Crist-Pantocrator.jpg

"Je vous donne un commandement nouveau : c'est de vous aimer les uns les autres.

 

Comme je vous ai aimés, vous aussi aimez-vous les uns les autres.

 

Ce qui montrera à tous les hommes que vous êtes mes disciples, c'est l'amour que vous aurez les uns pour les autres."

 

Evangile de Jésus-Christ selon  saint Jean 

   

 

Pentecôte

" Le Défenseur, l'Esprit Saint que le Père enverra en mon nom, lui, vous enseignera tout, et il vous fera souvenir de tout ce que je vous ai dit."

 

Évangile de Jésus Christ selon saint Jean  

 

   

 

 El Papa es argentino. Jorge Bergoglio                 

Saint Père François

 

 

La Manif Pour Tous 

La Manif Pour Tous photo C de Kermadec

La Manif Pour Tous Facebook 

 

 

Les Veilleurs Twitter 

Les Veilleurs

Les Veilleurs Facebook

 

 

 

papa%20GP%20II

1er mai 2011 Béatification de Jean-Paul II

Béatification du Serviteur de Dieu Jean-Paul II

 

 

  Béatification du Père Popieluszko

beatification Mass, in Warsaw, Poland

à Varsovie, 6 juin 2010, Dimanche du Corps et du Sang du Christ

 

 

presidential palace in Warsaw

Varsovie 2010

 

 

Basilique du Sacré-Cœur de Montmartre
Sanctuaire de l'Adoration Eucharistique et de la Miséricorde Divine

La miséricorde de Dieu est comme un torrent débordé. Elle entraîne les cœurs sur son passage.
(Saint Curé d'Ars)
 

 


Le côté du Christ a été transpercé et tout le mystère de Dieu sort de là. C’est tout le mystère de Dieu qui aime, qui se livre jusqu’au bout, qui se donne jusqu’au bout. C’est le don le plus absolu qui soit. Le don du mystère trinitaire est le cœur ouvert. Ce n’est pas une image, c’est une réalité. C’est la réalité la plus profonde qui soit, la réalité de l’amour.
Père Marie-Joseph Le Guillou




Dans le cœur transpercé
de Jésus sont unis
le Royaume du Ciel
et la terre d'ici-bas
la source de la vie
pour nous se trouve là.

Ce cœur est cœur divin
Cœur de la Trinité
centre de convergence
de tous les cœur humains
il nous donne la vie
de la Divinité.


Sainte Thérèse Bénédicte de la Croix
(Edith Stein)



Le Sacré-Cœur représente toutes les puissances d'aimer, divines et humaines, qui sont en Notre-Seigneur.
Père Marie-Eugène de l'Enfant Jésus

 



feuille d'annonces de la Basilique du Sacré-Coeur de Montmartre

 

 

 

 

 

 

 

     

The Cambrai Madonna

Notre Dame de Grâce

Cathédrale de Cambrai

 

 

 

Cathédrale Notre Dame de Paris 

   

Ordinations du samedi 27 juin 2009 à Notre Dame de Paris


la vidéo sur KTO


Magnificat

     



Solennité de l’Immaculée Conception de la Vierge Marie à Notre-Dame de Paris


NOTRE DAME DES VICTOIRES

Notre-Dame des Victoires




... ma vocation, enfin je l’ai trouvée, ma vocation, c’est l’Amour !

 

 

Rechercher

Voyages de Benoît XVI

 

SAINT PIERRE ET SAINT ANDRÉ

Saint Pierre et Saint André

 

BENOÎT XVI à CHYPRE 

 

Benedict XVI and Cypriot Archbishop Chrysostomos, Church of 

Salutation avec l'Archevêque Chrysostomos à l'église d' Agia Kyriaki Chrysopolitissa de Paphos, le vendredi 4 juin 2010

 

     

 

Benoît XVI en Terre Sainte  


 

Visite au chef de l'Etat, M. Shimon Peres
capt_51c4ca241.jpg

Visite au mémorial de la Shoah, Yad Vashem




 






Yahad-In Unum

   

Vicariat hébréhophone en Israël

 


 

Mgr Fouad Twal

Patriarcat latin de Jérusalem

 

               


Vierge de Vladimir  

Archives

    

 

SALVE REGINA

26 décembre 2011 1 26 /12 /décembre /2011 12:30

Montre Ta puissance, ô Dieu. En notre temps, dans notre monde, fais que les bâtons de l’oppresseur, les manteaux roulés dans le sang et les chaussures bruyantes des soldats soient brûlés, qu’ainsi Ta paix triomphe dans notre monde.

BENOÎT XVI

 

 

 Chers frères et sœurs,

 

La lecture tirée de la Lettre de Saint Paul Apôtre à Tite, que nous venons d’écouter, commence solennellement par la parole Apparuit, qui revient aussi de nouveau dans la lecture de la Messe de l’aurore : Apparuit – "il est apparu". C’est une parole programmatique par laquelle l’Église, d’une manière synthétique, veut exprimer l’essence de Noël. Dans le passé, les hommes avaient parlé et créé, de multiples manières, des images humaines de Dieu. Dieu lui-même avait parlé sous des formes diverses (cf. He 1, 1 : lecture de la Messe du jour). Mais, quelque chose de plus s’est produit maintenant : Il est apparu. Il s’est montré. Il est sorti de la lumière inaccessible dans laquelle il demeure. Lui-même est venu au milieu de nous.

 

C’était pour l’Église antique la grande joie de Noël : Dieu est apparu. Il n’est plus seulement une idée, non pas seulement quelque chose à deviner à partir des paroles. Il est "apparu". Mais demandons-nous maintenant : comment est-Il apparu ? Qui est-Il vraiment ? La lecture de la Messe de l’aurore dit à ce sujet : "Apparurent la bonté de Dieu (…) et son amour pour les hommes" (Tt 3, 4). Pour les hommes de l’époque préchrétienne, qui face aux horreurs et aux contradictions du monde craignaient que Dieu aussi ne fût pas totalement bon, mais pouvait sans doute être aussi cruel et arbitraire, c’était une vraie "épiphanie", la grande lumière qui nous est apparue : Dieu est pure bonté. Aujourd’hui aussi, des personnes qui ne réussissent plus à reconnaître Dieu dans la foi, se demandent si l’ultime puissance qui fonde et porte le monde, est vraiment bonne, ou si le mal n’est pas aussi puissant et originaire que le bien et le beau, que nous rencontrons à des moments lumineux dans notre cosmos. "Apparurent la bonté de Dieu (…) et son amour pour les hommes" : c’est une certitude nouvelle et consolante qui nous est donnée à Noël.

 

Dans les trois messes de Noël, la liturgie cite un passage tiré du Livre du Prophète Isaïe, qui décrit encore plus concrètement l’épiphanie qui s’est produite à Noël : "Un enfant nous est né, un fils nous a été donné ; l’insigne du pouvoir est sur son épaule ; on proclame son nom : Merveilleux-Conseiller, Dieu-Fort, Père-à-jamais, Prince-de-la-Paix. Ainsi le pouvoir s’étendra, la paix sera sans fin" (Is 9, 5s). Par ces paroles, nous ne savons pas si le prophète a pensé à un enfant quelconque né en son temps historique. Cela semble pourtant impossible. Ce texte est l’unique de l’Ancien Testament dans lequel il est dit d’un enfant, d’un être humain : son nom sera Dieu-Fort, Père-à-jamais. Nous sommes en présence d’une vision qui va beaucoup plus au-delà du moment historique vers ce qui est mystérieux, placé dans le futur. Un enfant, dans toute sa faiblesse, est Dieu-Fort. Un enfant, dans toute son indigence et sa dépendance, est Père-à-jamais. Et "la paix sera sans fin". Le prophète en avait parlé auparavant comme "d’une grande lumière" et au sujet de la paix venant de Lui, il avait affirmé que le bâton de l’oppresseur, toutes les chaussures de soldat qui piétinaient bruyamment sur le sol, tout manteau roulé dans le sang seraient dévorés par le feu (cf. Is 9, 1.3-4).

 

Dieu est apparu – comme un enfant. Par cela même il s’oppose à toute violence et apporte un message qui est la paix. En ce moment où le monde est continuellement menacé par la violence en de nombreux endroits et de diverses manières ; où il y a toujours encore des bâtons de l’oppresseur et des manteaux roulés dans le sang, nous crions vers le Seigneur : Toi, le Dieu-Fort, tu es apparu comme un enfant et tu t’es montré à nous comme Celui qui nous aime et Celui par lequel l’amour vaincra. Et Tu nous as fait comprendre qu’avec Toi nous devons être des artisans de paix. Nous aimons Ton être-enfant, Ta non-violence, mais nous souffrons du fait que la violence persiste dans le monde, c’est pourquoi nous te prions aussi : montre Ta puissance, ô Dieu. En notre temps, dans notre monde, fais que les bâtons de l’oppresseur, les manteaux roulés dans le sang et les chaussures bruyantes des soldats soient brûlés, qu’ainsi Ta paix triomphe dans notre monde.

 

Noël est une épiphanie – la manifestation de Dieu et de sa grande lumière dans un enfant qui est né pour nous. Né dans l’étable de Bethléem, non pas dans les palais des rois. Quand, en 1223, François d’Assise célébra Noël à Greccio avec un bœuf et un âne et une mangeoire pleine de foin, une nouvelle dimension du mystère de Noël a été rendue visible. François d’Assise a appelé Noël "la fête des fêtes" – plus que toutes les autres solennités – et il l’a célébré avec "une prévenance indicible". Avec une profonde dévotion, il embrassait les images du petit enfant et balbutiait des paroles de tendresse à la manière des enfants, nous raconte Thomas de Celano.

 

Pour l’Église antique, la fête des fêtes était Pâques : dans la résurrection, le Christ avait ouvert les portes de la mort et il avait ainsi changé radicalement le monde : il avait créé en Dieu même une place pour l’homme. Eh bien, François n’a pas changé, il n’a pas voulu changer cette hiérarchie objective des fêtes, toute la structure de la foi centrée sur le mystère pascal. Toutefois, par lui et par sa façon de croire, quelque chose de nouveau s’est produit : François a découvert avec une profondeur toute nouvelle l’humanité de Jésus. Cet être-homme de la part de Dieu, lui a été rendu évident au maximum au moment où le Fils de Dieu, né de la Verge Marie, fut enveloppé de langes et fut couché dans une mangeoire. La résurrection suppose l’incarnation. Le Fils de Dieu comme un enfant, comme un vrai fils d’homme – cela toucha profondément le cœur du Saint d’Assise, transformant la foi en amour. "Apparurent la bonté de Dieu (…) et son amour pour les hommes" : cette phrase de Saint Paul acquérait ainsi une profondeur toute nouvelle. Dans l’enfant dans l’étable de Bethleem, on peut, pour ainsi dire, toucher Dieu et le caresser. Ainsi, l’année liturgique a reçu un second centre dans une fête qui est, avant tout, une fête du cœur.

 

Tout ceci n’a rien d’un sentimentalisme. Dans la nouvelle expérience de la réalité de l’humanité de Jésus se révèle justement le grand mystère de la foi. François aimait Jésus, le petit enfant, parce que, dans ce fait d’être enfant, l’humilité de Dieu se rendait évidente. Dieu est devenu pauvre. Son Fils est né dans la pauvreté d’une étable. Dans l’enfant Jésus, Dieu s’est fait dépendant, ayant besoin de l’amour de personnes humaines, en condition de demander leur – notre – amour. Aujourd’hui Noël est devenu une fête commerciale, dont les scintillements éblouissants cachent le mystère de l’humilité de Dieu, et celle-ci nous invite à l’humilité et à la simplicité. Prions le Seigneur de nous aider à traverser du regard les façades étincelantes de ce temps pour trouver derrière elles l’enfant dans l’étable de Bethléem, pour découvrir ainsi la vraie joie et la vraie lumière.

 

Sur la mangeoire qui était entre le bœuf et l’âne, François faisait célébrer la sainte Eucharistie. Par la suite, sur cette mangeoire un autel fut construit, afin que là où un temps les animaux avaient mangé le foin, maintenant les hommes puissent recevoir, pour le salut de l’âme et du corps, la chair de l’Agneau immaculé Jésus Christ, comme raconte Celano. Dans la sainte nuit de Greccio, François comme diacre avait personnellement chanté d’une voix sonore l’Évangile de Noël. Grâce aux splendides cantiques de Noël des Frères, la célébration semblait tout un tressaillement de joie. Justement la rencontre avec l’humilité de Dieu se transforme en joie : sa bonté crée la vraie fête.

 

Celui qui aujourd’hui veut entrer dans l’église de la Nativité de Jésus à Bethléem découvre que le portail, qui un temps était haut de cinq mètres et demi et à travers lequel les empereurs et les califes entraient dans l’édifice, a été en grande partie muré. Est demeurée seulement une ouverture basse d’un mètre et demi. L’intention était probablement de mieux protéger l’église contre d’éventuels assauts, mais surtout d’éviter qu’on entre à cheval dans la maison de Dieu. Celui qui désire entrer dans le lieu de la naissance de Jésus, doit se baisser. Il me semble qu’en cela se manifeste une vérité plus profonde, par laquelle nous voulons nous laisser toucher en cette sainte Nuit : si nous voulons trouver le Dieu apparu comme un enfant, alors nous devons descendre du cheval de notre raison "libérale". Nous devons déposer nos fausses certitudes, notre orgueil intellectuel, qui nous empêche de percevoir la proximité de Dieu. Nous devons suivre le chemin intérieur de saint François – le chemin vers cette extrême simplicité extérieure et intérieure qui rend le cœur capable de voir. Nous devons nous baisser, aller spirituellement, pour ainsi dire, à pied, pour pouvoir entrer à travers le portail de la foi et rencontrer le Dieu qui est différent de nos préjugés et de nos opinions : le Dieu qui se cache dans l’humilité d’un enfant qui vient de naître.

 

Célébrons ainsi la liturgie de cette sainte Nuit et renonçons à nous fixer sur ce qui est matériel, mesurable et touchable. Laissons-nous simplifier par ce Dieu qui se manifeste au cœur devenu simple. Et prions en ce moment avant tout pour que tous ceux qui doivent vivre Noël dans la pauvreté, dans la souffrance, dans la condition de migrants, afin que leur apparaisse un rayon de la bonté de Dieu ; afin que les touche, ainsi que nous, cette bonté que Dieu, par la naissance de son Fils dans l’étable, a voulu porter dans le monde.

 

Amen

 

Benoît XVI, Messe de Minuit - Noël 2011   

 

December 24, 2011

Pope Benedict XVI celebrates Christmas mass at St. Peter's Basilica in Vatican City on December 24, 2011, to mark the nativity of Jesus Christ. Pope Benedict XVI hailed Christ's humility, urging the faithful to look beyond the Christmas 'glitter' and 'enlightened reason', and issued a powerful message for peace.

photo Getty Images

Partager cet article
Repost0
26 décembre 2011 1 26 /12 /décembre /2011 05:00

Saint Etienne est le premier qui ait souffert la mort pour Jésus-Christ ; c'est-à-dire qu'il a été le premier témoin de la divinité de Jésus-Christ ; le premier confesseur de son nom, le premier martyr de son Evangile, le premier combattant des armées de Dieu, en un mot, le premier héros du christianisme et de la loi de grâce.

BOURDALOUE

 

 

Stephanus, plenus gratia et fortitudine, faciebat prodigia et signa magna in populo. 

Etienne, plein de grâce et de force, faisait des prodiges et de grands miracles parmi le peuple. (Actes des Apôtres, chap. VI, 8.)

 

Il ne faut pas s'étonner, dit saint Chrysostome, s'il faisait des miracles et des prodiges, puisqu'il était plein de grâce et de force. Dans l'ordre des décrets et des dons divins, l'un s'ensuivait naturellement de l'autre ; et Dieu ne l'avait rempli de force et de grâce, que parce qu'il en voulait faire, pour la gloire de l'Evangile et de la loi de Jésus-Christ, un homme de prodiges et de miracles. Voilà en deux mots le précis de tout ce que nous avons aujourd'hui à considérer, et, autant qu'il nous est possible, à imiter dans la personne du glorieux martyr dont nous célébrons la fête.

 

Arrêtons-nous donc là, Chrétiens, et n'entreprenons pas de rien ajouter à cet éloge. C'est le Saint-Esprit même qui en est l'auteur ; et il n'appartient qu'à lui de donner aux saints les vraies louanges qui leur sont dues, parce qu'il n'y a que lui qui connaisse et qui discerne parfaitement leur sainteté. Or, voici l'idée qu'il nous donne de celle de saint Etienne. Il a été plein de grâce, et en même temps plein de force : plein de grâce dans l'accomplissement de son ministère, et plein de force dans la consommation de son martyre. Cette double plénitude, que je regarde comme le caractère qui le distingue, et qui a fait tout son mérite devant Dieu et devant les hommes ; cette plénitude de grâce qui a sanctifié sa vie, et cette plénitude de force qui a couronné sa mort ; cette plénitude de grâce qui a rendu sa conduite si irrépréhensible et si édifiante, et cette plénitude de force qui a rendu sa patience et sa charité si héroïque ; cette plénitude de grâce, en vertu de laquelle il a été un parfait ministre de l'Eglise de Jésus-Christ ; et cette plénitude de force, en vertu de laquelle il  a  été  non seulement le premier martyr, mais un des plus fervents martyrs de Jésus-Christ ;  n'est-ce pas, mes chers  auditeurs,  le partage le plus juste que je puisse me proposer dans ce discours, puisqu'il est renfermé même et si clairement exprimé dans les paroles de mon texte : Stephanus, plenus gratia et fortitudine ?

 

Vous me demandez quels miracles en particulier a faits saint Etienne ? L'Ecriture ne nous les dit pas, et elle se contente de nous assurer qu'il en fait d'éclatants, dont tout le peuple a été témoin : Faciebat prodigia et signa magna in populo. Mais je me trompe : elle nous dit en particulier les miracles qu'a faits ce grand Saint, et c'est à moi à vous les marquer : elle ne nous dit pas les malades qu'il a guéris, ni les morts qu'il a ressuscités ; mais elle nous parle d'autres prodiges qui, pour être d'une espèce différente, ne méritent pas moins le nom de miracles ; d'autres prodiges dont nous sommes encore plus sûrs, et qui sont plus capables de contribuer à notre édification : car elle nous dit les excellentes vertus que saint Etienne a pratiquées, les grands exemples qu'il nous a donnés, les signalées victoires qu'il a remportées sur le monde ; et tout cela, pesé dans la balance du sanctuaire, est au-dessus des miracles mêmes. Elle ne nous dit pas ce qu'il a fait d'extraordinaire dans l'ordre de la nature, mais elle  nous dit ce qu'il a fait de prodigieux dans l'ordre  de la grâce ; elle nous dit les miracles de sa sainteté, les miracles de sa sagesse, les miracles de sa constance, les miracles de son invincible charité.

 

Revenons donc au plan de son panégyrique, que le Saint-Esprit même nous a tracé. Saint Etienne a été plein de grâce et plein de force. Il a été plein de grâce dans l'accomplissement de son ministère ; et je prétends que cela seul est un miracle   de   sainteté   dont Dieu  s'est  servi, comme vous le verrez, pour commencer à former les moeurs   du christianisme  naissant : Stephanus, plenus gratia ; c'est la première partie. Il a été plein de force dans la consommation de son martyre ; et je soutiens que cela seul est, non pas un prodige, mais plusieurs prodiges ensemble, qui ont obscurci tout l'éclat et toute la gloire des vertus du paganisme : Plenus fortitudine, faciebat prodigia ; c'est la seconde partie. Plein de grâce, il a édifié l'Eglise, et plein de force, il a ravi d'admiration non seulement la terre, mais le ciel ; plein de grâce, il a condamné nos désordres, et, plein de force, il a confondu notre lâcheté : voilà tout mon dessein.

 

Divin Esprit, soutenez-moi, afin que je puisse traiter dignement un si grand sujet, et donnez à mes auditeurs les dispositions nécessaires pour profiter des importantes vérités que je vais leur annoncer : c'est la grâce que je vous demande par l'intercession de votre sainte épouse, à qui j'adresse la prière ordinaire : Ave, Maria.

 

Je m'attache au texte sacré, et, suivant la remarque de saint Chrysostome, je fais consister cette grâce dont saint Etienne fut rempli dans les deux qualités, ou dans les deux conditions que demandèrent les apôtres quand il s'agit d'établir et d'ordonner ceux qui devaient faire dans l'Eglise la fonction de diacres : car voici comme ils en parlèrent à tous les disciples assemblés : Choisissez, mes Frères, leur dirent-ils, des hommes qui soient parmi vous d'une probité reconnue, et, en même temps, d'une sagesse consommée : Considerate, Fratres, viros ex vobis boni testimonii, plenos Spiritu Sancto et sapientia, quos constituamus super hoc opus (Act., VI, 3.). Probité et sagesse que saint Etienne posséda dans un éminent degré, et qui lui donnèrent non seulement toute l'autorité, mais toute la grâce dont il eut besoin pour s'acquitter avec honneur du ministère qui lui avait été confié.

 

Il ne suffisait pas qu'il eût pour cela une probité véritable ; mais il lui fallait une probité reconnue, une probité éclatante, une probité éprouvée, et à laquelle toute l'Eglise rendit hautement témoignage : car c'est ce qu'expriment ces paroles : Viros boni testimonii ; pourquoi ? parce qu'il était question d'un emploi aussi difficile et aussi délicat dans l'idée même des hommes, qu'il était saint devant Dieu. Je m'explique : saint Etienne fut choisi diacre, et même le premier des diacres : Primicerius diaconorum ; ainsi l'appelle saint Augustin. Charge honorable, je l'avoue, mais qui l'engageait par une indispensable nécessité à deux choses : l'une, d'administrer les biens de l'Eglise, dont il était par office le dispensateur ; l'autre, de gouverner les veuves qui, renonçant au monde, se consacraient à Dieu dans l'état de la viduité ; charge où la sainteté même trouvait des risques à courir, mais où Dieu voulait que saint Etienne servît d'exemple à tous les siècles futurs. Développons ceci, mes chers auditeurs, et tirons-en une des plus solides morales.

 

Comme dispensateur des biens de l'Eglise, Etienne était responsable de sa conduite à Dieu et aux hommes : première épreuve de sa vertu ; car les fidèles alors, par un esprit de pauvreté, vendant leurs fonds, et en apportant le prix aux pieds des apôtres ; les apôtres d'ailleurs, comme le témoigne saint Luc, s'en déchargeant sur les diacres et leur en laissant la disposition, et saint Etienne, entre les diacres, ayant un titre de supériorité, par la prééminence de son rang, Perinde primus, dit de lui saint Chrysostome, ut inter apostolos Petrus ; il s'ensuit qu'il disposait plus absolument que les autres des trésors de l'Eglise. Or cet emploi, quoique saint, devait être pour plusieurs un fatal écueil, et pour les saints mêmes une dangereuse tentation : et effet, déjà un apôtre s'y était perdu, et Dieu prévoyait qu'après lui bien d'autres s'y perdraient. Il prévoyait qu'une des plaies les plus mortelles dont serait affligé le monde chrétien dans la suite des siècles, était l'énorme abus qu'on y ferait des revenus ecclésiastiques, qui sont proprement des biens consacrés par la piété des fidèles pour être le patrimoine des pauvres : c'est-à-dire il envisageait ces temps malheureux où les ministres de l'Eglise, dominés et corrompus par une aveugle cupidité, au lieu de distribuer aux pauvres ce patrimoine, le dissiperaient en se l'attribuant à eux-mêmes ; ces temps où l'avarice, l'ambition, le luxe ayant inondé jusqu'au sanctuaire, ce fonds destiné à la subsistance des membres de Jésus-Christ serait profané, et, si j'ose user de ce terme, prostitué à des usages mondains : Dieu, dis-je, prévoyait ce scandale. Il était donc nécessaire, ajoute saint Chrysostome , qu'à ce scandale, dont un apôtre réprouvé avait été l'auteur, Dieu opposât un exemple qui en fût le remède et le correctif : je veux dire, un homme dont la fidélité irréprochable, dont le parfait désintéressement, dont l'exacte et inaltérable probité dans la dispensation des biens de l'Eglise, fût dès lors pour ceux qui les posséderaient une règle vivante et toujours présente, et servit au moins à confondre ceux qui viendraient à se relâcher de leurs obligations dans une matière aussi essentielle que celle-là.

 

Or, je l'ai dit, c'est dans cette vue que saint Etienne a été suscité de Dieu, et c'est ce qui fait une des principales parties de sa sainteté et de son éloge. On lui confie le trésor de l'Eglise, et il le ménage d'une manière qui lui attire, non seulement l'approbation, mais la vénération de tout le peuple de Dieu. A peine est-il chargé de cet emploi, que les Grecs cessent de se plaindre, qu'on ne murmure plus contre les Hébreux ; que, sans distinction, les pauvres, soit étrangers, soit domestiques, sont abondamment secourus. La charité de ce saint diacre suffit à tout ; et, avec une vigilance pleine d'équité, il fournit à tous les besoins d'une multitude qui, pour être par profession pauvre de cœur, n'était pas insensible à l'indigence, moins encore à la négligence de ceux qui y devaient pourvoir.

 

Ces biens de l'Eglise, entre les mains de saint Etienne, ne sont donc employés, ni à rassasier la cupidité, ni à entretenir la vanité, ni à satisfaire la sensualité ; mais il les partage selon la mesure de la nécessité : ils ne deviennent pas dans la personne d'Etienne l'héritage de la chair et du sang, mais l'héritage de l'orphelin et de l'indigent ; Etienne n'en dispose pas comme maître, mais comme serviteur prudent et fidèle, qui se souvient qu'il en doit rendre compte lui-même au souverain Maître. Ah ! mes Frères, s'écriait saint Bernard, déplorant les désordres de son siècle, que ne puis-je voir l'Eglise de Dieu dans cet ancien lustre, et dans cette pureté de mœurs et de discipline où elle était autrefois ! Quis mihi det ut videam Ecclesiam Dei, sicut erat in diebus antiquis ! Et moi, je dirais volontiers, touché du même zèle que ce grand Saint : Que ne puis-je voir des hommes du caractère de saint Etienne, pourvus des bénéfices de l'Eglise ! des hommes, comme saint Etienne, pleins de religion et de justice ! des hommes aussi persuadés que saint Etienne des obligations attachées aux bénéfices et aux dignités dont ils sont revêtus ! des hommes aussi convaincus que ces dignités et ces bénéfices les engagent à être les pères des pauvres ; qu'à cette seule condition, il leur est permis d'y entrer ; que l'Eglise a bien eu le pouvoir de leur en conférer les titres, mais qu'elle n'a jamais pu ni prétendu leur en donner l'entier et absolu domaine, qu'ils n'en sont les propriétaires que pour les autres, et qu'ils n'ont droit d'en recueillir les fruits que pour les répandre partout où il y a des misères à soulager ! que n'ai-je la consolation de voir des hommes pénétrés de ces vérités, et agissant selon ces principes ! C'est vous, Seigneur, qui les formez, ces dignes sujets ; c'est vous, et vous seul, qui pouvez faire revivre dans votre Eglise cet esprit de saint Etienne, que la corruption de l'esprit du monde semble y avoir éteint. Si ceux qui jouissent de ces sacrés revenus en comprenaient bien la nature, ils n'en craindraient jamais assez les conséquences : bien loin de s'applaudir d'en avoir la possession, ils gémiraient sous le fardeau d'une telle administration ; bien loin d'en désirer la pluralité, ils en redouteraient même, pour m'exprimer de la sorte, la singularité et l'unité. Pourquoi ces biens sont-ils si funestes à plusieurs, et pourquoi leur attirent-ils la malédiction de Dieu ? parce qu'on ne pense à rien moins qu'au saint usage qu'il en faudrait faire ; parce que, uniquement occupé des avantages temporels qu'on y recherche et qu'on y trouve, on s'en fait, aux dépens des pauvres, une matière continuelle de sacrilège et de larcin : je dis de larcin, en s'appropriant, par une criminelle usurpation, des aumônes que la charité des fondateurs avait destinées à l'entretien du troupeau de Jésus-Christ ; et c'est pour corriger cet abus, que je vous propose l'exemple de saint Etienne : exemple contre lequel ni la coutume, ni l'impunité, ni l'erreur ne prescriront jamais, et qui seul suffira pour nous confondre au jugement de Dieu.

 

Non seulement saint Etienne, en vertu de la commission qu'il avait reçue, était chargé du trésor de l'Eglise, mais de la conduite des veuves qui vivaient séparées du monde, et dévouées au culte divin. C'était à lui de les instruire, de les diriger, de les consoler, et par conséquent de traiter souvent avec elles, de les voir et de les écouter. Or, c'est ici que Dieu mit encore à l'épreuve toute sa probité ; c'est ici que parut avec éclat l'intégrité de ses mœurs, et que le témoignage public lui fut également avantageux et nécessaire : car ne vous persuadez pas que la charité, ni même que la sainteté des premiers chrétiens le dût garantir de la censure, s'il y eût donné quelque lieu. Au contraire, plus le christianisme était saint, plus devait-on être disposé à condamner sévèrement jusqu'aux moindres apparences. Outre que la charité de ces premiers siècles n'était pas exempte de toute imperfection humaine car déjà la jalousie s'était glissée dans les cœurs, déjà l'esprit de dissension avait formé des partis ; quelque sainte que fût l'Eglise, elle était composée d'hommes, ainsi qu'elle l'est aujourd'hui , et l'on y jugeait à peu près des choses comme nous en jugeons : l'histoire de saint Etienne ne nous le prouve que trop. Il n'aurait donc pas évité les fâcheux et sinistres jugements que l'on eût faits de lui, s'il s'était démenti de l'inviolable régularité dont il faisait profession ; mais c'est justement par cette régularité inviolable qu'il se soutient ; et voici, mes chers auditeurs, ce que je vous prie de bien observer.

 

Quoique l'engagement où se trouve saint Etienne de converser avec un sexe si faible lui-même, et si capable d'affaiblir les plus forts, soit une de ces fonctions qui, dans tous les temps, ont donné plus de prise à la médisance ; par un effet tout opposé, c'est ce qui augmente l'opinion et la haute estime qu'on a conçue de sa personne. Sa réputation est si bien établie, que la plus rigide censure est forcée sur ce point de le respecter. Etienne, à la fleur de son âge, et dans l'exercice de son ministère, converse avec des femmes, dirai-je sans scandale ? c'est peu, si vous le voulez; dirai-je sans reproche ? c'est beaucoup ; dirai-je sans soupçon ? c'est encore plus ; mais ce n'est point assez : car il le fait avec honneur, il le fait avec fruit, il le fait avec une édification qui se communique à toute l'Eglise : voilà ce qui approche du miracle. Voulez-vous voir, Chrétiens, de quelle distinction et de quel poids est cette louange pour Etienne ? souvenez-vous de ce qu'ont eu à essuyer les plus grands saints en de pareilles occasions ; souvenez-vous de ce qu'il en coûta à saint Jérôme : c'était un homme vénérable, et par sa doctrine, et par son austérité ; un homme crucifié et mort au monde, un homme dont la vie était une affreuse et perpétuelle pénitence. Toutefois, quelles persécutions, quoique injustes, n'eut-il pas à soutenir ? quels bruits, quoique mal fondés, la critique ne répandit-elle pas contre sa conduite ? Malgré les sages précautions dont il usa dans la direction de ces illustres Romaines qu'il avait gagnées à Dieu, de quelles couleurs, quoique fausses, n'entreprit-on pas de le noircir ? de quelles apologies n'eut-il pas besoin pour justifier son zèle quoique saint, et ses intentions quoique pures ? Quelles plaintes n'en faisait-il pas, et comment lui-même s'en est-il expliqué ? Chose étrange (ce sont ses propres paroles dans une de ses épîtres), avant que je connusse Paule, tout l'univers se déclarait en ma faveur ; il n'y avait point d'éloge qu'on ne me donnât, point de vertu qui ne fût en moi, point de place où je n'eusse droit de prétendre, jusque-là qu'on me jugeait digne du souverain pontificat : Antequam domum sanctœ Paulœ nossem, totius in me urbis consonabant studia ; dignus summo sacerdotio decernebar ; dicebar humilis, sanctus, discretus. Mais depuis, ajoutait-il, que j'ai commencé à honorer cette servante de Dieu, et à prendre soin de son âme, dès là, par une bizarre révolution, tout s'est soulevé contre moi ; on ne m'a plus trouvé aucun mérite; j'ai cessé d'être ce que j'étais, toutes mes vertus m'ont abandonné : Sed postquam illam pro merito suœ castitatis colere cœpi, omnes me illico descruere virtutes.

 

Que veux-je conclure de là, Chrétiens ? Vous le voyez : que, comme il n'y a rien à quoi la censure s'attache plus malignement qu'à ce qui regarde ces fréquents entretiens des ministres de Jésus-Christ avec ses épouses ; rien où il soit plus difficile à un serviteur de Dieu d'avoir pour soi le suffrage du public, puisque les saints, même les plus autorisés, tel qu'était entre les autres saint Jérôme, y sont à peine parvenus; aussi n'est-il rien où ce qui s'appelle exactitude de devoir, sainteté de mœurs, irrépréhensibilité de vie, soit plus nécessaire et tout ensemble plus glorieux : c'est donc là ce qui fait la gloire de saint Etienne. Car pourquoi est-il respecté, révéré, canonisé par la voix publique, dans un ministère où les autres sont si sujets à être calomniés et décriés ? Ah ! mes Frères, répond saint Augustin, ne vous en étonnez pas, c'est qu'il était rempli de cette grâce qui rend les hommes parfaits selon Dieu et selon le monde : Stephanus autem plenus gratia, c'est que, pour correspondre à cette grâce, il avait toute la vigilance et tous les égards que demandait l'honneur de sa profession ; c'est qu'agissant par le mouvement de cette grâce, il se comportait envers le sexe dévot comme un homme au-dessus de l'humanité, avec la pureté d'un ange et la modestie d'une vierge ; grave sans affectation, prudent sans dissimulation, mortifié et austère sans dureté, charitable et doux sans faiblesse ; c'est qu'étant sanctifié par l'onction de cette grâce, on pouvait à la lettre dire de lui qu'il était cet ouvrier dont parle l'Apôtre, qui marche la tête levée, et qui ne fait rien dont il puisse rougir : Operarium inconfusibilem (2 Tim., II, 15.). Pour cela, reprend saint Augustin, on lui donne la conduite des femmes, et par là il revoit authentiquement le témoignage qu'on lui doit, de la plus épurée, de la plus solide et de la plus consommée vertu : Virgo prœponitur feminis, et in hoc testimonium accipit integerrimœ castitatis ; par là il s'acquiert l'estime, non seulement des domestiques de la foi, mais des étrangers ; par là il triomphe de ses ennemis, qui transportés de fureur, après avoir fait de vains efforts pour opprimer son innocence, grincent des dents contre lui, parce que toutes les accusations dont ils le chargent se détruisent d'elles-mêmes, et ne peuvent rien contre cet honorable témoignage que lui rend malgré eux la vérité : Dissecabantur cordibus suis, et stridebant dentibus in eum (Act., VII, 54.) ; par là, dis-je, il triomphe de la calomnie, et c'était aussi le grand moyen, le moyen unique d'en triompher ; car, pour continuer à faire de cet éloge notre instruction particulière, prétendre être à couvert de la médisance sous un autre voile que celui de l'innocence ; espérer que les hommes nous épargneront, tandis que nous ne marchons pas dans les voies droites ; croire qu'on excusera nos vices par la considération de nos personnes, c'est nous flatter, Chrétiens, et nous méconnaître : fussions-nous les dieux de la terre, on nous jugera ; et s'il y a du faible en nous, on nous condamnera. Il n'y a que la probité, et la probité reconnue, qui puisse être au-dessus des discours et des jugements du monde.

 

Venons au détail, et développons ce point de morale si naturellement enfermé dans mon sujet. Ainsi, mes chers auditeurs, prétendre, surtout dans le siècle où nous vivons, échapper à la malignité du monde par une autre voie que par celle d'une exacte et constante régularité ; pour une femme, par exemple, se persuader qu'elle pourra se donner impunément toute sorte de liberté, sans que l'on pense à elle, ni qu'on parle d'elle ; qu'il lui sera permis d'entretenir tels commerces qu'il lui plaira, sans qu'on en tire des conséquences au préjudice de son honneur ; qu'elle aura droit d'avoir dans le monde des liaisons dangereuses et suspectes, sans qu'on ait droit de s'en scandaliser ; et que, quoi qu'elle fasse, on sera obligé à ne rien croire, à ne rien soupçonner, à ne rien voir ; ou plutôt qu'on sera obligé à s'aveugler soi-même, pour la supposer régulière et sage ; n'est-ce pas une prétention aussi chimérique qu'injuste ? cependant c'est la prétention de tant de femmes mondaines. On veut avoir tout le crédit de la bonne vie et toute la réputation de la vertu, sans qu'il en coûte de se contraindre, ni de s'assujettir à aucune règle ; disons mieux : on veut avoir tout le crédit de la vertu et de la bonne vie, avec toute l'indépendance du libertinage et du vice. Ainsi verrez-vous des femmes, engagées dans des sociétés que la charité même la plus indulgente ne peut excuser, ni favorablement interpréter, se piquer néanmoins d'être exemptes de reproches, vouloir qu'on les estime telles, trouver mauvais qu'on n'en convienne pas, prendre à partie ceux qui en doutent et qui se malédifient de leurs actions ; et cela, sous prétexte de l'obligation que Dieu nous impose de ne point juger. Obligation sur laquelle elles sont éloquentes, parce qu'elles y sont intéressées ; sans considérer que, si ce principe avait toute l'étendue qu'elles lui donnent, les plus honteux désordres régneraient tranquillement dans le monde, puisqu'il ne serait plus permis d'en condamner les apparences, qui néanmoins en font tout le scandale ; et que les apparences, ainsi autorisées, en fomenteraient les plus pernicieux effets. Mais ce sont, me direz-vous, des jugements téméraires qu'on fait de moi ? et moi, je prétends que ce sont des jugements raisonnables, prudents, bien fondés. Ils peuvent être faux ; mais dans la conduite peu circonspecte que vous tenez, ils ne peuvent être téméraires : car vous devez savoir que tout jugement désavantageux n'est pas jugement téméraire ; et que souvent, dans la matière dont je parle, moins de chose que vous ne pensez suffit pour nous mettre en droit de prononcer. Et en effet, du moment que vous ne gardez pas les bienséances qui conviennent à votre état ou à votre sexe, et que vous vous donnez certaines libertés qui choquent les lois de la modestie et de la prudence chrétienne, vous justifiez tous les jugements que je fais de vous. Si je me trompe en me scandalisant, vous êtes responsable devant Dieu de mon scandale et de mon erreur. Mais cet homme, ajoutez-vous, dont on me reproche la fréquentation comme un crime, est l'homme du monde à qui je dois le plus de reconnaissance, et qui m'a le plus sensiblement obligée. Que concluez-vous de là ? En est-il moins homme ? en est-il moins dangereux pour vous ? en êtes-vous moins un objet de passion pour lui ? n'est-ce pas pour cela même que vous devez le craindre, et que ce qui serait peut-être indifférent à l'égard d'un autre, doit à son égard alarmer votre conscience et vous troubler ? C'est en ceci, mes chers auditeurs, plus qu'en tout le reste, qu'il faut accomplir le précepte de l'Apôtre, lequel nous ordonne de faire le bien, non seulement devant Dieu, qui en est le juge, mais devant les hommes, qui en sont les témoins : Providentes bona, non tantum coram Deo, sed etiam coram omnibus hommibus (Rom., XII, 17.). Voilà en quoi saint Etienne s'est signalé, et ce qu'a opéré dans sa personne la grâce dont il était rempli : Stephanus plenus gratia.

 

Mais allons plus avant. J'ai dit qu'en prêchant Jésus-Christ, Etienne avait fait paraître dans son ministère une sagesse toute divine, et je n'en veux point d'autre preuve que cet incomparable discours qu'il fit dans la synagogue, lorsque, toutes les sectes s'étant élevées contre lui, il soutint seul la cause de Dieu et l'honneur de l'Evangile. Vit-on jamais dans un discours tant de dignité avec tant de modestie, tant de véhémence avec tant de douceur ; tant de force avec tant d'insinuation, tant de fermeté avec tant de charité ? et ne fut-ce pas là le plus évident témoignage de la haute et sublime sagesse qui l'éclairait ? Avec cela, faut-il s'étonner s'il eut le don de persuader ou du moins de confondre les pharisiens les plus passionnés pour leur loi ? Vous êtes infidèles à Dieu, leur disait-il, animé de zèle (car pour votre édification, Chrétiens, soutirez que je le rapporte ici en propres termes, ce discours de saint Etienne, qui, sans contredit, est un des monuments les plus authentiques du christianisme) ; vous êtes infidèles à Dieu, mais je n'en suis point surpris, vous ressemblez à vos pères : tel a été leur aveuglement et leur sort malheureux ; ainsi ont-ils, par leur conduite, irrité Dieu dès les premiers temps. Voyez comme ils trahirent Joseph, le plus innocent des hommes et la figure du Messie, en le vendant à des étrangers : voyez comme ils traitèrent Moïse, leur législateur et leur chef, en murmurant contre ses ordres, en se révoltant malgré ses miracles, en adorant un veau d'or pour lui faire insulte ; c'était ce Moïse qui leur promettait un Dieu Sauveur, et ils ne l'ont pas cru : voyez comme ils ont reçu les prophètes ; en est-il venu un seul qu'ils n'aient pas persécuté ? dites-moi celui dont ils ont épargné le sang ? et néanmoins ces prophètes étaient les députés de Dieu, et leur annonçaient la venue du Christ. Il n'est donc pas surprenant, concluait Etienne, que leur mauvais exemple vous ait séduits ; mais ce que je déplore, c'est que vous ne vouliez pas enfin ouvrir les yeux, que vous ne profitiez pas de leur malheur, et qu'au lieu de vous rendre sages par la vue des châtiments que Dieu a exercés sur eux, vous remplissiez la mesure de leurs crimes, et vous deveniez encore plus coupables qu'eux : car ils n'ont fait mourir que les prophètes et les précurseurs du Messie ; et vous avez crucifié le Messie même, et le Dieu des prophètes. C'est ainsi, dis-je, que saint Etienne les pressait, sans qu'aucun d'eux pût résister à la sagesse et à l'Esprit divin qui parlait en lui : Et non poterunt resistere sapientiœ et Spiritui qui loquebatur (Act., VI, 10.).

 

S'il eût dit tout cela avec fierté et d'une manière impérieuse, en les convainquant même par ses raisons, il les aurait aigris ; mais parce qu'il était plein de sagesse, il accompagnait tout cela de tant de grâce, de ménagement, de respect pour leurs personnes, qu'il montrait bien que c'était en effet la sagesse qui parlait par sa bouche : Viri fratres et patres, audite (Ibid., VII, 2.) : Mes frères , ajoutait-il , écoutez-moi ; c'est pour votre salut que Dieu m'inspire le zèle dont je suis touché : je ne suis ni un inconnu ni un étranger à votre égard ; je fais profession de la même foi que vous ; je suis comme vous de la race d'Abraham : je vous honore tous comme mes pères : mais encore une fois, ne méprisez pas ma parole, rendez-vous à mes remontrances, et ne rejetez pas la grâce que Dieu vous offre par mon ministère. Il parlait, Chrétiens, comme un ange du ciel, et ses ennemis mêmes apercevaient dans son visage je ne sais quoi de céleste : Et intuebantur vultum ejus tanquam vultum angeli stantis inter illos (Ibid., V, 15.). Mais enfin parce qu'il en voit quelques-uns, malgré de si salutaires avertissements, persister dans leur incrédulité, son zèle s'enflamme, et il en vient aux reproches et aux menaces : Dura cervice et incircumeisis cordibus, vos semper Spiritui Sancto resistitis (Ibid.) ; Allez , âmes indociles, esprits durs, cœurs incirconcis, vous êtes parvenus au comble de l'obstination, et il n'y a rien à attendre de vous qu'une éternelle résistance au Saint-Esprit et à la vérité. Eh bien ! confirmez-vous dans votre malice, achevez ce que vos pères ont commencé, soyez des réprouvés comme eux : Sicut patres vestri, ita et vos ( Ibid.). Autant de foudres, mes chers auditeurs , qui partaient de la bouche de saint Etienne, tandis que ses auditeurs confondus demeuraient dans le silence : pourquoi ? parce que c'était la sagesse, non pas de l'homme, mais de Dieu, qui s'expliquait par l'organe de ce fervent prédicateur.

 

Or, à combien de pécheurs pourrais-je adresser ces reproches qu'Etienne faisait à une nation aveugle et rebelle? Il y a si longtemps, Chrétiens, qu'on vous prêche dans celte chaire les vérités du salut : Dieu vous a envoyé des ministres de son Evangile, qui vous ont même persuadés ; des prédicateurs éloquents et touchants, que plusieurs ont écoutés avec fruit. Si donc il y avait ici de ces cœurs indomptables et inflexibles de qui saint Etienne parlait : Dura cervice, et incircumcisis cordibus ; pourquoi,  leur dirai-je, vous obstinez-vous à ne pas sortir de votre désordre, et pourquoi opposez-vous aux saintes  maximes de la sagesse chrétienne, dont on a soin de vous instruire, une fausse sagesse du monde, qui est ennemie de Dieu ? car voilà, hommes du siècle, ce qui vous endurcit et ce qui vous perd. Comme les Juifs voulaient être sages selon leur loi, et non pas selon la loi de Jésus-Christ, vous voulez être sages selon le monde, prudents selon le monde, intelligents, prévoyants, habiles, selon le monde : vous voulez accorder Jésus-Christ avec le monde, son Evangile avec les lois du monde,  son  Esprit avec l'esprit du monde ; tout convaincus que vous êtes de vos devoirs envers Dieu, vous ne pouvez vous résoudre à aller contre le torrent du monde, vous craignez la censure du monde, vous vous faites une obligation et une nécessité de vous conformer aux usages du  monde, et de vivre comme on vit dans le monde. Tel est le principe de cette dureté de cœur qui, comme un obstacle invincible, arrête votre conversion : or, pensez-vous que ces Juifs soulevés contre Jésus-Christ, et dont saint Etienne avait entrepris de combattre l'infidélité, fussent plus coupables que vous dans leur endurcissement et dans leur impénitence ? Je soutiens, moi, que votre endurcissement, est sans comparaison, plus criminel, et que par mille endroits leur impénitence a dû  paraître devant Dieu plus excusable et plus pardonnable que la vôtre.

 

Non, mes chers auditeurs, ne nous flattons point ; ces Juifs que saint Etienne a confondus, quelque idée que nous en ayons, étaient moins infidèles que nous. Ils péchaient par un faux zèle de religion, et nous péchons par un fonds de libertinage qui va souvent jusqu'à l'irréligion ; ils fermaient leurs oreilles et leurs cœurs à la parole de Dieu, et nous, par un outrage encore plus grand, nous n'entendons cette parole que pour en être les censeurs et les prévaricateurs : ils résistaient au Saint-Esprit, mais dans un temps où le Saint-Esprit était à peine connu ; notre confusion est que ce divin Esprit ayant rempli tout l'univers de ses lumières, et sanctifié le monde par sa venue, il trouve en nous la même résistance, et qu'après les merveilleux effets et les prodigieux changements dont son adorable mission a été suivie, on puisse encore nous dire : Vos semper Spiritui Sancto resistitis. La source de ce dérèglement, je le répète, c'est cette malheureuse sagesse du monde dont nous sommes prévenus : car avec cela il est impossible que Dieu se communique à nous, puisque cette sagesse du monde, selon saint Paul, est une sagesse charnelle, et que Dieu est un pur esprit. Tout ce que Dieu opère en nous, cette sagesse du monde le détruit : Dieu nous éclaire, et cette sagesse du monde nous aveugle ; Dieu nous anime et nous excite, et cette sagesse du monde nous rend froids et lâches ; Dieu nous donne des désirs de pénitence, et cette sagesse du monde les étouffe. Il faut donc, si je veux que l'Esprit de Dieu agisse en moi, que je renonce à cette fausse sagesse, et que la première règle de ma conduite soit la sagesse évangélique. Non , je ne veux plus vivre selon les lois de cette sagesse mondaine que Dieu réprouve. Non seulement je déteste les folies du monde,  les extravagances du monde, mais la sagesse même du monde : car ce monde , ennemi de Dieu, est réprouvé jusque dans sa sagesse ; et sa sagesse prétendue est son désordre capital. S'il affectait moins d'être sage, tout monde qu'il est, il serait moins corrompu, puisqu'il est évident que sa plus dangereuse corruption vient de l'orgueil que lui inspire la sagesse dont il se pique. Je veux donc, en m'attachant pour jamais à la maxime de l'Apôtre, devenir fou selon le monde, pour être sage selon Dieu ; passer pour insensé aux yeux du monde, afin d'être fidèle et chrétien aux yeux de Dieu : Si quis videtur sapiens esse in hoc sœculo, stultus fiat ut sit sapiens (1 Cor., III, 18).

 

Revenons à l'éloge de saint Etienne. Vous l'avez vu plein de grâce dans l'accomplissement de son ministère; voyez-le maintenant plein de force dans la consommation de son martyre : c'est le sujet de la seconde partie.

 

 C'est un païen qui l'a dit, et la seule raison humaine, indépendamment de la foi, lui a suffi pour le comprendre : il n'y a point de spectacle plus digne de Dieu qu'un homme aux prises avec la mauvaise fortune, et qui triomphe par sa constance de ses disgrâces et de ses malheurs : En spectaculum ad quod respiciat intentus operi suo Deus, vir compositus cum mala fortuna (Senec.). Je puis, Chrétiens, pour la gloire de notre religion, enchérir sur la pensée de ce philosophe, et vous faire voir dans la personne de saint Etienne un spectacle encore plus divin ; je veux dire un homme, non pas simplement aux prises avec la mauvaise fortune, mais livré à la cruauté et à la rage de tout un peuple qui l'accable de coups, et dont il triomphe par son héroïque patience ; un homme vainqueur de soi-même, et qui, supérieur à tous les sentiments de la nature, triomphe de la haine de ses ennemis par son héroïque charité : deux miracles où notre Saint a fait éclater cette force dont il était rempli : Plenus forlitudine, faciebat prodigia et signa magna in populo ; deux prodiges dignes de l'attention de Dieu : Spectaculum ad quod respiciat intentus operi suo Deus ; le prodige de la patience de saint Etienne dans toutes les circonstances de sa mort, et le prodige de sa charité envers les auteurs de sa mort. Or, si ces deux prodiges ont servi de spectacle à Dieu, pouvez-vous, mes chers auditeurs, être assez attentifs à les contempler, tandis que je vous les propose comme des modèles qui doivent vous instruire et vous édifier ?

 

Saint Etienne est le premier qui ait souffert la mort pour Jésus-Christ ; c'est-à-dire qu'il a été le premier témoin de la divinité de Jésus-Christ ; le premier confesseur de son nom, le premier martyr de son Evangile, le premier combattant des armées de Dieu, en un mot, le premier héros du christianisme et de la loi de grâce. Ainsi l'Eglise le reconnaît-elle dans la solennité de ce jour. Et afin que vous ne pensiez pas que cette primauté soit un vain titre qui n'ajoute rien au mérite du sujet, souvenez-vous de ce qui arriva en figure au peuple juif, lorsque, poursuivi par Pharaon, il se trouva réduit à la nécessité inévitable de traverser la mer Rouge, pour se délivrer de l'oppression et de la servitude des Egyptiens. C'est saint Chrysostome qui fait cette remarque. Moïse, par une vertu divine, ayant étendu sa main sur les eaux, les avait déjà divisées, et montrait aux Israélites, dans la profondeur de cet abîme qui venait de s'ouvrir à leurs yeux, le chemin qu'ils devaient prendre, et qui les devait sauver. Toutes les tribus étaient rangées en ordre de milice ; mais, quelque confiance qu'ils eussent tous dans la protection de leur Dieu, chacun frémissait à la vue de ce passage ; les flots élevés et suspendus de part et d'autre faisaient trembler les plus hardis. Que fait Moïse ? Pour les rassurer et les fortifier, il marche le premier, il entre dans ce gouffre affreux, le franchit, arrive heureusement à l'autre bord, et détermine, par son exemple et par son intrépidité, tout le reste du peuple à le suivre : figure dont voici l'accomplissement dans saint Etienne. Le Sauveur du monde, qui fut souverainement et par excellence le conducteur du peuple de Dieu, mourant sur la croix, avait ouvert à ses élus, pour arriver au terme du parfait bonheur, une voie aussi difficile que nouvelle ; savoir, la voie du martyre, qui, selon la pensée des Pères, devait faire, par l'effusion du sang, comme une espèce de mer Rouge dans l'Eglise. Un nombre infini de Chrétiens étaient destinés à essayer, si je puis parler de la sorte, le passage de cette mer ; mais parce qu'ils étaient faibles, il fallait les encourager et les soutenir. Qu'a fait Dieu, ou plutôt qu'a fait saint Etienne, suscité de Dieu pour être leur chef après Jésus-Christ ? Comme un autre Moïse, il s'expose le premier, il marche à leur tête, il les attire par son exemple, en leur faisant voir que la mort endurée pour Dieu, que la voie du sang répandu pour le nom de Jésus-Christ, est un chemin sûr qui conduit à la gloire et à la vie : et voilà ce qui lui acquit la qualité de prince des martyrs. Après lui, tous les autres sont devenus inébranlables, et les plus sanglantes persécutions ne les ont point étonnés ; mais ils marchaient sur les pas de saint Etienne ; c'était saint Etienne qui les animait tous ; et, s'il m'est permis de le dire, ils participaient tous à la plénitude de sa force : Plenus fortitudine.

 

Ce n'est pas assez : outre qu'il souffre le premier, il souffre de tous les genres de martyre un des plus cruels, car on le condamne à être lapidé : supplice prescrit pour punir le plus grand des crimes, qui fut le blasphème contre la loi, dont on accusait Etienne. Que dis-je ? ce supplice eut quelque chose encore pour lui de singulier, et le voici : au lieu d'y procéder dans l'ordre et selon les formes de la justice, on le fait avec emportement et avec fureur : Et impetum fecerunt unanimiter in eum (Act., VII, 50.). On se jette sur ce saint diacre, on l'outrage et on l'insulte, on l'entraîne hors de la ville ; et là sans nul sentiment d'humanité, après avoir déchargé sur son sacré corps une grêle de pierres, on le laisse expirer dans les plus violentes douleurs. Que vit-on jamais de plus barbare ! mais aussi vit-on jamais rien de plus surprenant que la patience de cet illustre martyre ? sous cette grêle de pierres, il demeure ferme et immobile ; il conserve au milieu de son tourment toute la tranquillité et toute la paix de son âme ; il s'entretient avec Jésus-Christ, il lui recommande les besoins de l'Eglise, il pense à la conversion de Paul. Quel miracle de force ! il est si grand, que le Fils de Dieu en veut être lui-même spectateur ; car c'est pour cela qu'il se lève de son trône, et que, touché de ce prodige, il se tient debout pour le considérer : Video cœlos apertos, et Filium Hominis stantem a dextris Dei (Act., VII, 55.). Il ne se lève pas, dit saint Ambroise, pour compatir à saint Etienne : une si heureuse mort n'était pas un objet de compassion ; mais il se lève pour voir combattre son serviteur, dont il regarde la patience comme son propre triomphe : Surgit exsultans de Victoria famidi sui, et illius patientiam saum ducens triumphum. Il se lève pour être plus prêt à recevoir dans le sein de la gloire ce généreux athlète de la foi : Surgit, ut paratior sit ad coronandum athletam. Car c'est bien ici, Seigneur, que vous vérifiâtes à la lettre ces paroles du Psaume : Posuisti in capite ejus coronam de lapide pretioso (Psal., XX, 4.). Les Juifs accablaient Etienne de pierres, et vous vous serviez de ces pierres pour le couronner ; ils lui en faisaient un supplice, et vous lui en faisiez un diadème d'honneur : leur cruauté semblait être de concert avec votre magnificence ; vous vouliez mettre sur sa tête une couronne de pierres précieuses, et ils vous en fournissaient la matière : en effet, quelles pierres furent jamais plus précieuses que celles qui produisirent à l'Eglise ce premier martyr de notre religion ?

 

Or, pour nous appliquer ceci, Chrétiens, savez-vous ce qui m'afflige ? C'est la comparaison que je fais de notre lâcheté avec cette force héroïque de saint Etienne. Je dis de notre lâcheté, soit dans les maux de la vie que nous avons à supporter, soit dans les biens dont nous avons à user, puisque dans l'un et dans l'autre état, nous la faisons également paraître : car voilà, mes chers auditeurs, ce que nous devons aujourd'hui nous reprocher devant Dieu. Saint Etienne, avec un courage invincible, a soutenu le plus rigoureux martyre, et nous, dans les moindres épreuves, nous témoignons des faiblesses honteuses ; une légère disgrâce, une contradiction, une humiliation, nous fait perdre cœur ; et de là viennent ces abattements, ces chagrins, ces impatiences et ces désespoirs où notre vie se passe. De là ces troubles qui nous agitent, qui nous désolent, qui nous ôtent toute attention à nos devoirs les plus essentiels, qui nous causent de mortels dégoûts pour les plus saints exercices de la piété, qui nous mettent dans une espèce d'impuissance de nous élever à Dieu, qui ébranlent jusqu'aux fondements de notre foi, et qui nous font non seulement croire que Dieu nous abandonne, mais souvent douter s'il y a un Dieu et une Providence ; ne considérant pas, aveugles et insensés que nous sommes, et ne voyant pas que c'est par là même que nous devons être convaincus qu'il y a un Dieu qui nous gouverne, et une Providence qui veille sur nous, puisqu'il est vrai qu'à notre égard, comme à l'égard de saint Etienne, les persécutions et les croix sont la précieuse matière dont notre couronne doit être formée, que sans cela le royaume de Dieu ne serait plus cette place de conquête qui ne peut être emportée que par violence ; que c'est pour cela que nous sommes les enfants des saints, et que nous n'avons pas encore résisté, comme eux, jusqu'à verser du sang.

 

Tel est, dis-je, le premier sujet de ma douleur ; et voici l'autre, encore plus touchant : saint Etienne, plein de force, a triomphé des tourments et de la mort ; et nous, tous les jours, nous sommes vaincus par la mollesse et par les douceurs de la vie. Ah ! mes Frères, disait saint Cyprien, parlant au peuple de Carthage, il est bien étrange que la paix dont jouit présentement l'Eglise n'ait servi qu'à nous corrompre et à nous pervertir. Tant que la persécution a duré, nous étions vifs et ardents ; mais maintenant que le christianisme respire, nous languissons ; nous n'avons plus à combattre que nous-mêmes, et nous succombons ; nos vices sont nos seuls persécuteurs, et nous leur cédons. C'est l'oisiveté qui nous affaiblit, c'est la prospérité qui nous relâche, c'est le plaisir qui nous enchante : Et nunc frangunt otio, quos bella non vicerant. Je vous dis de même, mes chers auditeurs ; notre confusion est que la foi ayant été, dans les martyrs, victorieuse de la barbarie et de l'inhumanité, elle soit aujourd'hui dans la plupart des chrétiens esclave de la volupté et de la sensualité : car, il faut l'avouer et en rougir, on ne sait plus de nos jours ce que c'est que la force chrétienne ; on ne pense pas seulement à résister au péché ; on ne se met pas même en défense contre l'iniquité du siècle. Des trois ennemis du salut que l'Apôtre nous marque, le démon, la chair et le monde, le plus redoutable c'est la chair ; mais bien loin de la traiter en ennemie, on la flatte, on l'épargne, on la nourrit autant qu'il est possible dans les délices, et l'on se trouve ensuite honteusement asservi et livré à ses désirs impurs : le plus artificieux, c'est le démon ; et bien loin d'être on garde contre lui, on est d'intelligence avec lui, on se plaît à en être tenté, ou plutôt on se suscite à soi-même des tentations plus dangereuses que toutes celles qui viennent de lui : le plus contagieux, c'est le monde ; et bien loin de le fuir, on le recherche, on l'idolâtre, on en veut être approuvé et applaudi, on se fait un mérite de s'y attacher : ces armes spirituelles dont le même saint Paul voulait que nous fussions revêtus pour repousser des ennemis si formidables, c'est-à-dire ce bouclier de la foi, cette cuirasse de la justice, ce glaive de la parole de Dieu, on se rend tout cela inutile, parce qu'on n'en fait aucun usage. Ces moyens établis de Dieu pour se fortifier contre les attaques et les ruses du tentateur, c'est-à-dire la pénitence, la vigilance, la persévérance dans la prière et dans les bonnes œuvres, ne nous servent à rien, parce qu'on refuse de les prendre ; on se rebute de tout, on s'effraye de tout ; les moindres difficultés sont des monstres pour nous, et de spécieux prétextes pour ne rien entreprendre, ou pour tout quitter. Ce n'est pas qu'on n'en ait des remords, ce n'est pas qu'on ne s'aperçoive bien que le relâchement où l'on vit est directement opposé à l'esprit de l'Evangile ; mais on se contente d’en accuser sa faiblesse, sans l'imputer jamais à son infidélité, ni à sa malice. Votre faiblesse, mon cher auditeur ? et à qui est-ce de la vaincre qu'à vous-même ? Or, quelles violences vous faites-vous ? quelles victoires remportez-vous ? vous êtes faible dans les moindres rencontres ; mais que serait-ce donc s'il fallait rendre à votre Dieu le témoignage que lui ont rendu les martyrs ? auriez-vous le courage de souffrir comme eux ? et pour juger si vous l'auriez alors, l'avez-vous dès à présent ? si vous ne l'avez pas , êtes-vous chrétien ? si vous l'avez, que ne le faites-vous voir dans les occasions que Dieu vous en fournit ? C'est là ce que saint Etienne vous prêche ; et je vous annonce, moi, que quand la voix de son sang ne le dirait pas, les pierres dont les Juifs le lapidèrent vous le feront entendre malgré vous dans le jugement de Dieu : Dico vobis, quia lapides clamabunt (Luc, XIX, 40.).

 

Je dis plus : parce que saint Etienne était plein de force, j'ajoute qu'il a triomphé d'un autre ennemi plus difficile encore à vaincre que la mort, qui est la passion de la vengeance ; et voilà le prodige de sa charité. Si je vous disais qu'il s'est contenté de pardonner à ses ennemis, en ne leur voulant point de mal, peut-être vous flatteriez-vous d'accomplir aussi bien que lui la loi de la charité parfaite : car c'est, dans le style du monde, à quoi communément on la réduit. Cet homme m'a offensé, et je lui pardonne, mais qu'on ne me demande rien davantage ; j'oublie l'injure qu'il m'a faite, mais qu'on ne me parle point de lui ; je ne lui ferai nul tort, mais qu'il n'attende de moi nulle grâce. Fantôme de charité, dont on se laisse aveugler jusqu'à s'en faire une fausse conscience. Mais quand, pour vous détromper d'une erreur si pernicieuse, je vous dis que saint Etienne a voulu du bien à ceux qui le lapidaient ; quand je vous dis qu'il les a aimés jusqu'à se faire leur intercesseur auprès de Dieu, jusqu'à prier Dieu pour eux avec plus de zèle que pour lui-même, jusqu'à leur obtenir, par son crédit, des grâces insignes ; qu'avez-vous à répondre, et que pouvez-vous opposer à cet exemple ? Oui, mon cher auditeur, c'est à cet exemple que j'en appelle de toutes les maximes que vous inspire le monde, pour vous justifier à vous-même vos vengeances : saint Etienne a aimé ses ennemis ; il n'avait garde de les haïr, dit saint Augustin, car il savait qu'il leur était redevable de toute sa gloire, et que c'était par eux que le royaume du ciel lui était ouvert : Nesciebat iis irasci, per quos sibi videbat regni caelestis aulam aperiri. Si vous agissiez dans les vues de la foi, ce seul motif suffirait pour étouffer tous les ressentiments qui se forment dans votre cœur. En effet, cet homme que vous prétendez être votre ennemi, cet homme qui vous a piqué, qui vous a raillé, qui vous a décrié et calomnié ; cet homme qui vous a rendu et qui vous rend sans cesse de mauvais offices, est celui que la Providence a destiné pour être un des instruments de votre salut, pour être un moyen de votre sanctification, pour servir à vous faire pratiquer ce qu'il y a de plus méritoire et de plus saint devant Dieu. Or en cette qualité, quoique d'ailleurs votre ennemi, n'est-il pas juste que vous l'aimiez et même que vous le respectiez ? Non seulementsaint Etienne a aimé ses persécuteurs, mais il les a aimés parce qu'ils étaient ses persécuteurs. Que font les pharisiens, en le lapidant ? Ecoutez la pensée de saint Fulgence, qui vous paraîtra aussi solide qu'ingénieuse : Saint Etienne, dit ce Père, comme premier martyr du christianisme, est une des pierres vivantes dont Jésus-Christ commence à bâtir son Eglise ; et les pharisiens, qui sont eux-mêmes des cœurs de pierre, frappant cette pierre mystérieuse, en font sortir les étincelles de la charité et de l'amour divin : Dum lapidei Judœi Stephanum percutiunt, ignem ex eo charitatis eliciunt. Excellente idée d'une charité vraiment chrétienne ! Aimer ceux qui vous font du bien, ceux qui sont dans vos intérêts, ceux qui vous servent et qui vous plaisent, c'est la charité des païens, et pour cela il ne faut point avoir recours à l'Evangile ; mais aimer ceux qui vous haïssent, ceux qui vous persécutent, ceux qui vous oppriment, et les aimer, lors même qu'ils travaillent avec plus d'ardeur et qu'ils sont même plus obstinés à vous opprimer, c'est la charité du chrétien, c'est l'esprit de votre religion, c'est ce qui doit vous discerner du phariisen et de l'infidèle : sans cette charité parfaite, dont Jésus-Christ a été le modèle et le législateur, en vain seriez-vous aussi mortifié et aussi austère que les plus fervents religieux : pour un homme du monde comme vous, voilà en quoi consiste votre essentielle austérité et votre première mortification.

 

Ah! Chrétiens, n'admirez-vous pas jusqu'où va la force de ce prodigieux amour d'Etienne pour ses ennemis ? Pendant qu'ils le lapident, il intercède pour eux, il demande grâce pour eux, il plaide leur cause ; et il la plaide si éloquemment, dit saint Augustin, qu'il paraît bien que c'est la charité même et le Saint-Esprit qui parle par sa bouche. Seigneur, s'écrie-t-il en s'adressant au Fils de Dieu, ne leur imputez pas ce péché : c'est vous-même qui sur la croix m'avez appris, par votre exemple. à tenir ce langage ; et je ne crains point que ma prière en faveur de ces malheureux soit téméraire et présomptueuse, puisqu'elle est conforme à la votre, et fondée sur la votre. Il est vrai que leur crime est grand ; mais souvenez-vous que vous avez prié votre Père pour la rémission d'un crime mille fois encore plus grand : car vous étiez le Maître et je ne suis que le serviteur et le disciple. J'ai donc droit d'espérer que, puisque vous avez vous-même jugé digne de pardon l'attentat et le déicide commis dans votre adorable personne, l'outrage qu'on me fait aujourd'hui ne sera point irrémissible ; et qu'après que vous avez dit pour ceux qui vous crucifiaient : Pater, dimitte illis (Luc, XXIII, 34.), je puis dire pour les auteurs de ma mort : Domine, ne statuas illis hoc peccatum (Act., VII, 59.). C'est ainsi que la charité de saint Etienne cherche à excuser et à disculper ses ennemis. Cela vous paraît héroïque ; et moi je soutiens que cet héroïsme, bien entendu, n'est point un simple conseil, mais un précepte, et que, si vous ne priez sincèrement et de bonne foi pour vos plus cruels ennemis, il n'y a point de salut pour vous. N'est-ce pas ce que vous enseigne l'Evangile, et n'y avez-vous pas lu cent fois ces paroles si expresses : Orate pro persequentibus vos, ut sitis fllii Patris vestri (Matth., V, 44.) ; Priez pour ceux qui vous outragent, afin que vous soyez les enfants de votre Père céleste ? Pouvait-on vous déclarer ce point en des termes plus forts ? n'est-ce pas la règle que saint Etienne a suivie ? en avez-vous une autre que lui ? l'entendez-vous mieux que lui ? pensez-vous et prétendez-vous qu'il vous en coûte moins qu'à lui ?

 

Qu'il est important, Chrétiens, de méditer souvent ces vérités ! Je vous ai dit que saint Etienne avait prié pour ceux qui le lapidaient avec plus de zèle que pour lui-même. C'est ce qui paraît encore dans la description que saint Luc nous a faite de son martyre : car pourquoi pensez-vous que ce saint diacre, après s'être tenu debout en recommandant son âme à Dieu, fléchisse les genoux pour recommander le salut de ses bourreaux : Positis autem genibus (Ad., VII, 59.) ? c'est qu'il sait que dans cette posture il sera plus en état d'être exaucé, et d'obtenir pour eux miséricorde. Il avait donc pour ses ennemis, conclut saint Bernard, une charité plus ardente que pour sa propre personne : Ampliorem erqo pro inimicis, quant pro scipso, habebat sollicitudinem.  Mais,  de plus, pourquoi hausse-t-il alors la voix, et pousse-t-il un grand cri vers le Ciel : Clamavit voce magna ? Pour empêcher, répond le cardinal Pierre Damien, que les cris des pharisiens n'aillent jusqu'à Dieu, et n'attirent sur eux sa vengeance. Les pharisiens criaient par un emportement de fureur, et saint Etienne par un excès de charité : Clamor lapidantium, furoris erat, clamor Stephani, pietatis. Or il fallait, ajoute ce Père, que le cri de la charité l'emportât sur les cris de la fureur, et c'est ce qui arrive : la voix de saint Etienne est si forte qu'elle se fait seule entendre ; Dieu n'a d'oreilles que pour lui ; et il est si touché de sa prière, qu'il ne peut, ce semble, lui résister , et qu'il répand sur les plus indignes sujets ses grâces les plus abondantes. C'est de la que Saul, le plus violent persécuteur de l’Eglise, est changé en un apôtre, et devient un vaisseau d'élection, comme si Dieu avait entrepris de seconder, par le plus éclatant miracle de sa miséricorde, les prodiges de la charité d'Etienne : car c'est à la charité d'Etienne qu'était attachée la prédestination, la vocation, la conversion de Paul ; puisqu'il est vrai, comme l'a remarqué saint Augustin, que si saint Etienne n'eût prié, l'Eglise n'aurait pas eu ce docteur des nations et cette grande lumière : Si Stephanus non orasset, Ecclesia Paulum non haberet. Or tirez la conséquence pour vous-mêmes, mes chers auditeurs, et prenez pour un des signes les plus certains de votre prédestination bienheureuse, cette charité envers vos ennemis.

 

Vous êtes pécheurs, et peut-être, au moment que je vous parle votre conscience est-elle dans un désordre qui vous doit faire trembler ; mais espérez tout, si vous pouvez vous résoudre à aimer chrétiennement cet homme qui s'est tourné contre vous, et dont vous avez reçu une injure qui vous blesse ; car cette victoire que vous remportez sur vous-mêmes, ce sacrifice que vous faites de votre ressentiment, est une preuve convaincante que vous aimez Dieu ; et dès que vous aimez Dieu, vous êtes en grâce avec Dieu.

 

Ce fut en achevant sa prière que saint Etienne s'endormit paisiblement dans le Seigneur : Cum hœc dixisset, obdormivit in Domino (Act., VII, 59.). Et il était juste, reprend saint Augustin, qu'il mourût de la sorte, et qu'il ne survécût pas à une prière si sainte. Qu'aurait-il pu dire, ou qu'aurait-il pu faire dans la suite d'une plus longue vie, qui approchât du mérite d'une telle charité ? C'est par là même aussi que je finis, Chrétiens, en vous conjurant d'imiter la charité de ce saint martyr, de l'exercer comme lui, cette charité si digne de la perfection et de l'excellence de votre foi ; cette charité que le paganisme n'a point connue, et que la nature ne peut inspirer.

 

Pardonnons afin que Dieu nous pardonne : car il nous traitera avec la même indulgence que nous aurons eue pour les autres ; il nous rendra bien pour bien, et grâce pour grâce ; autant que nous aurons remis d'offenses, autant il nous en remettra : disons mieux : pour une offense remise, il nous remettra toutes les nôtres, et nous couronnera dans son royaume éternel.

 

BOURDALOUE, SERMON POUR LA FÊTE DE SAINT ETIENNE 

 

Le Martyre de Saint Etienne

Le Martyre de Saint Etienne, Annibale Carracci, Musée du Louvre

Partager cet article
Repost0
25 décembre 2011 7 25 /12 /décembre /2011 10:00

Par lui, tout s'est fait, et rien de ce qui s'est fait ne s'est fait sans lui. En lui était la vie, et la vie était la lumière des hommes ; la lumière brille dans les ténèbres, et les ténèbres ne l'ont pas arrêtée.

 

Il y eut un homme envoyé par Dieu. Son nom était Jean.

Il était venu comme témoin, pour rendre témoignage à la Lumière, afin que tous croient par lui. Cet homme n'était pas la Lumière, mais il était là pour lui rendre témoignage.

 
Le Verbe était la vraie Lumière, qui éclaire tout homme en venant dans le monde. Il était dans le monde, lui par qui le monde s'était fait, mais le monde ne l'a pas reconnu. Il est venu chez les siens, et les siens ne l'ont pas reçu.

 

Mais tous ceux qui l'ont reçu, ceux qui croient en son nom, il leur a donné de pouvoir devenir enfants de Dieu. Ils ne sont pas nés de la chair et du sang, ni d'une volonté charnelle, ni d'une volonté d'homme : ils sont nés de Dieu.

 

Et le Verbe s'est fait chair, il a habité parmi nous, et nous avons vu sa gloire, la gloire qu'il tient de son Père comme Fils unique, plein de grâce et de vérité.

 

Jean Baptiste lui rend témoignage en proclamant :

" Voici celui dont j'ai dit : Lui qui vient derrière moi, il a pris place devant moi, car avant moi il était. "

 

Tous nous avons eu part à sa plénitude, nous avons reçu grâce après grâce : après la Loi communiquée par Moïse, la grâce et la vérité sont venues par Jésus Christ.

 

Dieu, personne ne l'a jamais vu ; le Fils unique, qui est dans le sein du Père, c'est lui qui a conduit à le connaître.

 

Évangile de Jésus Christ selon saint Jean

 

La Nativité, Willem Benson

Partager cet article
Repost0
25 décembre 2011 7 25 /12 /décembre /2011 05:00

Lorsque les anges eurent quitté les bergers pour le ciel, ceux-ci se disaient entre eux :

" Allons jusqu'à Bethléem pour voir ce qui est arrivé, et que le Seigneur nous a fait connaître. "

 

Ils se hâtèrent d'y aller, et ils découvrirent Marie et Joseph, avec le nouveau-né couché dans la mangeoire. Après l'avoir vu, ils racontèrent ce qui leur avait été annoncé au sujet de cet enfant. Et tout le monde s'étonnait de ce que racontaient les bergers.

 

Marie, cependant, retenait tous ces événements et les méditait dans son cœur.

 

Les bergers repartirent ; ils glorifiaient et louaient Dieu pour tout ce qu'ils avaient entendu et vu selon ce qui leur avait été annoncé.

 

Évangile de Jésus Christ selon saint Luc

 

Adoration of the Shepherds

Adoration des Bergers, Antonio Balestra

Partager cet article
Repost0
24 décembre 2011 6 24 /12 /décembre /2011 19:00

En ces jours-là, parut un édit de l'empereur Auguste, ordonnant de recenser toute la terre

 — ce premier recensement eut lieu lorsque Quirinius était gouverneur de Syrie.

Et chacun allait se faire inscrire dans sa ville d'origine.

 
Joseph, lui aussi, quitta la ville de Nazareth en Galilée, pour monter en Judée, à la ville de David appelée Bethléem, car il était de la maison et de la descendance de David. Il venait se faire inscrire avec Marie, son épouse, qui était enceinte.

 

Or, pendant qu'ils étaient là, arrivèrent les jours où elle devait enfanter. Et elle mit au monde son fils premier-né ; elle l'emmaillota et le coucha dans une mangeoire, car il n'y avait pas de place pour eux dans la salle commune.


Dans les environs se trouvaient des bergers qui passaient la nuit dans les champs pour garder leurs troupeaux. L'ange du Seigneur s'approcha, et la gloire du Seigneur les enveloppa de sa lumière. Ils furent saisis d'une grande crainte, mais l'ange leur dit :

" Ne craignez pas, car voici que je viens vous annoncer une bonne nouvelle, une grande joie pour tout le peuple :

Aujourd'hui vous est né un Sauveur, dans la ville de David. Il est le Messie, le Seigneur.

Et voilà le signe qui vous est donné : vous trouverez un nouveau-né emmailloté et couché dans une mangeoire. "

 
Et soudain, il y eut avec l'ange une troupe céleste innombrable, qui louait Dieu en disant :

" Gloire à Dieu au plus haut des cieux, et paix sur la terre aux hommes qu'il aime. "

 

Evangile de Jésus Christ selon saint Luc

 

 

Nativité, Geertgen

Partager cet article
Repost0
23 décembre 2011 5 23 /12 /décembre /2011 05:00

Détachés de nos intérêts, nous ne contesterons avec personne, nous ne nous brouillerons avec personne, nous ne romprons avec personne ; et, par une infaillible conséquence nous goûterons les douceurs de la société, nous jouirons des avantages de la pure et sincère charité : semblables aux premiers chrétiens, n'ayant tous qu'un cœur et qu'une âme, nous trouverons dans cette union mutuelle une béatitude anticipée, et comme un avant-goût de l'éternelle félicité.

BOURDALOUE

 

 

La paix avec le prochain est le fruit de la charité ; et la charité, selon saint Paul, est l'abrégé de la loi chrétienne. Il ne faut donc pas s'étonner si le même apôtre nous a marqué, comme un des caractères les plus essentiels de l'esprit chrétien, le soin de conserver la paix avec tous les hommes, puisqu'il est évident que fous les hommes sont compris sous le nom de prochain. Si fieri potest, quod ex vobis est, cum omnibus hominibus pacem habentes (Rom., XII, 18.) : si cela se peut, disait-il aux Romains en les instruisant et en les formant au christianisme, si cela se peut, et autant qu'il est en vous, vivez en paix avec tout le monde : voilà l'esprit de votre religion, et par où l'on reconnaîtra que vous êtes les disciples de Celui qui, dès son berceau, a été le prince et le Dieu de la paix.

 

Pesons bien ces paroles, qui sont substantielles : Si fieri potest, si cela se peut : l'impossibilité, dit saint Chrysostome, est la seule excuse légitime qui puisse devant Dieu nous disculper, quand nous ne vivons pas avec nos frères dans une paix et une union parfaite ; et, hors l'impuissance absolue, toute autre raison n'est qu'un vain prétexte dont nous nous flattons, mais qui ne servira qu'à nous confondre au jugement de Dieu. Quod ex vobis est, autant qu'il est en vous ; en sorte que nous puissions sincèrement protester à Dieu, que nous puissions nous rendre à nous-mêmes témoignage qu'il n'a jamais tenu à nous, jamais dépendu de nous que nous n'eussions avec nos frères cette paix solide fondée sur la charité, l'ayant ardemment désirée, l'ayant de bonne foi recherchée, ayant toujours été préparés et d'esprit et de cœur à ne rien épargner pour y parvenir. Cum omnibus, la paix avec tous, sans en excepter un seul : l'exclusion d'un seul suffit pour nous rendre prévaricateurs, et sujets à toutes les peines dont Dieu menace ceux qui troublent ou qui rompent la paix. Rompre la paix avec un seul, c'est, selon Dieu, quelque chose d'aussi mortel que de violer un seul commandement. La paix avec tous, un seul excepté, nous devient donc inutile pour le salut ; et ce seul que nous exceptons doit s'élever pour demander vengeance contre nous au dernier jour. Cum omnibus hominibus, la paix avec tous les hommes, même avec ceux qui y sont plus opposés et qui ne la veulent pas : les forçant par notre conduite à la vouloir, et, à l'exemple de David, gardant un esprit de paix avec les ennemis de la paix : Cum his qui oderunt pacem, eram pacificus (Psalm., CXIX, 7.).  Car, comme ajoute saint Chrysostome, vivre en paix avec des âmes pacifiques, avec des esprits modérés, avec des humeurs sociables, à peine serait-ce une vertu de philosophe et de païen ; beaucoup moins doit-elle passer pour une vertu surnaturelle et chrétienne. Le mérite de la charité, disons mieux, le devoir de la charité, est de conserver la paix avec des hommes difficiles, fâcheux, emportés : pourquoi ? parce qu'il peut arriver, et parce qu'en effet il arrive tous les jours que les plus emportés et les plus fâcheux, les plus difficiles et les plus chagrins, sont justement ceux avec qui nous devons vivre dans une plus étroite société, ceux dont il nous est moins possible de nous séparer, ceux à qui, dans l'ordre de Dieu, nous nous trouvons attachés par des liens plus indissolubles. Il faut donc, dit ce saint docteur, que, par rapport même à ces sortes d'esprits, nous ayons un principe de paix sur quoi puisse être solidement établie la tranquillité du commerce que la charité chrétienne doit maintenir entre eux et nous.

 

Or, quel est-il ce principe ? le voici : une sainte conformité avec Jésus-Christ naissant. Entrons dans son cœur, prenons-en les sentiments, tâchons à nous mettre dans les mêmes dispositions que lui, contemplons son étable et approchons de sa crèche. Remplissons-nous des vives lumières qu'il répand dans les âmes, et comprenons bien surtout deux choses : premièrement, c'est un Dieu qui, pour témoigner aux hommes sa charité, commence par se dépouiller pour eux de tous ses intérêts : secondement, c'est un Dieu qui, pour gagner nos cœurs, nous prévient, suivant le langage du Prophète, de toutes les bénédictions de sa douceur, et qui s'attendrit pour nous jusqu'à se revêtir, tout Dieu qu'il est, de notre humanité ; disons mieux, et dans un sens plus propre à mon sujet, jusqu'à devenir personnellement pour nous, comme parle l'Apôtre, la bénignité et l'humanité même : Apparuit benignitas et humanitas (Tit., III, 4.). Deux moyens qu'il nous présente pour entretenir une paix éternelle avec nos frères : désintéressement et douceur. Dépouillons-nous en faveur de nos frères de certains intérêts qui nous dominent ; soyons, à l'égard de nos frères, doux et humains : plus d'inimitiés alors, plus de divisions ; paix inviolable, paix inaltérable. Quel bonheur pour moi et quel avantage pour vous, si je pouvais, en finissant, vous persuader ces deux devoirs si indispensables dans la religion que nous professons, et si nécessaires dans tous les états de la vie. Ceci demande une réflexion toute nouvelle.

 

C'est, dis-je, un Dieu qui, par amour pour nous, et pour témoigner aux hommes son immense charité, se dépouille de tous ses intérêts ; qui, de maître qu'il était, se fait obéissant ; de grand qu'il était se fait petit ; de riche qu'il était se fait pauvre : Quoniam propter vos egenus factus est, cum esset dives (2. Cor., VIII, 9.). Et je prétends que ce désintéressement est le plus prompt et le plus infaillible moyen pour concilier les cœurs, et pour nous unir tous dans une paix solide et durable.

 

Car, comme raisonne saint Bernard, prétendre vivre en paix avec nos frères, sans qu'il nous en coûte rien, sans vouloir leur sacrifier rien, sans jamais leur céder en rien, sans nous incommoder pour eux, ni nous relâcher sur rien ; nous flatter d'avoir cette charité chrétienne qui est le lien de la paix, et cependant être toujours aussi entiers dans nos prétentions, aussi jaloux de nos droits, aussi déterminés à n'en rien rabattre, aussi vifs sur le point d'honneur, aussi attachés à nous-mêmes ; abus, mes chers auditeurs : ce n'est pas ainsi que le Dieu de la paix nous l'a enseigné. Il ne fallait point pour cela qu'il vînt au monde, ni qu'il nous servit de modèle : nous n'avions sans lui que trop d'exemples de cette charité intéressée. Il était inutile que ce Dieu fait homme nous apportât un commandement nouveau : de tout temps les hommes s'étaient aimés de la sorte les uns les autres, et cette prétendue charité était aussi ancienne que le monde ; mais aussi le monde, avec cette charité prétendue, n'avait jamais été ni ne pouvait jamais être en paix.

 

C'est l'intérêt, Chrétiens, qui nous divise. Otez la propre volonté, disait saint Bernard, il n'y aura plus d'enfer ; et moi je dis : Otez l'intérêt propre, ou plutôt la passion de l'intérêt propre, et il n'y aura plus parmi les hommes de dissensions, plus de querelles, plus de procès, plus de discordes dans les familles, plus de troubles dans les communautés, plus de factions dans les états : la paix avec la charité régnera partout. Elle régnera entre vous et ce parent, entre vous et ce frère, cette sœur ; entre vous et cet ami, ce voisin, ce concurrent. Dès que vous voudrez pour lui vous déporter de tel ou tel intérêt, qui fait contre vous son chagrin, dès là vous aurez avec lui la paix ; et souvent même, selon le monde, la paix que vous aurez avec lui vaudra mieux pour vous que l'intérêt qu'on vous disputait et à quoi vous renoncez. Détachés de nos intérêts, nous ne contesterons avec personne, nous ne nous brouillerons avec personne, nous ne romprons avec personne ; et, par une infaillible conséquence nous goûterons les douceurs de la société, nous jouirons des avantages de la pure et sincère charité : semblables aux premiers chrétiens, n'ayant tous qu'un cœur et qu'une âme, nous trouverons dans cette union mutuelle une béatitude anticipée, et comme un avant-goût de l'éternelle félicité.

 

Or, à la vue de Jésus-Christ, pouvons-nous avoir d'autres sentiments que ceux-là ? si nous sommes chrétiens, je dis de vrais chrétiens, nous faut-il un autre juge que ce Dieu-Sauveur, et un autre tribunal que la crèche où il est né, pour vider tous les différends qui naissent entre nous et nos frères ? Un chrétien, rempli des idées que lui inspire un mystère si touchant, voudrait-il appeler de ce tribunal, et aurait-il peine à remettre aujourd'hui tous ses intérêts entre les mains d'un Dieu qui ne vient au monde que pour y apporter la paix ? Voilà, mon cher auditeur, ce que je vous demande en son nom. Si votre frère n'a pas mérité ce sacrifice, souvent très léger, que vous lui ferez de votre intérêt, Jésus-Christ le mérite pour lui. Si votre frère est mal fondé dans ses prétentions, et s'il n'est pas juste que vous lui cédiez, au moins est-il juste que vous cédiez à Jésus-Christ. Ce que vous refusez à l'un, donnez-le à l'autre ; ce que vous ne voulez pas accordera votre frère, donnez-le à la charité et à Jésus-Christ : par là vous achèterez la paix, vous l'achèterez à peu de frais, et par là même vous la conserverez.

 

Mais peut-être s'agit-il de tout autre chose entre vous et le prochain ; peut-être, indépendamment de tout intérêt, ce qui vous divise n'est-ce de votre part qu'une fierté qui l'a choqué, qu'un emportement qui l'a irrité, qu'une parole aigre dont il s'est senti piqué, que des manières dures dont il s'est tenu offensé, qu'un air de hauteur avec lequel vous l'avez traité ? Si cela est, il ne dépend, pour le satisfaire, que de vous adoucir à son égard, que de lui donner certaines marques de votre estime, que de lui rendre certains devoirs, que de le prévenir par quelques démarches qui le ramèneront infailliblement et l'attacheront à vous. Je ne le puis, dites-vous ; j'y sens une opposition invincible, et je n'en viendrai jamais là.

 

Rentrez, encore une fois, rentrez, mon cher auditeur, dans l’étable de Bethléem : vous y verrez le Dieu de la paix incarné et humanisé, ou plutôt, vous y verrez dans sa personne la bénignité même incarnée, la grandeur même de Dieu humanisée. Je le répète, vous y verrez un Dieu qui, pour vous attirer à lui, n'a point dédaigné de vous rechercher ; qui, par une condescendance toute divine de son amour, s'est fait même comme une gloire de vous prévenir. S'il eût attendu que vous, pécheur, vous son ennemi et son ennemi déclaré, vous eussiez fait les premiers pas pour retourner à lui, où en étiez-vous, et quelle ressource vous restait pour le salut ? Cependant, malgré l'exemple de votre Dieu, vous vous faites et vous osez vous faire je ne sais quel point d'honneur de n'aller jamais au-devant de votre frère pour le rapprocher de vous et pour l'engager lui-même à revenir. Malgré la loi de la charité, et d'ailleurs même après avoir été l'agresseur, vous conservez contre lui de scandaleux et d'éternels ressentiments : n'est-ce pas renverser tous les principes du christianisme, et vous exposer à de terribles malédictions du ciel ?

 

Vous y verrez un Dieu qui, pour vous gagner, vous comble des bénédictions de sa douceur ; un Dieu qui, pour se rendre plus aimable, quitte tout l'appareil de la majesté, et qui s'humanise, non seulement jusqu'à paraître, mais jusqu'à devenir en effet homme comme vous ; un Dieu qui, sous la forme d'un enfant, vient s'attendrir sur vous de compassion, et pleurer, non pas ses misères, mais les vôtres. Car c'est ainsi, dit saint Pierre Chrysologue, qu'il a voulu naître, parce qu'il a voulu être aimé : Sic nasci voluit, qui voluit amari (Petr. Chrysol.). Parole touchante et digue de toutes nos réflexions ! c'est ainsi qu'il a voulu naître, parce qu'il a voulu être aimé. Il aurait pu naître, et il ne tenait qu'à lui de naître dans la pompe et dans l'éclat de la magnificence royale ; mais, en naissant de la sorte, il n'aurait été que respecté, que révéré, que redouté, et il voulait être aimé. Or, pour être aimé, il devait s'abaisser jusqu'à nous ; pour être aimé, il devait être semblable à nous ; pour être aimé, il devait souffrir comme nous. Et c'est pourquoi il a voulu naître dans l'état de faiblesse et d'abaissement où ce mystère nous le représente : Sic nasci voluit, qui voluit amari. Après cela, Chrétiens, affectez des airs dédaigneux et hautains envers les autres, traitez-les en esclaves, avec empire, avec dureté, et non pas en frères, avec patience, avec bonté ; rendez-vous inflexibles à leurs prières et insensibles à leurs besoins. N'est-ce pas démentir voire religion ? N'est-ce pas même violer les droits de  l'humanité ? Je serais infini, si j'entreprenais de développer ce point de morale dans toute son étendue.

 

Quoi qu'il en soit, mes chers auditeurs, voilà la sainte et divine paix que nous devons capitalement désirer, et qui ne nous coûtera jamais trop, a quelque prix qu'elle vous puisse être vendue. La paix avec nos frères, et, sans exception, la paix avec tous les hommes : cum omnibus hominibus pacem habentes. Mais quel est notre aveuglement et le sujet de notre confusion ? le voici : dans les temps où Dieu nous afflige par le fléau de la guerre, nous lui demandons la paix ; et, dans le cours de la vie, nous ne travaillons a rien moins qu'à nous procurer la véritable paix. C'est-à-dire, nous demandons à Dieu une paix qui ne dépend pas de nous, une paix qui n'est pas de notre ressort, une paix pour la conclusion de laquelle nous ne pouvons rien ; et nous ne pensons pas à nous procurer celle qui est entre nos mains, celle dont nous sommes nous-mêmes les arbitres, celle dont Dieu nous a chargés, et dont il veut que nous lui soyons responsables. Nous faisons des vœux afin que les puissances de la terre s'accordent entre elles, pour donner au monde une paix que mille difficultés presque insurmontables semblent quelquefois rendre comme impossible ; et nous ne voulons pas finir de pitoyables différends dont nous sommes les maîtres, qu'il nous serait aisé de terminer, que notre seule obstination fomente ; et ces puissances de la terre si difficiles à réunir, sont souvent plutôt d'accord que nous ne le sommes les uns avec les autres. Cette paix entre les couronnes, malgré tous les obstacles qui s'y opposent, est plutôt conclue qu'un procès qui fait la ruine et la désolation de toute une famille n'est accommodé. Ah ! Seigneur, je ne serais pas un fidèle ministre de votre parole, si dans un jour aussi solennel que celui-ci, où les anges, vos ambassadeurs, nous ont annoncé et promis la paix, je ne vous demandais, au nom de tous mes auditeurs, cette paix si désirée, qui doit pacifier tout le monde chrétien ; cette paix dont dépend le bonheur de tant de nations ; cette paix pour laquelle votre Eglise s'intéresse tant et avec tant de raison ; cette paix que vous seul pouvez donner, et qui désormais ne peut être que l'ouvrage de votre providence miraculeuse et de votre absolue puissance. Je n'aurais pas, comme ministre de votre parole, le zèle que je dois avoir, si, à l'exemple de vos prophètes, je ne vous disais aujourd'hui : Da pacem, Domine, sustinentibus te, ut prophetœ tui fideles inveniantur : Donnez la paix, Seigneur, à votre peuple, afin que ce ne soit pas en vain que nous l'ayons engagé à apaiser votre colère pour l'obtenir. Donnez-lui la paix, puisqu'entre les prospérités, quoique humaines et temporelles, qu'il lui est permis d'espérer, la paix est celle qui vient plus immédiatement de vous et qui peut le plus contribuer à votre gloire.

 

Mais je serais, ô mon Dieu, encore plus prévaricateur de mon ministère, si préférablement à cette paix, toute nécessaire et toute importante qu'elle est, je ne vous demandais, pour moi et pour ceux qui m'écoutent, celle qui doit nous réconcilier avec vous, celle qui doit nous réconcilier avec nous-mêmes, celle qui doit nous réconcilier avec nos frères ; celle qui doit nous réconcilier avec vous, par une généreuse et sainte pénitence ; celle qui doit nous réconcilier avec nous-mêmes, par un vrai détachement et une sincère humilité ; celle qui doit nous réconcilier avec nos frères, par une tendre et cordiale charité. 

 

BOURDALOUE, SERMON SUR LA NATIVITÉ DE JÉSUS-CHRIST

 

 

Nativité, Martin Schongauer, 1480

Partager cet article
Repost0
22 décembre 2011 4 22 /12 /décembre /2011 05:00

Apprenez de moi que je suis humble de cœur : Discite a me quia mitis sum et humilis corde. Ne regardons pas cette humilité de cœur comme une faiblesse : ç’a été la vertu d'un Dieu, et c'est la vertu des forts, la vertu des sages, la vertu des âmes sensées, et par-dessus tout la vertu des élus de Dieu.

BOURDALOUE

 

 

L'homme en était réduit à ce déplorable état d'être dans une continuelle guerre avec soi-même, et de ne pouvoir se donner la paix à soi-même : et ce qui semble bien étonnant, dans l'affreux désordre où il était tombé par le péché, il ne lui fallait pas moins un médiateur, pour le réconcilier avec lui-même que pour le réconcilier avec Dieu. Or de là je conclus que Jésus-Christ est donc encore, par cette même raison, le prince et le Dieu de la paix : princeps pacis, puisque dans le mystère de sa naissance, il nous apprend, et par les exemples qu'il nous donne et par les leçons qu'il nous fait, le secret inestimable d'entretenir la paix avec nous-mêmes, secret que nous avons tant d'intérêt à découvrir, et qu'il nous est si important de savoir, mais qu'il n'appartenait qu'à ce Dieu naissant de nous révéler.

 

En effet, jusque là les hommes l'avaient ignoré cet art tout divin : séduits et aveuglés par le dieu du siècle, ils s'étaient faussement persuadés que le plus sûr moyen de trouver la paix du cœur était de satisfaire ses désirs, de contenter son ambition, de rassasier sa cupidité, et pour cela d'être honoré et distingué dans le monde ; de s'enrichir, et de vivre dans l'abondance ; de se pousser, de s'élever, de s'agrandir. Ainsi l'avaient cru et le croyaient tant de mondains. Or, en raisonnant de la sorte, non seulement, dit l'Ecriture, ils s'étaient trompés, mais, en se trompant, ils s'étaient rendus malheureux : Contritio et in felicitas in viis eorum (Psalm., XIII, 3.) : pourquoi ? parce qu'en raisonnant de la sorte, Ils n'avaient pas connu le chemin de la paix : Et  viam pacis non cognoverunt (Ibid.). Au lieu du repos intérieur et du calme qu'ils se promettaient dans leur opulence et dans leur élévation, ils ne trouvaient que trouble, que chagrin, qu'affliction d'esprit : Contritio et infelicitas. Tel était le sort des partisans du monde : et plût au ciel, mes chers auditeurs, que ce ne fût pas encore aujourd'hui le vôtre !

 

Qu'a fait Jésus-Christ ? Il est venu nous enseigner le chemin de la paix, que nous cherchions et que nous ne connaissions pas. Lui-même, qui dans l'Evangile s'est appelé le chemin : Ego sum via (Joan., XIV, 6.), il est venu nous servir de guide, et nous montrer la route par où nous pouvons immanquablement arriver au terme de cette bienheureuse paix. Lui-même, qui s'est appelé et qui est en effet la vérité : Ego sum veritas (Ibid.), il est venu nous désabuser des erreurs grossières dont nous nous étions laissé prévenir à l'égard de cette paix. Lui-même , qui est la vie : Ego sum vita (Ibid.), il est venu nous faire goûter ce qui pouvait seul nous mettre en possession de cette paix. Tout cela comment ? en nous découvrant dans le mystère de ce jour les deux sources véritables de la paix avec nous-mêmes, savoir : l'humilité de cœur et la pauvreté de cœur ; et en détruisant dans ce même mystère les deux grands obstacles à cette paix tant désirée, et néanmoins si peu commune, qui sont notre orgueil d'une part, et de l'autre notre attachement aux biens de la terre : Veniens evangelizavit pacem.

 

Ne perdez rien d'une instruction si solide et si édifiante. Oui,  c'est dans  ce  mystère qu'un Dieu-Homme, en naissant parmi les hommes, nous prêche hautement, par son exemple, ce qu'il devait dans la suite établir pour fondement de toute sa doctrine : Discite a me, quia mitis sum et humilis corde, et invenietis requiem animabus vestris (Matth., XI, 29.) : Apprenez de moi que je suis humble de cœur, et tenez pour certain  que par là vous trouverez le repos de vos âmes. Oracle,  dit saint  Augustin, d'où devait dépendre, non seulement notre  sainteté,  mais notre félicité dans la vie. Car il est évident, mes Frères, que ce qui nous empêche tous les jours de trouver ce repos de l'âme si estimable, et sans quoi tous les autres biens de la vie nous deviennent inutiles, c'est l'opposition secrète que nous   avons à  l'humilité chrétienne. Reconnaissons-le avec douleur, et gémissons-en devant Dieu : ce qui fait perdre si souvent la paix à notre cœur, et ce qui nous met dans l'impuissance de la conserver, c'est l'orgueil dont nous sommes remplis, et qui nous enfle; cet orgueil, qui nous fait croire en tant d'occasions qu'on ne nous rend pas ce qui nous est dû, qu'on n'a pas pour nous assez d'égards, qu'on ne nous considère pas autant que nous le méritons. Car de là naissent les mélancolies et les tristesses, de là les désolations et les désespoirs, de là les aigreurs et les emportements : les tristesses, quand nous nous voyons maltraités ; les désespoirs, quand nous nous croyons  méprisés ;   les  emportements, quand nous nous prétendons insultés et outragés  : Dieu prenant plaisir, dit saint Chrysostome, à punir notre orgueil par notre orgueil même, et se servant de notre amour-propre pour nous faire souffrir, quand, par un excès de délicatesse et de sensibilité dont notre orgueil est le principe, nous ne voulons rien souffrir. Si nous étions humbles, et humbles de cœur, nous serions à couvert de tous ces chagrins. Au milieu des contradictions et des adversités, l'humilité nous tiendrait dans une situation tranquille. Quelque injustice qu'on pût nous faire et que l'on nous fît, l'humilité nous consolerait, l'humilité nous affermirait, l'humilité calmerait ces orages, réprimerait ces mouvements déréglés qui bouleversent une âme, si je puis ainsi m'exprimer, et qui lui causent de si grandes agitations.

 

Ah ! Chrétiens, méditons bien ce point important. Examinons bien, et demandons-nous à nous-mêmes pourquoi nous nous troublons si aisément ? pourquoi, au moindre soupçon d'un mépris souvent imaginaire, nous nous piquons si vivement ? pourquoi, sur un vain rapport d'une parole dite contre nous par imprudence et par légèreté, nous nous affligeons, nous nous alarmons, nous nous irritons ? Quare tristis es, anima mea, et quare conturbas me (Psalm., XLI, 6.) ? C'est la question que se faisait à lui-même le Prophète royal, et que peut se faire à toute heure l'homme superbe avec beaucoup plus de sujet : Pourquoi, mon âme, êtes-vous triste, et d'où vient que vous me troublez ? Nous n'en trouvons point d'autre raison que ce fond d'orgueil avec lequel nous sommes nés, et que nous avons toujours entretenu, bien loin de travailler à le détruire. Voilà, hommes du siècle qui m'écoutez, ce qui vous rend incapables de goûter cette paix qui, de votre aveu néanmoins, est, après votre salut, le souverain bien. Vous la désirez préférablement à tout, puisque vous ne désirez tout le reste que pour y parvenir. Cependant vous n'y parvenez jamais : ne vous en prenez qu'à vous-mêmes, à cette ambition qui vous possède, et à laquelle vous vous êtes comme livrés ; à cette ambition qui, malgré tant de biens dont Dieu vous a comblés dans la vie, vous empêche d'être jamais contents de ce que vous êtes, et vous pousse toujours à vouloir être ce que vous n'êtes pas ; à cette ambition qui, par la plus monstrueuse ingratitude envers la Providence, vous fait compter pour rien tout ce que vous avez, et toujours aspirer à ce que vous n'avez pas, jusques à vous fatiguer pour cela sans relâche, jusques à vous crucifier vous-mêmes ; à cette ambition, qui fait naître dans voire cœur tant de basses et de honteuses jalousies, qui des prospérités d'autrui vous fait de si amers sujets de douleur, qui vous jette en de si violents transports quand on s'oppose à vos desseins, qui vous inspire de si mortelles aversions quand on traverse vos entreprises. Je le répète, et je ne puis trop fortement vous l'imprimer dans l'esprit, c'est là que le mal réside, c'en est là le principe et la racine.

 

Quand vous aurez une bonne fois renoncé à cette  passion ; quand, par  une modération chrétienne et sage,  vous saurez vous tenir dans le rang où Dieu vous a placés ; quand, par une justice que vous ne vous rendez pas, et qu'il faudrait vous rendre, vous reconnaîtrez que Dieu n'en a que trop fait pour vous ; dès là vous posséderez ce trésor de la paix, que vous avez en vain cherché jusqu'à présent, parce que vous ne l'avez pas cherché où il est. C'est-à-dire, dès là vous bénirez Dieu dans votre condition, sans envier celle des autres. Dès là, soumis à Dieu, vous ne penserez plus qu'à vous sanctifier dans votre état, sans courir éternellement après un  fantôme que vous vous figurez comme un  bonheur parfait, mais dont la chimérique espérance ne sert qu'à vous tourmenter. Dès là, contents de votre fortune, vous en jouirez paisiblement et avec actions de grâces ; vous ne vous appliquerez qu'à en bien user, et vous ne craindrez rien autre chose que d'en faire un criminel abus. Dès là,   chargés de  l'établissement de vos familles, après avoir fait en chrétiens tout ce qui dépendra de  vous  pour y  pourvoir, vous vous en reposerez sur cette aimable Providence dans le sein de laquelle, comme dit l'Apôtre, nous devons jeter toutes nos inquiétudes, comptant et pouvant compter avec assurance que si nous lui sommes fidèles elle ne nous manquera pas : Omnem sollicitudinem vestram projicientes in eum (Petr., V,7.). Dès là, affranchis de la servitude et de l'esclavage du monde, vous attendrez tout de Dieu ; vous ne mettiez votre appui, votre confiance qu'en Dieu ; vous entrerez dans la sainte   et heureuse liberté des enfants de Dieu ; tous les nuages se dissiperont, toutes les tempêtes se calmeront ; et un moment de cette paix secrète, que votre orgueil a tant de fois troublée, vous dédommagera bien des faux avantages où il visait, et des vaines prétentions qui vous exposaient à de si fâcheux retours et à de si rudes combats. Or, voilà pourquoi Jésus-Christ vous dit aujourd'hui : Apprenez de moi que je suis humble de cœur : Discite a me quia mitis sum et humilis corde. Et ne regardons pas cette humilité de cœur comme une faiblesse : ç’a été la vertu d'un Dieu, et c'est la vertu des forts, la vertu des sages, la vertu des âmes sensées, et par-dessus tout la vertu des élus de Dieu. Apprenez-la de moi, (écoutez toujours votre maître), et apprenez-la de moi, puisqu'il n'y a que moi de qui vous puissiez l'apprendre, et que toute la philosophie n'a point été jusque là. Apprenez-la de moi qui ne suis venu que pour vous en faire des leçons, et qui, pour vous la mieux persuader, me suis humilié et anéanti moi-même. C'est-à-dire, apprenez de moi que ce sont deux choses incompatibles que la paix et l'orgueil ; que voire cœur, quoi que vous fassiez et quoi que le monde fasse pour vous, ne sera jamais content, tandis que la vanité, que l'ambition, que l'amour de la gloire y régnera : par conséquent, que pour trouver sur la terre le centre et le point de la félicité humaine, que pour avoir cette paix de l'âme, qui est par excellence le don de Dieu, il faut être humble, sincèrement humble, et solidement humble : Discite a me quia mitis sum et humilis corde, et invenietis requiem animabus vestris.

 

Car c'est là, mes Frères, dit saint Bernard, ce que la sagesse de Dieu incarnée a prétendu nous déclarer dans cet auguste mystère. Parce que nous sommes charnels, et, comme tels, accoutumés à ne rien comprendre que de charnel, le Verbe de Dieu a bien voulu lui-même se faire chair pour venir nous apprendre sensiblement, et, selon l'expression de ce Père, charnellement, que l'humilité est la seule voie qui conduit à ce repos du cœur si salutaire, et même absolument si nécessaire pour notre sanctification. Quand ce ne serait donc, conclu saint Bernard, que pour nous-mêmes, rendons-nous aujourd'hui dociles aux enseignements de ce Sauveur, et écoutons-le, ce Verbe divin : au moins dans l'état de sa chair : Quia nihil prœter carnem audire poteras, ecce Verbum caro factum est : audias illud, vel in carne (Bern.). Mais ce n'est pas assez.

 

Il nous fait encore, Chrétiens, une seconde leçon non moins importante. Car quelle est l'autre source de ces combats intérieurs et de ces guerres intestines qui nous déchirent si cruellement ? convenez-en avec moi ; c'est la cupidité, l'envie d'avoir, un malheureux et damnable attachement aux biens de la terre. Vous y cherchez les douceurs de la vie, et l'ardeur extrême qui vous brûle en fait le tourment de votre vie. En effet, quels soins empressés pour les acquérir ! quelles peines pour les conserver ! quelles frayeurs au moindre danger de les perdre ! quels désirs insatiables de les augmenter ! quels chagrins de n'en avoir pas assez pour satisfaire ou à vos prétendus besoins, ou à vos dépenses superflues ! quelle douleur, quel accablement, quelle consternation, quand malgré vous ils vous échappent des mains, et qu'une mauvaise affaire, qu'un accident imprévu vous les enlève ! quelle honte de tomber par là non seulement dans la disette, mais dans l'humiliation ! quel regret du passé ! quelles alarmes sur le présent ! quelles inquiétudes sur l'avenir, au milieu de tant de risques inévitables dans le commerce du monde, au milieu de tant de révolutions et de revers dont vous êtes témoins, et à quoi tous les jours vous vous trouvez vous-mêmes exposés !

 

Le remède, c'est le détachement évangélique. Donnez-moi un homme pauvre de cœur, rien ne sera capable de l'altérer ; c'est-à-dire donnez-moi un homme vraiment détaché des biens sensibles, à quelque épreuve qu'il plaise à Dieu de le mettre, dans l'adversité comme dans la prospérité, dans l'indigence comme dans l'abondance, il jouira d'une paix profonde. Usant de ses biens comme n'en usant pas, et, selon la maxime de saint Paul, les possédant comme ne les possédant pas, il sera disposé à tous les événements. Tranquille comme Job, et inébranlable au milieu des calamités du monde, il se soutiendra par la grande pensée dont ce saint homme était pénétré, et qui conservait le calme dans son âme : Si bona suscepimus de manu Domini, mala quare non suscipiamus (Job II, 10.) ? si nous avons reçu les biens de la main du Seigneur, pourquoi, avec la même soumission, n'en recevrions-nous pas les maux ? Dans les disgrâces et dans les pertes, préparé comme Job à les supporter, il dira avec lui : Dominus dedit, Dominus abstulit (Ibid., I, 21.) : c'était le Seigneur qui me les avait donnés, ces biens ; c'est lui qui me les a ôtés : il ne m'est rien arrivé que ce qu'il a voulu ; que son nom soit à jamais béni : Sit nomen Domini benedictum (Ibid., I, 21.). Heureux état ! solide et ferme soutien ! ressource contre les malheurs de la vie, et qui ne peut jamais manquer !

 

Or, c'est ce que votre Sauveur vient aujourd'hui vous apprendre par un exemple bien plus propre encore à vous convaincre et à faire impression sur vos esprits, que celui de Job. C'est ce que vous prêche l’étable, la crèche, les langes de cet Enfant-Dieu : Hoc nobis prœdicat stabulum, hoc clamat prœsepe, hoc panni evangelizant (Bern.), C'est lui qui vous apprend que les pauvres de cœur sont heureux, et qu'il n'y a même dans la vie que les pauvres de cœur qui soient heureux et qui le puissent être : Beati pauperes spiritu (Matth., V, 3.) ; qu'une partie donc, mais une partie essentielle de notre béatitude sur la terre, est d'avoir le cœur libre et dégagé de l'attachement aux biens de la fortune. Il ne commence pas seulement à l'enseigner, mais à le persuader au monde. En effet, à peine a-t-il paru dans le monde avec toutes les marques de la pauvreté dont il est revêtu, que je vois des pauvres (ce sont les pasteurs), non seulement soumis et résignés, mais bénissant, mais glorifiant Dieu dans leur état ; des pauvres qui, touchés de ce qu'ils ont vu en Bethléem, s'en retournent, quoique pauvres, comblés de joie ; des pauvres contents de leur sort, et ne portant nulle envie aux riches de Jérusalem, parce qu'ils ont connu dans la personne de ce divin Enfant le bonheur et les prérogatives infinies de leur condition : Et reversi sunt pastores glorificantes et laudantes Deum (Luc, II, 20.). A peine a-t-il paru dans l'étable, que je vois des riches (ce sont les mages), qui, bien loin de mettre leur cœur dans leurs richesses, viennent mettre leurs richesses à ses pieds ; qui se font en sa présence un mérite de les mépriser, d’y renoncer, de s'en dépouiller. Les uns et les autres heureux, parce qu'en se conformant à ce Dieu pauvre, ils ont trouvé le chemin de la paix.

 

Crèche adorable de mon Sauveur, c'est toi qui me fais aujourd'hui goûter la pauvreté que j'ai choisie, c'est toi qui m'en découvres le trésor, c'est toi qui me la rends précieuse et vénérable, c'est toi qui me la fais préférer à tous les établissements et à toute l'opulence du monde. Confondez-moi, mon Dieu, si jamais ces sentiments, seuls dignes de vous, seuls dignes de ma profession, et si nécessaires enfin pour mon repos, sortaient de mon cœur. Vous les y avez conservés jusqu'à présent, Seigneur, et vous les y conserverez.

 

Cependant, cette paix avec nous-mêmes, tout avantageuse qu'elle est, ne suffit pas encore, si nous n'y joignons la paix avec le prochain : et c'est la troisième instruction que nous devons tirer de la naissance de Jésus-Christ, comme vous l'allez voir dans la dernière partie.

 

BOURDALOUE, SERMON SUR LA NATIVITÉ DE JÉSUS-CHRIST 

 

Nativité, Konrad von Soest, 1403

Partager cet article
Repost0