Jusque dans le sein de l'Eglise et dans le centre du christianisme, avons-nous la même foi que les mages ? ou, si nous croyons
comme eux, agissons-nous comme eux, et cherchons-nous Dieu comme eux ? Ils furent,ces saints mages, selon la pensée et l'expression des Pères, les prémices de notre vocation à la foi : c'est par
eux que Jésus-Christ voulut commencer à nous transmettre ce précieux trésor de la foi, dont il les fit dépositaires : c'est par eux qu'il commença à substituer les Gentils en la place des Juifs,
où plutôt qu'il voulut associer les Gentils et les Juifs dans la même créance.
BOURDALOUE
Cum natus esset Jesus in Bethlehem Judœ, in diebus Herodis regis, ecce magi ab Oriente venerunt Jerosolymam, dicentes : Ubi est
qui natus est rex Judœorum ? Vidimus enim stellam ejus in Oriente, et venimus adorare eum. Audiens autem Herodes rex, turbatus est, et omnis Jerosolyma cum illo.
Jésus étant né à Bethléem de Juda, au temps que régnait Hérode, des mages vinrent d'Orient à Jérusalem, et ils demandaient : Où est
le roi des Juifs qui est nouvellement né ? car nous avons vu son étoile en Orient, et nous sommes venus l'adorer. Le roi Hérode, ayant appris cela, en fut troublé, et toute la ville de Jérusalem
avec lui. (Saint Matthieu, chap. II, 1-3.)
Voilà, chrétienne compagnie, l'accomplissement de la parole de Siméon, lorsque, tenant entre ses bras l'enfant Jésus, il disait à
Marie, sa mère : Cet enfant que vous voyez sera la ruine et la résurrection de plusieurs : Ecce positus est hic in ruinam et in resurrectionem multorum (Luc, II, 34.). Les mages partis
de l'Orient pour venir adorer ce divin Sauveur, ce sont ceux pour la résurrection desquels il commence à paraître au monde, et l'impie Hérode, troublé de sa venue et du seul bruit de sa
naissance, nous marque ceux au contraire pour qui il doit être une occasion de ruine. Voilà l'effet de ce que le même Fils de Dieu, après le célèbre miracle de la guérison de l'aveugle-né, dit à
ses disciples : In judicium veni in hunc mundum, ut qui non vident, videant ; et qui vident, cœci fiant (Joan., IX, 39.) ; Je suis venu dans le monde pour y exercer un jugement en
conséquence duquel les aveugles voient, et ceux qui voient deviennent aveugles. C'est en ce jour que ce jugement s'accomplit à la lettre. Les mages, au milieu des ténèbres de la gentilité, sont
éclairés des plus vives lumières de la grâce.
La crèche de Jésus-Christ est le tribunal où, en qualité de souverain Juge, il prononce ces deux arrêts, et où par avance il peut
dire : In judicium veni in hunc mundum, et qui non vident, videant; et qui vident, cœci fiant. Figurez-vous donc, Chrétiens, ce Sauveur naissant, sous l'idée que Jean-Baptiste son
précurseur en concevait, ayant dès aujourd'hui le van à la main : Cujus ventilabrum in manu sua (Joan., IX, 39.); c'est-à-dire faisant dès aujourd'hui le discernement des hommes ;
prédestinant les uns, réprouvant les autres ; appelant et éclairant ceux-ci, abandonnant et aveuglant ceux-là ; attirant des étrangers et des infidèles, rejetant les enfants et les héritiers du
royaume. Mystère étonnant, où nous devons avec respect adorer les conseils de Dieu. Mystère impénétrable qu'il ne nous est pas permis de sonder, et où je dois néanmoins trouver de quoi vous
instruire. Or pour cela, mes chers auditeurs, je m'arrête aux deux premières vues qui se présentent d'abord, et qui semblent partager notre évangile. Nous y voyons, d'une part, les mages qui
viennent chercher Jésus-Christ, et, de l'autre, Hérode qui conspire contre Jésus-Christ. C'est à quoi je m'attache, et d'où je veux tirer deux grandes instructions qui vont faire la matière de ce
discours. Ave, Maria.
Voilà, mes chers auditeurs, les deux idées que je propose, et où je trouve que doit se rapporter toute la morale du grand
mystère que nous célébrons : l'idée de la vraie sagesse, et l'idée de la faune sagesse ; l'idée de la vraie sagesse, qui consiste à chercher Dieu ; et l'idée de la fausse sagesse, qui
consiste à se chercher soi-même : l'idée de la vraie sagesse, dont nous avons le modèle dans l'exemple des mages ; et l'idée de la fausse sagesse, que je découvre dans l'exemple d'Hérode :
comprenez, s'il vous plaît, ces deux pensées.
Qu'étaient-ce que les mages, dont nous honorons la mémoire ? C'étaient les sages de la gentilité, et tous les Pères conviennent
qu'ils ont été les prémices de notre vocation à la foi. Il était donc naturel que Dieu nous donnât dans eux un parfait modèle de la sagesse chrétienne, et c'est ce qu'il a prétendu, comme je vais
vous le montrer dans la première partie. Au contraire, qu'était-ce qu'Hérode ? Un sage politique, un sage mondain, le plus infidèle de tous les hommes envers Dieu. Il était donc plus propre que
tout autre à nous faire comprendre le désordre de la fausse prudence, et c'est ce que vous verrez avec étonnement et avec frayeur dans la seconde partie. Ainsi, la solide sagesse des élus et des
vrais chrétiens dans la conduite des mages, en cherchant le Fils de Dieu ; et t'aveugle sagesse des réprouvés et des impies dans la conduite d'Hérode, en persécutant le Fils de Dieu : l'une qui
nous fait connaître les saintes voies par où nous devons marcher pour arriver au terme du salut ; l'autre, qui nous fait voir sensiblement les voies d'iniquité dont nous devons nous préserver, et
qui ne peuvent aboutir qu'à la perdition : c'est tout mon dessein.
Non, Chrétiens, jamais la Providence n'a donné au monde un modèle plus achevé de cette véritable sagesse, qui consiste à chercher et
à trouver Dieu, que celui qu'elle nous propose dans la personne des mages. Examinons tous les caractères de leur foi, dans son commencement, dans son progrès, et dans sa perfection : dans son
commencement, c'est-à-dire dans la promptitude avec laquelle ils se déterminent à suivre la vocation divine qui leur est marquée par l'étoile, et dans le courage qu'ils font paraître en
abandonnant tout, pour obéir à l'ordre de Dieu : dans son progrès, c'est-à-dire dans la constance qu'ils témoignent lorsque l'étoile vient à
s'éclipser, s'informant avec soin du lieu où est né l'enfant qu'ils cherchent, le reconnaissant pour roi des Juifs jusqu'au milieu de Jérusalem, et même au milieu de la cour d'Hérode, et
déclarant avec une sainte liberté qu'ils sont venus pour lui rendre leurs hommages : dans sa perfection, je veux dire dans l'admirable discernement qu'ils font de Jésus-Christ, ne se scandalisant
point de l'état pauvre et humble où ils le trouvent ; au contraire, concluant de là même qu'il est leur Sauveur ; l'adorant en esprit et en vérité ; et par les mystérieux présents qu'ils lui
offrent, lui donnant autant de preuves de leur parfait dévouement et de leur religion.
Cherchez-vous Dieu de bonne foi, mes chers auditeurs, et voulez-vous savoir comment on le trouve ? en voilà toute la science et tout
le secret. Ne disons plus après cela que les voies de Dieu sont des voies obscures et inconnues : elles nous sont ici révélées trop clairement et trop distinctement, pour avoir droit de tenir
désormais un tel langage. Ne nous plaignons plus des difficultés qui s'y rencontrent, et des égarements qui y sont si ordinaires : après l'exemple de ces mages, qui n'y ont marché avant nous que
pour nous y servir de guides, nos plaintes seraient également vaines et injustes. Supposez l'excellent modèle que Dieu nous met devant les yeux, nos erreurs, en matière de salut, ne peuvent plus
être excusables ; et si, malgré tant de lumières, nous sommes assez malheureux pour ne pas trouver Dieu et pour nous perdre, c'est à notre infidélité, c'est à notre lâcheté, c'est à notre
inconstance, c'est à nos respects humains, c'est à notre orgueil, c'est à notre avarice et à un attachement opiniâtre aux biens de ce monde, c'est à nous-mêmes enfin, que nous devons imputer
notre malheur. Attention, Chrétiens : ceci me fournit pour vous des leçons bien importantes.
Promptitude à suivre la vocation du ciel : ce fut le premier effet de la foi des mages, et le premier trait de cette haute sagesse
qui, par un changement divin, d'infidèles qu'ils étaient, les mit en état de trouver le Dieu Sauveur. Dès qu'ils virent son étoile, ils partirent pour aller à lui : Vidimus stellam ejus, et
venimus (Matth., II, 2.) ; Ils ne balancèrent point, ils ne délibérèrent point, ils ne s'arrêtèrent point, ni à former de vains projets, ni à prendre de longues mesures. Attentifs à l'étoile
qui les éclairait, et uniquement appliqués à chercher celui qu'elle leur annonçait, ils hâtèrent leur marche : pourquoi ? parce qu'ils étaient déjà remplis de cet esprit et de cette sagesse
surnaturelle qui conduit les élus de Dieu. Or, comme remarque saint Chrysostome, chercher Dieu de la manière efficace et solide dont le cherche une âme fidèle, ce n'est plus raisonner, ni
délibérer, c'est exécuter et agir : d'où il s'ensuit, dit ce saint docteur, que quand on délibère, quand on consulte et qu'on raisonne, quelque intention qu'on ait de trouver Dieu, le cherchant
toujours, ou, pour mieux dire, se flattant toujours de le chercher, on ne le trouve jamais. Voilà sur quoi fut fondée la promptitude des mages. Ils virent l'étoile ; et, animés d'une foi vive,
pressés d'un désir ardent d'arriver au terme où l'étoile les appelait, ils n'écoutèrent rien de tout ce qui pouvait les retenir : Vidimus et venimus ; Nous avons vu et nous sommes
venus.
Paroles, ajoute saint Chrysostome, qui expriment admirablement la force et l'opération de la grâce, puisqu'il est vrai que dans
l'affaire du salut tout dépend de certaines vues à quoi la grâce est attachée, ou plutôt en quoi consiste la grâce même. Ambulate dum lucem habetis (Joan., XII, 35.) ; Marchez, disait le
Fils de Dieu, pendant que vous avez la lumière. Or c'est ce que font à la lettre ces sages prédestinés de la gentilité. Ils marchent, parce qu'une lumière secrète pénètre intérieurement et touche
leurs cœurs, tandis qu'un nouvel astre brille extérieurement à leurs yeux. Ils marchent, parce que cette double lumière leur fait connaître la naissance d'un Dieu et d'un Sauveur : d'un Dieu qui,
ne se contentant plus d'être connu dans la Judée, veut recevoir les hommages de toutes les nations ; d'un Sauveur qui les a choisis, et qui veut commencer par eux à montrer qu'il n'est pas
seulement venu pour Israël, mais pour tous les peuples de la terre. Ils marchent et l'extrême diligence dont ils usent est autant une preuve de leur sagesse que de l'activité de leur zèle ; ils
s'empressent de chercher leur salut, en cherchant Celui qui en est l'auteur, et qui en doit être bientôt le consommateur : Vidimus et venimus.
Ainsi agissent les mages ; mais nous comparant avec eux, mes chers auditeurs, quel est ici le premier et le grand désordre que nous
avons à nous reprocher ? Ne sont ce pas les retardements éternels, les retardements affectés, les retardements téméraires et insensés, que nous apportons tous les jours à l'exécution des ordres
de Dieu, et à ce que la grâce nous inspire ? peut-être y a-t-il des années entières que Dieu nous appelle, et que nous lui résistons. Elevés dans le christianisme, nous avons pour marcher plus de
lumières que les mages : notre foi est plus établie, plus formée, plus développée ; nous connaissons beaucoup plus distinctement qu'eux les volontés et les desseins de Dieu sur nous. Pour une
étoile qu'ils voyaient, mille raisons nous convainquent, mille exemples nous confondent, toutes les Ecritures nous parlent : tant de docteurs nous instruisent, tant de prédicateurs
nous pressent, nous sollicitent, nous exhortent, mais en vain, parce que nous différons toujours. Ne dirons-nous jamais comme les mages : Vidimus et venimus ; Nous avons vu, et nous
sommes venus ?
Oui, j'ai vu, ou je vois aujourd'hui ce que Dieu demande de moi ; et c'est pour cela que dès aujourd'hui je m'engage et je commence à
l'accomplir : car que sais-je si je le pourrai demain ? que sais-je si je serai demain aussi touché de la vue que Dieu m'en donne ? que sais-je si ce rayon de grâce fera dans mon âme la même
impression ? que sais-je si la lumière de ma foi, après tant de délais qui l'affaiblissent peu à peu, ne viendra point tout à fait à s'éteindre ? que sais-je si, mettant par là le comble à mes
iniquités, je ne tomberai point dans cet aveuglement fatal dont Dieu punit les cœurs rebelles, et si l'habitude que je me fais de temporiser, et de ne jamais rien conclure, ne sera point enfin la
source de ma réprobation ? Ah ! suivons cette lumière favorable qui luit encore pour nous. Marchons, de peur que les ténèbres ne nous surprennent, et ne remettons point à un autre temps ce qui
doit avoir la préférence dans tous les temps, ou plutôt ce qui doit être l'affaire de tous les temps. Dieu m'éclaire maintenant et je ne puis savoir s'il m'éclairera demain, ni s'il y aura même
un lendemain pour moi. Mais quand je le saurais, devrais-je et voudrais-je me prévaloir contre lui de sa patience, et abuser de sa miséricorde pour l'offenser toujours avec plus d'obstination ?
Promptitude à suivre la voix de Dieu dès que Dieu nous la fait entendre : c'est la première leçon que nous fait l'exemple des mages ; et courage à surmonter pour cela toutes les
difficultés qui se présentent : c'est la seconde.
Car pour suivre l'étoile et pour répondre à la vocation du ciel, les mages, aussi bien qu'Abraham, furent obligés d'abandonner leur
pays, leurs maisons, leurs familles, et, selon la commune tradition, leurs royaumes et leurs états. Ils durent faire dès lors ce que saint Pierre et les apôtres firent dans la suite des années ;
c'est-à-dire ils durent quitter tout pour Jésus-Christ, et ils eurent droit les premiers de dire comme saint Pierre, et même dans un sens, avec plus de mérite que saint Pierre : Ecce nos
reliquimus omnia, et secuti sumus te (Matth., XIX, 27.). Or, leur courage à prendre une telle résolution, leur détachement héroïque en s'éloignant de ce qu'ils avaient de plus cher, en
essuyant les fatigues d'un long voyage, et en sacrifiant de la sorte leur repos, c'est ce que je puis considérer comme une seconde démarche de leur foi naissante, et comme une nouvelle preuve de
cette éminente sagesse qui leur fit trouver Jésus-Christ. Car il est aisé, dit saint Chrysostome, de suivre le mouvement de la grâce quand il n'en coûte rien à la nature, et d'obéir à
l'inspiration de Dieu quand il ne s'y rencontre nul obstacle de la part du monde. Le mérite de la foi et de la sagesse chrétienne est de renoncer même, quand il le faut, à ce qu'on aime plus
tendrement, de quitter ses habitudes, de rompre ses liens, de se priver des commodités et des douceurs de la vie, et de se faire certaines violences, sans lesquelles on ne parvient point au
royaume de Dieu. C'est alors, poursuit saint Chrysostome, que la prudence de la chair est encore bien plus subtile et plus artificieuse pour nous détourner de la voie où Dieu veut nous conduire.
C'est alors que, prenant le parti de notre amour-propre, elle tâche à nous persuader qu'il y a de l'indiscrétion dans un renoncement si général et si absolu. C'est alors que, tirant avantage de
notre faiblesse, elle nous représente ce parfait détachement comme une entreprise au-dessus de nos forces, et que nous sommes incapables de soutenir. En un mot, c'est alors qu'étouffant les
saints désirs que Dieu, par les vives lumières de sa grâce, avait excités dans nos cœurs, elle nous rend lâches, froids, languissants dans une affaire qui demande toute notre ardeur et tout notre
zèle. S'il s'agissait d'un intérêt du monde, cette prétendue impossibilité que la prudence humaine nous oppose ne nous ferait pas balancer un moment. Pour une fortune temporelle, et pour
satisfaire notre ambition, nous serions prêts à tout, nous oserions tout, nous nous exposerions à tout ; mais parce qu'il s'agit de l'œuvre de Dieu et de notre conversion, tout nous effraie, et
tout nous devient impraticable. Or c'est cette lâcheté que la foi doit combattre en nous, si nous voulons imiter l'exemple des mages ; et par là même, encore une fois, nous devons juger si la
voie où nous marchons est la voie de Dieu. Car l'illusion la plus grossière est de nous flatter d'avoir trouvé cette voie de Dieu, tandis qu'il ne nous en coûte nul effort. Il y a, pour y entrer
et pour y demeurer, des sacrifices à faire ; et nulle voie n'est sûre pour nous, qu'autant que nous les faisons à Dieu, ces sacrifices, ou que nous y sommes efficacement et sincèrement disposés.
Revenons à notre modèle, et voyons le progrès de la foi des mages.
Ils arrivent à Jérusalem, et l'étoile qui jusque-là leur avait servi de guide, par une conduite de Dieu toute particulière, vient
tout à coup à disparaître. Que ne pouvaient-ils pas penser ? que ne devaient-ils pas craindre ? leur foi n'en dut-elle pas être ébranlée, troublée, déconcertée ? Mais non, Chrétiens, la tentation
la plus dangereuse, l'épreuve la plus subite et la moins attendue, le prétexte le plus spécieux qu'elle leur fournit pour penser à leur retour, rien ne les fait changer de résolution. A quelque
prix que ce soit, ils veulent trouver le Dieu qu'ils cherchent ; ils ont vu son étoile, et ils ont senti l'onction de sa grâce ; c'est assez. Si cette étoile ne paraît plus, c'est un secret de la
Providence qu'ils adorent, mais dont ils n'ont garde de se faire un sujet de scandale ; c'est une occasion que Dieu leur donne de lui marquer leur fidélité, et ils comprennent qu'il faut en de
pareilles conjonctures se soutenir par la constance. Sans donc se troubler, sans se rebuter, ils espéreront, aussi bien qu'Abraham, contre l'espérance même ; ils continueront leur marche, sûrs du
Dieu qui les a appelés, et comptant qu'au défaut de l'étoile il leur tracera lui-même le chemin.
Or, c'est en cela que paraît le don de sagesse, d'intelligence, de conseil, dont ils sont remplis ; et voilà, mes chers auditeurs,
comment notre Dieu tous les jours en use avec nous. Après nous avoir attirés à son service, et nous y avoir engagés, il retire pour un temps certaines grâces sensibles dont il nous avait d'abord
prévenus. Nous ne sentons plus ces touches secrètes qui nous rendaient son joug aimable, et qui nous faisaient courir comme David, avec une sainte allégresse, dans la voie de ses commandements.
Ainsi délaissés au milieu de notre course, et, pour ainsi dire, abandonnés à nous-mêmes, nous tombons dans des états d'obscurité, de ténèbres, de sécheresse, de dégoût ; et alors non seulement
Dieu nous éprouve, mais il veut que nous-mêmes nous nous éprouvions. Car, si ses grâces sensibles nous étaient toujours présentes, si nous ne perdions jamais de vue cette étoile lumineuse qui fut
le premier attrait de notre conversion, quoi que nous fissions pour Dieu, nous ne pourrions ni répondre de nous à Dieu, ni, dans le sens que je l'entends, nous assurer de nous-mêmes :
c'est-à-dire notre ferveur dans cet état nous devrait être suspecte ; la sensibilité et l'abondance des consolations divines nous donnerait ou devrait nous donner une défiance raisonnable de
notre vertu ; au moins est-il vrai que notre foi n'aurait pas cette fermeté qu'elle doit avoir, pour être une foi parfaite et digne de Dieu. Il faut donc qu'elle soit éprouvée : et par où ? par
ces délaissements et ces privations si ordinaires aux âmes les plus justes ; et si nous ne sommes pas encore assez forts pour dire à Dieu ce que lui disait le Prophète royal : Proba me,
Domine (Psalm., XXV, 2.) ; Eprouvez-moi, Seigneur ; il faut qu'à l'exemple des mages, nous soyons assez saintement disposés pour persévérer dans les épreuves où il lui plaît de nous mettre ;
il faut que le souvenir des lumières dont nous avons été touchés nous tienne lieu de ces lumières même, quand Dieu vient à nous les ôter, et qu'il nous suffise de pouvoir dire : Vidimus
stellam ejus (Matth., II,2.) ; Je ne vois plus ce qui m'excitait autrefois, et ce qui m'attachait à Dieu : mais je l'ai vu, mais j'en ai connu la vérité et la nécessité, mais j'en ai été
persuadé. Or tout ce que j'ai vu subsiste encore ; et puisqu'il subsiste encore, qu'il subsistera toujours, et qu'il aura toujours la même force, pourquoi ne fera-t-il pas toujours sur moi la
même impression, et ne me servira-t-il pas toujours de motif pour m'animer, et de règle pour me conduire ? Raisonner de la sorte, et indépendamment des goûts et des consolations intérieures,
tenir toujours la même route, et agir de la même façon, c'est là, Chrétiens, que je reconnais la sagesse de l'Evangile, et ce que nous ne pouvons assez admirer dans les mages.
Cependant que font-ils pour suppléer à l'étoile qu'ils ne voient plus ? Ils se servent des moyens naturels que leur fournit la
Providence ; ils savent que le Dieu qu'ils cherchent se plaît en effet à être cherché, et que c'est à ceux qui le cherchent qu'il se découvre plus volontiers. C'est pour cela qu'ils s'informent
exactement du lieu de sa naissance, c'est pour cela qu'ils ont recours aux prêtres et aux docteurs de la loi, comme à ceux qu'ils supposent plus intelligents et plus capables par leur caractère
de les instruire ; c'est pour cela qu'ils parlent, qu'ils consultent, qu'ils ne se donnent aucun repos. Autre preuve de leur sagesse, dont il faut que nous profitions ; car en quelque état
d'aveuglement et d'obscurité que je tombe, en quelque ignorance des voies de Dieu, que je puisse être, en quelque désordre même que soit ma foi, si je cherche Dieu dans la simplicité du cœur, il
est sûr que je le trouverai ; c'est lui-même qui me l'a dit, et sa parole y est expresse : In simplicitate cordas quœrite illum, quoniam invenitur ab iis qui non tentant illum (Sap., 1,
1.) ; c'est-à-dire si je le cherche sincèrement et avec une intention pure et droite, si je le cherche avec humilité, si je le cherche avec confiance, si je le cherche avec
persévérance, il est sûr que je ne serai point confondu : Qui sustinent te, non confundentur (Psal., XXIV, 3.), et qu'il ne manquera pas : Non dereliquisti quaerentes te (Psal.,
IX, 11.). Il est sûr que mon âme, en le cherchant, vivra de la vie des justes : Quœrite Deum et vivet anima vestra (Psal., LXVIII, 33.). Il est sûr qu'à mesure que je le chercherai je
m'affermirai dans la pratique du bien et dans l'horreur du vice : Quœrite Dominnm, et confirmamini (Psal., CIV, 4.). Oracles de l'Ecriture dont il n'est pas permis de douter. Or est-il
rien de plus propre à m'encourager dans le soin de chercher Dieu et d'étudier les voies de mon salut ? Vous médirez que vous n'avez point assez pour cela de pénétration,
et que vos lumières sont trop faibles. Je le veux, mon cher auditeur ; mais vous avez, aussi bien que les mages, un moyen facile pour éclaircir tous vos doutes, et pour vous tirer de
l'incertitude où vous pouvez être. Il y a dans l'Eglise de Dieu des docteurs et des prêtres, comme il y en avait alors ; il y a des hommes établis pour vous conduire, et qu'il ne tient qu'à vous
d'écouter. Interrogez-les comme vos pères, et ils vous diront ce que vous avez à faire : Interroga patrem tuum, et annuntiabit tibi, majores tuos, et dicent tibi (Deut.,
XXXII, 7.). Allez à eux comme aux ministres du Seigneur ; leurs lèvres, dépositaires de la science, vous enseigneront la science des sciences, qui est celle de trouver Dieu.
Pouvez-vous l'ignorer avec cela, et avec cela pouvez-vous même vous y tromper, sans vous rendre absolument inexcusables ?
Les mages nous apprennent quelque chose encore de plus : et quoi ? à chercher Dieu avec un généreux mépris de tous les respects
humains, et avec une liberté digne de la sainteté du christianisme que nous professons. En fut-il jamais un tel exemple ? Au milieu de Jérusalem et en la présence d'Hérode, ils demandent où est
né le nouveau roi des Juifs. Sans nul ménagement de politique, ils déclarent qu'ils sont venus pour l'adorer. Uniquement occupés de cette pensée, ils comptent pour rien toutes les considérations
du monde qui pourraient refroidir leur zèle. Qu'Hérode s'en offense et qu'il se trouble ; que la Synagogue s'en scandalise et qu'elle en murmure ; qu'on pense et qu'on dise d'eux tout ce que l'on
voudra : ni la censure des pharisiens, ni la malignité d’Hérode, ni la crainte de lui déplaire, ni le danger qui les menace, rien ne les empêchera de rendre à ce Sauveur et à ce Dieu naissant le
culte qui lui est dû. Est-ce ainsi, mon cher auditeur, que vous l'honorez ? est-ce ainsi que vous pratiquez les devoirs de votre religion ? est-ce ainsi que vous êtes, quand il le faut être,
libre et sincère adorateur de Jésus-Christ ? Combien de fois un respect humain a-t-il retenu votre foi dans l'esclavage ? combien de fois, jusque dans les sacrés mystères, lorsqu'il s'agissait
d'adorer le même Dieu qu'adorèrent les mages, avez-vous été un lâche prévaricateur ? combien de fois, à la face des autels, la crainte de passer pour un homme régulier et pieux vous a-t-elle fait
oublier que vous étiez chrétien, et, par une faiblesse scandaleuse, vous a-t-elle fait paraître impie ? combien de fois une honte criminelle vous a-t-elle fermé la bouche dans des occasions où il
fallait s'expliquer hautement et parler ? où était alors cette liberté chrétienne dont vous deviez vous faire, et devant les hommes et devant Dieu, non-seulement une obligation, mais une gloire ?
où était cet esprit de religion qui devait vous élever au-dessus du monde ? Sont-ce là ces saintes victoires que la foi doit remporter ? Et haec est victoria quœ vincit mundum, fides
nostra (Joan., V, 4. ) ? Ce point de morale occuperait un discours entier, je le laisse ; et pour vous faire voir la sagesse des mages dans tout son jour, je passe à ce que j'appelle la
perfection de leur foi.
Perfection de leur foi. Entrons avec eux dans l'étable de Bethléem : car ils y arrivent enfin après tant de peines et tant de périls.
Or, quel spectacle pour des rois, qu'un enfant couché sur la paille et dans une crèche ; mais sous des dehors si vils et si méprisables, le discernement qu'ils font de ce Sauveur n'est il pas
l'effet de la plus éminente sagesse ? Ils le reconnaissent dans la pauvreté et dans la misère, dans l'enfance et dans l'infirmité, dans l'humiliation et dans le plus profond abaissement. Bien
loin que cet état où ils le trouvent altère leur foi, ils en sont touchés, ils en sont édifiés ; et pénétrant le mystère, ils découvrent sous ces voiles obscurs le Messie promis au monde. S'ils
n'eussent eu qu'une foi faible et chancelante, l'étable, la crèche, les langes de cet enfant les eussent rebutés, leur raison se serait révoltée, leur sagesse alors toute mondaine leur eût
inspiré du mépris pour un Sauveur réduit lui-même en de telles extrémités ; ils auraient dit ce que dirent ensuite les pharisiens : Nolumus hunc regnare super nos (Luc, XIX, 14.) ;
Nous ne voulons point d'un maître sans biens, sans forces, sans pouvoir, sans nom, dénué de tout : qu'il paraisse sur le trône, qu'on nous le fasse voir revêtu de gloire et de majesté, et nous
nous soumettrons. Voilà comment ils auraient parlé, et ce qu'ils auraient pensé. Mais parce qu'ils sont animés d'une foi vive, d'une foi parfaite, d'une foi divine, ils en jugent tout autrement.
Ils concluent que Jésus-Christ est roi par lui-même ; c'est-à-dire que pour se faire rechercher et obéir en cette qualité, il n'a nul besoin de toutes les marques extérieures et de tous les
ornements de la pompe humaine. Si les autres rois en étaient dépouillés, auraient-ils autour d'eux ces troupes de clients, et ces cours nombreuses qui remplissent leurs palais ? Ce n'est pas sur
cet éclat et sur cette grandeur apparente qu'est fondée leur royauté ; elle vient de Dieu, qui leur a fait part de sa puissance ; mais, après tout, si leur royauté s'attire tant de respects, et
si le monde lui rend tant d'honneurs, c'est parce qu'elle est accompagnée d'une splendeur et d'une magnificence qui frappe les yeux ; au lieu que, sans cela, ce roi nouvellement né se fait
respecter et honorer par les rois mêmes. Ils concluent qu'il est roi des esprits et des cœurs, puisqu'il les a si miraculeusement éclairés, inspirés, touchés. Les plus grands rois de la terre
n'ont pas ce pouvoir : ils règnent sur nous, dit saint Jérôme, mais Jésus-Christ règne dans nous, et il n'appartient qu'à lui de s'insinuer comme il veut dans les âmes, et de leur donner telle
impression qu'il lui plaît. Ils concluent qu'il est roi universel, roi du ciel où il vient de faire éclater un nouvel astre, et roi de la terre, où il fait sentir sa souveraineté et sa présence
aux nations même les plus reculées ; roi des Juifs et des Gentils, de tous les états et de toutes les conditions, puisque de toutes les conditions et de tous les états il a également appelé à lui
et les grands et les petits. C'est, dis-je, ce qu'une sagesse toute céleste leur découvre ; et c'est avec la même sagesse et la même foi qu'une âme qui, par un retour sincère et par une pleine
consécration, s'attache désormais à ce Sauveur qu'elle a retrouvé, lui dit comme ces bienheureux mages (car je ne puis douter que ce ne fût là leur sentiment) : Rex regum , et Dominus
dominantium (Apoc, XIX, 16.) ; Vous êtes le Roi des rois et le Maître des maîtres ; vous serez le mien en particulier. Trop longtemps le monde a exercé sur moi sa tyrannie ; trop longtemps
il m'a tenu dans une dure servitude et soumis à ses lois, ou plutôt à ses bizarreries et à ses caprices ; il faut enfin secouer un joug si pesant et si honteux. Vous régnerez dans mon cœur et sur
mon cœur ; vous y régnerez seul, et seul vous en réglerez tous les désirs, toutes les vues, tous les desseins. Ainsi le pensent les mages ; et ainsi, mes chers auditeurs, devez-vous le dire
vous-mêmes, et encore plus le penser.
Perfection de leur foi : non contents d'honorer Jésus-Christ comme le souverain monarque du monde, ils l'adorent comme leur Dieu ;
non contents de lui rendre un culte extérieur en se prosternant devant lui : Et procidentes (Matth., II, 11), ils lui rendent un culte intérieur, et l'adorent en esprit et en vérité :
Adoraverunt eum. Car ce fut un culte religieux ; et pour être un culte religieux, il devait partir du cœur. Combien de faux adorateurs dans le christianisme ! c'est le vrai Dieu qu'ils
adorent, mais sans l'adorer comme le vrai Dieu le doit être : pourquoi ? parce qu'ils ne l'adorent que par coutume , parce qu'ils ne l'adorent que par cérémonie, parce qu'ils ne l'adorent que par
je ne sais quelles bienséances à quoi ils ne veulent pas manquer, tandis que leur cœur porte ailleurs toutes ses pensées et tous ses vœux ; c'est-à-dire qu'ils sont chrétiens en apparence, mais
sans l'être en effet, comme les mages commencèrent à le devenir.
Perfection de leur foi : que présentent-ils à Jésus-Christ, et, suivant l'explication des Pères et des interprètes, que de mystères
sont renfermés dans les trois offrandes qu'ils lui font ! Toute l'idée de Jésus-Christ même y est imprimée d'une manière sensible, sa divinité, son humanité, sa souveraineté : sa divinité, par
l'encens, qui n'est dû qu'à Dieu ; son humanité, par la myrrhe, qui servait à embaumer et à conserver les corps ; enfin, sa souveraineté, par l'or, qui est le tribut ordinaire que nous payons aux
princes et aux monarques : Et apertis thesauris suis, obtulerunt et munera, aurum, thus et myrrham (Matth., II, 11.). Voilà les grandes vues que leur donna une sagesse supérieure à toute
la sagesse du siècle ; et ce fut dès lors que le Sauveur des hommes put bien dire qu'il n'avait point trouvé tant de foi, même dans Israël : Non inveni tantam fidem in Israël (Ibid.,
VIII, 10.).
Jusque dans le sein de l'Eglise et dans le centre du christianisme, avons-nous la même foi que les mages ? ou, si nous croyons comme
eux, agissons-nous comme eux, et cherchons-nous Dieu comme eux ? Ils furent,ces saints mages, selon la pensée et l'expression des Pères, les prémices de notre vocation à la foi : c'est par eux
que Jésus-Christ voulut commencer à nous transmettre ce précieux trésor de la foi, dont il les fit dépositaires : c'est par eux qu'il commença à substituer les Gentils en la place des Juifs, où
plutôt qu'il voulut associer les Gentils et les Juifs dans la même créance. Mais au lieu d'imiter ces Gentils fidèles, nous imitons les pharisiens incrédules. Nous sommes le peuple de Dieu,
et à peine connaissons-nous Dieu, ou si nous le connaissons, nous n'y pensons pas ; ou si quelquefois nous y pensons, ce n'est que pour rendre notre malice plus obstinée, en nous éloignant de
lui, et ne retournant presque jamais à lui. Il est vrai que nous avons reçu la foi que les pharisiens ne voulurent pas recevoir : mais ce riche héritage, comment l’avons-nous conservé,
comment l'avons-nous cultivé, quels fruits en retirons-nous, et comment le faisons-nous profiter ? Car qu'est-ce maintenant que la foi des chrétiens, cette foi si pure, si ferme, si généreuse, si
agissante dans les mages ; mais dans nous si languissante, mais dans nous si paresseuse et si lente, mais dans nous si stérile, et dépouillée de toutes les œuvres qui la doivent accompagner, et
qui la vivifient dans Dieu ? Or, ne craignons-nous point que Dieu ne prononce enfin contre nous le même arrêt qu'il prononça contre les pharisiens par la bouche de son Apôtre ? Vobis
oportebat primum loqui verbum Dei ; sed quoniam repellitis illud , et indignos vos judicatis œternœ vitœ, ecce convertimur ad gentes : sic enim prœcepit nobis Dominus (Act., XIII, 47.). Mes
Frères, leur disait saint Paul, c'était à vous qu'il fallait d'abord annoncer la parole de Dieu, puisque Dieu vous avait spécialement choisis ; mais vous la rejetez, cette divine parole, vous la
méprisez, et vous ne voulez pas l'entendre. C'est une parole; de vie ; mais vous renoncez à cette vie éternelle où elle devait vous conduire. Le Seigneur donc nous ordonne de porter aux nations
le saint Evangile que vous refusez d'embrasser : Ecce convertimur ad gentes ; sic enim praecepit nobis Dominus.
N’avons-nous pas, dis-je, sujet de craindre que Dieu ne nous traite de la sorte ; qu'après nous avoir distingués entre les nations,
qu'après avoir fait luire sur nous sa lumière, et nous avoir donné la foi par préférence à tant de peuples qu'il a laissés dans les ténèbres, il ne nous enlève le talent qu'il nous a confié, et
qu'il ne le transporte loin de nous dans des terres étrangères ? N'est-ce point déjà même ce qui commence à s'accomplir ? Nous entendons parler des merveilles qu'opère la prédication de
l'Evangile au delà des mers ; nous voyons partir d'auprès de nous des ministres de Jésus-Christ, pour aller cultiver une chrétienté naissante au milieu de l'idolâtrie ; le nom du Seigneur est
porté aux extrémités du monde. Que votre miséricorde, ô mon Dieu, en soit éternellement bénie ; et malheur à nous, si nous avions sur cela d'autres sentiments ! Mais, Chrétiens, selon la parole
expresse du Sauveur des hommes, tandis que les peuples de l'Orient entrent dans le royaume de Dieu, les enfants mêmes du royaume n'en seront-ils point bannis ? La ruine des Pharisiens fit
l'abondance et l'élévation des Gentils ; et la richesse de tant de nations, sur qui Dieu répand ses trésors, ne fera-t-elle point notre pauvreté et notre misère ? Si la foi passe en de vastes
contrées où elle était inconnue, n'est-ce point qu'elle nous quitte après que nous l'avons si longtemps outragée, si longtemps déshonorée, si longtemps retenue captive dans l'injustice et dans
l'iniquité ? Prévenons, mes chers auditeurs, cet affreux châtiment.
Ranimons notre foi, et suivons-la ; c'est notre guide, c'est notre étoile ; ne la perdons jamais de vue. Allons à Dieu, et n'y allons
pas les mains vides. L'encens, que nous lui devons présenter, c'est, selon l'explication de saint Grégoire, la ferveur de nos prières ; la myrrhe que nous lui devons offrir, c'est, suivant la
pensée du même Père, la mortification de nos corps et l'austérité de la pénitence ; l'or qu'il attend de nous, ce sont nos bonnes œuvres. Avec cela, nous le trouverons aussi bien que les mages ;
et j'ai dit que c'était le souverain point de la solide sagesse des élus.
Voyons maintenant, dans l'exemple d'Hérode, quelle est l'aveugle sagesse des impies et des réprouvés : c'est la seconde
partie.
BOURDALOUE, SERMON SUR L'EPIPHANIE
Adoration des
Mages, Gentile da Fabriano, Galleria degli Uffizi, Florence