Amen dico vobis : Nisi abundaverit justifia vestra plusquam scribarum et pharisœorum, non intrabitis in regnum cœlorum.
Je vous dis en vérité : Si votre justice n'est au-dessus de celle des scribes et des pharisiens, vous n'entrerez point dans le royaume des cieux.
ÉVANGILE DE SAINT MATTHIEU
vendredi de la première semaine
L'or le plus brillant n'est pas toujours le plus fin, et la piété la plus éclatante n'est pas toujours la plus solide ni la plus parfaite. En pouvons-nous souhaiter un témoignage plus authentique et plus sensible que celui des pharisiens et des docteurs de la loi ? Leurs œuvres les plus saintes en apparence ne leur étaient pas seulement inutiles devant Dieu, mais c'étaient des œuvres expressément réprouvées de Dieu : pourquoi cela ? par trois grands désordres que nous y pouvons remarquer : en effet, qu'était-ce que celle piété pharisienne ? Une piété hypocrite, une piété fausse et vicieuse, premièrement dans son sujet, secondement dans sa fin, troisièmement dans sa forme.
Prenez garde, s'il vous plaît : vicieuse dans son sujet, parce qu'elle affectait une régularité scrupuleuse ses moindres observances, tandis qu'elle négligeait les devoirs les plus essentiels. Vicieuse dans sa fin, parce qu'elle n'agissait qu'en vue de ses propres avantages et que pour des intérêts tout humains. Enfin vicieuse dans sa forme, parce qu'elle était tout extérieure, et qu'elle ne consistait qu'en certains dehors. Voilà pourquoi le Fils de Dieu l'a si hautement attaquée, et pourquoi il l'a si souvent frappée de ses anathèmes.
Mais voulons-nous, par une piété sincère et véritable, assurer auprès de Dieu notre salut, et nous rendre agréables à ses yeux ? appliquons-nous à corriger dans nous-mêmes ces trois défauts ; c'est-à-dire que notre piété soit entière, qu'elle soit désintéressée, et qu'elle soit intérieure. Entière, pour embrasser tout ce qui concerne le service de Dieu, soit grandes ou petites choses, et surtout pour ne pas préférer le conseil au précepte ; désintéressée, pour ne chercher que Dieu et le royaume de Dieu, sans égard à tout ce que nous en pourrions d'ailleurs espérer par rapport au monde et aux affaires du monde ; intérieure, pour résider dans le cœur et pour partir du cœur. Si, par ces trois caractères, nous ne nous élevons au-dessus des pharisiens, si nous ne donnons à notre piété plus d'étendue, si nous ne lui proposons une fin plus noble, si elle n'a son principe dans le secret et le fond de l’âme, ne nous flattons pas qu'elle nous fasse jamais trouver grâce devant Dieu : Nisi abundaverit justitia vestra plusquam scribarum et pharisaeorum, non intrabitis regnum cœlorum. (Matth., V, 20.) : Si votre justice n'est au-dessus de celle des scribes et des pharisiens, vous n'entrerez point dans le royaume des cieux
BOURDALOUE, SUR LA VRAIE ET LA FAUSSE PIÉTÉ