréviaire dans lequel une chose aussi grave que la division du Psautier était sacrifiée, malgré sa forme séculaire, à de nouvelles théories d'arrangement, toujours   dans   le  but d'abréger les  offices divins.  Le nombre des formules traditionnelles était diminué, les légendes des saints soumises à une critique exagérée ; enfin, si l'Église de Lyon ne se voyait pas privée dans une proportion plus considérable du trésor de ses vénérables prières, c'est que, fort heureusement, le prélat qui lui donnait le nouveau bréviaire avait été retenu par l'inconvénient qu'il y aurait eu de déroger à cet usage de Lyon, en vertu duquel on chantait encore sans livre les heures canoniales.

 

Nous verrons bientôt un archevêque de Lyon que cette considération n'arrêtera pas.

 

DOM GUÉRANGER INSTITUTIONS LITURGIQUES : CHAPITRE XIX : SUITE DE L'HISTOIRE DE LA LITURGIE, DURANT LA PREMIERE MOITIÉ DU XVIIIe SIÈCLE. — PROJETS DE BREVIAIRE A PRIORI. — GRANCOLAS, FOINARD. — BREVIAIRES DE SENS, AUXERRE, ROUEN, ORLÉANS, LYON, ETC. — BRÉVIAIRE ET MISSEL DE PARIS, DU CARDINAL DE NOAILLES. — BREVIAIRE ET MISSEL DE PARIS, DE L'ARCHEVÊQUE VINTIMILLE. — AUTEURS DE CETTE LITURGIE. VIGIER. MÉSENGUY. COFFIN. — SYSTEME SUIVI DANS LES LIVRES DE VINTIMILLE. — RÉCLAMATIONS DU CLERGÉ. — VIOLENCES DU PARLEMENT DE PARIS. — TRIOMPHE DE LA LITURGIE DE VINTIMILLE.

 

Still-Life with Books  

Still-Life with Books by Unknown Master, Dutch, Alte Pinakothek, Munich

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13 janvier 2012 5 13 /01 /janvier /2012 05:00

Le Seigneur est grand : à cause des uns, il pardonne aux autres ; il agrée la prière des premiers et il pardonne aux seconds leurs péchés. Hommes, pourquoi donc aujourd'hui votre compagnon d'existence ne pourrait-il rien pour vous, quand auprès du Seigneur son serviteur a le droit d'intervenir et d'obtenir ?
 
Vous qui jugez, apprenez donc à pardonner ; et vous qui êtes malades, apprenez donc à supplier. Si vous n'espérez pas le pardon direct des fautes graves, recourez alors à des intercesseurs, recourez à l'Église qui priera pour vous. Alors, par égard pour elle, le Seigneur vous accordera le pardon qu'il aurait pu vous refuser. Nous ne négligeons pas  la réalité historique de la guérison du paralytique ; mais nous reconnaissons avant tout la guérison en lui de l'homme intérieur, à qui ses péchés sont pardonnés.
 
Le Seigneur veut sauver les pécheurs ; il démontre sa divinité par sa connaissance des secrets et par les prodiges de ses actions.

« Qu'est-ce qui est le plus facile à dire, demande-t-il donc, de dire : 'Tes péchés te sont remis' ou bien : 'Lève-toi et marche' ? »

Ici il fait voir une image complète de la résurrection, puisque, guérissant la blessure de l'âme et du corps, l'homme tout entier est guéri.

 

Saint Ambroise 

Commentaire du jour de L'Evangile au Quotidien

 

Basilica di Sant’Apollinare Nuovo

Mosaïque (VIe s.) de la Basilique Saint-Apollinaire-le-Neuf, Ravenne

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12 janvier 2012 4 12 /01 /janvier /2012 12:30

Il en devait être ainsi dans l'Église romaine, dont la vie et la force consistent uniquement dans les traditions. Foinard et Grancolas jugèrent, dans leur sagesse, qu'il en pouvait être autrement dans l'Église de France.

 

Écoutons ces deux grands législateurs de nos sanctuaires ; Foinard est le plus explicite dans ses désirs. Le titre de son livre mérite tout d'abord notre attention : Projet d'un nouveau Bréviaire ; ainsi, le bréviaire et, parmi les institutions de l'Église catholique, la seule qui n'ait pas besoin d'antiquité, qui puisse être refondue, après les siècles, sur le plan donné par un simple particulier, — d'un nouveau Bréviaire dans lequel l'Office divin, sans en changer la forme ; — on consent donc à laisser dans ce bréviaire, les matines, les laudes, les petites heures, vêpres, complies, avec le même nombre de psaumes, d'hymnes, etc. Il y aura encore un psautier, un propre du temps, un propre et un commun des saints.  — Dans lequel   l'office  serait particulièrement composé   de   l'Écriture  sainte ; —   l'Église,    jusqu'ici, employait sa propre voix à célébrer ses mystères ; elle se croyait en droit de parler à son Époux ; l'élément traditionnel lui semblait divin comme l'Écriture; or le bréviaire, avec ses antiennes, ses répons et ses versets, qu'était-ce autre chose que la tradition ?

 

Le docteur   Foinard,  qui sait bien qu'un simple particulier ne fait pas   de la tradition, propose de farcir son œuvre de phrases bibliques qu'il choisira à son loisir et suivant les convenances. — Instructif ; — ainsi, la tradition n'apprend rien ; l'Église, dans ses œuvres, ne sait pas nous instruire, elle qui, a les paroles de la vie éternelle. Il nous faut pour cela avoir recours à certains prêtres de doctrine suspecte, qui nous initieront à la doctrine.— Édifiant ;— si l'Église instruit mal, elle ne peut guère édifier. Que ceux-là qui vont nous instruire daignent   donc  aussi  nous édifier. — Dans un ordre naturel, sans renvois ;— plus de ces rubriques compliquées qui obligent le prêtre à faire de l'office divin une étude sérieuse ; au reste, ces rubriques sont elles-mêmes des traditions, il est trop juste qu'elles disparaissent. — Sans répétitions ; — il est pourtant malheureux que ceux qui prient Dieu ou les hommes soient ainsi faits, qu'ils éprouvent le besoin de répéter souvent leurs demandes. — Et très court ; — voilà le grand moyen de succès ! C'est peu de tenter les hommes par la belle promesse de les éclairer et de les édifier ; c'est peu de les flatter par l'espérance que le livre qui contient la prière sera désormais réduit à un ordre naturel, sans renvois, que l'on ne perdra plus de temps à lire et étudier des rubriques ; la somme des prières sera diminuée, et afin qu'on puisse désirer un nouveau bréviaire avec connaissance de cause, l'engagement de le rendre très court est exprimé en toutes lettres sur  le titre  du livre destiné à propager en tous lieux une si merveilleuse nouvelle ! On prétend donc faire rétrograder l'Église de France, jusqu'au bréviaire de Quignonez (encore le Bréviaire de Quignonez était-il rempli de formules traditionnelles). Saint Pie V, les conciles du XVIe siècle, l'Assemblée du clergé de 1605 et 1606, tout est oublié, méprisé. On veut un bréviaire composé d'Ecriture sainte, et, pardessus tout, un bréviaire court ; on l'aura ; il se trouvera des jansénistes, des hérétiques pour le rédiger.

 

Entrons maintenant dans le détail des moyens choisis par notre improvisateur liturgique, pour réaliser le plan qu'il a daigné concevoir, et qu'il rédigera bientôt à l'usage de l'Eglise. D'abord, son élément constituant, c'est l'Écriture sainte, ainsi qu'il l'a annoncé sur le titre de son livre. Mais, dit-il, il ne la prendra que dans des sens autorisés (Projet d'un nouveau Bréviaire, page 66.). Rien de plus rassurant qu'une pareille déclaration ; mais si l'esprit de secte vient à s'emparer de la rédaction liturgique, au milieu de l'ébranlement général que ces brillants systèmes vont causer dans l'Église de France, quelle sera la garantie ? Les sens autorisés, aux yeux d'un janséniste, sont tout différents des sens autorisés à ceux d'un catholique.

 

Encore, si, dans ce triomphe de l'Ecriture sur la tradition, on voulait consentir à laisser dans nos bréviaires les nombreuses pièces empruntées à l'Écriture elle-même par saint Grégoire, nous n'aurions d'examen à faire que sur les nouvelles pièces substituées aux antiennes, versets et répons de style ecclésiastique. Mais cette retenue n'est pas du goût de Foinard, ni de ses successeurs. Les parties de l'office grégorien qui sont tirées de l'Écriture sainte pourraient ne pas s'harmoniser dans le plan d'offices inventé au XVIIIe siècle.  Il ne faudrait donc pas, dit notre docteur, se faire un scrupule  de substituer certains textes de l'Écriture sainte à ceux  qui sont employés dans les anciens bréviaires, pour  composer des antiennes, des répons, des capitules, etc. "Il semble, en effet, que c'est une  chose très indifférente en soi-même qu'un répons ou un capitule soit pris d'un  endroit de l'Écriture sainte plutôt que d'un autre, et  que, quand un texte convient mieux qu'un autre dont  on se servait anciennement, il est fort permis de le  prendre". (Projet d'un nouveau Bréviaire, page 178.) On le voit, nous n'exagérons rien ; au reste, depuis longtemps, en France, on n'en est plus aux théories. Les bréviaires ont été produits et sont là pour attester le dédain avec lequel l'œuvre grégorienne a été traitée sous tous les points.

 

Foinard dispose, avec une incroyable assurance, l'échelle de la proportion qu'on devra suivre désormais entre les fêtes du christianisme. Ce qui existe à ce sujet dans l'Église n'a que l'autorité du fait ; voici donc comment il entend régler pour l'avenir l'harmonie entre ces nobles parties de la Liturgie universelle. Former une classe supérieure de fêtes de Notre-Seigneur, dans laquelle on ne puisse admettre aucune fête de la sainte Vierge, ni des saints, ainsi que le pratique d'une manière si inconvenante le Bréviaire romain. Telle est l'idée de Foinard, celle aussi de Grancolas, et tous deux — le croirait-on, si on ne le lisait de ses propres yeux, si plus d'un bréviaire de France ne nous l'attestait encore ?— ils osent refuser à la fête du Saint-Sacrement une place parmi les grandes fêtes de Notre-Seigneur ! Languet a-t-il donc si grand tort de signaler les instincts calvinistes dans toute cette révolution liturgique, révolution, nous le répétons, venue d'en bas, entachée de presbytérianisme, et poussée par des hommes en rébellion contre le Siège apostolique ? Quant au refus d'admettre aucune fête de la sainte Vierge ou des saints dans la première classe, qu'est-ce autre chose, à part la leçon faite à l'Église mère et maîtresse, qu'une manière d'humilier la piété catholique sous le superbe prétexte de venger l'honneur de Dieu, comme si Jésus-Christ n'avait pas dit : Qui mihi ministrat me sequatur, et ubi sum ego, illic sit et minister meus ? (Joan. XII, 26.)

 

Foinard et Grancolas consentent néanmoins à ne pas faire descendre la Fête-Dieu, l'Assomption et la Fête du Patron, au-dessous de la seconde classe ; mais, en retour, saint Jean-Baptiste, et saint Pierre et saint Paul, n'étant pas jugés dignes de s'arrêter encore à ce second degré, tombent au troisième qu'on appellera solennel mineur. Ainsi ces docteurs voulaient-ils étendre à la France entière les audacieuses réformes de Le Tourneux et de dom de Vert. N'est-ce pas une chose profondément humiliante, et non moins désolante pour la piété, que de voir qu'ils y ont réussi ?

 

Toujours à la suite des auteurs du Bréviaire de Cluny, nous voyons nos deux docteurs s'imposer la tâche de diminuer, d'une manière plus efficace, le culte de la sainte Vierge et des saints, au moyen de certaines mesures liturgiques qui finirent par devenir propres à tous les nouveaux bréviaires. C'est d'abord leur grand principe de la sainteté du dimanche qui ne permet pas qu'on dégrade ce jour jusqu'à le consacrer au culte d'un saint, ni même de la sainte Vierge. Il ne pourra donc céder qu'à une solennité de Notre-Seigneur. Il sera désormais privilégié à l'égard même de l'Assomption de la sainte Vierge, de la Toussaint, etc. (Foinard, page 24. Grancolas, 346.). A plus forte raison, les doubles majeurs, ou mineurs, qui diversifiaient si agréablement pour le peuple fidèle la monotonie des dimanches, en lui rappelant les amis de Dieu, leurs vertus et leur protection, devaient-ils être pour   jamais renvoyés   à   des jours de férié dans lesquels leur fête s'écoulerait silencieuse et inaperçue ?

 

En outre, pour donner au temps du carême une couleur sombre et conforme, pensait-il, au génie de l'Église primitive, Foinard proposait de retrancher toutes les fêtes des saints qui tombent dans ce temps, même l'Annonciation. Grancolas, moins austère, daignait tolérer l'Annonciation et même saint Joseph, et n'admettait pas non plus l'idée qu'avait eue Foinard, de privilégier aussi contre les fêtes des saints les fériés du temps pascal. Cette dernière idée n'a été admise, que nous sachions, dans aucun bréviaire : mais toutes les autres réductions du culte des saints dont nous venons de parler, sont encore à l'ordre du jour dans la plupart des Eglises de France.

 

Une autre manière de relever la primitive Église dans le nouveau bréviaire, c'est la proposition que fait Foinard d'introduire de nouvelles fêtes de martyrs, divisées suivant les diverses persécutions. Nous allons bientôt voir cette idée en action. Pour achever ce qui a rapport au culte des saints, nous citerons cette phrase naïve de Grancolas :  "On devra abréger l'office des dimanches et  des fériés ; car dès que l'office de la férié ne sera pas  plus long que celui des fêtes, comme il est plus diversifié  et plus affectif que celui des saints, il n'y a personne  qui n'aime mieux le dire que celui des fêtes". Quant aux fêtes des saints, voici ce qu'on en fera. Saint Jean-Baptiste, saint Pierre et saint Paul descendront, comme on l'a déjà vu, au solennel mineur ; les autres apôtres ne seront que doubles, les saints docteurs semi-festifs, les martyrs simples. "Les fêtes des confesseurs,  ajoute notre docteur, n'auraient qu'une seule mémoire  dans l'office férial, et on renverrait leur office, s'ils sont évêques,  dans leurs diocèses ; s'ils sont moines, dans  leur ordre ; et les autres saints et saintes, dans les lieux  où ils se sont sanctifiés ; ne faisant aucune fête d'invention ou de  translation de reliques, que dans les lieux  où l'on croit avoir de ces reliques".

 

Le calendrier sera désormais épuré, comme l'on voit, et puisque le but avoué de Grancolas et de ses complices, est de faire que le clergé préfère l'office de la férié à celui des saints, on ne peut nier qu'il n'ait pris un excellent moyen d'assurer cette préférence, en réduisant à des bornes si étroites cet office des saints. Mais aussi, quel lamentable spectacle que de voir pénétrer dans nos églises des maximes entachées de calvinisme, et si grossièrement opposées à celles du Siège apostolique, qui n'a cessé depuis deux siècles de fortifier le calendrier de l'Église par l'accession de nouveaux protecteurs ! Nous n'avons pas besoin de dire que les idées de Foinard se rapprochent totalement de celles de Grancolas. Il déclare expressément que l'office sera de la même longueur aux fériés et aux fêtes, pour éviter l'ennui, et qu'on devra diminuer  autant que possible le  nombre des fêtes à neuf leçons.

 

Quant aux leçons des saints, nos deux docteurs s'accordent à dire qu'elles ne devront renfermer que des  histoires bien approuvées.

 

Nous verrons bientôt ce qu'on doit entendre par ces paroles.

 

DOM GUÉRANGER INSTITUTIONS LITURGIQUES : CHAPITRE XIX : SUITE DE L'HISTOIRE DE LA LITURGIE, DURANT LA PREMIERE MOITIÉ DU XVIIIe SIÈCLE. — PROJETS DE BREVIAIRE A PRIORI. — GRANCOLAS, FOINARD. — BREVIAIRES DE SENS, AUXERRE, ROUEN, ORLÉANS, LYON, ETC. — BRÉVIAIRE ET MISSEL DE PARIS, DU CARDINAL DE NOAILLES. — BREVIAIRE ET MISSEL DE PARIS, DE L'ARCHEVÊQUE VINTIMILLE. — AUTEURS DE CETTE LITURGIE. VIGIER. MÉSENGUY. COFFIN. — SYSTEME SUIVI DANS LES LIVRES DE VINTIMILLE. — RÉCLAMATIONS DU CLERGÉ. — VIOLENCES DU PARLEMENT DE PARIS. — TRIOMPHE DE LA LITURGIE DE VINTIMILLE.

 

autel des morts

Angoustrine -Villeneuve-des-Escaldes (66), église paroissiale, Autel des morts

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11 janvier 2012 3 11 /01 /janvier /2012 12:30

De toutes les choses qu'on ignore aujourd'hui, l'histoire, même contemporaine, de la Liturgie est peut-être la plus ignorée. C'est un fait dont  nous recueillons de toute part l'ingénue confession.

 

Quelque hardi qu'eût été Le Brun Desmarettes dans la rédaction du Bréviaire d'Orléans, il devait être dépassé de bien loin par ses émules du XVIIIe siècle. Il fut aisé de .juger de la distance qu'on avait franchie en quarante années, depuis la réforme liturgique de M. de Harlay, lorsqu'on vit paraître à Paris, en 1720, un ouvrage portant ce titre : Projet d'un nouveau  bréviaire, dans lequel l'office divin, sans en changer la forme ordinaire, serait particulièrement composé de l'Ecriture sainte, instructif,  édifiant, dans un ordre naturel, sans renvois,  sans répétitions et très court, avec des observations sur les anciens et sur les nouveaux  bréviaires. L'auteur était Frédéric-Maurice Foinard, autrefois curé de Calais, connu d'ailleurs par plusieurs ouvrages, entre autres par une Explication de la Genèse, qui fut supprimée à raison des idées hasardées et singulières qu'elle se trouva contenir.

 

Foinard ne se contenta pas d'exposer sa théorie aux yeux du public ; il prit la peine de joindre l'exemple au précepte, et publia, en 1726, un bréviaire exécuté d'après son plan, où toute la Liturgie des offices divins avait été de nouveau élaborée  et soumise au creuset de son génie particulier. Ne croit-on pas rêver, en lisant le récit d'une pareille témérité ? et peut-on se défendre d'un sentiment de tristesse, quand on pense que beaucoup d'Églises en France, après avoir expulsé les antiques prières, en sont réduites à emprunter dans les divins offices la voix de Foinard en la  place de celle de saint Grégoire ? Car le bréviaire de cet auteur forme, en grande partie, avec celui de Cluny, le magasin où l'on a puisé la plupart des matériaux employés dans la confection des bréviaires du XVIIIe siècle. Ce livre, qui ne trouva d'imprimeur qu'à Amsterdam, était intitulé : Breviarium ecclesiasticum, editi jam prospectus executionem exhibens, in gratiam ecclesiartim in quibus facienda erit breviariorum editio (2 vol. in-8°).

 

L'année suivante, 1727, le docteur Grancolas, dans son Commentaire du Bréviaire romain, dont nous avons parlé ailleurs, donna aussi, dans un chapitre spécial, le Projet d'un nouveau bréviaire. Mais le système liturgique développé dans ce chapitre avait déjà vu le jour en grande partie, en 1714, dans les cinq dernières pages d'un autre ouvrage du même auteur, intitulé : Traité de la Messe et de l'Office divin. Nous allons exposer les principes qui devaient, suivant ces deux personnages, Foinard et Grancolas, prévaloir dans la Liturgie nouvelle ; mais, auparavant, considérons la triste situation du culte catholique, en France, livré ainsi à la merci de quelques docteurs particuliers qui osent, au grand jour, se mettre à la place de la tradition, cet élément souverain, et si indispensable dans les institutions d'une Église de dix-huit siècles.

 

Il fallait, certes, que l'on eût étrangement travaillé les hommes de cette époque, pour leur faire digérer une pareille anomalie. Aujourd'hui, les gens sérieux déplorent, comme le principe de toutes nos perturbations sociales, l'imprudence de ces publicistes du siècle dernier, qui s'imaginèrent être les sauveurs de la société, parce qu'il leur plaisait de formuler, sur le papier, des constitutions à l'usage des nations qui, disait-on, n'en avaient pas. Joseph de Maistre les a flétris pour jamais, ces hommes à priori, et l'Europe, ébranlée jusque dans ses fondements, atteste assez haut leur damnable présomption. Ici, c'est bien autre chose. Voici des hommes qui veulent persuader à l'Église catholique, dans une de ses plus grandes et de ses plus illustres provinces, qu'elle manque d'une Liturgie conforme à ses besoins, qu'elle sait moins les choses de la prière que certains docteurs de Sorbonne, que  sa foi manque d'une expression convenable; car la Liturgie est l'expression de la foi de l'Eglise. Bien plus, ces hommes présomptueux qui ont pesé l'Église, qui ont sondé ses nécessités, ne prononcent pas seulement que sa Liturgie pèche par défaut, ou par excès, dans quelques détails, mais ils la montrent aux peuples comme dépourvue d'un système convenable dans l'ensemble de son culte. Ils se mettent à tracer un nouveau plan des offices, nouveau pour les  matériaux qui doivent entrer dans sa composition, nouveau pour les lignes générales et particulières. Les voici donc à l'œuvre : les livres de saint Pie V, qui  ne sont que ceux de saint Grégoire, ne valent même pas la peine d'être nommés désormais ; ceux de François de Harlay, malgré de graves innovations, sont trop romains encore. Il faut que d'un cerveau particulier éclose un système complet qu'on  fera  imprimer, en faveur des églises (in gratiam ecclesiarum) qui doivent faire une édition du bréviaire !

 

Et ces hommes que cent cinquante ans plus tôt la Sorbonne eût condamnés, comme elle condamna les rédacteurs des Bréviaires de Soissons et d'Orléans, comme elle condamna le cardinal Quignonez lui-même, bien que son œuvre eût momentanément obtenu l'agrément privé de Paul III, révoqué bientôt par saint Pie V ; ces hommes sans caractère, qui ne peuvent être fondés dans leurs prétentions que dans le cas où l'Église serait moins assurée qu'eux-mêmes de la voie où les fidèles doivent marcher, ces hommes ne furent point repoussés ; on les écouta, on leur livra nos sanctuaires. Encore Foinard et Grancolas valaient-ils  mieux  que  plusieurs  de  ceux  qui vinrent après ; mais ils ont la triste gloire d'avoir les premiers intenté procès à l'Église leur mère, d'avoir fait les premiers cette sanglante critique de tous les siècles catholiques, atteints et convaincus désormais d'avoir manqué d'intelligence dans la prière, d'avoir laissé durant tant de siècles les mystères sans expression convenable.

 

Nous ne craignons pas de le dire, lorsque les Églises de France seront revenues à l'unité, à l'universalité, à l'autorité dans les choses de la Liturgie, et Dieu leur fera quelque jour cette grâce ; lorsque cette suspension des anciennes prières catholiques ne sera plus qu'un fait instructif dans l'histoire, on aura peine à se rendre compte des motifs qui purent amener une semblable révolution  au  sein d'une nation chrétienne.  On imaginera  que quelques violentes persécutions enlevèrent alors toute liberté à nos Églises, et qu'elles se séparèrent ainsi des prières du Siège apostolique et de l'antiquité, pour échapper à de plus grands dangers. Mais lorsque, éclairés sur les événements, les fidèles verront qu'aucune coaction ne fut employée pour produire un résultat si étrange, qu'au contraire on vota, de toutes parts, comme par acclamation, la refonte de la Liturgie sur un plan nouveau et tout humain, que cette œuvre fut confiée à des mains hérétiques, alors ils admireront la miséricorde divine envers l'Église de France.

 

Certes, c'était une chose bien lamentable de voir ainsi se rompre la communion des prières catholiques, avec Rome, avec le reste de la chrétienté, avec les siècles de la tradition ; mais ce qui n'était pas moins humiliant, ce qui n'accusait pas moins la triste déviation qui faillit ruiner pour  jamais la foi catholique dans notre patrie, c'est le mesquin presbytérianisme, dont toute l'œuvre des nouvelles Liturgies demeure à jamais entachée. La plupart de ces faiseurs étaient des hérétiques, comme nous l'avons dit, et comme  nous le dirons encore en temps et lieu ; mais de plus, ils étaient de simples prêtres, sans caractère pour enseigner, sans mission pour réformer l'Église, sans troupeau à gouverner en leur nom.

 

Jusqu'ici nous avions vu la Liturgie, soit dans l'Église d'Orient, soit dans l'Église d'Occident, formulée, disposée,  corrigée par les évêques ; saint Léon, saint Gélase, saint Grégoire le Grand, saint Léon II, saint Grégoire VII, Paul IV, dans l'Église de Rome ;saint Ambroise, dans l'Église de Milan ;saint Paulin, dans l'Église de  Nole ; Maximien et Johannicius, dans l'Église de Ravenne ; Théodose,dans l'Église de Syracuse ; saint Paulin, dans celle d'Aquilée ; Voconius, dans l'Église d'Afrique ; saint Hilaire, saint Césaire d'Arles, saint Sidoine Apollinaire, saint Venantius Fortunat, saint Grégoire de Tours, saint Protadius de Besançon, saint Adelhelme de Séez, dans l'Église des Gaules ; saint Léandre, saint Isidore, Conantius, Jean de Saragosse, Eugène II de Tolède, saint Ildefonse, saint Julien de Tolède, dans l'Église gothique d'Espagne ; saint Eusthate d'Antioche, saint Basile, saint Maruthas, saint Cyrille d'Alexandrie, saint Jean Maron, saint André de Crète, Corne de Maïuma, Joseph Studite, George de Nicomédie, etc., dans les Eglises d'Orient. La Liturgie est donc l'œuvre des évêques ; ils l'ont rédigée, fixée en établissant les Églises ; c'est d'eux qu'elle a tout reçu ; c'est par eux qu'elle subsiste. Les diverses réformes de la Liturgie n'ont jamais été autre chose que le rétablissement de l'œuvre  liturgique des évêques dans son ancienne pureté ; de même que la réforme de la discipline n'est que le retour aux constitutions apostoliques, et aux décrets des conciles. On doit se rappeler que le soin donné par Grégoire IX aux Frères Mineurs ne regardait pas la composition de la Liturgie, mais une simple épuration, dans le genre de celle qu'accomplirent les  commissions romaines nommées  par  saint  Pie V, Clément VIII et Urbain VIII ; encore ces dernières renfermaient-elles plusieurs membres revêtus de la pourpre romaine, ou honorés du caractère épiscopal.

 

En France, au contraire, il ne s'agit point de corriger, de mettre dans un meilleur ordre la Liturgie romaine-française, ni de rétablir l'antique et vénérable rite gallican ; il s'agit de donner de fond en comble une Liturgie à une Église qui n'en a pas, et aucun évêque ne couvre de la responsabilité de son travail personnel cette œuvre qui doit remplacer celle de tant d'évêques des premiers siècles, de tant de souverains pontifes. Pour opérer cette grande et inouïe révolution, les évêques français du XVIIIe siècle se constituent sous la dépendance de simples prêtres qui se sont érigés en législateurs de la Liturgie. Les plus justes réclamations sont étouffées, comme on va le voir, et il faut que saint Grégoire disparaisse avec tout l'imposant cortège de ses cantiques séculaires, pour faire place à des prêtres comme Le Tourneux, de Vert, Foinard, Petitpied, Vigier, Robinet, Jacob ; bien plus, à des diacres, comme J.-B. Santeul ; à des acolytes, comme Le Brun Desmarettes et Mésenguy ; à des laïques, comme Coffin et Rondet !

 

Nous n'ignorons pas qu'il serait possible de montrer dans la Liturgie romaine certaines pièces, des hymnes principalement, qui ont eu pour auteurs nonseulement de simples prêtres, mais des laïques même, comme Prudence, Charlemagne, etc. C'est à Elpis, femme de Boèce, que l'Église romaine a emprunté en partie les hymnes de la fête de saint Pierre et de saint Paul. Mais d'abord, à l'Église appartient de choisir avec une souveraine autorité, parmi les œuvres de ses enfants, celles qu'elle juge dignes de servir d'expression à ses propres sentiments dans les divins offices. Ajoutons encore que ces adoptions d'hymnes ont eu rarement lieu du vivant des auteurs, mais souvent plusieurs siècles après leur mort ; que l'esprit de parti et de coterie n'y a été pour rien. Enfin, quand l'Église, pour orner le texte d'un de ses offices, daigne emprunter quelque composition à un de ses enfants, elle ne déroge en rien à l'ensemble de sa Liturgie, qui n'en demeure pas moins invariable dans sa forme traditionnelle.

 

L'Église, on a dû le voir dans tout ce qui a précédé, ne renouvelle donc point sa  Liturgie,  suivant   les siècles. Elle la corrige, elle l'enrichit ; mais le Missel romain est encore aujourd'hui le composé de l'Antiphonaire et du Sacramentaire de saint Grégoire, comme le Bréviaire demeure toujours le Responsorial du même pontife, qui n'avait guère fait autre chose que de mettre en meilleur ordre l'œuvre des papes ses prédécesseurs.

 

Nous avons raconté comment, pour la réforme du bréviaire et du missel par saint Pie V, on tint surtout à ce que les correcteurs de ces livres ne s'écartassent point des anciens bréviaires conservés dans les plus illustres églises de Rome et dans la bibliothèque Vaticane. C'est le témoignage rendu par le pontife, dans les deux bulles de publication ; témoignage dont nous sommes à même de vérifier toute l'exactitude, sur les anciens antiphonaires, responsoriaux et sacramentaires publiés par Pamelius, D. Hugues Ménard, D. Denys de Sainte-Marthe, le B. Tommasi, D. Gerbert, etc. Il en devait être ainsi dans l'Église romaine, dont la vie et la force consistent uniquement dans les traditions.

 

Foinard et Grancolas jugèrent, dans leur sagesse, qu'il en pouvait être autrement dans l'Église de France.

 

DOM GUÉRANGER  INSTITUTIONS LITURGIQUES : CHAPITRE XIX : SUITE   DE   L'HISTOIRE   DE   LA   LITURGIE,   DURANT   LA   PREMIERE MOITIÉ     DU    XVIIIe     SIÈCLE.     —    PROJETS    DE    BREVIAIRE A PRIORI.  —  GRANCOLAS, FOINARD. — BREVIAIRES DE SENS, AUXERRE,   ROUEN,   ORLÉANS,   LYON,    ETC.  —    BRÉVIAIRE   ET MISSEL   DE   PARIS,  DU  CARDINAL  DE NOAILLES.  — BREVIAIRE ET MISSEL DE PARIS, DE L'ARCHEVÊQUE VINTIMILLE. — AUTEURS DE  CETTE LITURGIE. VIGIER.   MÉSENGUY.  COFFIN. — SYSTEME SUIVI DANS LES LIVRES  DE VINTIMILLE. — RÉCLAMATIONS DU CLERGÉ. — VIOLENCES DU PARLEMENT DE PARIS. — TRIOMPHE DE LA LITURGIE DE VINTIMILLE. 

 

Amiens cathédrale Notre-Dame

Cathédrale Notre Dame d'Amiens

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10 janvier 2012 2 10 /01 /janvier /2012 12:30

Pour délasser les lecteurs de la fatigue que ne peut manquer de leur causer ce dégoûtant spectacle, et aussi pour faire voir le triomphe de la lumière sur les ténèbres, de la vérité sur l'erreur, nous ne connaissons rien de plus efficace que la doctrine liturgique de l'archevêque Languet : doctrine pure et orthodoxe dont nous nous déclarons les disciples et les plus humbles champions, remerciant Dieu qui, non seulement voulut que cette grande lumière brillât dans l'Église de France, à cette ère de confusion, mais a daigné permettre que de si beaux enseignements soient parvenus jusqu'à nous, pour nous confirmer dans la lutte que nous avons entrepris de soutenir contre les nouveautés qui ont altéré, en France, la pureté du culte divin.

 

Nous avons raconté, au chapitre précédent, les efforts des jansénistes pour s'emparer ouvertement de la Liturgie ; leurs tendances vers l'emploi de la langue vulgaire dans les offices, vers le dépouillement des autels et les habitudes calvinistes dans le culte. Tant que la cour de France montrait la ferme volonté de soutenir les constitutions apostoliques contre Jansénius et Quesnel, la secte ne pouvait espérer qu'à de rares intervalles et dans des localités très restreintes, ces moments de liberté dans lesquels il lui serait possible de faire, à son aise, l'essai de ses coupables théories. Il ne lui restait donc qu'une seule ressource : celle de ruiner sourdement l'unité liturgique, et de tenter pour la France entière ce qu'elle avait déjà obtenu à Paris, sous François de Harlay. Que si elle parvenait à préparer un corps de Liturgie nationale, ou tout au moins à diviser le redoutable faisceau d'orthodoxie que formaient les cent trente diocèses de l'Eglise de France, elle aurait lieu alors d'espérer avec fondement qu'on ne pourrait plus l'écraser à l'aide de ces formules liturgiques que, dans les grands périls de la foi, l'Église romaine impose aux églises.

 

Déjà elle avait préparé cet isolement par des systèmes perfides sur la constitution de l'Église, sur les prérogatives de notre nation ; elle le consomma en flattant le mauvais goût littéraire du temps, en exagérant les reproches que la critique historique pouvait faire aux anciens livres ; enfin, il faut bien le dire, en faisant ressortir les avantages d'un office moins long à réciter, promettant d'abréger le temps de la prière du prêtre, à cette époque où cependant l'Église était menacée des plus grands maux.

 

On vit donc s'accomplir, au sein de l'Église de France, une révolution sans exemple dans aucun des siècles précédents. Déjà le Bréviaire de François de Harlay, imité lui-même en quelque chose de celui de Henri de Villars, archevêque de Vienne, avait été imité avec plus ou moins de hardiesse dans les églises de Sens, de Narbonne, etc.; mais, dans ces divers diocèses, on se borna d'abord à réformer, suivant les idées modernes, l'ancienne Liturgie, On n'avait pas songé à régénérer le culte entier de l'Église catholique ; l'exemple inouï donné par le Bréviaire de Cluny était jusqu'alors demeuré sans imitateurs. Cependant il était naturel de penser que les envahissements de l'esprit de nouveauté pousseraient bientôt jusque-là, et d'autant plus que toute cette révolution avait été, dès son principe, un produit de l'esprit du jansénisme.

 

Le XVIIe siècle n'avait pas encore achevé son cours, quand parut le premier bréviaire composé sous l'impression des idées nouvelles. Il fut donné en 1693 à l'Eglise d'Orléans, par le cardinal Pierre du Cambout de Coislin.

 

Nous avons entendu Fénelon nous dire que ce prélat "bienfaisant, pieux, digne d'être aimé de tout le monde,  manquait malheureusement de science et laissait toute  l'administration de son diocèse aux seuls docteurs jansénistes, lesquels faisaient l'objet de son admiration". Cette pernicieuse influence fut prédominante dans la rédaction du nouveau bréviaire. Il eut pour auteur Jean-Baptiste Le Brun Desmarettes, fils d'un libraire de Rouen qui fut condamné aux galères pour avoir imprimé des livres en faveur de Port-Royal. Le fils élevé par les solitaires de cette maison, garda toute sa vie un grand attachement pour ses anciens maîtres et pour leur doctrine ; attachement qui l'entraîna dans certaines démarches par suite desquelles il fut renfermé à la Bastille durant cinq ans : encore n'en sortit-il qu'à la condition de signer le formulaire. Il est vrai qu'il rétracta cet acte d'orthodoxie, en 1717, et se porta appelant de la bulle Unigenitus. Etant tombé malade et craignant un refus des sacrements, il se traîna à l'église pour faire ses Pâques, le dimanche des Rameaux 1731, et mourut le lendemain. Il avait pris l'ordre d'acolythe et ne voulut jamais entrer dans les ordres sacrés. Ce fut d'un pareil homme que l'Église d'Orléans consentit à apprendre la manière de célébrer les louanges de Dieu. Il y avait en cela une humilité, sans exemple. Dans tous les cas, c'est un chose bien curieuse, mais non pas unique, comme nous verrons bientôt, que le clergé d'Orléans pût se trouver en même temps obligé par ses devoirs de refuser les sacrements à Le Brun Desmarettes, et d'autre part contraint d'emprunter la voix du même Le Brun Desmarettes pour satisfaire à l'obligation de la prière publique.

 

Le mandement de l'évêque d'Orléans, pour la publication du nouveau bréviaire, était fort significatif dans le sens des nouvelles théories. On y faisait ressortir principalement les grands avantages d'un bréviaire composé des paroles de l'Ecriture  sainte :

" Dans cette   réforme du  bréviaire, y était-il dit, nous nous sommes proposé de  faire choix des choses les plus propres à louer Dieu et  à l'apaiser, en même temps qu'à instruire les clercs de  leurs devoirs. Comme,  rien  ne nous a  semblé plus  capable   d'atteindre ce but que  l'emploi des propres  paroles des divines Écritures (car, dit le saint évêque et  martyr Cyprien, c'est une prière amie et familière que  celle qui s'adresse à Dieu comme venant de lui), nous avons jugé qu'il ne fallait rien admettre dans les antiennes, les versets et les répons qui ne fût extrait des  livres saints, en sorte que  dans toutes ces pièces, ou Dieu nous parle, ou il nous fournit les paroles que nous  lui adressons. Et cette résolution n'a point été chez nous une témérité ; car si, suivant saint Augustin, Dieu non seulement se loue lui-même dans les Écritures ; afin que  les hommes sachent comment il doit être loué, mais encore s'il a préparé dans les mêmes Ecritures des remèdes nombreux propres à guérir toutes les langueurs de notre âme, et  qui doivent être administrés par  notre ministère, quand on fait les divines lectures dans l'église ; quoi de plus digne de Dieu et de plus utile pour nous que de pouvoir emprunter aux livres sacrés, c'est-à-dire à Dieu même, tout ce que notre bouche fait entendre, quand nous chantons les louanges de Dieu ?  Certes,  ces choses ne   déplairont point à Dieu, puisqu'elles ont Dieu même pour auteur ; elles détruiront  l'aveuglement du cœur, elles guériront l'âme, puisque la parole de Dieu guérit toutes choses, ayant été écrite pour illuminer les yeux et convertir les âmes."

 

Il était facile de répondre à ces belles paroles, d'abord, que Luther, Calvin et Quesnel se sont exprimés en des termes analogues sur la suffisance de la Bible : que la constitution Unigenitus, véritable palladium de la foi, au XVIIIe siècle, ne pouvait plus subsister du moment que les évêques affecteraient ainsi l'éloge et l'emploi des Ecritures, sans recommander avec une égale force l'importance de la Tradition, qui est divine comme les Écritures, qui seule constate leur autorité, seule les interprète ; que si les paroles de la Bible, arrangées en formules liturgiques, ne peuvent déplaire à Dieu, auteur de l'Écriture, il n'est pas également évident que Dieu, Auteur de la Tradition, doive voir avec faveur qu'on efface cette Tradition, et, qui plus est, que d'innombrables passages des Écritures choisis et employés depuis tant de siècles, et en tous lieux, dans les divins offices par l'Église, seul juge et interprète de l'Écriture, cèdent la place à d'autres passages choisis aujourd'hui ou hier, pour l'usage de l'Église d'Orléans, par un hérétique ; que le Bréviaire d'Orléans, comme tous les autres, renferme une grande quantité de passages de l'Écriture, mis en antiennes et en répons, et dans lesquels le texte sacré n'exprime ni un discours de Dieu à l'homme, ni une parole de l'homme à Dieu ; que la fameuse parole de saint Cyprien, amica et familiaris oratio est Deum de suo rogare, parole vraie de tout point quand il s'agit de l'Oraison dominicale, au sujet de laquelle il l'a dite, est complètement sans application quand il s'agit de la presque totalité des pièces liturgiques empruntées à l'Écriture par le Bréviaire d'Orléans et les autres ; outre que, Dieu étant l'Auteur de la Tradition aussi bien que de l'Écriture, on peut dire dans un sens que c'est louer Dieu de suo que de lui adresser les prières que l'Église a composées avec son assistance, et que l'usage des siècles a sanctifiées de plus en plus ; enfin que, comme le dit avec une grande vérité l'archevêque Languet, les centons bibliques dont sont garnis les nouveaux bréviaires, "ne peuvent avoir d'autre autorité que celle d'un évêque particulier, homme sujet à erreur, et d'autant plus sujet à erreur qu'il est seul, qu'il introduit des choses nouvelles, qu'il méprise l'antiquité  et l'universalité."

 

Nous aurons à revenir sur tout ceci dans la partie de cet ouvrage où nous traiterons de l'autorité de la Liturgie ; mais notre rôle d'historien dans des matières si négligées depuis longtemps, nous oblige parfois d'introduire dans notre récit une sorte de polémique. Nous le faisons à regret, mais la crainte de n'être pas suffisamment compris nous contraint d'effleurer ainsi la partie doctrinale de cet ouvrage, avant d'être arrivé à la discussion polémique.

 

Le lecteur voudra bien excuser ces anticipations que nous ne nous permettons que dans l'intérêt de plusieurs. De toutes les choses qu'on ignore aujourd'hui, l'histoire même contemporaine de la Liturgie est peut-être la plus ignorée.

 

C'est un fait dont  nous recueillons de toute part l'ingénue confession.

 

DOM GUÉRANGER  INSTITUTIONS LITURGIQUES : CHAPITRE XIX : SUITE   DE   L'HISTOIRE   DE   LA   LITURGIE,   DURANT   LA   PREMIERE MOITIÉ     DU    XVIIIe     SIÈCLE.     —    PROJETS    DE    BREVIAIRE A PRIORI.  —  GRANCOLAS, FOINARD. — BREVIAIRES DE SENS, AUXERRE,   ROUEN,   ORLÉANS,   LYON,    ETC.  —    BRÉVIAIRE   ET MISSEL   DE   PARIS,  DU  CARDINAL  DE NOAILLES.  — BREVIAIRE ET MISSEL DE PARIS, DE L'ARCHEVÊQUE VINTIMILLE. — AUTEURS DE  CETTE LITURGIE. VIGIER.   MÉSENGUY.  COFFIN. — SYSTEME SUIVI DANS LES LIVRES  DE VINTIMILLE. — RÉCLAMATIONS DU CLERGÉ. — VIOLENCES DU PARLEMENT DE PARIS. — TRIOMPHE DE LA LITURGIE DE VINTIMILLE.

 

Funeral Monument to Languet de Gergy

Tombeau de Languet de Gergy, 1753, Saint-Sulpice, Paris

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9 janvier 2012 1 09 /01 /janvier /2012 05:00

Vous tous qui avez soif, venez, voici de l'eau ! Même si vous n'avez pas d'argent, venez acheter et consommer, venez acheter du vin et du lait sans argent et sans rien payer. Pourquoi dépenser votre argent pour ce qui ne nourrit pas, vous fatiguer pour ce qui ne rassasie pas ? Écoutez-moi donc : mangez de bonnes choses, régalez-vous de viandes savoureuses ! Prêtez l'oreille ! Venez à moi !

 

Écoutez, et vous vivrez. Je ferai avec vous une Alliance éternelle, qui confirmera ma bienveillance envers David. Lui, j'en ai fait un témoin pour les nations, un guide et un chef pour les peuples. Et toi, tu appelleras une nation que tu ne connais pas, et une nation qui t'ignore accourra vers toi, à cause du Seigneur ton Dieu, à cause de Dieu, le Saint d'Israël, qui fait ta splendeur.


Cherchez le Seigneur tant qu'il se laisse trouver. Invoquez-le tant qu'il est proche.


Que le méchant abandonne son chemin, et l'homme pervers, ses pensées ! Qu'il revienne vers le Seigneur qui aura pitié de lui, vers notre Dieu qui est riche en pardon.


Car mes pensées ne sont pas vos pensées, et mes chemins ne sont pas vos chemins,déclare le Seigneur. Autant le ciel est élevé au-dessus de la terre, autant mes chemins sont élevés au-dessus des vôtres, et mes pensées, au-dessus de vos pensées.


La pluie et la neige qui descendent des cieux n'y retournent pas sans avoir abreuvé la terre, sans l'avoir fécondée et l'avoir fait germer, pour donner la semence au semeur et le pain à celui qui mange ; ainsi ma parole, qui sort de ma bouche, ne me reviendra pas sans résultat, sans avoir fait ce que je veux, sans avoir accompli sa mission.

 

Livre d'Isaïe

 

 

Jean Baptiste proclamait dans le désert : " Voici venir derrière moi celui qui est plus puissant que moi. Je ne suis pas digne de me courber à ses pieds pour défaire la courroie de ses sandales. Moi, je vous ai baptisés dans l'eau ; lui vous baptisera dans l'Esprit Saint. "

 
Or, à cette époque, Jésus vint de Nazareth, ville de Galilée, et se fit baptiser par Jean dans le Jourdain.


Au moment où il sortait de l'eau, Jésus vit le ciel se déchirer et l'Esprit descendre sur lui comme une colombe.
Du ciel une voix se fit entendre : " C'est toi mon Fils bien-aimé ; en toi j'ai mis tout mon amour. "

 

Évangile de Jésus Christ selon saint Marc

 

Le Baptême du Christ, Gérard David

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8 janvier 2012 7 08 /01 /janvier /2012 12:30

Combien, dans le monde, de faux chrétiens, si je l'ose dire, aussi antéchrists qu'Hérode, et d'esprit et de cœur ? Combien, dans le monde, de faux chrétiens aussi contraires à Jésus-Christ, aussi opposés à ses maximes, aussi ennemis de son humilité, aussi remplis d'orgueil et de fierté, aussi ambitieux et aussi idolâtres de leur fortune, aussi jaloux de leur rang, aussi prêts à tout sacrifier pour leur grandeur imaginaire ? Combien de mondains du caractère d'Hérode qui n'ont point d'autre Dieu que leur intérêt ; qui ne connaissent ni foi ni loi, et ne distinguent ni sacré, ni profane, quand il s'agit de maintenir cet intérêt, à qui cet intérêt fait oublier les plus inviolables devoirs, non seulement de la conscience, mais de la probité et de l'honneur ; en qui ce démon de l'intérêt étouffe non seulement la charité, mais la piété et la compassion naturelle ; que l'attachement à cet intérêt rend durs, violents, intraitables ; qui, aveuglés par cet intérêt, renoncent sans peine à leur salut, non pas pour un royaume, comme Hérode, mais pour de vaines prétentions ? Combien d'hypocrites qui se couvrent, aussi bien qu'Hérode, du voile de la religion pour arriver à leurs fins criminelles ?

BOURDALOUE

 

 

C'est un oracle de l'Apôtre, et par conséquent un oracle de la vérité éternelle, que la sagesse de ce monde est ennemie de Dieu. Mais comme elle est ennemie de Dieu, cette sagesse mondaine, aussi Dieu en est-il ennemi ; et c'est lui-même qui s'en déclare par un de ses prophètes : Perdam sapientiam sapientium (Cor., I, 19.) ; Je confondrai la prudence des prudents du siècle. Voilà, dit saint Chrysostome, les deux caractères de cette fausse sagesse qui règne parmi les impies, et qui est le principe de leur conduite. Elle s'élève contre Dieu, et Dieu la confond ; elle fait la guerre à Dieu, et Dieu la réprouve; elle voudrait anéantir Dieu et Dieu la détruit et l'anéantit. Caractère dont l'opposition même fait la liaison, puisque l'un comme vous le verrez, est inséparable de l'autre. Elle est ennemie de Dieu, voilà son désordre ; et Dieu, par un juste retour, est son plus mortel ennemi, voilà son malheur. Or, je soutiens que jamais ces deux caractères de la sagesse du monde n'ont paru plus visiblement que dans la personne d'Hérode. Car, quelle a été la destinée de ce prince, et à quoi sa détestable politique fut-elle occupée ? vous le savez, Chrétiens ; à former des desseins contre Jésus-Christ, à lui susciter une cruelle persécution, à vouloir l'étouffer dès son berceau, et, par la plus abominable hypocrisie, à le chercher en apparence pour l'adorer, mais en effet pour le faire périr. C'est ce que j'appelle le crime de la sagesse du siècle. Et que fit de sa part Jésus-Christ naissant, ou plutôt que ne fit-il pas, pour montrer que cette prétendue sagesse était une sagesse maudite et réprouvée ? Vous l'avez vu dans l'Evangile : il la troubla, il la rendit odieuse, il apprit à tout l'univers combien elle est vaine et impuissante contre le Seigneur ; enfin, il la fit servir malgré elle au dessein de Dieu, qu'elle voulait renverser. Quatre effets sensibles de la justice divine, qui, par une singulière disposition de la Providence, eurent dans Hérode leur entier accomplissement, et c'est en quoi consiste le châtiment de la politique du monde. Appliquez-vous, mes chers auditeurs, à l'excellente morale que je prétends tirer de là, et que j'aurai soin d'abréger, pour ne passer pas les bornes du temps qui m'est prescrit.

 

Hérode, quoique étranger et usurpateur, voulait régner dans la Judée, et sa passion dominante fut une damnable ambition à laquelle il sacrifia tout. C'est ce qui le pervertit, ce qui l'aveugla, ce qui l'endurcit, ce qui le précipita dans le plus profond abîme de l'iniquité. Il sut que les Juifs attendaient un nouveau roi, et par une grossière erreur il crut que ce nouveau roi venait le déposséder. Il n'en fallut pas davantage pour piquer sa jalousie : sa jalousie inquiète et tyrannique le porta aux derniers excès de la violence et de la fureur, et lui inspira contre le Saint des saints une haine irréconciliable. On lui dit que ce roi qu'il craint doit être de la maison de David : pour s'assurer donc ou pour se délivrer de lui, il forme la résolution d'exterminer toute la race de David. En vain lui remontre-t-on que celui qu'il veut perdre est le Messie promis par les prophètes, que c'est lui qui doit sauver et racheter Israël ; il renonce à la rédemption d'Israël plutôt que de renoncer à son intérêt, et il aime mieux qu'il n'y ait point de Sauveur pour lui, que d'avoir un concurrent. Bien loin de se préparer à recevoir ce Messie, et à profiter de sa venue, il jure sa ruine : l'arrivée des mages à Jérusalem lui fait comprendre qu'il est né ; il emploie la fourberie et l'imposture pour le découvrir ; il feint de vouloir l'adorer, pour l'immoler plus sûrement à sa fortune ; et pour en être le meurtrier, il contrefait l'homme de bien. Lorsqu'il se voit trompé parl es mages et frustré de son espérance, il lève le masque, il se livre à la colère et à la rage, et dans son emportement il oublie toute l'humanité. Les prêtres qu'il a assemblés lui ont répondu que ce roi des Juifs devait naître dans la contrée de Bethléem : pour ne le pas manquer, il ordonne que, dans Bethléem et aux environs, on égorge tous les enfants âgés de deux ans et au-dessous : et pourvu qu'il s'affermisse la couronne sur la tête, il ne compte pour rien de remplir de sang et de carnage tout un pays. Telle fut la source de son désordre : son ambition le rendit jaloux, son ambition le rendit cruel, son ambition le rendit impie, son ambition le rendit fourbe et hypocrite, son ambition en fit un tyran, son ambition en fit non seulement le plus méchant de tous les hommes, mais le persécuteur d'un Dieu : il est vrai, et c'est ce qui doit nous faire trembler, quand nous voyons dans cet exemple ce que peut et jusqu'où va une passion dès qu'elle a pris une fois l'empire sur un cœur.

 

Mais il est encore vrai que l'ambition d'Hérode n'eut des suites si affreuses que parce qu'elle fut conduite par les règles d'une politique humaine. Car si Hérode, dans sa malice, eût été un insensé, un emporté, un homme volage et inconsidéré, il eût été, dans sa malice même, moins opposé à Jésus-Christ, et moins ennemi de Dieu. Sa politique fut comme la consommation de son impiété, et c'est ce qui mit le comble à tous ses vices. C'était un sage mondain, et par là (souffrez que je m'exprime ainsi), ce fut un parfait scélérat. Or, ce que vous concevez en lui de plus monstrueux, et ce qui vous fait plus d'horreur est néanmoins par proportion ce qui se passe tous les jours parmi vous, et ce que vous avez même cent fois détesté dans des sujets plus communs, mais aussi réels. Car ne croyez pas, mes chers auditeurs, qu'Hérode soit un exemple singulier, ni que son péché ait cessé dans sa personne. On voit encore dans le monde des Hérodes et des persécuteurs de Jésus-Christ : peut-être y sont-ils plus obscurs et plus cachés aux yeux des hommes, mais peut-être n'y sont-ils pas moins corrompus, ni moins criminels devant Dieu ; et ma douleur est d'être obligé de reconnaître que la même impiété se renouvelle sans cesse jusqu'au milieu du christianisme ; que dans le sein de l'Eglise il se trouve encore des hommes animés du même esprit, et pleins des mêmes sentiments que ce roi infidèle, dont au reste je puis dire que jamais il n'eût persécuté le Fils de Dieu, s'il l'eût connu comme nous le connaissons. Ce qui m'afflige, c'est de penser que je n'exagère point, quand je parle de la sorte ; et qu'Hérode, dans l'opinion des Pères, ayant été le premier Antéchrist, il s'en est depuis formé d'autres, dont le nombre croît chaque jour : Et nunc Antichristi multi facti sunt (Joan., II, 18.). Car combien, dans le monde, de faux chrétiens, si je l'ose dire, aussi antéchrists qu'Hérode, et d'esprit et de cœur ? Expliquons-nous : combien, dans le monde, de faux chrétiens aussi contraires à Jésus-Christ, aussi opposés à ses maximes, aussi ennemis de son humilité, aussi remplis d'orgueil et de fierté, aussi ambitieux et aussi idolâtres de leur fortune, aussi jaloux de leur rang, aussi prêts à tout sacrifier pour leur grandeur imaginaire ? Combien de mondains du caractère d'Hérode qui n'ont point d'autre Dieu que leur intérêt ; qui ne connaissent ni foi ni loi, et ne distinguent ni sacré, ni profane, quand il s'agit de maintenir cet intérêt, à qui cet intérêt fait oublier les plus inviolables devoirs, non seulement de la conscience, mais de la probité et de l'honneur ; en qui ce démon de l'intérêt étouffe non seulement la charité, mais la piété et la compassion naturelle ; que l'attachement à cet intérêt rend durs, violents, intraitables ; qui, aveuglés par cet intérêt, renoncent sans peine à leur salut, non pas pour un royaume, comme Hérode, mais pour de vaines prétentions ? Combien d'hypocrites qui se couvrent, aussi bien qu'Hérode, du voile de la religion pour arriver à leurs fins criminelles ; qui, sous les apparences d'une trompeuse piété, cachent toute la corruption d'une vie impure et d'un libertinage raffiné ?

 

Mais ce que je déplore encore bien plus, combien d'esprits préoccupés et entêtés des erreurs du siècle, qui, à la honte du christianisme qu'ils professent, se font de tout cela une politique, je veux dire qui, par un renversement de principes, se font de leur ambition même une vertu, une grandeur d'âme, une supériorité de génie ; de leur injustice, un talent, un art, un secret de réussir dans les affaires : de leur duplicité, une prudence, une science du monde, une habileté ; qui, en suivant le mouvement de leurs plus ardentes passions, se croient souverainement sages, affectent de passer pour tels, se glorifient et s'applaudissent de l'être ; qui se moquent de tout ce que l'Ecriture appelle simplicité du juste ; qui ne regardent qu'avec mépris la mission et la patience des gens de bien ; qui traitent de faiblesse la conduite d'une âme fidèle, modérée dans ses désirs, occupée à régler son cœur, tranquille dans sa condition et sincère dans sa religion ? Car voilà, mon Dieu, les désordres de cette prudence charnelle qui règne dans le monde. Elle n'a pas épargné le Messie que vous y avez envoyé. Dès qu'il a paru, elle s'est élevée contre lui, elle lui a déclaré une guerre ouverte ; et depuis tant de siècles elle n'a point cessé de lui susciter des persécuteurs plus dangereux qu'Hérode même. Peut-être en voyez-vous dans cet auditoire. Ah ! Seigneur, que ne puis-je les toucher aujourd'hui, et leur imprimer une sainte horreur de l'état où les a réduits la fausse sagesse à laquelle ils se sont abandonnés, et qui les a perdus !

 

Cependant si la sagesse du monde est ennemie de Dieu, j'ajoute que Dieu n'en est pas moins ennemi : et c'est ici, Chrétiens, que je vous demande une attention toute nouvelle. Car, que fait Jésus-Christ naissant, pour confondre la malheureuse politique d'Hérode ? En premier lieu, il la trouble : Audiens autem Herodes rex, turbatus est (Matth., II, 3.). Ce Dieu de paix, qui venait pour pacifier le monde, commence par y répandre l'épouvante et la terreur; et comment ? voici la merveille : par son seul nom, par le seul bruit de sa venue, par le seul doute s'il est né. Chose étrange ! dit saint Chrysostome. Jésus-Christ ne paraît point encore, il n'a point encore fait de miracles, il n'est pas encore sorti de l'étable de Bethléem ; c'est un enfant couché dans une crèche, qui pleure et qui souffre ; et cependant Hérode est déjà déconcerté ; le voilà déjà combattu de mille soupçons et de mille frayeurs : Audiens autem Herodes rex, turbatus est. Quoi qu'il en soit de ce prince, et quelque puisse être le sujet de ses craintes, rien, mes Frères, ajoute le même saint docteur, rien n'est plus capable de troubler la paix d'un mondain, que l'idée d'un Dieu pauvre et humble ; surtout quand, avec un esprit et un cœur possédés du monde, il ne laisse pas d'avoir encore un reste de foi, et d'être toujours, quoique très imparfaitement, chrétien. Car c'est alors que l'idée d'un tel Sauveur a quelque chose de bien désolant pour lui et de bien effrayant. Ce reste de foi avec les sentiments et les maximes d'un cœur mondain, ce reste de foi avec une ambition païenne, ce reste de foi avec le désordre d'une passion déréglée, voilà ce qui fait le trouble intérieur d'une âme partagée entre le monde et sa religion. Si l'on ne croyait point du tout ce mystère de l'humilité d'un Dieu, peut-être serait-on moins à plaindre : si on le croyait bien, et que l'on conformât sa vie à sa créance, on jouirait d'un parfait repos. Mais le croire, quoique faiblement, et d'ailleurs penser, parler, agir comme si on ne le croyait pas, c'est ce que le mondain prétendu sage n'a jamais accordé, ni n'accordera jamais avec le calme.

 

Et en effet, quoi qu'on fasse alors pour s'aveugler ou pour se dissiper, pour s'étourdir ou pour s'endurcir, on sent malgré soi un fond de trouble qui subsiste, et dont on ne peut se défaire. Car au moins est-il vrai que le mondain, avec ce reste de foi, ne peut rentrer dans lui-même sans être alarmé de ces réflexions affligeantes : Si le Dieu qui vient pour me sauver est tel qu'on m'assure, je suis un impie ; si les maximes de ce Dieu sont aussi solides qu'on me le dit, je suis non-seulement un insensé, mais un réprouvé : si je dois être jugé selon son Evangile, il n'y a point de salut pour moi. Or ces réflexions, dont je défie le plus fier mondain de se pouvoir défendre, doivent l'agiter, pour peu qu'il ait de sens, des plus mortelles inquiétudes. Avec cela, quoiqu'il s'efforce d'étouffer les remords de cette foi qui l'importune, il reconnaît bien par lui-même qu'il n'en peut venir à bout ; ou s'il en vient à bout, sa condition pour cela n'en est pas meilleure. Du trouble que lui causait sa foi, il tombe dans un autre trouble encore plus déplorable, qui est celui de son incrédulité. Le seul doute, si Jésus-Christ était né, fit trembler Hérode : le seul doute d'un mondain, si ces maximes qu'on lui prêche ne sont pas les vrais principes qu'il doit suivre ; le seul doute, s'il ne se trompe pas ; le seul doute sur les risques qu'il court, et dont son libertinage ne le peut garantir, tout cela le doit jeter dans une affreuse confusion de pensées, et former en lui comme un enfer. Ah ! disait le saint homme Job, ce sont deux choses incompatibles que d'être tranquille, et rebelle à Dieu : Quis restitit ei, et pacem habuit (Job., IX, 4.) ? Hérode n'y put parvenir : qui le pourra ?

 

Je n'en ai pas encore dit assez. Outre que le Fils de Dieu, dès sa naissance, trouble la politique et la fausse sagesse du monde, il la rend odieuse. Hérode, comme persécuteur de Jésus-Christ, est devenu l'horreur du genre humain. Il a tout sacrifié à son ambition ; mais sa mémoire est en abomination. Il n'a rien épargné pour satisfaire la passion qu'il avait de régner ; mais c'est pour cela que son règne, au rapport même des historiens profanes, a été un règne monstrueux. Il a cru pour sa sûreté devoir répandre du sang ; mais ce sang répandu criera éternellement contre lui, et Dieu, jusqu'à la fin des siècles, vengera ce sang innocent par le caractère d'ignominie qui se trouve attaché au seul nom d'Hérode, et qui ne s'effacera jamais. Inévitable destinée du sage mondain, qui, malgré lui, se rend odieux en se cherchant lui-même. Qu'y a-t-il en effet de plus odieux dans le monde qu'un homme intéressé, qu'un homme ambitieux et jaloux, c'est-à-dire un homme ennemi par profession de tous les autres hommes, je dis de tous ceux qui peuvent lui donner quelque ombrage, et s'opposer à ses prétentions ; un homme qui n'aime sincèrement personne, et que personne ne peut sincèrement aimer ; un homme qui n'a de vues que pour lui-même, et qui rapporte tout à lui-même ; un homme qui ne peut voir dans autrui la prospérité sans l'envier, ni le mérite sans le combattre ; toujours prêt dans la concurrence à trahir l'un, à supplanter l'autre, à décrier celui-ci, à perdre celui-là, pour peu qu'il espère en profiter ? Qu'y a-t-il, encore une fois, non seulement de plus haïssable dans l'idée du monde, mais même de plus haï ? Or, par là, dit saint Chrysostome, le monde, tout corrompu qu'il est, se fait lui-même justice : car voilà, par un secret jugement de Dieu, ce que le mondain veut être, et en même temps ce qu'il ne peut souffrir ; ce qu'il entretient dans lui-même, et ce qu'il déteste dans les autres : comme si Dieu, ajoute ce Père, se plaisait à réprouver la sagesse du monde par elle-même ; au lieu que le monde, quoique d'ailleurs plein d'injustice, ne peut s'empêcher néanmoins d'aimer dans les autres l'humilité, d'honorer dans les autres le désintéressement, de respecter dans les autres la droiture, la bonne foi, toutes les vertus, et de rendre hommage par là même à la sagesse chrétienne.

 

Jésus-Christ fait plus : il apprend à tout l'univers combien la sagesse du monde est vaine et inutile. Hérode a beau chercher le roi des Juifs, il ne le trouvera pas ; il a beau user d'artifice en dissimulant avec les mages, pour les engager à lui en venir dire des nouvelles, les mages prendront une autre route, et ne retourneront plus à Jérusalem. Il a beau faire un massacre de tous les enfants qui sont aux environs de Bethléem, celui qu'il cherche n'y sera pas enveloppé. Il en égorgera mille pour un seul ; et ce seul dont il veut s'assurer, est celui qui lui échappera : pourquoi ? parce qu'il est écrit qu'il n'y a point de conseil ni de prudence contre le Seigneur : Non est prudentia, non est consilium contra Dominum (Prov., XXI, 30.). Ainsi, Chrétiens, sans parler d'Hérode, jamais le mondain, avec sa prétendue sagesse, ne parvient ni ne parviendra à la fin qu'il se propose ; car il se propose d'être heureux, et jamais il ne le sera. Il sera riche si vous le voulez, comblé d'honneur si vous le voulez ; mais, suivant les principes et les règles de la fausse prudence, il n'arrivera jamais au bonheur où il aspire. Or dès là sa sagesse n'est plus sagesse, puisqu'elle ne le peut conduire à son but. Vérité aussi ancienne que Dieu même, mais encore plus incontestable depuis que le Fils de Dieu a établi la béatitude des hommes dans des choses où évidemment la sagesse du monde n'est d'aucun usage. Car supposé, comme l'Evangile nous l'enseigne, que la béatitude d'un chrétien consiste à être pauvre de cœur, à souffrir persécution pour la justice, à pardonner les injures ; en quoi la prudence du siècle nous peut-elle être désormais utile ? Quelle prudence du siècle, dit saint Chrysostome, faut-il pour tout cela ? Usant de cette prudence, quel avantage en tirez-vous, et à quoi vous mènera-t-elle ? Si vous vous servez de cette prudence de la chair pour satisfaire vos désirs, vous renoncez à la béatitude du christianisme. Si vous prétendez à la béatitude du christianisme, cette prudence de la chair n'y peut en rien contribuer. Par conséquent elle n'est plus prudence ; ou plutôt de prudence qu'elle semblait être, elle devient folie, puisque, bien loin de vous découvrir la véritable félicité et de vous aider à la trouver, elle y devient un obstacle ; ce qui faisait dire à l'Apôtre : Nonne stultam fecit Deus sapientiam hujus sœculi (1 Cor., I, 20.) ?

 

Enfin, le Sauveur, venant au monde, fait servir malgré elle aux desseins de Dieu la politique même du monde. Car, prenez garde, il fallait que la naissance de Jésus-Christ fût publiée et connue ; et c'est la violence et la tyrannie d'Hérode qui la rend publique. Il voulait éteindre le nom de ce nouveau roi d'Israël ; et c'est lui qui le fait connaître. Il voulait qu'il n'en fut point parlé ; et la voie qu'il prend pour cela est justement le moyen d'en faire parler par toute la terre et dans tous les siècles. Quel bruit en effet, et quel tumulte ! que de mouvements différents, et que d'effroi, lorsque tant de victimes innocentes sont impitoyablement arrachées du sein de leurs mères, et immolées devant leurs yeux ! Quels cris confus et quels gémissements se firent entendre de toutes parts ! Vox in Roma audita est, ploratus et ululatus multus (Matth., II, 18.). Etait-il possible qu'une action si éclatante demeurât cachée ? Etait-il possible que de la Judée elle ne passât pas bientôt dans les pays voisins, et de là chez les nations les plus éloignées ? Etait-il possible qu'on n'en voulût pas savoir le sujet, et qu'on ne prît pas soin de s'en faire instruire ? Et, par une conséquence nécessaire, n'était-ce pas là de quoi rendre Jésus-Christ célèbre, et de quoi faire admirer sa puissance, lorsqu'on apprendrait que des mages et des rois étaient venus l'adorer ; qu'Hérode en avait conçu de la jalousie ; que, dans l'excès de sa fureur, il avait fait les derniers efforts pour perdre cet enfant ; et que, malgré tous ses efforts, cet enfant sans armes et sans défense avait su néanmoins se dérober à ses coups ? Sagesse adorable de mon Dieu, c'est ainsi que vous vous jouez de la sagesse des hommes quand elle se tourne contre vous, et que vous employez à exécuter vos immuables décrets cela même qui devrait, selon nos vues faibles, les arrêter. C'est ainsi que s'accomplit cette menace que vous nous avez fait entendre par la bouche de votre Apôtre : Perdam sapientiam sapientium, et prudentiam prudentium reprobabo (Cor., I, 19.) ; Je détruirai la sagesse des sages du siècle, et je la réprouverai. Combien de preuves en a-t-on eues dans les âges précédents, et combien en avons-nous encore dans le nôtre ? Combien de fois l'impie, selon le langage de l'Ecriture, a-t-il vu retomber sur lui son impiété même, et combien de fois s'est-il trouvé, par une secrète disposition de la Providence, engagé et pris dans le piège où il voulait attirer les autres ? Aman voulait perdre Mardochée, et tous les Juifs avec lui ; mais, courtisan ambitieux, ce sera vous-même qui servirez à l'établissement de cette nation que vous vouliez exterminer ; vous-même qui servirez à relever la gloire de cet homme juste que vous vouliez opprimer ; vous-même qui périrez, et qui périrez par le même supplice que vous lui aviez préparé.

 

L'orgueilleux veut s'agrandir, et c'est par là souvent qu'il est dépouillé ; le voluptueux veut satisfaire sa passion, et sa passion devient son bourreau, et lui fait souffrir les plus cruelles peines. Effets sensibles de la suprême sagesse de notre Dieu ! Mais que n'ai-je le temps de vous développer tant d'autres mystères qui nous sont cachés ! mystères profonds , et surtout mystères d'autant plus terribles, qu'ils regardent, non plus la ruine temporelle, mais l'éternelle damnation du sage mondain.

 

Renonçons, mes chers auditeurs, mais renonçons pour jamais et de bonne foi, à cette sagesse réprouvée qui se cherche elle-même, et qui ne cherche qu'elle-même : en nous cherchant nous-mêmes, nous nous perdrons. Je me trompe, en nous cherchant nous-mêmes, nous nous trouverons ; mais le plus grand de tous les malheurs pour nous, est de nous trouver nous-mêmes , puisqu'en nous trouvant nous-mêmes, nous ne pouvons trouver que ce que nous sommes, c'est-à-dire que confusion, que désordre, que misère, que péché. Cherchons Dieu, et, sans penser à nous, nous nous trouverons saintement, sûrement, heureusement en Dieu. Cherchons Dieu, et dès cette vie nous trouverons notre souverain bien, qui ne peut être hors de Dieu. Et parce que Dieu ne peut plus être désormais trouvé qu'en Jésus-Christ, à l'exemple des mages, pour trouver Dieu, cherchons Jésus-Christ. Et parce que Jésus-Christ ne peut être trouvé lui-même que dans les états où il a voulu se réduire pour nous servir de modèle, ne le cherchons point ailleurs ; c'est-à-dire, parce que Jésus-Christ ne peut être trouvé que par la voie d'une humilité sincère, d'une obéissance fidèle, d'un véritable renoncement au monde, ne le cherchons point par d'autres voies que celles-là. Aimons-les, ces saintes voies qui nous conduisent à lui ; et puisqu'il n'y a plus d'autre sagesse que la sienne, attachons-nous à cette divine sagesse : étudions-la dans les maximes de ce Sauveur, dans la pureté de sa doctrine et de sa loi, dans la sainteté de ses mystères, dans la perfection de ses exemples.

 

Préférons cette sagesse chrétienne à toute la sagesse du monde, ou plutôt faisons profession de ne connaître point d'autre sagesse, pour pouvoir dire avec saint Paul : Non judicavi me scire aliquid inter vos, nisi Jesum Christum, et hunc crucifixum (1 Cor., II, 2.). C'est cette sagesse qui nous éclairera, cette sagesse qui nous sanctifiera, cette sagesse qui fera de nous des hommes parfaits sur la terre, et des bienheureux dans le ciel.

 

BOURDALOUE, SERMON SUR L'EPIPHANIE

 

 

Adoration des Mages, Gentile da Fabriano, Galleria degli Uffizi, Florence

 

 

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