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"Je vous donne un commandement nouveau : c'est de vous aimer les uns les autres.

 

Comme je vous ai aimés, vous aussi aimez-vous les uns les autres.

 

Ce qui montrera à tous les hommes que vous êtes mes disciples, c'est l'amour que vous aurez les uns pour les autres."

 

Evangile de Jésus-Christ selon  saint Jean 

   

 

Pentecôte

" Le Défenseur, l'Esprit Saint que le Père enverra en mon nom, lui, vous enseignera tout, et il vous fera souvenir de tout ce que je vous ai dit."

 

Évangile de Jésus Christ selon saint Jean  

 

   

 

 El Papa es argentino. Jorge Bergoglio                 

Saint Père François

 

 

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1er mai 2011 Béatification de Jean-Paul II

Béatification du Serviteur de Dieu Jean-Paul II

 

 

  Béatification du Père Popieluszko

beatification Mass, in Warsaw, Poland

à Varsovie, 6 juin 2010, Dimanche du Corps et du Sang du Christ

 

 

presidential palace in Warsaw

Varsovie 2010

 

 

Basilique du Sacré-Cœur de Montmartre
Sanctuaire de l'Adoration Eucharistique et de la Miséricorde Divine

La miséricorde de Dieu est comme un torrent débordé. Elle entraîne les cœurs sur son passage.
(Saint Curé d'Ars)
 

 


Le côté du Christ a été transpercé et tout le mystère de Dieu sort de là. C’est tout le mystère de Dieu qui aime, qui se livre jusqu’au bout, qui se donne jusqu’au bout. C’est le don le plus absolu qui soit. Le don du mystère trinitaire est le cœur ouvert. Ce n’est pas une image, c’est une réalité. C’est la réalité la plus profonde qui soit, la réalité de l’amour.
Père Marie-Joseph Le Guillou




Dans le cœur transpercé
de Jésus sont unis
le Royaume du Ciel
et la terre d'ici-bas
la source de la vie
pour nous se trouve là.

Ce cœur est cœur divin
Cœur de la Trinité
centre de convergence
de tous les cœur humains
il nous donne la vie
de la Divinité.


Sainte Thérèse Bénédicte de la Croix
(Edith Stein)



Le Sacré-Cœur représente toutes les puissances d'aimer, divines et humaines, qui sont en Notre-Seigneur.
Père Marie-Eugène de l'Enfant Jésus

 



feuille d'annonces de la Basilique du Sacré-Coeur de Montmartre

 

 

 

 

 

 

 

     

The Cambrai Madonna

Notre Dame de Grâce

Cathédrale de Cambrai

 

 

 

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Ordinations du samedi 27 juin 2009 à Notre Dame de Paris


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Solennité de l’Immaculée Conception de la Vierge Marie à Notre-Dame de Paris


NOTRE DAME DES VICTOIRES

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... ma vocation, enfin je l’ai trouvée, ma vocation, c’est l’Amour !

 

 

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SAINT PIERRE ET SAINT ANDRÉ

Saint Pierre et Saint André

 

BENOÎT XVI à CHYPRE 

 

Benedict XVI and Cypriot Archbishop Chrysostomos, Church of 

Salutation avec l'Archevêque Chrysostomos à l'église d' Agia Kyriaki Chrysopolitissa de Paphos, le vendredi 4 juin 2010

 

     

 

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SALVE REGINA

27 mars 2014 4 27 /03 /mars /2014 12:00

Si l'on ne demande pas toujours à Dieu des choses préjudiciables, et dans des vues directement contraires au salut, au moins lui demande-t-on des biens purement temporels, et inutiles au salut.

 

Je ne veux pas dire que les biens temporels ne soient pas des dons de Dieu, ni qu'ils soient absolument contraires au salut : mais quand le sont-ils, et pourquoi Dieu les refuse-t-il alors ? quand nous ne les demandons, ni selon l'ordre qu'il a établi, ni par rapport à la fin qu'il a marquée.

 

Car, premièrement, on ne lui demande que les grâces temporelles, qui toutes se terminent aux besoins de cette vie ; et à peine pense-t-on aux spirituelles, à quoi le salut est attaché : les avantages de la fortune, la prospérité, le repos ; voilà ce que nous désirons et ce que nous recherchons, et ce que désirent, ce que recherchent aussi bien que nous les infidèles : Hœc enim omnia gentes inquirunt. Ce sont des biens, je l'avoue : mais ce sont des biens périssables, des biens d'un ordre inférieur à l'homme, et surtout à l'homme chrétien ; des biens dangereux, et sujets à se convertir en de vrais maux. Pour les biens solides et incorruptibles, c'est-à-dire la pureté des mœurs, la bonne conscience, l'humilité, la foi, l'amour du prochain, tout ce qui sert à sanctifier l'âme et qui en fait la perfection, disons-le, et confondons-nous en le disant, c'est à quoi nous sommes peu sensibles, et ce qui rarement nous attire au pied des autels.

 

Qui de vous a jamais eu recours à Dieu pour devenir plus modéré dans ses passions et plus réglé dans sa conduite ? On visite les tombeaux des martyrs ; mais pourquoi ? pour être guéri d'une maladie, et non point pour être délivré d'une tentation. On invoque les saints ; mais pourquoi ? pour être plus heureux et plus opulent, et non point pour être plus humble et plus ennemi des plaisirs. Ah ! mes Frères, s'écriait Salvien, si nous sommes affligés de calamités publiques, si nous sommes menacés d'une famine ou d'une contagion, s'il règne une mortalité parmi nous, nous courons en foule au temple du Dieu vivant ; tout retentit de nos gémissements et de nos prières : mais s'agit-il d'un libertinage qui déshonore le christianisme et qui désole l’Église, on nous voit tranquilles et sans inquiétude ; et, au lieu d'engager le ciel à faire cesser de scandaleuses impiétés, nous vivons en paix et dans la plus affreuse indolence. Ainsi nous prions comme ce malheureux Antiochus, dont la prière intéressée ne put trouver grâce devant Dieu : Orabat scelestus Dominun a quo non erat misericordiam consecuturus. Il priait, Orabat; et l'on ne peut douter qu'il ne priât avec toute l'ardeur possible : mais il priait en mondain, Orabat scelestus ; car il ne demandait à Dieu ni l'esprit de pénitence, ni le don de piété, ni le respect des choses saintes qu'il avait profanées, mais une santé qu'il préférait à tout le reste, et dont il était idolâtre : Orabat scelestus Dominum ; et c'est pour cela que le sein de la miséricorde lui était fermé : A quo non erat misericordiam consecuturus. Voilà comment nous prions ; mais en vain, puisque le Fils de Dieu n'a jamais prétendu se faire garant de telles prières, Pourquoi ? Consultons l'Evangile, il va nous l'apprendre.

 

Le Fils de Dieu dit à ses disciples : Si vous demandez quelque chose à mon Père, et que ce soit en mon nom que vous le demandiez, il vous l'accordera : Si quid petieritis Patrem in nomine meo, dabit vobis . Mais remarquez, c'est la réflexion de saint Augustin, remarquez bien cette parole : Si quid, par où Jésus-Christ nous fait entendre que ce que nous demandons en son nom doit être quelque chose, et quelque chose digne de lui, parce qu'autrement il ne lui conviendrait pas de s'employer pour nous. Or, tous les biens de la terre, séparés du salut éternel, ne sont rien devant Dieu. Les demander donc précisément à Dieu, c'est ne rien demander ; et quoique la promesse du Sauveur du monde soit générale ou semble l'être, ils n'y sont point par eux-mêmes compris. Pour vous en convaincre, écoutez ce qu'il ajoute à ses apôtres : Usque modo non petistis quidquam in nomine meo : Jusques à présent vous n'avez rien demandé en mon nom. Mais comment est-ce, reprend saint Augustin,que le Fils de Dieu leur pouvait tenir ce langage, puisqu'il est évident que les apôtres lui avaient déjà demandé plusieurs grâces ? saint Pierre, de demeurer sur le Thabor ; les enfants de Zébédée, d'être élevés aux deux premières places de son royaume. Ah ! répond ce saint docteur, il est vrai qu'ils lui avaient demandé ces sortes de grâces ; mais parce que ces grâces n'étaient que des avantages humains, et que dans l'idée du Sauveur, tous les avantages humains ne méritaient nulle estime, il croyait avoir droit de compter pour rien tout ce qu'ils lui avaient demandé : Usque modo non petistis quidquam. En effet, demeurer avec lui sur le Thabor, ce n'était qu'une douceur sensible que saint Pierre eût voulu goûter : occuper les premières places de son royaume, ce n'était dans l'intention des deux disciples qu'un vain honneur dont se repaissait leur ambition, parce qu'ils ne le concevaient pas tel qu'il est : mais le zèle des âmes, mais la constance dans les persécutions, mais le renoncement à eux-mêmes, c'étaient les grâces essentielles dont ils avaient besoin, et qui devaient les soutenir, les animer, les perfectionner dans leur ministère apostolique ; et c'est ce qu'ils n'avaient jamais demandé à leur Maître : Usque modo non petistis quidquam. Or, à combien de chrétiens ne pourrais-je pas faire aujourd'hui la même plainte ; et à combien même de ceux qui m'écoutent n'aurais-je pas lieu de dire, par la même raison : Mondain, vous n'avez rien demandé jusques à présent à votre Dieu, parce que vous ne lui avez encore jamais demandé le détachement et le mépris du monde : pécheur, vous ne lui avez rien demandé, parce que dans l'état de votre péché, vous ne lui avez encore jamais demandé voire conversion, jamais un cœur contrit et humilié, jamais la grâce de vous surmonter vous-même et de renoncer à vos habitudes : c'étaient là néanmoins les grâces, mais les grâces par excellence, que vous deviez désirer et rechercher.

 

De plus, quand le Sauveur du monde nous assure, dans l’Évangile, que tout ce que nous demanderons en son nom nous sera donné, il entend que nous demanderons selon la règle qu'il nous a lui-même prescrite. Car, comme remarque Tertullien, c'est lui-même qui, réduit la prière et l'animant de son esprit, lui a communiqué le pouvoir spécial et le privilège qu'elle a de monter au plus haut des cieux, et de toucher le cœur de Dieu, en lui exposant les misères des hommes : Ab ipso enim ordinata, et de ipsius spiritu animata jam tunc oratio,suo quasi privilegio ascendit in cœlum, commendans Patri quœ Filius docuit.

 

Or, quelle est cette règle divine selon laquelle le Fils de Dieu nous a ordonné de prier ? La voici : Cherchez, nous dit-il, avant toutes choses le royaume de Dieu et sa justice, et rien ne vous manquera. Demandez au Père céleste la sanctification de son nom, l'avènement de son règne, l'accomplissement de sa volonté, sans lui demander d'abord ce pain matériel qui vous doit servir d'aliment, et alors je vous seconderai. Mais si vous renversez cet ordre ; si, par un attachement au monde, indigne de votre profession, vous demandez le pain matériel avant le royaume de Dieu, ne vous appuyez plus sur mes mérites, tout infinis qu'ils sont, puisque votre prière, toute fervente qu'elle peut être, n'est plus selon le plan que j'ai tracé : Quœrite primum regnum Dei et justitiam ejus.

 

Ce n'est donc pas, Chrétiens, qu'on ne puisse absolument demander à Dieu les biens temporels, l'Eglise les demande elle-même pour nous : mais demandons-les comme l'Eglise, demandons-les après avoir demandé d'abord et sur toute chose les biens spirituels : demandons la bénédiction de Jacob, et non point celle d'Esaü. Belle figure, que l'exemple de ces deux frères. Écoutez l'application que j'en fais à mon sujet, et prenez garde : ils eurent tous deux dans leur partage la rosée du ciel, et tous deux ils eurent pareillement la graisse de la terre. En quoi furent-ils différents, et quelle marque l’Écriture donne-t-elle de l'élection de Jacob et de la réprobation d'Esaü ? Ah ! Chrétiens, c'est que dans la bénédiction de Jacob, la rosée du ciel fut exprimée avant la graisse de la terre : De rore cœli et de pinguedine terrœ sit benedictio tua ; au lieu que dans la bénédiction d'Esaü, il est parlé de la graisse de la terre avant la rosée du ciel : Det tibi de pinquedine terrœ et de rore cœli. Voilà ce qui se passe encore parmi nous, et ce qui discerne les prières chrétiennes de celles qui ne le sont pas.

 

Un juste et un homme du monde prient dans le même temple et au même autel ; mais l'un prie en juste et l'autre en mondain. Comment cela ? Est-ce que l'un ne demande à Dieu que les biens de la grâce, et l'autre que les biens de la terre ? Non ; car il se peut faire que le juste, avec les biens de la grâce, demande encore quelquefois les biens de la fortune, comme le mondain, et que le mondain, avec les biens de la fortune, demande aussi les biens de la grâce, comme le juste. Mais le mondain, conduit par l'esprit du monde, place les biens de la fortune devant les biens de la grâce : De pinguedine terrœ et de rore cœli ; et le juste, conduit par l'Esprit de Dieu, donne la préférence aux biens de la grâce sur les biens de la fortune : De rore cœli et de pinguedine terrœ. Il dit à Dieu : Seigneur, sanctifiez-moi, rendez-moi chaste, charitable, miséricordieux, patient : De rore cœli ; et puis, donnez-moi des biens de la terre ce qui peut m'être utile pour mon salut : Et de pinquedine terrœ. Mais l'homme du monde dit : Seigneur, faites-moi riche, grand, puissant : De pinguedine terrœ ; et ne me refusez pas aussi les grâces nécessaires pour bien vivre dans le monde : Et de rore cœli.

 

Prière de réprouvé. Quand nous prions de la sorte, faut-il s'étonner si Dieu ne nous écoute pas ?

 

 

BOURDALOUE, SUR LA PRIÈRE

 

 

ŒUVRES COMPLÈTES DE BOURDALOUE

http://www.abbaye-saint-benoit.ch/saints/bourdaloue/

 

Chapelle, Santa Maria Novella, Florence, Domenico Ghirlandaio

Chapelle, Santa Maria Novella, Florence, Domenico Ghirlandaio

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26 mars 2014 3 26 /03 /mars /2014 12:00

Mais si nous nous trompons nous-mêmes, nous ne trompons pas Dieu qui nous entend, et qui sait bien discerner la malignité de nos intentions, de la simplicité de nos expressions.

 

En vain donc un homme du siècle demande-t-il à Dieu de quoi subsister dans sa condition, et de quoi maintenir son état : comme son état, ou plutôt, comme l'idée qu'il se forme de son état ne roule que sur les principes, ou d'une ambition démesurée, ou d'une avarice insatiable, Dieu, dont la pénétration est infinie, connaît ses desseins, et prend plaisir à les faire échouer.

 

En vain un père demande-t-il à Dieu l'établissement de ses enfants : comme il n'a sur ses enfants que des vues toutes profanes, que des vues mondaines, et qui ne sont ni réglées selon la conscience, ni soumises à la vocation divine, Dieu, sans s'arrêter aux apparences d'une humble prière, en découvre la fin ; et par un juste jugement, bien loin d'élever cette famille, la ruine de fond en comble, et la laisse malheureusement tomber.

 

En vain une femme demande-t-elle à Dieu la santé du corps : comme sa santé, dans l'usage qu'elle en veut faire, ne doit servir qu'à son oisiveté, à sa mollesse, et peut-être à son libertinage et à son dérèglement, Dieu, qui le voit, au lieu de retirer son bras, lui porte encore de plus rudes coups, et lui fait perdre, dans une langueur habituelle tout ce qui peut entretenir ses complaisances et flatter sa vanité.

 

En vain un plaideur de mauvaise foi demande-t-il à Dieu le gain d'un procès où toute sa fortune est engagée : comme ce procès n'est au fond qu'une injustice couverte, mais soutenue par la chicane, Dieu, qui ne peut l'ignorer, prend contre lui la cause de la veuve et de l'orphelin, et le fait honteusement déchoir de toutes ses prétentions.

 

Cependant on n'oublie rien pour intéresser le ciel et pour le toucher ; on y emploie jusqu'au sacrifice et aux prières de l’Église : mais parce que cette affaire qu'on poursuit avec tant de chaleur n'est qu'une cabale, qu'une intrigue qui ne peut réussir qu'aux dépens du prochain, Dieu, tuteur de l'innocent et du pauvre rejette alors jusques au plus adorable sacrifice, jusques aux plus saintes prières de son Église. Ce détail me conduirait trop loin, si j'entreprenais de lui donner toute son étendue ; mais si vous voulez, mes chers auditeurs, aller plus avant, et vous l'appliquer à vous-mêmes, vous aurez bientôt reconnu que cent fois votre cœur vous a séduit de la sorte, et fait abuser de la prière pour porter devant Dieu même les intérêts de vos passions.

 

Revenons ; et pour donner à ce point important toute la force qu'il doit avoir, souffrez que je me prévale encore de la morale des païens. J'ai dit qu'elle suffisait pour nous convaincre ; mais j'en ai dit trop peu, et j'ajoute qu'elle est même ici, dans un sens, plus propre à nous confondre que la morale des Pères. Qu'il me soit donc permis de faire parler dans cette chaire un auteur profane, et de vous adresser, ou pour votre instruction, ou pour votre confusion, les mêmes reproches qu'il faisait à son siècle en des termes si énergiques et si forts. Car, répondez-moi, disait-il en déplorant les abus de l'ancienne Rome, et s'élevant contre les faux dévots du paganisme, qui fatiguaient les dieux de leurs injustes prières, dites-moi ce que vous pensez de Jupiter, et quelle estime vous en faites ? si vous avez pour le plus grand des dieux le même respect que pour le plus sage de vos magistrats ? Cette question vous surprend, poursuivait-il, mais ce n'est pas sans raison que je la fais : car l’iriez-vous trouver ce magistrat dont vous respectez la vertu, pour lui faire dans son palais l'infâme prière que vous venez faire à Jupiter dans le plus auguste de ses temples ? Vous supposez donc Jupiter moins intègre et plus aisé à corrompre, quand vous le croyez disposé à vous écouter, et prêt même ta vous exaucer ? Ainsi s'expliquait un païen ; ainsi, par de sanglantes ironies, reprochait-il à des païens les scandales de leur religion, et peut-être les corrigeait-il. Or, c'est bien ici, Chrétiens, que l'infidélité nous fait des leçons et qu'elle nous condamne. Appliquons ceci à nos mœurs.

 

En effet, comment regardons-nous notre Dieu, je dis ce Dieu de sainteté ? est-il donc le fauteur de nos vices ? est-il le complice de nos crimes ? et le veut-il, le peut-il être ? Toutefois c'est sur ce principe que nous agissons et que nous traitons avec lui. Car, quand je prie, ne perdez pas cette remarque de saint Chrysostome, quand je prie, mon intention est que Dieu, par un effet de sa miséricorde et par une condescendance toute paternelle, se conforme à moi ; que sa volonté, qui est efficace et toute-puissante, se joigne à la mienne, qui n'est que faiblesse ; et qu'il accomplisse enfin ce que je veux, mais ce que sans lui je veux inutilement. Si donc, aveuglé par l'esprit du monde, bien loin de prier en chrétien, je prie dans la vue de satisfaire mon ambition, mon orgueil, mon ressentiment, ma vengeance, que fais-je ? je demande à Dieu qu'il s'accorde là-dessus avec moi ; c'est-à-dire qu'il soit vain comme moi, passionné comme moi, violent comme moi ; et que pour moi, qui suis sa créature, il veuille ce qu'il ne peut vouloir sans cesser d'être mon Dieu. Or, le prier de la sorte, est-ce le prier en Dieu, et n'est-ce pas plutôt le déshonorer ? n'est-ce pas autant qu'il dépend de moi, le faire servir à mes iniquités, comme il s'en plaint lui-même par son prophète : Verumtamen servire me fecisti peccatis tuis, et laborem mihi prœbuisti in iniquitatibus tuis ? Observez cette expression : Et laborem mihi prœbuisti ; comme s'il disait au pécheur : Votre prière m'a été un sujet de peine, car j'aurais voulu, d'une part, me rendre propice à vos vœux, et de l'autre, je n'y pouvais répondre favorablement : mon cœur était donc dans une espèce de violence, et comme partagé entre ma sainteté et ma bonté ; ma bonté, qui s'intéressait pour vous, et ma sainteté, qui s'opposait à vous ; ma bonté, qui me portait à vous écouter, et ma sainteté, qui m'obligeait à vous rejeter : Et laborem mihi prœbuisti in iniquitatibus tuis. Et certes, Chrétiens, si Dieu, oubliant ce qu'il est, avait alors égard à nos prières, ne serait-ce pas un scandale pour nous, et ne commencerions-nous pas nous-mêmes à douter de sa providence ?

 

Je sais, et saint Jean nous l'apprend, que nous avons un puissant avocat auprès du Père, qui est le Fils ; et que c'est par les mérites de ce Fils adorable que nous prions. Mais ce que d'abord et en général j'ai dit de Dieu, pour rappliquer en particulier à l'Homme-Dieu, voulons-nous en faire le patron de cette aveugle concupiscence qui nous domine ? et si ce n'est pas la le sentiment que nous en avons, pourquoi comptons-nous sur ses mérites, dans des prières que la seule concupiscence nous a inspirées ?

 

Non. mes Frères, non ; ce n'est point pour un tel usage que Dieu, dans la personne de Jésus-Christ, nous a donné un médiateur. Il est l'avocat des pécheurs ; mais il ne le fut jamais et il ne le peut être des péchés ; et vouloir me servir ainsi de son crédit, ce n'est rien moins, dans la doctrine de saint Augustin, que de vouloir l'anéantir lui-même. Comment cela ? parce qu'au lieu que la foi nous le représente comme l'auteur des grâces et des vertus, c'est en faire malgré lui le médiateur de notre vanité, le médiateur de notre avarice, le médiateur de notre concupiscence et de notre sensualité. Car si vous en jugiez autrement, reprend saint Augustin, auriez-vous l'assurance d'interposer le nom du Rédempteur, pour demander ce qui détruit l'ouvrage de la rédemption ; et, rempli de vos projets ambitieux, oseriez-vous prendre pour intercesseur auprès de Dieu, celui même qui se réduit dans la plus profonde humiliation pour vous enseigner l'humilité ?

 

Heureux encore que Dieu, pour votre salut, devienne inflexible à votre prière. C'est dans cette rigueur apparente que vous devez reconnaître sa miséricorde ; et où en seriez-vous si c'était un Dieu plus indulgent et selon votre gré ? Ce qui a perdu les Pompée et les César, ajoutait ce fameux satirique dont je n'ai pas fait difficulté d'emprunter ici les pensées, et qui semble n'avoir parlé que pour nous-mêmes ; ce qui a renversé et ce qui renverse tous les jours des familles entières, ne sont-ce pas des souhaits trop vastes et sans bornes, des souhaits criminels, accomplis par des divinités d'autant plus mortellement et plus malignement ennemies, qu'elles étaient plus condescendantes et plus faciles : Magna numinibus vota exaudita malignis ?

 

Et moi je dis, pour consacrer ces paroles : Quelle a été la source de la réprobation de tant de chrétiens ? n'est-ce pas d'avoir obtenu du ciel ce que le ciel ne leur accordait, et ce qu'il ne pouvait leur accorder que dans l'excès de sa colère ? Et d'où vient encore la perte de tant de mondains qui se damnent au milieu de l'opulence et dans la mollesse, si ce n'est pas de ces prétendues faveurs de Dieu, qui les exauce selon les désirs insensés de leurs cœurs, plutôt que selon les desseins de son aimable providence ? Vous demandez à Dieu ce qui flatte votre passion ; et si Dieu vous le donne, lui qui prévoit ce qui vous pervertira, ce qui vous corrompra, ce qui vous entraînera dans l'abîme, peut-il exercer sur vous un jugement plus rigoureux et une vengeance plus terrible ? N'en demeurons pas là.

 

 

BOURDALOUE, SUR LA PRIÈRE

 

 

ŒUVRES COMPLÈTES DE BOURDALOUE

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Sala del Gigli, Palazzo Vecchio, Florence, Domenico Ghirlandaio

Sala del Gigli, Palazzo Vecchio, Florence, Domenico Ghirlandaio

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24 mars 2014 1 24 /03 /mars /2014 12:00

Ecce mulier chananœa, a finibus illis egressa, clamavit, dicens ei : Miserere mei, Domine, fili David ; filia mea male a dœmonio vexatur.

Alors une femme chananéenne, venue de ces quartiers-là, s'écria, en lui disant : Seigneur, fils de David, ayez pitié de moi ; ma fille est cruellement tourmentée par le démon. (Saint Matthieu , chap. XV, 22.)

 

Si jamais la force de la prière parut sensiblement, et d'une manière éclatante, n'est-ce pas, Chrétiens, dans l'exemple que nous propose l'évangile de la femme chananéenne, où nous voyons, pour parler avec saint Ambroise, un Dieu même surpris et dans l'admiration ; un Dieu qui confond les puissances de l'enfer, qui fait des miracles, et qui déploie toute sa vertu en faveur d'une étrangère, laquelle a recours à lui, et qui, tout idolâtre qu'elle est, nous sert de modèle, et nous apprend à prier ? Je dis un Dieu surpris et dans l'admiration : O mulier, magna est fides tua ! Ô femme, votre foi est grande ! C'est ainsi que Jésus-Christ lui-même s'en explique, et ne semble-t-il pas que la foi de cette Chananéenne, et que la ferveur de sa prière ait quelque chose pour lui de surprenant et de nouveau ? Je dis un Dieu qui confond les puissances de l'enfer, et qui fait des miracles. Que lui demande cette femme ? qu'il guérisse sa fille cruellement tourmentée du démon ; et le Fils de Dieu, d'une même parole, non seulement délivre la fille, mais sanctifie encore la mère : Fiat tibi sicut vis ; qu'il vous soit fait comme vous le souhaitez.

 

Il n'est donc rien de plus efficace auprès de Dieu que la prière : et d'où vient toutefois, mes chers auditeurs, que Dieu tous les jours se montre si peu favorable à nos vœux ; que nous prions, et qu'il ne nous écoute pas, que nous demandons, et que nous n'obtenons pas ? C'est ce que je veux examiner aujourd'hui, et ce qui va faire le fond de ce discours. Sujet d'une extrême conséquence, et qui mérite une réflexion toute particulière ; car il s'agit, Chrétiens, de vous enseigner la plus excellente de toutes les sciences ; il s'agit de vous apprendre à bien user du moyen de salut le plus puissant ; il s'agit de vous faire connaître le secret inestimable et l'art tout divin de toucher le cœur de Dieu, de faire descendre sur nous les plus précieux trésors de sa grâce. Pour recevoir ce don de la prière, employons la prière elle-même, et implorons le secours du ciel par l'intercession de Marie. Ave, Maria.

 

Rien n'est plus solidement établi, dans la religion et la théologie chrétienne, que l'infaillibilité de la prière. Elle a une telle force, dit saint Jean Chrysostome, qu'elle rend, à ce qu'il semble, la parole de l'homme aussi puissante et même plus puissante que la parole de Dieu. Aussi puissante ; car, comme Dieu d'une parole a fait toutes choses : Dixit, et facta sunt, l'homme n'a qu'à parler et à demander, tout lui est accordé : Quodcumque volueritis petetis, et fiet vobis. Plus puissante même en quelque sorte, puisque si Dieu se fait obéir, ce n'est que des êtres créés ; au lieu que, par la vertu de la prière, tout Dieu qu'il est, il obéit, selon l'expression de l'Ecriture, à la voix de l'homme : Obediente Domino voci hominis.

 

Nous entendons tous les jours des chrétiens qui se plaignent de l'inutilité de leurs prières, et du peu de fruit qu'ils en retirent ; je ne m'en étonne pas. Car en quel sens disons-nous que la prière est infaillible ? nous supposons pour cela une prière sainte, une prière faite avec toutes les conditions qui la doivent accompagner, et que Dieu attend de nous, lorsque de sa part il s'engage à nous accorder tout ce que nous demanderons. Or, voilà souvent ce qui manque à nos prières. Ce sont des prières défectueuses, et quant au sujet, et quant à la forme : quant au sujet, qui en fait la matière ; et quant à la forme, qui en fait la qualité. L'apôtre saint Jacques le disait aux fidèles de son temps, et je vous le dis à vous-mêmes : Vous demandez, mes Frères, et vous ne recevez pas, parce que vous ne demandez pas bien : Petitis et non accipitis, eo quod petatis.

 

En effet, nous ne demandons pas a Dieu ce que Dieu veut que nous lui demandions; défaut par rapport au sujet de la prière. Nous ne lui demandons pas de la manière qu'il veut que nous lui demandions ; défaut par rapport à la forme ou à la qualité de la prière. Mais prions comme la Chananéenne. Rien de plus juste que la prière qu'elle fait à Jésus-Christ : elle lui demande qu'il délivre sa fille du démon dont elle est possédée ; rien de plus engageant : elle pratique dans sa prière toutes les vertus qui peuvent gagner et intéresser le Sauveur du monde. Prions, dis-je, comme cette femme ; sans cela, prières infructueuses : pourquoi ? ou parce que nous ne demandons pas ce qu'il faut, ce sera la première partie; ou parce que nous ne demandons pas comme il faut, ce sera la seconde. Deux leçons que j'ai à mettre dans tout leur jour. Rendez-vous-y attentifs, Chrétiens, et tâchez à en profiter.

 

C'est surtout de la nature des choses qu'on demande à Dieu, que dépend l'essence de la prière, et par conséquent son mérite, son efficace, sa vertu. C'est donc aussi par là, dit saint Chrysostome, que nous devons commencer à nous faire justice sur le peu de valeur et le peu d'effet qu'ont presque toutes nos prières devant Dieu ; et c'est l'admirable instruction que nous fournit d'abord l'évangile de la femme chananéenne. Car prenez garde, s'il vous plaît, et qu'il me soit permis de m'expliquer de la sorte : au lieu que cette femme prosternée aux pieds de Jésus-Christ, lui demande que sa fille soit délivrée d'un démon qui la possède, nous, par un esprit tout opposé, nous demandons tous les jours à Dieu ce qui entretient dans nos âmes le règne du démon, et même de plusieurs démons dont nous voulons être possédés. En faut-il davantage pour vous faire comprendre pourquoi le Sauveur du monde écoute cette étrangère, et lui accorde un miracle de sa toute-puissance, et pourquoi Dieu, au contraire, se rend sourd à nos vœux, et rejette communément nos prières ? Appliquez-vous, Chrétiens, aux grandes vérités que ce sujet renferme et que je vais développer, comme les secrets les plus importants de votre prédestination.

 

Je dis que nous demandons tous les jours à Dieu ce qui entretient dans nos âmes le règne du démon : comment cela ? c'est que dans nos prières nous demandons, ou des choses préjudiciables au salut, ou des biens purement temporels et inutiles au salut, ou même des grâces surnaturelles, mais qui, de la manière que nous les concevons et que nous les voulons, bien loin de nous sanctifier, servent plutôt à nous séduire, et à nous retirer de la voie du salut. Donnons à ceci tout l'éclaircissement nécessaire.

 

Nous demandons des choses préjudiciables au salut : premier obstacle que nous opposons aux miséricordes divines, et qui en arrête le cours. Car ne pensons pas, mes chers auditeurs, que pour être chrétien de profession, nous en soyons moins sujets dans la pratique aux désordres du paganisme. Or, un des désordres des païens, si nous en croyons les païens mêmes, c'était de recourir à leurs dieux, et de leur demander, quoi ? ce qu'ils n'auraient pas eu le front de demander à un homme de bien, ce qu'ils n'auraient pu demander ouvertement dans les temples et au pied des autels, sans en rougir : la mort d'un parent dont ils attendaient la dépouille, la mort d'un concurrent dont le crédit ou le mérite leur faisait ombrage, le patrimoine d'un pupille qu'ils cherchaient à enlever, et sur lequel ils jetaient des regards de concupiscence. Tel était le sujet de leurs prières ; et pour leur donner plus de poids, ils les accompagnaient de toutes les cérémonies d'un culte superstitieux ; ils y joignaient les offrandes et les sacrifices, ils se purifiaient. Cela nous semble énorme et insensé ; mais, chrétiens, en les condamnant, n'est-ce pas nous-mêmes que nous condamnons ? A comparer leurs prières et les nôtres, sommes-nous moins coupables : que dis-je, ne sommes-nous pas encore plus coupables qu'ils ne l'étaient ?

 

Car enfin c'étaient des païens, et ces païens n'adoraient pas seulement de vaines et de fausses divinités ; mais selon leur créance même, des divinités vicieuses et dissolues. Or, à de telles divinités que pouvaient-ils demander plus naturellement que ce qui favorisait leurs vices et la corruption de leurs mœurs ? n'était-ce pas une suite presque nécessaire de leur infidélité ? Mais nous, mes Frères, nous servons un Dieu non moins pur, ni moins saint, que puissant et grand ; un Dieu aussi essentiellement ennemi de toute injustice et de tout péché, qu'il est essentiellement Dieu ; et toutefois ce Dieu si pur, ce Dieu si saint, ce Dieu si équitable et si droit, que lui demandons-nous ? l'accomplissement de nos désirs les plus sensuels, et le succès de nos entreprises les plus criminelles. Ce n'est plus seulement un désordre, c'est, j'ose le dire, une impiété, c'est un sacrilège.

 

Il est vrai, et j'en conviens, que dans le christianisme nous savons mieux colorer nos prières et les exprimer en des termes moins odieux, car on a trouvé le secret de déguiser tout.

 

 

BOURDALOUE, SUR LA PRIÈRE

 

 

ŒUVRES COMPLÈTES DE BOURDALOUE

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Cappella Tornabuoni, Santa Maria Novella, Florence, Domenico Ghirlandaio

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21 mars 2014 5 21 /03 /mars /2014 12:00

Que sera-ce, si j'ajoute que cette loi de grâce est encore une loi de charité et d'amour ? Amour et charité, dont l'effet propre est d'adoucir tout, de rendre tout, non seulement possible, mais facile ; non seulement supportable, mais agréable ; d'ôter au joug toute sa pesanteur, et, si j'ose le dire, d'en faire même un joug d'autant plus léger qu'il est plus pesant. Paradoxe que saint Augustin explique par une comparaison très naturelle, et dont je puis bien me servir après ce Père. Car vous voyez les oiseaux, dit ce saint docteur : ils ont des ailes, et ils en sont chargés, mais ce qui les charge fait leur agilité, et plus ils en sont chargés, plus ils deviennent agiles. Ôtez donc à un oiseau ses ailes, vous le déchargez ; mais en le déchargeant, vous le mettez hors d'état de voler : Quoniam exonerare voluisti, jacet. Au contraire, rendez-lui ses ailes, qu'il en soit chargé tout de nouveau, c'est alors qu'il s'élèvera : pourquoi ? parce qu'au même temps qu'il porte ses ailes , ses ailes le portent. Il les porte sur la terre, et elles le portent vers le ciel : Redeat omis, et volabit. Telle est, reprend saint Augustin , la loi de Jésus-Christ : Talis est Christi sarcina ; nous la portons, et elle nous porte ; nous la portons en lui obéissant, en la pratiquant ; mais elle nous porte en nous excitant, en nous fortifiant, en nous animant. Tout autre fardeau n'a que son poids, mais celui-ci a des ailes : Alia sarcina pondus habet, Christi pennas.

 

Laissons cette figure, Chrétiens, et parlons encore plus solidement. Dieu, souverain Créateur, possédait trois qualités par rapport à ses créatures : celle de maître, qui nous soumettait à lui en qualité d'esclaves ; celle de rémunérateur, qui nous attirait à lui en qualité de mercenaires ; celle de père, qui nous attache à lui en qualité d'enfants. Or, selon ces trois qualités, c'est la réflexion de saint Bernard, Dieu a donné trois lois aux hommes : une loi d'autorité comme à des esclaves, une loi d'espérance comme à des mercenaires, et une loi d'amour comme à des enfants. Les deux premières furent des lois de travail et de peine, mais la troisième est une loi de consolation et de douceur. Qu'est-il arrivé de là ? Les hommes, dit saint Augustin, ont gémi sous ces lois de travail, de peine, de crainte ; mais leurs gémissements, leurs peines et leurs craintes n'ont pu leur faire aimer ce qu'ils pratiquaient ; au lieu que les chrétiens ont trouvé dans la loi de grâce un goût qui la leur rend aimable, et une onction qui la leur fait observer avec plaisir : Timuerunt, et non impleverunt ; amaverunt et impleverunt. Les hommes, sous les deux premières lois, intéressés et avares, craignaient un Dieu vengeur de leur convoitise ; mais malgré cette crainte, ils ne laissaient pas de commettre les plus injustes violences, de ravir le bien d'autrui, ou du moins de le désirer : au lieu que dans la loi nouvelle ils se sont attachés amoureusement à un Dieu pauvre ; et par amour pour lui, bien loin d'enlever des biens qui ne leur appartenaient pas, ils ont donné leurs biens propres, et se sont volontairement dépouillés de toutes choses : Timuerunt, et rapuerunt res alienas; amaverunt, et donaverunt suas.

 

Voilà ce que les amateurs du monde ne comprennent pas, et ce qu'ils pourraient néanmoins assez comprendre par eux-mêmes et par leurs propres sentiments. Ils ne nous entendent pas quand nous leur parlons des merveilleux effets de la charité de Dieu dans un cœur ; mais qu'ils en jugent par ce que fait dans eux l'amour même du monde. A quelles lois les tient-il asservis, ce monde qu'ils idolâtrent ? lois de devoir, justes, mais pénibles ; lois de péché, injustes et honteuses ; lois de coutume, extravagantes et bizarres ; lois de respect humain, cruelles et tyranniques ; lois de bienséance, ennuyeuses et fatigantes. Cependant, parce qu'ils aiment le monde, ce qu'il y a dans le service du monde de plus fâcheux, de plus incommode, de plus dur, de plus rebutant, leur devient aisé. Rien ne leur coûte pour satisfaire aux devoirs du monde, pour se conformer aux coutumes du monde, pour observer les bienséances du monde, pour mériter la faveur du monde. Or, qu'ils aiment Dieu comme ils aiment le monde, que, sans changer de sentiments, mais seulement d'objet, au lieu de demeurer toujours attachés au monde, ils commencent à s'attacher à Dieu : cette loi du Seigneur, qui leur paraît impraticable, changera, pour ainsi dire, de nature pour eux. Ils travailleront, et dans leur travail ils trouveront le repos ; ils combattront, et dans leurs combats ils trouveront la paix ; ils renonceront à tout, et dans leurs renoncements, ils trouveront leur trésor ; ils endureront tout, ils se mortifieront en tout, et dans leurs mortifications et leurs pénitences ils trouveront leur bonheur.

 

C'est ainsi que la loi de Dieu est tout à la fois un joug et un soulagement, un fardeau et un soutien. Si vous en doutez, j'en appelle, non point à votre témoignage, puisque vous ne pouvez rendre témoignage de ce que vous n'êtes point en état de sentir, mais au témoignage de tant de saints, qui l'ont éprouvé, et de tant d'âmes justes qui l'éprouvent encore tous les jours. Eh quoi ! cette loi de charité n'a-t-elle pas changé les chaînes en des liens d'honneur ? témoin un saint Paul. N'a-t-elle pas donné des charmes à la croix ? témoin un saint André. N'a-t-elle pas fait trouver du rafraîchissement au milieu des flammes ? témoin un saint Laurent. N'opère-t-elle pas encore à nos yeux tant de miracles ? N'est-ce pas elle qui fait porter à tant de vierges chrétiennes toutes les austérités du cloître ? N'est-ce pas elle qui engage tant de pénitents dans une sainte guerre contre eux-mêmes, et qui leur apprend à crucifier leur corps ? N'est-ce pas elle qui fait préférer la pauvreté aux richesses, l'obéissance à la liberté, la chasteté aux douceurs du mariage, les abstinences et les jeûnes, les haires et les cilices à toutes les commodités de la vie ? Que dis-je dont vous n'ayez pas des exemples présents et fréquents ? et ces exemples que vous voyez, ne sont-ce pas autant de leçons pour vous ? Si donc, conclut saint Jérôme, la loi vous paraît difficile, ce n'est point à la loi qu'il s'en faut prendre ni à ses difficultés, mais à vous-mêmes et à votre indifférence pour Dieu. Elle est difficile à ceux qui la craignent, à ceux qui la voudraient élargir, à ceux que l’Esprit de Dieu, cet Esprit de grâce, cet Esprit de charité, ne réveille point, n'anime point, ne touche point, parce qu'ils n'en veulent pas être touchés.

 

Mais prenons confiance, et, dans un saint désir de plaire à Dieu, entrons dans la voie de ses commandements : nous y marcherons comme David, nous y courrons, nous arriverons au terme de l'éternité bienheureuse.

 

 

BOURDALOUE, SAGESSE ET LA DOUCEUR DE LA LOI CHRÉTIENNE

 

 

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A Corner of My Garden,  Emile Claus

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20 mars 2014 4 20 /03 /mars /2014 12:00

Il est de la grandeur de Dieu d'avoir droit de commander aux hommes de grandes choses, et d'exiger d'eux de grands services ; mais il est aussi de la même grandeur de Dieu que ces grands services qu'il exige des hommes, non seulement ne les accablent point par le poids de leurs difficultés, mais qu'ils leur deviennent agréables et qu'ils y trouvent de la douceur. Car, comme dit le savant Cassiodore, la gloire d'un maître aussi grand que Dieu est d'être tellement servi, qu'on se fasse de l'obligation même de le servir un bonheur et une félicité.

 

Ceux qui de leur propre sens ont voulu expliquer la loi chrétienne, se sont encore ici égares, en s'attachant trop à l'un de ces principes, et ne faisant pas assez de réflexion sur l'autre. Il est vrai que Jésus-Christ, notre souverain législateur, nous a proposé sa loi comme un joug et comme un fardeau ; mais au même temps il nous a fait entendre que ce fardeau était léger, et que ce joug était doux : Jugum enim suave est, et onus meum leve. D'où vient que, par une admirable conduite de sa sagesse, il n'a invité à le prendre que ceux qui se trouvaient déjà chargés d'ailleurs et fatigués ; s'engageant à les soulager, et toutefois ne leur promettant point d'autre soulagement que de leur imposer son joug et de les obliger à le porter : Venite ad me omnes qui, laboratis, et ego reficiam vos. Mystère qui semblait d'abord impossible et contradictoire, mais dont l'accomplissement a fait connaître l'infaillible vérité ; mystère confirmé par l'expérience de tous les justes, et même de tous les pécheurs, puisqu'il est évident que rien n'est plus capable de soulager un pécheur chargé de la pesanteur de ses crimes, et fatigué de la servitude du monde, que de prendre le joug de Jésus-Christ et de s'y soumettre parfaitement.

 

Pour former donc une idée complète de la loi évangélique, il ne fallait jamais séparer ces deux choses, qu'elle a si saintement et si divinement unies, le joug et la douceur. Or c'est néanmoins ce qu'ont séparé les hommes, qui par une préoccupation de leur amour-propre, ne s'arrêtant qu'à ces termes de joug et de fardeau, et pour avoir dans leur lâcheté quelque prétexte, n'y joignant pas cette onction et cette douceur que Jésus-Christ y a ajoutée, se sont figuré la loi chrétienne comme une loi fâcheuse, pesante, insoutenable, faite seulement pour les mortifier, et par là s'en sont eux-mêmes rebutés, et en ont rebuté les autres. Semblables à ces Israélites, qui venaient de découvrir la terre de promission, et qui n'en donnèrent au peuple que de l'horreur par la triste peinture qu'ils lui en firent, comme d'une terre affreuse, qui dévorait même ses habitants, et où ils n'avaient vu que des monstres : Hœc terra quam lustravimus devorat habitatores suos; ibi vidimus monstra. Artifice le plus dangereux et le plus subtil qu'ait toujours mis en œuvre l'ennemi de notre salut, pour perdre les âmes et pour y étouffer toutes les semences du christianisme. Mais en vain l'emploiera-t-il jamais contre un chrétien solidement instruit de sa religion, et sincèrement disposé à garder la loi qu'il professe : pourquoi ? parce qu'étant tel, il s'en défendra aisément par cette pensée dont sa foi le prémunit, qu'autant que la loi de son Dieu est parfaite, autant l'onction qui l'accompagne la rend-elle aimable et facile à pratiquer : et quoi que la chair et le monde puissent lui suggérer, au contraire, il en reviendra toujours à ce sentiment de David : Quam dulcia faucibus meis eloquia tua ! Ah ! Seigneur, que votre loi est douce pour ceux qui la goûtent, et qu'il faut être grossier et sensuel pour ne la goûter pas ! Et en effet, si David pouvait parler de la sorte en vivant sous une loi de rigueur, telle que fut la loi de Moïse, ce serait, non point seulement une honte, mais un crime de n'en pas dire autant de la loi chrétienne, puisque c'est une loi de grâce et une loi de charité. Remarquez bien, s'il vous plaît, mes chers auditeurs, ces deux qualités qui sont essentielles à la loi de Jésus-Christ. Loi de grâce, et loi de charité : voilà ce qui vous met en état de l'observer, malgré toute la difficulté de ses devoirs, et ce qui anéantira devant Dieu toutes vos excuses. Ecoutez-moi.

 

C'est une loi de grâce où Dieu nous donne infailliblement de quoi accomplir ce qu'il nous commande ; disons mieux, où Dieu lui-même accomplit en nous ce qu'il exige de nous : que pouvez-vous souhaiter de plus ? Ce qui vous empêche d'accomplir la loi, ce qui vous fait même désespérer de l'accomplir jamais, ce sont, dites-vous, les inclinations vicieuses de votre cœur, c'est cette chair conçue dans le péché qui se révolte sans cesse contre l'esprit. Mais imaginez-vous, mes Frères, répond saint Chrysostome, que Dieu vous parle en ces termes : Ô homme, je veux aujourd'hui vous ôter ce cœur, et vous en donner un autre ; vous n'avez que la force d'un homme, et je veux vous donner celle d'un Dieu. Ce n'est point vous seulement qui agirez, vous qui combattrez, vous qui résisterez ; c'est moi-même qui combattrai dans vous, moi-même qui triompherai de ces inclinations et de cette chair corrompue. Si Dieu s'adressait à vous de la sorte, s'il vous faisait cette offre, oseriez-vous encore vous plaindre ? Or en combien d'endroits de l’Écriture ne vous l'a-t-il pas ainsi promis ? N'était-ce pas à vous qu'il disait, par le prophète Ezéchiel : Je vous ôterai ce cœur endurci, et je vous donnerai un cœur nouveau, un cœur docile et souple à ma loi ? N'est-il pas de la Foi que cette promesse regardait ceux qui devaient vivre dans la loi de grâce, et n'y êtes-vous pas dans cette loi de grâce, puisque vous êtes chrétiens ? Que craignez-vous donc ? Que Dieu ne tienne pas sa parole ? mais c'est douter de sa fidélité. Que, malgré la parole de Dieu, vous ne trouviez trop de peine à observer sa loi ? mais c'est douter de sa puissance.

 

Ah ! Seigneur, s'écriait saint Augustin, commandez-moi tout ce qu'il vous plaira, pourvu que vous me donniez tout ce que vous me commandez, c'est-à-dire que vous me donniez par votre grâce la force d'exécuter ce que vous me commandez par votre précepte : Da quod jubés, et jubé quod vis. Non, mon Dieu, ne m'épargnez pas, n'ayez point d'égard à ma délicatesse, ne considérez point ce que je suis ; car puisque c'est vous qui devez vaincre en moi, c'est sur vous-même et non pas sur moi que je dois compter. Usez donc de votre empire absolu, chargez-moi de tout le poids de vos commandements, obligez-moi à tout ce que mes sens et mon amour-propre abhorrent le plus, faites-moi marcher par les voies les plus étroites : avec votre grâce, rien ne me coûtera. J'en parle, Seigneur, ajoutait-il, par mon expérience personnelle ; car c'est vous qui avez rompu mes liens, et je veux, pour l'intérêt de votre gloire et pour la justification de votre loi, le publier à toute la terre. Ah ! mon Dieu, que n'avez-vous pas pu dans moi, et que n'ai-je pas pu avec vous ? avec quelle facilité ne me suis je pas privé de ces plaisirs dont je m'étais fait nue servitude honteuse, et combien m'a-t-il été doux de quitter ce que je craignais tant de perdre ? Je me figurais dans votre loi et dans moi-même des monstres qui me paraissaient insurmontables ; mais j'ai reconnu que c'étaient des monstres imaginaires, du moment que votre grâce a touché mon cœur ; et voilà pourquoi je ne fais plus d'exception ni de réserve eu ce qui regarde votre service : Da quod jubes, et jube quod vis. C'est ainsi que parlait ce grand Saint ; et si la force de la grâce est telle, comment pouvons-nous dire à Dieu que sa loi est un joug trop rude à porter, et qui nous accable ?

 

Mais je n'ai pas cette grâce qui soutenait saint Augustin, et qui le faisait agir. Peut-être, Chrétiens, ne l'avez-vous pas ; mais vous mettez-vous en état de l'avoir ? vous disposez-vous à l'obtenir ? la demandez-vous à Dieu ? la cherchez-vous dans les sources où il l'a renfermée, qui sont les sacrements ? retranchez-vous de votre cœur tous les obstacles qu'il lui oppose ? et n'est-il pas étrange que, ne faisant rien de tout ce qu'il faudrait faire pour vous faciliter l'observation de la loi, vous osiez encore vous plaindre de ses difficultés, au lieu de vous en prendre à vous-mêmes et à votre lâcheté ? Dieu, mes chers auditeurs, aura bien de quoi la confondre cette lâcheté criminelle, en vous détrompant de l'erreur qui en était le principe et qui lui servait de prétexte. Car il vous dira, avec bien plus de raison qu'à son peuple : Non, ce n'est point la rigueur de ma loi qui peut et qui doit vous justifier ; ce commandement que je vous faisais, ce sont les paroles de Dieu même dans l’Écriture, n'était ni trop éloigné, ni trop au-dessus de vous. Il n'était point élevé jusqu'au ciel, pour vous donner sujet de dire : Qui pourra y atteindre ? il n'était point au-delà des mers, pour vous donner lieu de demander : Qui osera se promettre d'y parvenir ? Au contraire, vous l'aviez auprès de vous, il était au milieu de votre cœur; vous le trouvez dans votre condition, dans votre état, pour pouvoir aisément l'accomplir : comment cela ? parce que ma grâce y était au même temps attachée. Or, Dieu, par ces paroles, ne prétendait rien autre chose que de détruire tous nos prétextes, quand nous nous dispensons de garder la loi, et que nous la considérons seulement en elle-même , sans considérer les secours qui y sont si abondants.

 

Car de dire que ces secours nous manquent, lors même que nous les demandons ; de dire que toutes ces grandes promesses que Dieu nous a faites, de répandre sur nous la plénitude de son esprit, n'aillent pas jusqu'à nous donner de quoi soutenir avec douceur et avec joie la pratique de ses commandements ; de dire que toute la prééminence de la loi de grâce au-dessus de la loi écrite se réduise à rien, et que tout l'effet de la rédemption et de la mort de Jésus-Christ ait été d'appesantir le joug du Seigneur : ah ! Chrétiens, ce seraient autant de blasphèmes contre la bonté et la fidélité de Dieu.

 

Que nous manque-t-il donc ? deux choses : une foi sincère, et une espérance vive ; l'une pour nous attacher à Dieu, et l'autre pour nous confier en Dieu. Car en nous unissant à lui par l'une et par l'autre, nous changerions notre faiblesse dans une force invincible, comme dit le Prophète : Qui sperant in Domino, mutabunt fortitudinem ; nous commencerions à marcher, à courir, à voler comme des aigles : Assument pennas ut aquilœ; volabunt et non deficient. Mais, parce que nous nous détachons de lui, nous demeurons toujours faibles et languissants, toujours dans le chagrin et le dégoût, toujours dans l'abattement et le désespoir ; comme si l’Évangile n'était pas une loi de grâce, et que la loi de grâce n'eût pas aplani toutes les difficultés.

 

 

BOURDALOUE, SUR LA SAGESSE ET LA DOUCEUR DE LA LOI CHRÉTIENNE

 

 

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Flowering Garden, Vincent van Gogh

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19 mars 2014 3 19 /03 /mars /2014 12:00

Je sais, mes chers auditeurs, et c'est ainsi que je passe à la seconde vérité, qui, bien loin d'affaiblir la première, va plus solidement encore la confirmer ; je sais, et j'en conviens, qu'il y a eu de tout temps dans le monde des esprits singuliers, qui, prévenus de leurs idées chimériques, ont porté cette perfection de la loi chrétienne bien au-delà de ses bornes. Appliquez-vous à ma pensée ; ceci mérite votre réflexion.

 

Je sais que saint Augustin a observé que la perfection de l’Évangile, mal conçue et soutenue par un faux zèle, a fait naître dans la suite des siècles les hérésies les plus opiniâtres : pour descendre aux espèces particulières, je sais que dès la naissance de l’Église, il s'éleva, comme dit l'Apôtre, des sectes de parfaits et d'illuminés, qui condamnaient, ceux-là le mariage, ceux-ci l'usage des viandes, les uns la pénitence réitérée, les autres la fuite dans les persécutions ; réprouvant de leur autorité propre tout ce qui ne leur semblait pas assez saint, et s'érigeant pour cela non pas en simples réformateurs, mais en souverains et en législateurs. Je sais qu'une des illusions de Pélage fut de confondre les conseils avec les préceptes, et de prétendre, par exemple que, sans le dépouillement réel et effectif des biens temporels, il n'y avait point de salut, ne voulant pas qu'un chrétien pût rien posséder, sans tomber dans une espèce d'apostasie, et sans démentir sa profession. Je sais que par ce principe, quelques-uns même en sont venus jusqu'à troubler la société civile, traitant de désordre l'usage établi de poursuivre ses droits en justice, prenant à la lettre ce qui est écrit : Ei autem et qui aufert quœ tua sunt, ne repetas ; et sans prévoir les funestes conséquences qui suivraient de là, et les avantages qu'en tirerait une injuste cupidité, défendant à un serviteur de Jésus-Christ de redemander jamais son bien, lui fût-il même arraché par violence. Je sais, dis-je, tout cela ; et si vous voulez, je sais encore que ces fausses idées de perfection n'ont communément servi qu'à rendre la loi chrétienne méprisable aux païens, insupportable aux libertins, scandaleuse et sujet de chute aux âmes faibles et timorées ; autre remarque de saint Augustin : méprisable aux païens, qui, jugeant par là de notre religion, l'ont rejetée comme une religion extravagante, quoiqu'elle soit l'ouvrage et le chef-d'œuvre de la sagesse de Dieu ; insupportable aux libertins, qui sont bien aises, en matière d'obligations et de devoirs, qu'on leur exagère les choses, pour avoir droit de n'en rien croire et surtout de n'en rien faire, et qu'on leur en demande trop, pour avoir un prétexte de refuser tout ; sujet de scandale et de chute pour les âmes faibles, qui de ces erreurs se sont souvent formé des consciences, et à qui ces fausses consciences ont fait commettre de véritables crimes. Car voilà les effets qu'a produits cette prétendue perfection, quand elle n'a pas été mesurée selon les règles de la vraie Foi.

 

Mais tout cela, mes chers auditeurs, n'est point la perfection de la loi chrétienne : pourquoi ? parce qu'il n'y a rien en tout cela que la loi chrétienne n'ait désavoué et qu'elle n'ait même censuré. Comme elle s'est déclarée contre tous les adoucissements qui pouvaient altérer sa pureté, aussi n'a-t-elle pu souffrir qu'on portât trop loin la sévérité de ses préceptes, pour lui donner une fausse couleur de sainteté. Quelque apparence de réforme qu'elle ait aperçue dans l'hérésie, elle s'en est tenue inviolablement à cette grande parole : Rationabile obsequium ; afin, dit saint Jérôme, que l'infidélité la plus critique n'eût rien à lui opposer, et que la raison la plus sensée n'y trouvât rien qui pût justement la blesser.

 

Car, encore une fois, étudions bien cette loi, et plus nous l'approfondirons, plus elle nous paraîtra sage; soit qu'elle contredise nos plaisirs, soit qu'elle nous accorde certains divertissements honnêtes et modérés ; soit qu'elle condamne nos entreprises, soit qu'elle nous permette certains soins convenables et souvent même nécessaires ; soit qu'elle réprime notre ambition, soit qu'elle nous laisse la liberté de penser à nos besoins, et de pourvoir par des voies légitimes à notre établissement ; soit qu'elle réprouve notre luxe, soit qu'elle approuve une bienséance modeste et chrétienne : partout nous découvrirons le même caractère de sagesse. Elle est donc parfaite, mais d'une perfection qui gagne le cœur en persuadant l'esprit ; elle est parfaite, mais d'une perfection qui s'accommode à tous les états et à toutes les conditions des hommes ; elle est parfaite, mais d'une perfection qui, bien loin de causer du trouble, règle tout, corrige tout, maintient tout dans l'ordre ; elle est parfaite, mais de ce genre de perfection dont parle saint Ambroise, qui inspire une humilité sans bassesse, une générosité sans orgueil, une modestie sans contrainte, une liberté sans épanchement, retenant comme dans un juste équilibre tous les mouvements et toutes les affections de l'âme; enfin elle est parfaite, mais toujours dans l'étendue de ces deux termes, discrétion et vérité.

 

J'ajoute que par une disposition d'ailleurs toute divine, comme elle n'a rien d'outré dans sa perfection, elle n'a rien aussi de lâche dans sa modération. Faudrait-il insister sur ce point, si nous ne vivions pas dans un siècle où la parole de Dieu doit servir de préservatif à tout et contre tout ? Non, la loi de Jésus-Christ dans sa modération n'a rien de lâche : quelque effort qu'aient fait les hérésiarques pour la décrier sur cela, elle s'en est hautement défendue, et en a même tiré sa gloire. En vain Tertullien lui a-t-il reproché son indulgence dans le pardon des péchés; en vain a-t-il déclamé contre les catholiques, et les a-t-il appelés charnels ; en vain a-t-il représenté l’Église de son temps comme un champ ouvert à toute sorte de licence : De campo latissimœ disciplinae ; ses invectives n'ont servi qu'à marquer l'aigreur et l'amertume de son zèle, et n'ont fait impression que sur quelques esprits faibles. Il est vrai que la loi chrétienne ne désespère pas les pécheurs ; mais sans les désespérer, elle leur inspire une crainte bien plus salutaire que le désespoir ; et sans leur ôter la confiance, elle sait bien rabattre leur présomption. Il est vrai qu'en toutes choses elle ne conclut pas à la damnation ; mais sans y conclure absolument, elle ne manque pas sur mille sujets d'en proposer le danger, d'une manière à saisir de frayeur les Saints mêmes. Il est vrai que dans l'ordre des péchés elle ne condamne pas tout comme mortel ; mais à quiconque connaît Dieu, à quiconque veut efficacement son salut, elle donne une grande horreur de tout péché, même du véniel. Il est vrai qu'elle distingue les préceptes des conseils ; mais elle déclare au même temps que le mépris des conseils dispose à la transgression des préceptes, et que l'un est une suite presque infaillible de l'autre.

 

Or, j'avoue, Chrétiens, que parmi tous les motifs qui me persuadent la vérité de la sainte religion que je professe, il n'y en a point de plus puissant que celui-là. Saint Augustin disait que mille raisons l'attachaient à la Foi, et il en faisait un détail capable d'en convaincre les esprits les plus indociles : Multa me in Ecclesia justissime retinent. Mais pour moi, je sens que cette sagesse toute pure et toute divine de la loi de Jésus-Christ a je ne sais quoi de particulier, qui me touche et qui m'entraîne. Car je dis avec l'abbé Rupert : Puisqu'il y a un Dieu, et que les preuves les plus sensibles et les plus évidentes me le démontrent ; puisqu'il faut l'honorer, ce Dieu, par un culte propre et par l'exercice d'une religion, je ne puis manquer en embrassant celle-ci, où je découvre un fonds de sagesse et de sainteté qui ne peut venir que d'en-haut, et qui est incontestablement au-dessus de l'homme. Si c'était une sagesse profane, elle pourrait d'abord m'éblouir; mais pour peu que je voulusse m'appliquer à l'approfondir et à la bien connaître, j'y trouverais bientôt quelque faible pour m'en détromper. Il n'y a qu'une religion sage comme la nôtre, c'est-à-dire d'une sagesse toute sainte, d'une sagesse établie sur le fondement de toutes les vertus, à quoi je ne puis refuser de me rendre, parce que c'est sans contredit l'ouvrage de Dieu, et que je n'ai rien à y opposer. Je m'écrie, avec plus de sujet encore que saint Pierre : Domine, bonum est nos hic esse ; Ah ! Seigneur, c'est un bien pour moi, et un bien que je ne puis assez estimer, d'avoir connu votre loi, et de l'avoir embrassée. C'est là que je dois m'en tenir ; et pour m'y conserver, je dois être prêt, comme vos martyrs, à sacrifier ma fortune et à répandre mon sang : Domine, bonum est nos hic esse. Saint Pierre, dans le transport de sa joie, demandait à demeurer sur le Thabor ; mais parce qu'en le demandant, il ne pensait qu'à une félicité temporelle, et non point à l'éternelle béatitude de l'autre vie, l'évangéliste ajoute qu'il ne savait ce qu'il disait : Nesciens quid diceret. Pour moi, mon Dieu, je comprends parfaitement ce que je dis, et c'est avec une connaissance entière que je vous demande à demeurer toujours ferme et inébranlable dans l'obéissance et dans la pratique de votre loi : Domine, bonum est nos hic esse.

 

Je ne crains point de m'égarer en la suivant, parce que c'est de toutes les lois la plus raisonnable dans ses maximes et la plus sage, comme elle est encore par son onction la plus aimable et la plus douce. Nous l’allons voir dans la seconde partie.

 

 

BOURDALOUE, SUR LA SAGESSE ET LA DOUCEUR DE LA LOI CHRÉTIENNE

 

 

ŒUVRES COMPLÈTES DE BOURDALOUE

http://www.abbaye-saint-benoit.ch/saints/bourdaloue/

 

Garden at Giverny, John Leslie Breck

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18 mars 2014 2 18 /03 /mars /2014 12:00

Et certes, ajoute saint Augustin, cette remarque est importante, si la loi de Jésus-Christ avait été parfaitement au gré des païens, dès là elle aurait cessé, pour ainsi dire, d'être raisonnable ; et si les libertins l'approuvaient, dès là elle nous devrait être suspecte, puisqu'elle aurait plu, et qu'elle plairait encore à des hommes vicieux et corrompus. Pour être ce qu'elle doit être, pour être une loi irréprochable, il faut nécessairement qu'elle ne soit pas de leur goût ; et l'excès même qu'ils lui ont imputé est sa justification. Je dis à proportion de même des hérésiarques prévenus d'un faux zèle et enflés d'un vain orgueil ; ils ont voulu la resserrer, cette loi déjà si étroite ; ils ont entrepris de réformer, comme parle Vincent de Lérins, ce qui devait les réformer eux-mêmes ; et il a fallu que la loi chrétienne, pour ne pas aller à une sévérité sans mesure, et pour demeurer dans les limites de ce culte raisonnable qui fait son essentielle différence, et par où saint Paul la distingue, ne se rapportât pas à leurs idées, et qu'ils y trouvassent des défauts, afin qu'il fût vrai qu'elle n'en a aucun.

 

S'il s'agissait seulement ici de faire une simple apologie des devoirs du christianisme, je pourrais m'en tenir là ; et sans rien dire de plus, je croirais avoir suffisamment rempli mon dessein ; mais je vais plus loin, et, autant qu'il m'est possible, il faut, Chrétiens, vous mettre en état de rendre désormais sans contradiction, sans résistance, une obéissance entière à ce divin Maître, que Dieu nous ordonne d'écouter : Hic est Filius meus dilectus : ipsum audite. Il faut vous affectionner à sa loi, vous y attacher, et pour cela vous en donner toute la connaissance nécessaire. Attention, s'il vous plaît.

 

J'avoue donc que la loi de Jésus-Christ est une loi sainte et parfaite ; mais je soutiens au même temps que dans sa perfection elle n'a rien d'outré, comme l'esprit du monde se le persuade. J'avoue que c'est une loi modérée, et comme telle, proportionnée à la faiblesse des hommes ; mais je prétends que dans sa modération elle n'a rien de lâche, comme l'esprit de l'hérésie se l'est figuré. Or, ces deux vérités bien conçues m'engagent efficacement à la pratiquer, cette loi ; elles détruisent tous les préjugés que le libertinage ou l'amour-propre pourraient former dans mon esprit contre cette loi ; me déterminent à vivre en chrétien, parce que rien ne me paraît plus raisonnable ni plus droit que la conduite de cette loi. Quel avantage et pour vous et pour moi, si nous étions bien remplis de ces sentiments !

 

Non, mes Frères, dit saint Chrysostome traitant le même sujet, la loi de Jésus-Christ dans sa perfection n'a rien qui doive blesser la prudence humaine la plus délicate ; et la rejeter comme une loi outrée, c'est lui faire injure et ne la pas connaître. Soit que nous ayons égard aux obligations générales qu'elle impose à tous les états ; soit que nous considérions les règles particulières qu'elle trace à chaque condition, partout elle porte avec soi, si je puis user de ce terme, le sceau d'une raison souveraine qui la dirige ; partout elle fait voir qu'elle est émanée du conseil de Dieu, comme de sa source. Car enfin, poursuit saint Chrysostome, qu'y a-t-il de si singulier dans la loi chrétienne, que le bon sens le plus exquis ne doive approuver ? Elle oblige l'homme à se renoncer soi-même, à mortifier son esprit, à crucifier sa chair ; elle veut qu'il étouffe ses passions, qu'il abandonne ses intérêts, qu'il supporte un outrage sans se venger, qu'il se laisse enlever ses biens sans les redemander ; elle lui commande deux choses en apparence les plus contradictoires, du moins les plus paradoxes, l'une de haïr ses proches et ses amis, l'autre d'aimer ses persécuteurs et ses ennemis ; elle lui fait un crime de rechercher les richesses et les grandeurs, une vertu d'être humble, une béatitude d'être pauvre, un sujet de joie d'être persécuté et affligé ; elle règle jusques à ses désirs, jusques à ses pensées ; elle lui ordonne, en telle occasion qui se présente, de s'arracher l'œil, de se couper le bras ; enfin elle le réduit à la nécessité même de verser son sang, de donner sa vie, de souffrir la mort, et la plus cruelle mort, dès que l'honneur de sa religion le demande, et qu'il est question de prouver sa foi. Or, tout cela, mes chers auditeurs, est raisonnable ; et tellement raisonnable, que si la loi évangélique ne l'exigeait pas, tout intéressé que j'y puis être, et quelle que soit la corruption de mon cœur, j'aurais peine à ne la pas condamner. Venons lu détail, et reprenons.

 

Oui, il est raisonnable que je me renonce moi-même ; c'est de quoi je ne puis douter sans me méconnaître et sans ignorer ce que je suis. Car puisque je ne suis de moi-même que vanité et que mensonge ; puisque tout ce qu'il y a de bien en moi n'est pas de moi, et que je ne suis de mon propre fonds que misère, qu'aveuglement, qu'emportement, que dérèglement ; n'est-il pas juste que me regardant moi-même et me voyant tel, je conçoive de l'horreur pour moi-même, je me haïsse moi-même, je me détache de moi-même ? Et voilà le sens de ce grand précepte de Jésus-Christ : Abneget semetipsum. Il ne veut pas que je renonce ni à mes vrais intérêts, ni à la vraie charité que je me dois à moi-même, ni à la vraie justice que je puis me rendre ; mais parce qu'il y a une fausse justice que je confonds avec la vraie; parce qu'il y a une fausse charité, qui me flatte et qui me séduit ; parce qu'il y a un faux intérêt, dont je me laisse éblouir et qui me perd, et que ce que j'appelle moi-même n'est rien autre chose que tout cela, il veut que pour me défaire de tout cela, je me défasse de moi-même, en me renonçant moi-même.

 

Il est raisonnable que je mortifie ma chair, parce qu'autrement ma chair se révoltera contre ma raison et contre Dieu même ; que je captive mes sens, parce qu'autrement la liberté que je leur donnerais m'exposerait à mille tentations ; que je traite rudement mon corps et que je le réduise en servitude, parce qu'autrement, affaibli du joug d'une sainte austérité, je tomberais dans une criminelle et une honteuse mollesse.

 

Il est raisonnable que la vengeance me soit défendue ; car que serait-ce si chacun était en droit de satisfaire ses ressentiments, et à quels excès nous porterait une aveugle passion ? Raisonnable, non seulement que j'oublie les injures déjà reçues, mais que je sois prêt à en essuyer encore de nouvelles ; et qu'en mille conjonctures où ma faiblesse me ferait perdre la charité, si je m'opiniâtrais à faire valoir dans toute la rigueur mes prétentions, je me relâche de mes prétentions, et je me désiste de mes demandes : pourquoi ? parce que la charité est un bien d'un ordre supérieur, et que je ne dois risquer pour nul autre ; parce qu'il n'y a rien que je ne doive sacrifier pour conserver la grâce qui se trouve inséparablement liée à l'amour du prochain. Raisonnable, que cet amour du prochain s'étende jusqu'à mes ennemis même les plus mortels, puisque, sans parler de la grandeur d'âme, de cette grandeur héroïque et chrétienne qui paraît dans l'amour d'un ennemi et dans les services qu'on lui rend, la foi m'enseigne que cet homme, pour être mon ennemi, n'en est pas moins mon frère, et que d'ailleurs j'attendrais moi-même, si j'étais ennemi de Dieu, que Dieu usât envers moi de miséricorde, et qu'il me prévînt de sa grâce : car pourquoi serais-je plus délicat que lui dans mes sentiments et dans mes affections ? Raisonnable, par un retour qui semble d'abord bien surprenant et bien étrange, que je haïsse mes amis, mes proches, ceux mêmes à qui je dois la vie, quand ceux à qui je dois la vie, quand ceux à qui je suis le plus étroitement uni par les liens du sang et de l'amitié, sont des obstacles à mon salut : car alors la raison veut que je m'en éloigne, que je les fuie, que je les abhorre ; et c'est ainsi qu'il faut entendre cette parole de Jésus-Christ : Si quis venit ad me, et non odit patrem et matrem, non potest meus esse discipulus ; si quelqu'un veut venir à moi, et ne hait pas son père et sa mère, il ne peut être mon disciple. Parole, dit saint Grégoire, pape, qui n'abolit point le devoir des enfants envers leurs parents, mais qui condamne l'impiété des parents prévaricateurs, lorsqu'ils abusent de leur pouvoir pour servir de démons à leurs enfants, et pour les engager dans la voie de perdition. Eh quoi ! reprend Tertullien, justifiant cette maxime évangélique, il fallait que les soldats romains, pour être incorporés dans la milice, fissent comme une espèce d'abjuration, et de pères et de mères, entre les mains de ceux qui les commandaient ; et l'on estimait cette sévérité de discipline également juste et nécessaire : si donc Jésus-Christ nous impose cette même loi en certaines conjonctures, savoir, quand l'attachement d'un fils à son père, d'une femme à son mari, est incompatible avec les intérêts de Dieu et l'obéissance qui lui est due, pouvons-nous dire que c'est trop en demander ?

 

Mais pourquoi s'arracher l'œil ? pourquoi se couper le bras ? Répondez vous-même, divin Sauveur; et sur la dureté de cette expression, satisfaites dans un mot la prudence humaine : C'est qu'il vaut mieux, dit-il, entrer dans la vie n'ayant qu'un œil ou qu'une main, que d'être pour jamais condamné au tourment du feu ; c'est que tous les jours, à la honte des serviteurs de Dieu, un homme du siècle, par une sagesse mondaine, s'arrache l'œil, se coupe le bras, selon que Jésus-Christ l'a entendu, c'est-à-dire s'arrache lui-même à ce qu'il a de plus cher, et se sépare de ce qu'il aime plus tendrement, afin d'éviter un scandale dont il craint les suites fâcheuses pour sa fortune ; c'est qu'une femme du monde que la raison conduit encore, ne balance pas à rompre un engagement, quelque flatteur, quelque utile qu'il soit, dès qu'elle en prévoit quelque danger pour sa réputation : comme si Dieu avait voulu que la conduite des enfants du siècle servît de leçon aux enfants de lumière ; ou plutôt comme s'il avait voulu que ce fût une apologie du précepte de l'Evangile : Si oculus tuus scandalizat te, erue eum.

 

Ce n'est pas assez : pourquoi faire à l'homme un crime de ses désirs, et traiter d'adultère un regard impur et lascif ? Apprenez-le de saint Jérôme : c'est qu'il n'est point permis de désirer ce qu'il n'est pas permis de rechercher ; c'est que toute loi qui laisse les désirs dans l'impunité est une loi imparfaite, propre à faire des hypocrites plutôt que des justes, puisqu'il est impossible de réformer l'homme si l'on ne commence par réformer son cœur. Pourquoi ériger en béatitude un état aussi vil et aussi abject que la pauvreté ? Beati pauperes spiritus. Jugez-en par vos propres sentiments : c'est qu'autant qu'on a de mépris pour la pauvreté forcée, autant convient-on que la pauvreté volontaire dont parle Jésus-Christ est respectable; et d'ailleurs l'expérience nous fait bien voir qu'il n'y a d'heureux sur la terre que les pauvres de cœur, puisque la source la plus ordinaire de nos chagrins est l'attachement aux biens de la vie. Mais enfin, et voici le point capital, pourquoi réduire des hommes faibles à cette affreuse nécessité, ou d'être apostats et anathèmes, ou d'endurer à certains temps de persécution le plus rigoureux martyre ? Car c'est là-dessus que la loi de notre Dieu pourrait paraître aux sages du monde d'un caractère plus outré. Elle nous ordonne, et nous l'ordonne sous peine d'une éternelle damnation, d'être habituellement disposés à mourir, plutôt même que de déguiser notre foi. Or, cela, dites-vous, est-il raisonnable ? Et moi je réponds : En pouvez-vous douter; et pour s'en convaincre, faut-il autre chose que les premiers principes de la raison ? En effet, on demande s'il est raisonnable de s'exposer à la mort, plutôt que de trahir la foi qu'on doit à son Dieu : mais moi je demande s'il n'est pas raisonnable qu'un sujet soit prêt à perdre la vie, plutôt que de trahir la foi qu'il doit à son prince ? mais moi je demande s'il n'est pas raisonnable qu'un homme d'honneur soit en disposition de souffrir tout, plutôt que de commettre une lâcheté et une perfidie ? mais moi je demande s'il n'est pas raisonnable qu'un homme de guerre se sacrifie en mille rencontres comme une victime toujours sur le point d'être immolée et de recevoir le coup mortel, plutôt que de manquer à son devoir ? Il ne le trouve pas seulement raisonnable, mais il s'en fait un point d'honneur et une gloire.

 

Quoi donc, mes Frères, reprend saint Augustin, le martyre pour Dieu sera-t-il censé une folie, et le martyre pour le monde une vertu? La raison de l'homme aura-t-elle peine à reconnaître l'obligation de l'un, tandis qu'elle approuve et qu'elle autorise l'obligation de l'autre ? Non, non, Chrétiens, rien en cela, rien en tout le reste qui ne soit à l'épreuve de notre censure. Soyons raisonnables, et nous avouerons que la loi de Jésus-Christ l'est encore plus que nous. Soumettons-nous de bonne foi à tout ce que la raison ordonne, la loi évangélique n'aura plus rien qui nous choque. Car si elle nous choque, c'est parce qu'elle nous assujettit trop à la raison, et qu'elle n'accorde rien à notre passion. Prenez garde, s'il vous plaît : je ne dis pas que la loi chrétienne n'ajoute rien à la raison ; c'est une erreur des pélagiens : mais je dis qu'elle n'ajoute rien à la raison qui ne la perfectionne, qui ne l'élève, qui ne la purifie, et que la raison elle-même n'eût établi, si par elle-même elle eût été assez éclairée pour en découvrir l'excellence et l'utilité.

 

 

BOURDALOUE, SUR LA SAGESSE ET LA DOUCEUR DE LA LOI CHRÉTIENNE

 

 

ŒUVRES COMPLÈTES DE BOURDALOUE

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Celia Thaxter's Gardens, Childe Hassam

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