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"Je vous donne un commandement nouveau : c'est de vous aimer les uns les autres.

 

Comme je vous ai aimés, vous aussi aimez-vous les uns les autres.

 

Ce qui montrera à tous les hommes que vous êtes mes disciples, c'est l'amour que vous aurez les uns pour les autres."

 

Evangile de Jésus-Christ selon  saint Jean 

   

 

Pentecôte

" Le Défenseur, l'Esprit Saint que le Père enverra en mon nom, lui, vous enseignera tout, et il vous fera souvenir de tout ce que je vous ai dit."

 

Évangile de Jésus Christ selon saint Jean  

 

   

 

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1er mai 2011 Béatification de Jean-Paul II

Béatification du Serviteur de Dieu Jean-Paul II

 

 

  Béatification du Père Popieluszko

beatification Mass, in Warsaw, Poland

à Varsovie, 6 juin 2010, Dimanche du Corps et du Sang du Christ

 

 

presidential palace in Warsaw

Varsovie 2010

 

 

Basilique du Sacré-Cœur de Montmartre
Sanctuaire de l'Adoration Eucharistique et de la Miséricorde Divine

La miséricorde de Dieu est comme un torrent débordé. Elle entraîne les cœurs sur son passage.
(Saint Curé d'Ars)
 

 


Le côté du Christ a été transpercé et tout le mystère de Dieu sort de là. C’est tout le mystère de Dieu qui aime, qui se livre jusqu’au bout, qui se donne jusqu’au bout. C’est le don le plus absolu qui soit. Le don du mystère trinitaire est le cœur ouvert. Ce n’est pas une image, c’est une réalité. C’est la réalité la plus profonde qui soit, la réalité de l’amour.
Père Marie-Joseph Le Guillou




Dans le cœur transpercé
de Jésus sont unis
le Royaume du Ciel
et la terre d'ici-bas
la source de la vie
pour nous se trouve là.

Ce cœur est cœur divin
Cœur de la Trinité
centre de convergence
de tous les cœur humains
il nous donne la vie
de la Divinité.


Sainte Thérèse Bénédicte de la Croix
(Edith Stein)



Le Sacré-Cœur représente toutes les puissances d'aimer, divines et humaines, qui sont en Notre-Seigneur.
Père Marie-Eugène de l'Enfant Jésus

 



feuille d'annonces de la Basilique du Sacré-Coeur de Montmartre

 

 

 

 

 

 

 

     

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SALVE REGINA

11 janvier 2013 5 11 /01 /janvier /2013 12:30

Mais il est temps de passer aux faits positifs qui, malgré la perte de tant de monuments de cette époque primitive, démontrent encore jusqu'à l'évidence la thèse opposée à celle du P. Le Brun.

 

Selon le docte oratorien, les Liturgies n'auraient pas été confiées à l'écriture avant le Ve siècle. Un trait emprunté à l'histoire de l'Église des Gaules, en ce même siècle, nous engage déjà à reculer cette époque si arbitrairement assignée. Saint Grégoire de Tours rapporte que saint Sidoine Apollinaire, évêque de Clermont, ayant été invité pour la dédicace de la basilique du monastère de Saint-Cyriaque, le livre de la Liturgie se trouva tout à coup enlevé de l'autel, par la malice de quelqu'un. Sans être troublé de ce contretemps, le saint n'en poursuivit pas moins le service entier de la fête ; ce qui excita dans les assistants une si vive admiration qu'ils pensèrent que ce n'était pas un homme, mais un ange qui avait prononcé les paroles : Nec putaretur ab adstantibus ibidem locutum fuisse hominem, sed angelum (Hist. Franc., lib. II, cap. XXII.). Or saint Sidoine Apollinaire monta sur le siège de Clermont en 471 ; si l'usage de célébrer la Liturgie, sans livre et simplement de mémoire, n'eût cessé qu'au Ve siècle, le fait du saint évêque de Clermont eût-il excité dans le peuple un si grand étonnement, et saint Grégoire de Tours l'eût-il trouvé assez important pour l'insérer dans son histoire des Francs ? Il est permis d'en douter.

 

Mais produisons des preuves positives de l'existence des livres liturgiques dès le IVe siècle. En 379, mourut saint Basile de Césarée. Entre autres travaux pour le service de l'Église, il rédigea, avant son épiscopat, une Liturgie qui différait peut-être de celle que l'Église grecque conserve sous son nom, mais qui n'en a pas moins été reconnue pour son ouvrage, dans le siècle suivant. Sur ce fait, nous avons d'abord le témoignage de saint Grégoire de Nazianze, contemporain et ami du saint docteur. Saint Proclus, successeur de saint Jean Chrysostome sur le siège de Constantinople, s'exprime ainsi dans son traité de la Liturgie divine : "Le grand Basile s'apercevant que la longueur de la Liturgie causait de l'ennui et du dégoût aux assistants, la rédigea dans une forme plus abrégée, pour l'usage de l'Église". Cette longue Liturgie qu'il fallait abréger au IVe siècle, croit-on qu'elle eût pu ne reposer que sur la mémoire des prêtres ? Au VIe siècle, Leontius, dans son Traité contre les Nestoriens, distinguait trois Liturgies, dont une de la main de saint Basile, quand il disait : "Nestorius a fabriqué une nouvelle Liturgie, différente de celle qui a été donnée par les Pères aux Églises ; il n'a pas respecté celle des Apôtres, ni celle que le grand Basile a écrite dans le même esprit."

 

L'année 368 est la date de la mort de saint Hilaire de Poitiers. Saint Jérôme, dans son Catalogue des écrivains ecclésiastiques, nous apprend que, dans le cours de son épiscopat, ce grand homme avait rédigé un livre des Hymnes et un livre des Mystères. Ce livre des Mystères était le Sacramentaire ou Missel de l'Église gallicane que, sans doute, saint Hilaire mit dans un nouvel ordre et enrichit de prières de sa composition, comme fit saint Ambroise à Milan, dans le même siècle, et comme firent à Rome, dans les siècles suivants, les Papes saint Gélase et saint Grégoire le Grand.

 

La mort de saint Ephrem, l'éloquent diacre d'Édesse, arriva en 378. Les prières liturgiques abondent dans ses œuvres, et un grand nombre sont encore usitées dans l'Église syrienne. Nous ne serons, sans doute, pas obligé de prouver sérieusement qu'il avait pris la peine d'écrire ces compositions poétiques, et qu'il n'était pas exigé des prêtres qui devaient s'en servir dans l'église de les apprendre par cœur.

 

Nous consentons à placer ici, au IVe siècle, la longue Liturgie contenue au VIIIe livre des Constitutions apostoliques, ainsi que les oraisons et les rites pour le Baptême, l'Ordination, la Consécration des évêques, etc., qu'on lit dans le même livre et dans le précédent. Personne ne soutient aujourd'hui le sentiment qui faisait remonter au premier siècle cette précieuse compilation ; de savants hommes la reportent les uns au IIe, les autres au IIIe. Nous ne demandons qu'une chose : c'est qu'on veuille bien nous accorder que les Constitutions apostoliques étaient déjà compilées à l'époque du concile de Nicée, qui fut tenu en 325. C'est le jugement des hommes les plus doctes, quelle que soit l'école de critique à laquelle ils appartiennent, et nous pouvons certainement produire un sentiment qui réunit en sa faveur non seulement le suffrage du cardinal Bona et de son érudit commentateur Sala, Schelestrate, Chrétien Wolf, Assemani, Mansi et Zaccaria ; mais encore Pagi, Morin, Fronteau, Pierre de Marca, Grancolas,Ellies Dupin, Noël Alexandre et Collet, sans parler des savants protestants anglais, Beveregius, Gunning, Pearson, Baratier, Blondel, Thomas Brett et Guillaume Cave. Il y avait donc au commencement du IVe siècle, à l'issue des persécutions, des prières liturgiques confiées à l'écriture, et il n'est personne qui ne comprenne, en parcourant simplement tant de longues et solennelles pages, qu'il était impossible d'espérer que la seule mémoire des prêtres demeurât chargée de les conserver, si elles ne se fussent pas trouvées écrites quelque part.

 

Mais y avait-il des livres liturgiques durant les persécutions ? Nous allons le prouver jusqu'à l'évidence, en produisant des monuments incontestables qui n'ont point encore été allégués jusqu'ici dans la controverse. Les persécutions s'arrêtèrent en 312, à la paix donnée à l'Église par Constantin. Les pièces que nous produisons ont dû être composées au plus tard sous la persécution de Dioclétien, qui commença en 284 ; nous voici donc descendus au IIIe siècle.

 

Ces pièces sont des Préfaces et des oraisons pour la messe que nous empruntons au fameux Sacramentaire de l'Eglise romaine, qui fut publié sur un manuscrit du chapitre de l'Église de Vérone, par Joseph Bianchini, en 1735. Ce Sacramentaire, appelé improprement de saint Léon, bien qu'il renferme diverses prières de la composition de ce grand Pontife, est un recueil de formules liturgiques dont un grand nombre appartiennent aux temps primitifs du christianisme. Voici des prières qui remontent évidemment à l'époque où le sang des martyrs coulait dans toute l'Église.

 

D'abord, cette Préface, placée sans date de jour, au mois d'avril : " Il est juste de vous rendre grâces, ô Dieu dont l'Église est en ce moment mélangée de vrais et de faux confesseurs, en sorte que nous devons toujours craindre les variations de la faiblesse humaine, et cependant ne jamais désespérer de la conversion de personne. C'est pourquoi nous vous demandons avec d'autant plus d'instances, à vous sans le secours duquel la piété ne pourrait demeurer solide, d'accorder persévérance à ceux qui sont fermes, et résipiscence à ceux qui ont été faible". N'est-ce pas ici la prière pour les tombés, et cette Préface peut-elle appartenir aux jours de la paix ?

 

Au mois de juillet, dans une fête de martyrs, sans indication de jour, cette autre Préface : " Ô Dieu ! qui dans votre bonté ramenez fréquemment, pour notre exercice, les fêtes des saints martyrs, afin de nous conduire par cet heureux souvenir, à la constance de la foi et à la persévérance dans votre culte ; vous placez pour nous, dans le spectacle de leurs actions, un exemple de cette confession qui assure le salut, et un secours d'abondante protection ; par eux vous nous invitez à l'espoir qui nous est promis, en nous manifestant dès cette vie la gloire encore cachée dont ils jouissent". Qui ne voit ici la prière de l'Église implorant pour ses enfants la fidélité jusque dans le martyre ?

 

Plus loin : " Vous donnez, ô Dieu ! cet avantage à votre Eglise dans la commémoration des saints martyrs qu'elle trouve dans leur fête une source d'allégresse, le moyen de s'exercer à l'exemple de leur sainte confession, une protection dans les prières que vous accueillez de sa part."

 

Ailleurs, le prêtre glorifie le Christ de ce que "non seulement il a supporté la persécution des impies pour le salut du monde, mais a daigné accorder à ses fidèles la grâce de devenir ses compagnons dans la Passion, ou du moins dans la Confession."

 

En la fête de saint Etienne, l'Église d'alors récitait cette prière : " Dieu tout-puissant, qui multipliez les victoires de vos martyrs dans toutes les contrées du monde, donnez-nous de ressentir en tous lieux leur présence."

 

En la fête de saint Laurent, on lisait cette Préface : " Vous qui êtes la force invincible de tous les Saints, c'est vous qui, au milieu des adversités de ce monde, nous consolez par le triomphe de vos bienheureux martyrs, et nous enflammez par la victoire de saint Laurent, jusqu'à nous faire produire de sublimes exemples de patience."

 

En la même fête : " Augmentez, Seigneur, en votre peuple, la foi que la solennité du saint martyr Laurent fait naître en lui, afin que nulle adversité, nulle terreur, ne nous arrêtent dans la confession de votre nom, mais que la vue d'un si grand courage soit plutôt pour nous un aiguillon."

 

En la fête de sainte Cécile, l'oraison suivante atteste la généralité de la persécution : " Auteur et distributeur de tous les biens, ô Dieu qui voulant appeler le genre humain tout entier à la confession de votre nom, avez produit l'exemple du martyre jusque dans un sexe fragile ; faites que votre Eglise, instruite par cet exemple, ne craigne pas de souffrir pour vous, et désire avec ardeur la gloire des récompenses célestes."

 

Nous nous bornons à ces quelques traits que nous nous pourrions multiplier facilement ; on ne les retrouve plus dans le Sacramentaire de saint Grégoire, ni même dans celui de saint Gélase ; naturellement, ils durent disparaître des livres liturgiques, à mesure que l'Église avançait dans l'ère de la paix. La forme de ces Oraisons et de ces Préfaces, leur multiplicité, en même temps qu'elles nous prouvent l'ancienneté des usages que nous gardons aujourd'hui, démontrent jusqu'à l'évidence l'impossibilité de confier uniquement à la mémoire un nombre aussi considérable de détails.

 

Au reste, quand nous ne trouverions pas dans cet ancien Sacramentaire la preuve matérielle de l'existence d'un grand nombre de textes liturgiques sous la forme et dans le style caractéristiques du Missel romain, et qui se rapportent évidemment à l'époque des persécutions, un œil exercé dans l'appréciation de la latinité chrétienne, découvrirait facilement, dans les anciens Sacramentaires qui ont servi de base à ce Missel, une foule de passages dont la diction nous transporte d'elle-même aux siècles qui ont précédé la paix de l'Église.

 

Ce n'est pas ici le lieu de placer ces sortes d'études ; l'occasion s'en présentera plus tard. Mais qu'il nous soit permis d'alléguer, en faveur de notre sentiment en cette matière, l'autorité d'un homme profondément versé dans la littérature chrétienne, et qui ne saurait être suspect à personne, le P. Morin, de l'Oratoire. Dans son grand traité de Pœnitentia, ayant à apprécier l'époque de certaines oraisons usitées dans les anciens Sacramentaires, pour l'imposition de la pénitence, il s'exprime ainsi : "Les termes, la phrase, le style des oraisons et autres rites principaux qu'on trouve dans ces Sacramentaires, attestent évidemment un temps beaucoup plus ancien, et ne peuvent être postérieurs aux papes Sylvestre et Jules, ainsi que nous l'avons déjà remarqué. Si même nous ne voulons pas déguiser la vérité, ce que ces formules rituelles renferment de principal, sent tout à fait, quant à la phrase et au style, les temps qui ont précédé l'empire de Constantin."

 

Nous voici donc arrivés, en descendant, jusqu'au IIIe siècle, et nous avons encore d'autres arguments à produire.

 

DOM GUÉRANGER INSTITUTIONS LITURGIQUES : DEUXIÈME PARTIE : LES LIVRES DE LA LITURGIE ; CHAPITRE II : DE L'ANTIQUITÉ DES LIVRES LITURGIQUES.

 

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Porte des Martyrs, Basilique Saint Laurent, Florence

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9 janvier 2013 3 09 /01 /janvier /2013 12:30

Mais s'ils aspirent à la science liturgique, qu'ils la demandent aux livres de l'Église romaine. 

 

Les livres liturgiques étant reconnus comme la base de la science de la Liturgie, il est naturel d'examiner maintenant la question de l'antiquité de ces livres. A quelle époque la Liturgie a-t-elle été mise par écrit ? La réponse à cette question, en quelque sens qu'elle soit donnée, n'a pas d'application pratique aux temps actuels, puisque nous vivons à une époque où l'Église a consigné dans des livres ses traditions sur le culte divin ; toutefois, elle importe d'une certaine manière à l'autorité de ces livres aujourd'hui en usage, si on peut établir que leur première forme remonte aux commencements de l'Église, et que, à travers les diverses modifications qu'ils ont pu subir, on doit reconnaître dans leur teneur un fond permanent qui a traversé les siècles.

 

Nous avons déjà touché quelque chose de cette question dans le premier volume de cet ouvrage, nous proposant d'y revenir, comme sur un grand nombre de celles qui se sont présentées dans le cours de notre histoire générale de la Liturgie. On sentira facilement qu'il n'est pas indifférent pour les traditions catholiques dont la Liturgie est le principal instrument, d'avoir été fixées de bonne heure par des livres écrits et conservés dans l'Eglise sous la garde des évêques, et non simplement confiées à la mémoire des prêtres et des pontifes. Les docteurs protestants ont affecté souvent de reconnaître comme pures d'alliage les institutions chrétiennes des quatre premiers siècles, et ils se croient d'autant plus solides sur ce terrain qu'ils espèrent nous trouver peu en mesure d'alléguer contre leurs nouveautés les formes positives de cette époque première. Il importe de leur enlever cette position, quant aux formes liturgiques, qui sont la plus vive expression de la foi de ces temps, comme de ceux qui les ont suivis.

 

Cependant, plusieurs savants liturgistes du siècle dernier se crurent obligés de convenir que les Liturgies, par lesquelles ils entendaient spécialement les formules de la célébration du saint Sacrifice, n'avaient été confiées à l'écriture que de nombreuses années après la paix de l'Église. Dom Mabillon, dans sa Liturgie gallicane, s'était contenté de dire que l'existence des livres liturgiques dans les trois premiers siècles ne paraissait pas suffisamment démontrée ; non ita quidem omnino constare. Renaudot, dans la préface de ses Liturgies orientales, trancha la question et soutint que, du moins au IVe siècle, les Liturgies n'étaient pas encore écrites. Il fut bientôt suivi par le P. Le Brun, de l'Oratoire, qui, dans son excellent ouvrage sur la messe, prétendit que les Liturgies n'avaient été rédigées par écrit que dans le cours du Ve siècle. Le même sentiment fut soutenu quelques années après par le P. Pien (Pinius), l'un des plus savants continuateurs de Bollandus, dans la belle dissertation de Liturgia anitiqua hispanica, placée en tête du VIe tome de Juillet des Actes des Saints, qui parut en 1729.

 

Ces auteurs étaient principalement entraînés dans cette voie par la direction qu'avait prise la controverse sur le secret des mystères, cette discipline de l'arcane dont l'existence, pour les premiers siècles de l'Église, est portée à un si haut degré d'évidence, en même temps qu'elle explique la réserve gardée sur nos mystères dans un grand nombre d'écrits de l'époque primitive. Il n'était cependant pas nécessaire de sacrifier un des côtés de la place pour fortifier l'autre, et le temps devait venir où des archéologues chrétiens, moins préoccupés, traiteraient de nouveau la question de l'antiquité des livres liturgiques, et donneraient le moyen de la résoudre, à l'honneur de ces vénérables documents de notre foi, sans ébranler le fait incontestable de la discipline du secret.

 

En 1736, Merati, dans son commentaire érudit du Thesaurus sacrorum rituum de Gavanti, attaquait courageusement l'opinion du P. Le Brun par les moyens de la science. Le docte Georgi, au second tome de sa Liturgia Romani Pontificis, publié en 1743, s'honorait de marcher sur les traces de Merati. En 1747, Robert Sala publiait son excellent commentaire sur le traité du cardinal Bona, Rerum Liturgicarum, et il ne faisait pas difficulté de protester, dès le premier volume de cet ouvrage dédié à Benoît XIV, en faveur de l'existence de livres liturgiques écrits longtemps avant l'époque assignée par les savants hommes dont nous venons d'énoncer l'opinion. L'année suivante, Muratori donnait au public sa Liturgia Romana vêtus, et dans la dissertation préliminaire, il entreprenait la réfutation du P. Le Brun et des partisans de son sentiment. En 1772, Selvaggi, dans ses Antiquitates christianœ ; en 1776, Dom Martin Gerbert, dans sa Liturgia Alemannica ; en 1786, le P. Krazer, dans son traité de Apostolicis et antiquis Liturgiis, vinrent corroborer du poids de leur sentiment, motivé par de sérieux arguments, l'antiquité des livres liturgiques. Nous omettons plusieurs noms moins illustres qui, jusque dans ces derniers jours, sont venus se joindre à ceux des adversaires du système du P. Le Brun, et nous passons immédiatement à l'exposé des motifs du sentiment des adversaires du docte oratorien.

 

Il nous est facile de convenir que les livres liturgiques n'ont point été écrits par les Apôtres eux-mêmes. La seule Liturgie apostolique qui présente des caractères sérieux d'authenticité est celle de saint Jacques ; mais, elle a subi tant de modifications, qu'il serait difficile d'en assigner rigoureusement la teneur primitive. La marche de notre ouvrage nous amènera à traiter ailleurs cette intéressante question. Nous convenons donc bien volontiers que les Apôtres ne nous ont point laissé de Liturgies écrites, pourvu cependant qu'on nous accorde qu'ils ont établi dans les Églises qu'ils fondaient, tous les rites que nous trouvons universellement répandus dans toutes les Eglises, sans qu'on puisse assigner ni le commencement de ces usages, ni les monuments de leur institution. C'est, comme on le sait, la grande règle catholique formulée par saint Augustin, sur les faits d'institution ecclésiastique.

 

Nous avons fait voir ailleurs que l'ensemble des rites apostoliques pour le sacrifice, les sacrements, les sanctifications et le service divin, a dû être très considérable, puisque les points de conformité des Liturgies les plus anciennes sur ces divers rites, sont en très grand nombre. Les Apôtres, chargés d'organiser la société chrétienne, devaient se préoccuper non seulement de l'essentiel des rites, mais encore des usages de convenance ; c'est ce qu'exprime saint Paul dans sa première Épître aux Corinthiens, lorsqu'après avoir réglé l'essentiel des formes du saint Sacrifice, il annonce qu'à son retour, il disposera le reste. Coetera cum venero, disponam (I Cor., XI, 3.).

 

Mais ces rites divers emportaient nécessairement des formules, et ces formules devaient tendre à devenir stables ; autrement, que l'on se figure les abus de paroles, l'inconvenance pour les mystères, le péril pour les dogmes exprimés dans des formules, qui auraient été laissées à l'improvisation du ministre sacré. Sans doute, aux premiers jours de l'Église, il plut à la divine Sagesse de répandre son Esprit sur les fidèles avec une abondance merveilleuse, en sorte que les dons extraordinaires de prophétie, de langues, éclataient dans les assemblées chrétiennes. L'Apôtre même est obligé de soumettre l'usage de ces dons à des règlements spéciaux qui forment une des parties les plus importantes de sa première Épître aux Corinthiens. Accordons, si l'on veut, que, dans cette première période qui fut très courte, les formules spéciales de la Liturgie auraient pu se passer d'une lettre positive ; mais encore faudrait-il prouver que ces dons d'inspiration étaient toujours départis aux prêtres ou aux ministres des sacrements ; ce qui n'est pas évident. De plus, l'Apôtre, en proclamant les règles dont nous parlons, les ramène toutes à un principe fondamental ; c'est "que tout se fasse avec décence et selon l'ordre". Omnia honeste et secundum ordinem fiant (I Cor., XIV, 40.).

 

Or quel moyen de maintenir cette décence et cet ordre, si les formules ne sont pas conçues en termes positifs ? Il n'est donc pas permis de douter que des Liturgies quelconques, pour les besoins du culte divin, n'aient été déterminées dès l'origine, et nos adversaires sont les premiers à en convenir. Mais ces formules si graves, si saintes, devaient être et étaient longues dans leur teneur. La majesté, la décence des mystères l'exigeait, et nous avons des témoignages irrécusables qui nous l'attestent. Saint Paul déterminant les différentes formes de la prière liturgique pour le Sacrifice, nomme les obsécrations, les oraisons, les postulations et les actions de grâces ( I Tim., 11, 1.). On peut voir le commentaire de saint Augustin sur ces paroles que nous avons rappelées ailleurs. Il est évident que l'ensemble de ces formules nécessitait de nombreuses périodes. Saint Justin, dans sa première Apologie, décrivant le Sacrifice chrétien, vers l’an 139, dit positivement que le sacrificateur prononce une Action de grâces en beaucoup de paroles (prolixe), dans laquelle il rend gloire au Père de toutes choses, dans le nom du Fils et de l'Esprit-Saint.

 

Aurait-on laissé la mémoire des prêtres seule dépositaire de ces prières si importantes ? L'Église, qui prescrit aujourd'hui à ses ministres offrant le saint Sacrifice, de tenir constamment l'oeil sur les oraisons du Canon, à l'autel ; l'Église, qui leur interdit de compter sur leur mémoire dans l'Action d'un si redoutable mystère, aurait-elle manqué de sagesse, dans ces premiers siècles, en n'exigeant pas qu'un livre au moins, fût-il renfermé dans le plus secret du sanctuaire, servît à raviver de temps à autre le souvenir des formules saintes ? Supposons que tous les exemplaires du Canon de la messe qui se gardent aujourd'hui dans les églises fussent tout d'un coup anéantis, et que désormais tous les prêtres se trouvassent réduits à prononcer de mémoire les prières du Sacrifice : croit-on qu'au bout de cinquante ans, les formules se retrouveraient avec la même exactitude à l'autel ? Cependant, la messe est célébrée aujourd'hui bien plus fréquemment qu'elle ne l'était dans les premiers siècles ; le Canon est familier à tous les prêtres, et il est comme impossible à ceux qui le récitent tous les jours de ne pas le savoir par cœur.

 

Ajoutons qu'il ne se fût pas agi seulement de retenir de mémoire les prières du Sacrifice, il eût encore fallu posséder, outre la forme des sacrements, les formules qui en accompagnent l'administration, les exorcismes du Baptême, les oraisons si variées pour la collation des Ordres, les prières particulières aux fêtes d'institution apostolique, en un mot, tout ce que nous retrouvons de même style dans toutes les Liturgies les plus anciennes, sans distinction de langues et d'Églises. Assurément, le phénomène d'une si imperturbable mémoire a pu se présenter quelquefois ; il est possible même aujourd'hui ; mais il est rare, il faut bien en convenir ; de plus, il est dangereux, et l'esprit de l'Église s'oppose, répétons-le encore une fois, à ce que les fonctions saintes soient accomplies sans le secours des livres liturgiques.

 

La décence du service divin, l'unité des formes si essentielles à l'unité du fond, répugnait donc dès les premiers temps de l'Église, comme aujourd'hui, à l'imprudente liberté qui s'en remettrait uniquement à la mémoire du prêtre et du pontife dans la prononciation des formules saintes. Les prières fixes et déterminées ne résisteraient pas à cette épreuve critique, après un court espace de temps. Les nouveautés s'introduiraient avec péril ; la louange de Dieu serait altérée et profanée, et les fidèles rencontreraient bientôt le scandale, là même où ils doivent trouver la souveraine édification.

 

Ceci est vrai pour tous les temps ; mais dans les trois premiers siècles de l'Église, époque marquée par l'apparition d'un si grand nombre d'hérésies subtiles, cachées sous les mots, comme toutes les hérésies, quel moyen d'arrêter les progrès de l'erreur qui se dissimule et dont les discours, dit saint Paul, gagnent en dessous comme le chancre (II Tim., 11, 17.), si le prêtre ou le pontife infidèle, voilant la nouveauté sous des paroles dont le texte n'eût été écrit nulle part, se fût livré à de coupables improvisations, sans qu'il fût possible aux autres pontifes, ou aux autres prêtres, de le confondre en remettant sous ses yeux la lettre inviolable et orthodoxe delà Liturgie ? Non, jamais l'Église n'a exposé imprudemment le dépôt de la foi, pas plus qu'elle n'a souffert que les choses saintes fussent traitées sans la dignité et la révérence qu'elles commandent. Quand nous n'aurions pas d'autres preuves de l'existence de livres liturgiques avant le Ve siècle, que les considérations invincibles que nous venons d'exposer, nous ne ferions pas difficulté d'affirmer, au nom de la sagesse de l'Eglise, que ces livres existaient.

 

Mais il est temps de passer aux faits positifs qui, malgré la perte de tant de monuments de cette époque primitive, démontrent encore jusqu'à l'évidence la thèse opposée à celle du P. Le Brun.

 

DOM GUÉRANGER INSTITUTIONS LITURGIQUES : DEUXIÈME PARTIE : LES LIVRES DE LA LITURGIE ; CHAPITRE II : DE   L'ANTIQUITÉ   DES  LIVRES  LITURGIQUES.

 

Mosaïque, Santa Maria in Trastevere, Rome

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7 janvier 2013 1 07 /01 /janvier /2013 12:30

Il est dans la nature de toute science véritable de s'appuyer sur des faits ; les systèmes seuls reposent sur des abstractions, et c'est pour cette raison que les systèmes ne durent pas, et n'atteignent pas leur but. Des doctrines positives, écrites ou traditionnelles, sont nécessaires à l'intelligence humaine, comme le point d'où elle part, et vers lequel elle se replie, après ses investigations.

 

Or ces faits fondamentaux d'une science peuvent être présentés de deux manières : ou ils sont inscrits dans des documents   originaux qui  les contiennent, sans alliage comme sans méthode, mais dans toute leur énergie première ; ou ils se présentent extraits, et élaborés d'une façon didactique, par une main récente qui les a voulu mettre à la portée du vulgaire, auquel on épargne ainsi la fatigue de créer péniblement la science d'après les sources.

 

Il y a donc deux manières d'étudier : la méditation des originaux, et l'étude des traités plus ou moins volumineux de la science. Il est hors de doute que cette seconde méthode est la plus expéditive, la plus populaire, la seule accessible  au grand nombre. Est-elle la plus sûre ? La réponse à cette question dépend uniquement de la valeur respective des manuels  destinés à faire  l'initiation des disciples. Si ces manuels sont rédigés par des hommes qui ont vu exactement,  et suffisamment digéré ce qu'ils ont vu ; si, en outre, ces initiateurs ont su rendre avec plénitude le résultat de leurs études, de tels livres sont un des plus grands  services qui puissent être offerts à l'intelligence  humaine.  Mais il faut bien convenir que les manuels, les traités, les institutions, tiennent assez rarement ce qu'ils promettent, et la faute n'en est pas toujours à leurs auteurs.

 

Ces livres, si parfaits qu'ifs soient, sont toujours, plus ou moins, un intermédiaire placé entre la science et le disciple qui la veut étudier. Quelle théorie de l'art pourrait jamais remplacer la vue des chefs-d'œuvre que l'art a produits ? Quelle analyse de la poétique, ou de la rhétorique, pourrait suppléer la lecture des modèles ? Quel traité de minéralogie, de botanique, de zoologie, tiendra jamais lieu de l'examen comparé des objets à l'aide desquels se résument ces diverses sciences ? Et dans l'ordre des faits historiques, ne convient-on pas aujourd'hui que la science puisée dans ce qu'on appelle les histoires générales, se modifie grandement dès qu'on se met en rapport avec les mémoires contemporains, avec les monuments originaux, même avec les simples chroniques locales ?

 

Mais,   dans  l'ordre  de la science ecclésiastique dont nous avons à nous occuper uniquement, cette vérité est surtout  incontestable.  La théologie catholique a deux grandes sources, l'Écriture et la Tradition ; il  faut donc que la doctrine des livres destinés à l'enseigner soit puisée à ces deux sources ; mais combien l'horizon que cherche le disciple de la science sacrée ne s'agrandit et ne s'éclaire-t-il pas, lorsque, dans une forte lecture des livres saints, il arrive à saisir lui-même le  lien caché qui unit tant de vérités dont la sublime filiation se dérobe au premier aspect ; lorsque, dans un courageux dépouillement des ouvrages des Pères, il poursuit à travers tant d'écrits de tout style et de toute forme,les développements du dogme qui, pour prix de ses labeurs, apparaissent à sa vue non moins étincelants de vie que forts d'autorité ? La puissante école de la théologie scolastique, au moyen âge, n'eut point en proportion suffisante cette science des sources ; c'est aussi le seul genre de supériorité qui lui ait manqué ; mais ce n'est pas à nous, avec nos bibliothèques où reposent si paisiblement tous les trésors de la tradition, qu'il appartient de lui en adresser le reproche. Bien plutôt ces grands hommes   seraient-ils  en droit de se plaindre du peu d'usage que nous avons fait de tant de puissants secours qui leur ont manqué presque totalement.

 

L'étude du droit canonique est soumise aux mêmes nécessités. En vain, demandera-t-on la science de la discipline ecclésiastique aux meilleurs traités, aux plus substantielles institutions, qui aient été rédigés sur la matière. On pourra être exact dans les définitions, sûr dans les conclusions, habile à saisir et à résoudre certaines difficultés ; mais, avec tout cela, on ne sera jamais canoniste, si on n'a lu et médité sérieusement les Décrétales, et pesé soi-même la valeur des principes et des faits qu'elles renferment.  C'est là seulement  qu'il  faut aller chercher le sens canonique, comme on doit aller prendre le vrai sens théologique dans la lecture assidue des saintes Ecritures et des ouvrages des Pères.

 

Nous avons même de nos jours, sous les yeux, plus d'un exemple capable de confirmer surabondamment ce que nous venons de dire de la nécessité d'étudier les sources pour arriver à une science véritable ; et puisque nous venons de parler du droit canonique, qu'il nous soit permis de porter l'attention de nos lecteurs ecclésiastiques sur les travaux qu'on exige des aspirants à la science du droit civil. Assurément, la France peut, assez raisonnablement, se flatter de posséder un corps de droit exempt de ces contradictions si fréquentes dans les documents de la législation de tant d'autres peuples, clair et précis dans l'énoncé, harmonieux dans ses parties, complet, autant que possible, dans son ensemble : ne semblerait-il pas que la connaissance pure et simple de nos Codes devrait suffire à former des jurisconsultes pour le pays ? Il n'en est cependant pas ainsi, et l'aspirant aux grades, chez nous comme partout ailleurs, doit embrasser dans ses études la connaissance du droit romain, puisée dans ses textes mêmes, et chercher l'intention du législateur dont il aura à appliquer les lois, dans les documents qui ont servi à ce législateur comme de base et de principes. Que sera-ce, si le candidat veut arriver à la réputation de légiste profond ? Il n'y parviendra qu'en compulsant, jusqu'à se les rendre familiers, les anciens édits et ordonnances royaux, souvent même les coutumes de nos anciennes provinces, les documents des jurisprudences étrangères, les sources du droit public de l'Europe, sans négliger d'utiles excursions sur les monuments de l'antiquité.

 

De tout ceci nous sommes loin de conclure, assurément, que les traités et les institutions soient inutiles; loin de là, nous les proclamons même nécessaires ; autrement, nous n'eussions pas entrepris nous-même de publier des Institutions sur la science liturgique ; mais quelque parfaits que soient les travaux de ce genre, ils manqueront toujours leur but, s'ils n'arrivent pas à inspirer à ceux qui en font usage le désir de connaître les sources par eux-mêmes, et c'est ce désir que nous avons voulu faire naître en composant cet ouvrage. C'est dans cette intention que nous avons joint à notre introduction historique tant de détails de bibliographie, destinés à initier le lecteur aux dépôts de la science liturgique, et que, dans cette deuxième partie, nous allons travailler uniquement à faire connaître les livres qui contiennent la Liturgie, et, par ces livres, les seuls et véritables éléments de la doctrine du culte divin.

 

Sans doute, nos lecteurs n'auront pas tous à leur disposition les monuments de la Liturgie des temps anciens et des Eglises étrangères ; mais, outre que nous ferons notre possible pour suppléer à ce défaut, par des analyses et des extraits, nous ne craignons pas de les rassurer sur la valeur de leurs études liturgiques, lors même qu'ils se borneront à étudier sérieusement les six livres dont se compose la Liturgie romaine : le Bréviaire, le Missel, le Rituel, le Pontifical, le Martyrologe et le Cérémonial des Évêques. Ces monuments renferment une telle plénitude de doctrine, que celui qui les possède à fond et en a acquis l'intelligence, pourra toujours s'entendre avec l'érudit dont les investigations ont embrassé les documents de l'antiquité dont ces six livres sont le puissant et harmonieux résumé. L'Académie romaine de la Liturgie fondée par Benoît XIV n'avait point d'autre objet que d'expliquer, et de commenter ces livres vénérables ; car quiconque en possède pleinement la doctrine, est en droit d'émettre un avis compétent dans la plupart des questions que l'on peut élever sur la doctrine liturgique.

 

Les  prêtres devraient donc  tous posséder dans leur bibliothèque tous ces livres précieux, et les lire sans cesse. Ils y trouveraient plus d'instruction solide que dans ce nombre immense de livres médiocres et sans autorité que la librairie ecclésiastique enfante chaque jour, avec une prodigalité ruineuse, et qui la plupart du temps ne donnent pas à leurs lecteurs une idée par volume. Autrefois, les Statuts des diocèses exigeaient des prêtres qu'ils eussent chacun en leur possession les livres de la Liturgie. Ainsi, au IXe siècle, nous voyons Vautier, évêque d'Orléans, dans le septième article de son Capitulaire, formuler cette disposition  : "Les prêtres auront, pour leur propre instruction et pour celle des autres, les livres ecclésiastiques, savoir : le Missel, l'Evangéliaire, le Lectionnaire, le Psautier, l’Antiphonaire, le Martyrologe et l'Homiliaire". Dans le même siècle, nous trouvons la Constitution de Riculfe, évêque de Soissons, où il s'exprime ainsi : "Nous avertissons chacun de vous qu'il se mette en devoir de se procurer  le Missel,  le Lectionnaire, l'Evangéliaire,   le Martyrologe, l'Antiphonaire, le Psautier,  et aussi le livre des quarante homélies du bienheureux Grégoire, selon la correction et la distribution des exemplaires dont on se sert dans la sainte  mère Église". Voilà ce que les prélats exigeaient à une époque où l'on ne pouvait avoir ces livres qu'en manuscrit et à grands frais. Que les  aspirants à la science du culte divin s'appliquent donc d'abord à la lecture assidue de ces documents sacrés ; qu'ils se rendent familières et les formules et les rubriques ; qu'ils cherchent, jusqu'à ce qu'ils l'aient trouvé, le lien mystérieux qui unit toutes les parties de ce sublime ensemble ; qu'ils ne se rebutent ni par l'aridité apparente de cette étude, ni par les répugnances que d'absurdes préjugés leur auraient fait concevoir : ils ne tarderont pas à recueillir les fruits de leur labeur. Cette première lecture intelligente les initiera au positif du service divin, et commencera à leur ouvrir quelques vues sur ses mystères qui sont la joie du cœur et la lumière de l'esprit.

 

Une seconde lecture renouvelant ces impressions, fortifiée d'ailleurs par des recherches graduelles dans le champ de la théologie, de la mystique, du droit canonique, de l'histoire et de l'antiquité ecclésiastiques, les éclairera de plus en plus ; leur foi se nourrira d'une manne toute céleste, leur intelligence se développera à ces divins enseignements de l'Église, et leur parole prendra un degré d'autorité que jusqu'alors elle n'avait pas connu. Or cette lumière, cette chaleur, cette vie iront croissant, aussi longtemps que le disciple sera fidèle à suivre les leçons que l'Eglise lui donne dans la Liturgie. Cette étude se mariera d'elle-même avec celle des saintes Écritures qui est le pain quotidien du prêtre, avec celle de la tradition qui donne la clef des Ecritures, et dont les livres de la Liturgie romaine sont un des plus riches trésors.

 

Si l'ami de la science liturgique trouve à sa portée les grandes sources, les savants commentateurs, quelques-unes des nombreuses monographies que nous avons signalées, son progrès dans la doctrine sera plus rapide encore ; mais, nous le répétons, n’eût-il en sa possession que les six livres dont nous parlons, avec le goût et le courage de cette science sacrée, il avancera et deviendra avec le temps un  véritable liturgiste, non à la manière de ces hommes mécaniques qui savent rédiger un Ordo, et ignorent tout ce qui est au delà ; gens qui se tiennent à la porte, et se gardent le plus souvent d'entrer ; mais, outre cette science pratique qu'il faut avoir, et qui n'est qu'un jeu, il aura bientôt la compréhension des mystères du service divin, et chaque jour, il avancera dans cette connaissance.

 

C'est à l'absence de ces indispensables secours que l’on doit attribuer l'éclipse presque totale de la science des rites sacrés parmi nous. Les livres liturgiques avaient perdu leur autorité, au milieu des changements et des reconstructions qu'il leur avait fallu subir. Toute harmonie avait cessé entre eux ; souvent le bréviaire était rédigé d'après d'autres règles que le missel ; le rituel avait procédé d'une source plus disparate encore ; le pontifical, conservé romain dans la plupart des diocèses, était en désaccord flagrant avec ces nouveaux livres ; le martyrologe si souvent en opposition avec le calendrier des nouveaux missels et bréviaires n'était plus, pour ainsi dire, en usage, si ce n'est dans ces rares diocèses où on avait eu du temps de reste pour le refaire ; le cérémonial enfin, oublié et méconnu, n'était plus suivi, et un grand nombre de nos églises étaient devenues, pour les cérémonies, le théâtre d'une anarchie qui avait dévoré et les usages de Rome, et jusqu'à ces rites antiques qui faisaient depuis tant de siècles, la gloire de nos cathédrales.

 

Le retour aux anciens livres de la Liturgie rendra à la science du culte divin toute sa splendeur et toute sa vie, et nous aimons à espérer qu'un mouvement semblable à celui qui signala dans l'Église de France la première moitié du XVIIe siècle, viendra réjouir le XIXe. Ce fut après des jours de confusion liturgique, occasionnée par la facilité avec laquelle les nouveaux livres pour le service divin se multipliaient, que saint Pie V, par la publication du Bréviaire et du Missel, Grégoire XIII par l'édition du Martyrologe, Clément VIII par celles du Pontifical et du Cérémonial, Paul V, par l'inauguration du Rituel, rétablirent avec un nouvel éclat les sacrés rites, en leur assurant la stabilité par l'uniformité. Ces grands Pontifes remédièrent ainsi à la perturbation du culte divin qu'on avait à déplorer dans un si grand nombre de lieux, et firent cesser dans le clergé l'ignorance des cérémonies et des rites ecclésiastiques qui était cause que d'innombrables ministres des églises s'acquittaient de leurs fonctions avec indécence, et au grand scandale des pieux fidèles.

 

Mais cette réforme des habitudes liturgiques ne devait s'opérer qu'avec une certaine lenteur. On en fut redevable en France, aux livres de la Liturgie romaine, décrétés par le concile de Trente, et au zèle des hommes que Dieu, suscita pour procurer l'application des règles prescrites dans ces livres. Ce que saint Charles avait opéré dans ses conciles de Milan pour la réforme du service divin, fut accompli à Paris, et de là dans toute la France, par trois prêtres qui avaient reçu d'en haut la mission de régénérer le clergé : saint Vincent de Paul, Olier et Bourdoise. Tous trois se vouèrent au rétablissement de la Liturgie au moyen des livres romains saint Vincent de Paul, par sa congrégation de la Mission qui a mérité l'honneur d'être chargée d'office, par les papes, de veiller au maintien des traditions du saint Sacrifice, jusque dans Rome même ; Olier, par sa société des prêtres de Saint-Sulpice, et ses écrits dans lesquels on trouve une si profonde et si exquise connaissance des textes liturgiques et des mystères qu'ils contiennent ; Bourdoise par son séminaire de Saint-Nicolas-du-Chardonnet, dont une des fins principales était de relever les traditions du service divin. On se rappelle les résistances que, sous les archevêques de Harlay et de Vintimille, les communautés de Saint-Sulpice et de Saint-Nicolas opposèrent à l’introduction de la Liturgie parisienne dans leurs églises, au sein desquelles la Liturgie romaine si exactement pratiquée avait exercé une si salutaire influence sur l'Église de France tout entière.

 

Outre son admirable Traité des saints ordres, emprunté à la plus saine doctrine du Pontifical romain, et son Explication des cérémonies de la grand'messe, Olier a laissé dans ses autres écrits, tant imprimés que manuscrits, d'innombrables preuves de sa connaissance profonde des livres liturgiques. Il les cite sans cesse et leur fait de continuelles allusions. L'éducation cléricale, comme il la comprenait, devait former dans le prêtre un homme aussi plein de l'esprit des formules sacrées que remarquable par sa précision dans l'accomplissement des rites. Un de ses grands moyens pour régénérer son immense paroisse fut le rétablissement d'un service liturgique complet à Saint-Sulpice. On peut voir les détails dans l'excellente Vie de M. Olier, par M. l'abbé Faillon. Cet esprit se maintint dans la compagnie de Saint-Sulpice, après la mort d'Olier ; et Tronson, l'un de ses disciples et l'un de ses successeurs, insiste, dans ses Examens particuliers, sur l'obligation qu'ont les clercs d'avoir le cœur tout pénétré des avantages, de l'excellence et des beautés de l'office divin. (Examen 126.) Ailleurs il montre combien c'est une chose honteuse de voir des ecclésiastiques, dans un chœur et en surplis, ne savoir pas annoncer une antienne, ou entonner un psaume (Examen 15.); et combien il est déplorable que des laïques et des paysans, revêtus de chapes, chantent les saints offices, parce que les ecclésiastiques ne savent pas chanter, ou ne s'en veulent pas donner la peine.

 

On peut se faire une idée de la désolation dans laquelle était l'Eglise de France, sous le rapport du service divin, par ces paroles de Bourdoise : "Vous ne voyez presque point, et j'ose dire point du tout, d'église dans le royaume, ou, pour le moins, je n'en ai jamais vu, ni entendu dire qu'il y en eût, où le service divin et toutes les choses qui regardent le bon ordre, les rubriques et les cérémonies, ou les vêtements et les ornements, tant des personnes que des autels, soient réglés et pratiqués selon les cérémoniaux et les règles de l'Eglise. Un de mes désirs serait de voir une église particulière, réglée, ornée, meublée et desservie selon que l'Eglise le veut et l'ordonne ; de sorte qu'il ne s'y fît rien et qu'il ne s'y vît aucune chose dont on ne pût rendre la raison, et dire par quelle règle elle s'y ferait ; et qu'ainsi cette église pût être la règle des autres. La vie d'un homme ne serait pas mal employée à ce bel ouvrage." (Sentences chrétiennes et ecclésiastiques de M. Adrien Bourdoise. Des fonctions ecclésiastiques, n. 1, pag. 22.)

 

Sans doute, nous n'avons pas à déplorer aujourd'hui un aussi triste abandon du service divin que celui qui affligeait les regards, au commencement du XVIIe siècle, dans l'Église de France ; mais on ne saurait nier, cependant, que la science liturgique ne fût tombée dans une décadence fâcheuse qui ressemblait presque à une extinction. La plus éloquente preuve de ce fait, et sans doute la moins odieuse, se trouve naturellement dans la rareté des travaux publiés sur cette science, depuis un siècle, par des auteurs français. On peut revoir la statistique littéraire que nous avons donnée dans la première partie de ces Institutions, et faire la comparaison avec les siècles précédents ; autant l'Église de France avait brillé par ses profonds liturgistes, autant sa renommée en cette branche de la science ecclésiastique est-elle anéantie aujourd'hui. Et pourtant, depuis les premiers siècles du christianisme, aucune contrée n'avait autant produit de livres liturgiques que la France en a publié depuis l'ouverture du XVIIIe siècle !

 

Comment expliquera-t-on cet étrange phénomène, si ce n'est en convenant que l'incertitude des livres liturgiques, leur mobilité, leurs variations, les ont privés de cette solidité, de cette gravité, de cette doctrine, et partant, de cette considération que doit réunir un texte qui est appelé à servir de base à une science ? Que pouvait-on aller chercher dans des livres dont rien ne garantissait la permanence, et qui se montraient rédigés d'après un plan individuel, comme tout autre livre, exposés à la critique, à la concurrence, à toutes les phases de gloire ou d'ignominie, selon les caprices de la mode ?

 

Certes, quand l'un des auteurs de la Liturgie parisienne, le janséniste Mésenguy, simple acolyte, définissait ainsi l'un des principaux livres liturgiques, le Bréviaire : "Un recueil de prières, de louanges, d'actions de grâces, et d'instructions publiées par l'autorité épiscopale ; et un ouvrage d'esprit, qu'un ou plusieurs particuliers ont composé suivant leur génie, leurs vues, leur goût, et certaines règles qu'ils se sont prescrites" (Lettres sur les nouveaux bréviaires, pag. 1.) ; il était inutile de songer davantage à interroger, pour avoir l'intelligence d'un tel livre, et les saints Pères, et les commentateurs des rites sacrés, et les monuments du service divin dans les diverses églises. La science liturgique périssait du même coup que la Liturgie elle-même.

 

Au contraire, en s'appuyant sur les textes séculaires et autorisés, en compulsant avec zèle les livres antiques et inviolables de la liturgie romaine, on arrivera bientôt à se remettre en rapport avec la pensée de l'Église dans le culte qu'elle rend à Dieu. La lumière de la foi deviendra plus brillante, la charité plus ardente, et les devoirs de la religion seront remplis avec cette onction que l'Apôtre exprime, quand il dit : Psallam spiritu, psallam et mente.

 

Cette étude fera disparaître l'indifférence et l'ennui qu'on se plaint trop souvent d'éprouver en accomplissant les fonctions saintes. La psalmodie reprendra ces charmes divins qui séduisaient jusqu'au peuple même dans l'antiquité. Le chant de l'Église à la régénération duquel tout le monde aspire ne se fera plus entendre sans que le prêtre et le lévite y président, ou y mêlent leur voix intelligente, Psallite sapienter. L'administration des sacrements accomplie avec l'émotion qu'inspirent tous les mystères qui l'accompagnent, et devenue plus féconde pour l'édification des peuples, payera avec usure, par les consolations et les grâces qu'elle répandra sur le ministre, les soins que celui-ci aura pris pour se nourrir des formules sacrées du Rituel. Les clercs n'iront plus à l'ordination sans avoir longuement étudié, et sans posséder à fond la doctrine si élevée, la haute théologie, que renferment les pages sublimes du Pontifical. On ne montera point à l'autel sans posséder avec plénitude le canon de la messe qui contient avec tant d'autorité la doctrine du sacrifice chrétien ; le nouveau prêtre l'aura longuement médité, avec tous les secours d'un enseignement spécial, avant de s'ingérer à en répéter les formidables paroles, à en exécuter les rites profonds. On ne verra plus cet étrange phénomène, qui n'est peut-être pas rare, d'un prêtre qui savait la langue latine, dans le cours de ses humanités et de sa théologie, et qui, vingt ans après, se trouve l'avoir à peu près oubliée, quoiqu'il n'ait pas passé un seul jour sans lire des prières latines pendant une ou plusieurs heures. Les mystères du grand Sacrifice, des Sacrements, des Sacramentaux, les phases du cycle chrétien si fécondes en grâces et en lumières, les cérémonies, cette langue sublime que l'Église parle à Dieu devant les hommes ; toutes ces merveilles, en un mot, redeviendront familières au peuple fidèle. L'instruction catholique sera encore pour les masses le grand et sublime intérêt qui dominera tous les autres, et le monde en reviendra à comprendre que la religion est le premier des biens pour l'individu, la famille, la cité, la nation, et pour la race humaine tout entière.

 

Le zèle pour le service divin, alimenté par l'étude constante des livres liturgiques, s'enflammera de plus en plus. Les fonctions saintes, préparées sérieusement, ne s'accompliront plus avec ces incorrections qui montrent trop souvent que, loin de pénétrer les intentions de l'Église dans les rubriques qu'elle impose, c'est à peine si on a effleuré de l'œil ces mêmes rubriques, au moment même où le devoir exige qu'on les exécute.  Les ministres du tabernacle ancien qui n'avaient à traiter que des ombres et des figures, ne condamneront plus, par leur fidélité inviolable aux prescriptions du Lévitique, la négligence et l'incurie des ministres de ce nouveau Tabernacle qui contient la réalisation de symboles plus riches encore que ceux de l'ancienne alliance. On n'entendra plus les protestants faire à notre désavantage le parallèle de la gravité et de l'intelligence avec laquelle leurs ministres récitent des formules si pauvres d'onction et si vides de mystères, avec la sécheresse, la routine et la précipitation, qui paraissent trop souvent chez nous dans l'accomplissement de nos saintes cérémonies, dans la prononciation de nos sublimes prières.

 

Espérons qu'un jour il nous sera donné de revoir ces temps de religieuse fidélité au culte divin, dans lesquels on enregistrait comme un événement, une simple faute commise par l'officiant, contre les règles du chant, dans le cours d'une fonction solennelle ; que le peuple fidèle heureusement déshabitué de ces lectures qui l'empêchent d'unir sa voix au chant de l'Église, et de s'instruire, comme de s'édifier, par le pieux spectacle des cérémonies, suivra d'un œil intelligent et religieux tous ces rites qui sont destinés à le ravir à la contemplation des choses invisibles ; que des cérémonies plus rares, mais cependant très importantes, par exemple celle de la dédicace d'une église, n'auront plus lieu au sein d'une population catholique, sans avoir été expliquées au peuple par ceux qui ont la charge de l'instruire, et d'après des traditions sûres et vraiment ecclésiastiques ; nous avons entendu donner, en pareille circonstance, l'explication des deux alphabets que l'évêque trace sur le pavé de l'église, dans la cérémonie de la dédicace. On disait que ces deux alphabets représentaient l'union des deux Églises, grecque et latine. Ces deux Églises cependant sont séparées depuis bien des siècles, et d'ailleurs l'orateur eût été fort embarrassé de son symbolisme, si on lui eût dit que, autrefois, on joignait un troisième alphabet (l'alphabet hébreu) aux deux premiers ; car enfin, il faut croire qu'il n'eût pas été jusqu'à voir, dans cet usage, le symbole de l'union de la synagogue avec l'Eglise.

 

L'on se fera gloire d'imiter enfin le grand exemple du sérieux et de la précision dans l'exercice de la Liturgie que nous présente saint Charles Borromée, dans sa vie tout entière. Cet admirable pontife, ayant sa ville et son diocèse partagés entre des églises du rite ambrosien et d'autres soumises au rite romain, célébrait les fonctions liturgiques dans les unes et les autres, malgré la dissemblance profonde des formules et des cérémonies, avec une exactitude et une correction qui ne firent jamais défaut. On peut se faire une idée de la vaste science des rites sacrés que possédait cet illustre archevêque dont l'influence a été si grande pour la réformation de l'Église; si l'on veut parcourir ses conciles, ses exhortations, et les livres liturgiques qu'il a publiés, à chaque page, on trouvera le pontife, dévoré du zèle de la maison de Dieu, et nourri des plus pures traditions de l'antiquité.

 

L'étude assidue des livres liturgiques nous rendra tous ces biens ; or ces livres, nous l'avons dit, sont principalement ceux de l'Église romaine, les seuls à la portée du grand nombre, et dont l'antiquité et l'autorité soient sans égales dans toute l'Église. Les livres de l'Église de Milan, de l'Église gothique d'Espagne, ou des Églises orientales sont inaccessibles à la plupart de nos lecteurs ; quant aux modernes Liturgies françaises, personne n'a jamais songé à les considérer comme le dépôt des traditions antiques. On en a souvent parlé avec éloges ; on a vanté le style et l'ordre de ces compositions ; jamais on ne les a proclamées comme la source de la doctrine liturgique. Que les clercs qui doivent s'en servir encore, en usent donc, selon la tolérance du Saint-Siège ; mais s'ils aspirent à la science liturgique, qu'ils la demandent aux livres de l'Église romaine.  

 

DOM GUÉRANGER INSTITUTIONS LITURGIQUES : DEUXIÈME PARTIE : LES LIVRES DE LA LITURGIE ; CHAPITRE I : IMPORTANCE DES LIVRES DE LA LITURGIE DANS L'ÉTUDE DE LA SCIENCE LITURGIQUE.

 

L'Allégorie de la Religion, Eglon van der Neer

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12 juillet 2012 4 12 /07 /juillet /2012 11:30

Il est temps de clore cette histoire générale de la Liturgie, et ce volume, par la bibliothèque des auteurs liturgistes qui ont fleuri ou fleurissent en ce XIXe siècle.

 

(1802). Nous ouvrons notre liste par l'ouvrage suivant, composition anonyme et plus que médiocre ; mais les ouvrages français publiés en ce siècle sur les matières liturgiques sont en si petit nombre, que nous ne nous permettrions pas d'omettre un seul de ceux qui sont venus à notre connaissance. Il est intitulé : Manuel catholique pour l'intelligence de l'office divin. Paris,  1802, in-12.

(1803). Dufaud, ancien doctrinaire, digne successeur des Foinard et des Grancolas, enfanta, dans les premières années de ce siècle, une nouvelle utopie liturgique dont la réalisation n'exigeait rien moins que la destruction de tous les systèmes de prière ecclésiastique suivis depuis dix-huit siècles. Dufaud jugea à propos de faire imprimer son projet, à l'usage de la commission liturgique dont nous avons parlé ci-dessus. Il lui donna ce titre : Essai d'un nouveau calendrier liturgique, ou classification nouvelle et raisonnée des fêtes pour tout le cours de l’année chrétienne. Paris, 1803, in-8°.

(1804). Louis-Vincent Cassitto, dominicain, a publié l'ouvrage suivant : Liturgia domenicana spiegata in tutte le sueparti. 1804. Naples, 2 vol. in-12.

 

(1805). Léonard Adami, avocat romain, a rendu un grand service à la science de la Liturgie et des antiquités ecclésiastiques, par les précieuses annotations dont il a enrichi le Diario sacro du jésuite Joseph Mariano Partenio, dont le vrai nom est Mazzolari. Ces annotations, qui font tout le mérite scientifique de cet ouvrage, ne se trouvent que  dans la seule  édition de  1805. Rome, 7 vol. in-12.

(1805). Alphonse Muzzarelli, ancien jésuite, théologien de la sacrée Pénitencerie, si connu par ses nombreux et savants opuscules, a donné une dissertation intéressante sur le culte du Sacré-Cœur de Jésus. Nous avons encore de lui : Observationes super annotationibus S. fidei pro-motoris super extensione festi atque approbatione officii et misses propriœ in honorera S. Cordis Deiparœ V. M.

(1806). Walraff, docteur allemand, a publié le précieux recueil intitulé : Corolla hymnorum sacrorum publicœ devotioni inservientium. Veteres electi sed mendis quibus iteratis in editionibus scatebant detersi, strophis adaucti. Novi adsumpti, récentes primum inserti. Cologne, 1806, in-8°.

 

(1810). Menne, ecclésiastique allemand, est auteur de , l'ouvrage suivant : Die Liturgie der Kirche systemat. abgehandelt.— La Liturgie de l'Église systématiquement traitée. Augsbourg, 1810, 3 vol. in-8°.

(1810). Le chevalier Artaud, qui, plus tard, a donné au public l'histoire de Pie VII, ouvrage curieux quoique fort incomplet, publia en cette année un livre intitulé : Voyage dans les catacombes de Rome. Paris, in-8°. Nous mentionnons ce livre superficiel et rempli d'inconvenances de plus d'une sorte, par cette seule raison que nous nous sommes jusqu'ici imposé la tâche de produire la succession des auteurs qui ont traité des monuments de Rome souterraine, dont la description et l'appréciation importent si fort à la science liturgique.

(1810). J.-B. Louis-Georges Seroux d’Agincourt, ce généreux archéologue qui s'en vint à Rome pour y passer six mois et y demeura cinquante ans, a élevé un monument à la science liturgique, aussi bien qu'à la science archéologique en général, dans le grand ouvrage auquel il sacrifia toute sa fortune.  Tout le monde sait qu'il est intitulé : Histoire de l’Art par les monuments, depuis sa décadence au Ve siècle, jusqu'à son renouvellement au XVe siècle, 3 vol. in-f° avec 325 planches. Paris, 1810-1823. Les monuments liturgiques sont innombrables dans cette collection, et pour ce qui est des antiquités de Rome souterraine, d'Agincourt a l'honneur d'avoir le premier senti toute la valeur des peintures des catacombes, et fixé le point de départ de l'iconographie chrétienne, en assignant aux IIe et IIIe siècles la décoration de plusieurs des fresques de divers cimetières.

 

(1811). Alexandre-Etienne Choron, musicien célèbre, publia en cette année une brochure intitulée : Considérations sur la nécessité de rétablir le chant de L’Église de Rome dans toutes les églises de l'Empire français. Paris, 1811, in-8°. L'auteur justifie sa préférence pour le chant grégorien, par la supériorité de ce chant sur tous les autres qui n'en sont que des imitations généralement défectueuses ; par l'origine même de ce chant qui se trouve être le seul débris, si défiguré qu'il soit, de la musique des Grecs et des Romains ; enfin, par l'utilité dont le rétablissement de ce chant peut être pour l'art musical, les compositeurs du XVIe siècle ayant tous, sans exception, choisi les morceaux grégoriens pour thème de leurs compositions. La place nous manque pour faire connaître et pour apprécier les propres travaux de Choron sur le chant ecclésiastique ; mais l'occasion se présentera d'y revenir.

 

( 1816). Augustin Albergotti, évêque d'Arezzo, a donné un livre assez médiocre sous ce titre : La divina Salmodia secondo Vantica e nuova disciplina della Chiesa. Sienne, 1816, in-12.

(1816).  Antoine-Joseph Binterim, mineur observantin, curé de Bilk au diocèse de Cologne, et courageux confesseur de la liberté de l'Église, dans la cause de son glorieux archevêque Clément-Auguste, publia, en 1816, l'ouvrage suivant :  Commentatio historico-critica de libris baptizatorum, conjugatorum et defunctorum antiquis et novis, de eorum fatis ac hodierno usu. Dusseldorf, in-8°. Mais son principal travail sur la science liturgique est l'ouvrage suivant : Die vorzüglichsten Denkwurdigkeiten der christ-catholischen Kirche, aus den ersten, mittlern und letzen Zeiten. — Les principaux monuments de L’Église chrétienne-catholique, des premiers siècles, du moyen âge et des temps modernes. Mayence, 1825-1833, 7 volumes en 16 tomes in-8°. Binterim,dans cet ouvrage où l'on retrouve l'érudition dont il a fait preuve dans ses innombrables écrits, mais aussi peut-être ce défaut de critique qu'on lui a quelquefois reproché, s'est proposé de refaire en grand l'excellent ouvrage de Pellicia, dont nous avons parlé ci-dessus, et que tout le monde connaît sous ce titre : De christianœ Ecclesiœ, primae, medice et novissimœ œtatis politia.

 

(1817). L'abbé Poussou de la Rozière fit imprimer en cette année un Mémoire sur la Liturgie, que cet auteur défend avec vivacité dans une lettre insérée dans l'Ami de la Religion. Cette utopie est assez semblable à celle de Dufaud, et vient accroître le nombre des tristes manifestations de l'esprit d'anarchie en matière liturgique.

(1817). Ziegler, bénédictin, évêque de Lintz, est connu par l'ouvrage qu'il a donné sous ce titre : Heiligen Firmung der katholischen Kirche. — La solennité de la sainte Confirmation dans l'Église catholique. Vienne, 1817, in-4°.

(1817). Jean-Christian-Guillaume Augusti, illustre docteur protestant, a rendu un service signalé à la science liturgique, en publiant le grand et bel ouvrage intitulé : Denkwürdigkeiten aus der christlichen Archäologie. — Mémoires d'Archéologie chrétienne. Leipsik, 1817-1823. 6 vol. in-8°. 

(1817). Auguste-Jacques Rambach, docteur luthérien, a pareillement mérité de la Liturgie, en publiant la compilation qui porte ce titre : Anthologie christlicher Gesange aus allen Jahrhunderten der Kirche. — Anthologie de chants chrétiens de tous les siècles de l'Église. Leipsik, 1817, in-8°. Ce volume renferme les principales hymnes grecques et latines recueillies religieusement par Rambach. Il a été suivi de plusieurs autres qui contiennent les cantiques protestants de l'Allemagne, depuis Luther.

 

(1818). Le docteur Bjorn, Danois, s'est occupé de travaux sur l'hymnographie, et a publié comme Rambach une collection d'hymnes à laquelle il a donné ce titre : Hymni veterum poetarum christianorum Ecclesiœ latinœ selecti. Copenhague, 1818, in-8°.

(1819). Fr. Brenner, chanoine de la cathédrale de Bamberg, a fait paraître l'ouvrage suivant, dans lequel il professe les sentiments de l'école rationaliste à laquelle il appartient : Geschichte über die Administration der hl. Sakramente. — Histoire de l'administration des Saints Sacrements. La première partie, qui renferme le Baptême, la Confirmation et l'Eucharistie, a paru à Bamberg, 1819-1824. 3 vol. in-8°.

(1819). Frédéric Münter, évêque de Seeland en Danemark, nous appartient pour son savant opuscule publié à Copenhague, en 1819 ( 36 pag. in-4°), et intitulé : Symbola veteris Ecclesiœ, artis operibus expressa. L'auteur y traite de vingt-quatre des principaux symboles du christianisme. Il s'est exercé de nouveau sur le même sujet, avec plus d'étendue, sous ce titre : Sinnbilder und Kunstvorstellungen der alten christen. — Images symboliques et représentations figurées des anciens chrétiens. Altona, 1825, parties I et II, in-4°.

 

(1820). J. Michel Sailer, le saint et savant évêque de Ratisbonne, compte parmi ses nombreux ouvrages plusieurs compositions sur les matières de la Liturgie. Nous citerons, entre autres, Geist und Kraft der kathol. Liturgie. — Esprit et vertu de la Liturgie catholique. Munich, 1820, in-12. Nous devons mentionner aussi l'ouvrage suivant : Gedanken von der Abanderung des Breviers. — Réflexions sur le changement de bréviaire, avec les remarques de F. X. Christman. Ulm, 1792, in-8°.

(1822). Fr. Grundmayr, docteur catholique, a donné, entre autres écrits liturgiques, Liturg. Lexicon der römischkathol. Kirchen Gebrauche. — Lexique liturgique des usages de l'Église catholique romaine. Augsbourg, 1822, grand -in-8°.

 

(1824). Le docteur Jean Labus, savant milanais, est connu dans la science de l'archéologie catholique, par un grand nombre de dissertations, imprimées les unes à part, les autres dans des recueils périodiques ou académiques. Les Fasti della Chiesa, ou Vies des Saints pour tous les jours de l'année, qui ont paru à Milan, 12 vol. in-8°, 1824 et années suivantes, sont remplis de notes fournies par Labus, et presque toutes d'un grand intérêt pour les amateurs des origines liturgiques.

(1824). Louis Gardellini, assesseur de la Congrégation des Rites et sous-promoteur de la Foi, a dirigé l'impression des Décrets authentiques de la Congrégation des Rites. Cette collection si importante a paru à Rome en 7 vol. in-4° (1824-1826). L'impression du huitième n'est pas achevée. L'auteur, que la science liturgique a perdu depuis, avait commencé dans le septième volume à fortifier son texte de notes excellentes; ce plan paraît avoir été adopté par son successeur, dans les cent trente premières pages du huitième volume, qui ont déjà été livrées à l'empressement du public.

 

(1825). Fornici, ecclésiastique romain, a donné, pour l'usage du séminaire romain, l'ouvrage suivant qui est tout à fait élémentaire : Institutiones liturgicœ ad usum seminarii romani. Rome, 1825, 3 vol. in-12.  

(1826). J. A. Gall, évêque d'Augsbourg, est auteur du livre intitulé : Andachtsübungen, Gebrauche u. Ceremonien der Kirchen. — Pratiques, usages et cérémonies de l'Église. Augsbourg, 1826, in-8°.

 

(1829). F. R. J. Antony, docteur allemand, a publié l'ouvrage intitulé : Archaolog-liturgisches Lehrbuch des gregorianischcn Kirchengesangs. — Institutions archéologico-liturgiques sur le chant ecclésiastique grégorien. Munster, 1829, in-4°. — Nous citerons à ce propos le livre du docteur Hoffmann de Falersleben, professeur à l'Université de Breslau, quoique nous n'ayons pu encore nous le procurer. En voici le titre : Geschichte des katholischen Kirchenliedes in Deutschland. — Histoire du chant religieux catholique en Allemagne.    

(1829). André Müller,  chanoine de Wurtzbourg, est connu par Lexicon des Kirchenrechts und der  romisch . kathol.  Liturgie. —  Dictionnaire de  droit ecclésiastique et de Liturgie catholique-romaine.  Wurtzbourg, 1829-1832. 5 vol. in-8°.

(1829). Theobald Lienhart, supérieur du séminaire de Strasbourg, est connu dans le monde liturgique par l'ouvrage suivant : De antiquis Liturgiis et de disciplina arcani. Strasbourg, 1829, in-8.

(1829). J.-B. Salgues, ancien doctrinaire, fameux par plusieurs ouvrages dont l'esprit et le ton contrastent grandement avec les habitudes de son premier état, appartient à notre bibliothèque par le livre intitulé : De la littérature des offices divins. Paris, 1829, in-8. L'auteur y professe la plus expansive admiration pour les nouvelles hymnes et proses, et aussi le plus grotesque dédain pour les œuvres de la poésie catholique. Sous ce point de vue, l'ouvrage est monumental.

 

(1830). Toussaint-Joseph Romsée, autrefois professeur de Liturgie au séminaire de Liège, a donné divers traités de Liturgie pratique, assez médiocres, qui ont été réunis ensemble dans l'édition complète de ses œuvres, donnée à Malines, 1839, 5 tomes in-12.    

(1830). Ambroise Guillois, curé de Notre-Dame du Pré, au Mans, a fait paraître, vers cette année, un petit ouvrage intitulé : Le Sacrifice de l'Autel, ou explication des cérémonies de la messe solennelle. Le Mans, 2 vol. in-18.

(1830). Un ecclésiastique de Rouen, qui a gardé l'anonyme, prit, en cette même année, la défense des nouveaux bréviaires de France, à l'occasion de la controverse soulevée par le Mémorial catholique. Son ouvrage est intitulé : Dissertation sur la légitimité des bréviaires de France, et du Bréviaire de Rouen en particulier. Rouen, in-8.

 

(1832). J.-L. Locherer, docteur allemand, a donné l'ouvrage qui suit : Lehrbuch der christkirchlichen Archäologie. — Institutions d'archéologie chrétienne et ecclésiastique. Francfort, 1832, in-8.

(1832). J. Dobrowsky est auteur d'un ouvrage intitulé: Ueber den Ursprung der romisch-slavischen Liturgie.— Sur l’origine de la Liturgie romaine-slave. Prague. 1832, in-8.

(1832). William Palmer, professeur au collège de Worcester, s'est occupé de la science liturgique sous le point de vue anglican : Origines Liturgicœ, or Antiquities of the Englisch Ritual, and a dissertation on primitive Liturgies. — Origines Liturgicœ, ou Antiquités du rituel anglais, et dissertation sur la Liturgie primitive.

 

(1833). Jean England, évêque de Charlestown, a fait paraître le livre intitulé : Explanation of the Ceremonies of the holy Weeck. — Explication des cérémonies de la  Semaine sainte. Rome, in-12.

(1833). Joseph Settele, professeur au collège de la Sapience, à Rome, et profond archéologue, a donné cette année un  savant  opuscule sur les  Stations  de Rome intitulé : Notizie compendiose délie sagre Stazioni e Chiese Stazionali di Roma. Rome, 1833, in-12. Nous lui devons en outre un excellent mémoire, sur  l’importance des monuments chrétiens des Catacombes, qui se trouve au second tome des Atti dell’Accademia Romana d'archeologia, et plusieurs autres dissertations sur des sujets analogues dans la même collection.

 

(1834). Joseph Marzohl, aumônier de l'hôpital du Saint-Esprit, à Lucerne, et Joseph Schneller, membre de la Société historique de la Suisse, publient en ce moment un ouvrage plein d'érudition, intitulé : Liturgia sacra, oder die Gebrauche und Alterthümer der katholischen Kirche, sammt ihrer hohen Bedeutung nachgewiesen aus den Schriften der frühesten Jahrhunderte, und aus andern beivahrten Urkunden und seltenen Kodizen. — Liturgia sacra, ou les Usages et Antiquités de l'Église catholique, avec leur haute signification d'après les saintes Écritures, et les écrits des premiers siècles, et autres monuments authentiques et manuscrits rares. Lucerne, 1834-1841, in-8, 4 volumes ont déjà paru.

(1834). Un anonyme italien, qui prend le nom de Filadelfo, a publié un curieux ouvrage de Liturgie pratique, sous ce titre : Ritonomia ecclesiastica ; la scienza dei sacri riti discussa canonicamente, e decisa moralmente. Lucques, 1834, 2 gros volumes in-18.

(1834). Jean Diclich, prêtre vénitien, est auteur d'un Dizionario sacro-liturgico, qui renferme plusieurs choses intéressantes. La troisième édition, la seule que nous connaissions, est de Venise, 1834. 4 vol. in-8.

(1834). Philbert, l'un des rédacteurs de la Biographie universelle, appartient à notre bibliothèque par un Manuel des Fêtes et Solennités, publié à Paris, 1834, in-16.

(1834). L'abbé Pascal, prêtre du diocèse de Mende, a fait paraître, en cette année, un livre intitulé : Entretiens sur la Liturgie ; nouvelle explication des prières et cérémonies du Saint Sacrifice, suivie de la lettre curieuse de Dom Cl. de Vert au ministre Jurieu, sur les paroles et les actions du prêtre à l'autel, et d'une Mosaïque sacrée ou Ordinaire de Messe composé de fragments de divers rites du monde catholique. Paris, in-12. L'auteur promet depuis longtemps, sous le titre de Rational liturgique, un ouvrage qui fera faire, sans doute, un grand pas à la science, et dont la publication est vivement désirée.

 

(1835). L'abbé Lecourtier, curé des Missions étrangères, puis Théologal de Notre-Dame de Paris, publia, en 1835, un Manuel de la Messe, ou Explication des prières et des cérémonies du Saint Sacrifice. Paris, in-18. Il a donné, l'année suivante, deux volumes in-18, sous ce titre : Explication des Messes de l'Eucologe de Paris. 2 vol. in-18.

(1835). Antoine-Adalbert Hnogek, professeur au séminaire de Leimeritz, en Bohême, s'est fait connaître par son livre intitulé : Christkatholische Liturgie.— Liturgie chrétienne-catholique. Prague, 1835-1837.L'ouvrage aura trois volumes, dont deux seulement ont paru.

(1835). Staudenmaier,docteur catholique, a fait paraître à Mayence l'ouvrage suivant : Geist des Christenthumes dargestellt in den hl. Zeiten, in den hl. Handenlungen, und in der hl. Kunst. — L'Esprit du christianisme exposé dans les saints Temps, les saintes Cérémonies et l’Art saint. 1835, in-8.

(1835). Nickel, prêtre catholique, comme le précédent, a donné l'ouvrage suivant, imprimé pareillement à Mayence : Die heiligen Zeiten und Feste nach ihrer Geschichte und Feier. — Les saints Temps et les Fêtes d'après leur histoire et solennité. 1835, in-8. : (1835). François-Xavier Schmid, curé dans le diocèse de Passau, est auteur de l'excellent livre intitulé: Liturgik der  christkatholischen Religion. —  Liturgique de la Religion  catholique. Passau, 1835,  in-8.  La troisième édition se publie maintenant par livraisons, dont la première est de 1840.  Il a publié, en outre : Grundrisz der Liturgik. — Plan de la Liturgique, Passau, 1836, in-8.

 

(1836). C. Chiral, curé de Neuville-l'Archevêque, au diocèse de Lyon, a donné : Esprit des cérémonies de l'Église. Lyon, 1836, in-12.

(1836). A. Welby Pugin, professeur d'antiquités ecclésiastiques au collège catholique de Sainte-Marie d'Oscott, a puissamment avancé la régénération de l'art catholique en Angleterre, par la publication de plusieurs recueils de monuments accompagnés de planches. Nous citerons le plus piquant et le plus populaire de tous. Il est intitulé : Contrasts, or a parallel belwen the noble édifices of the fourteenth and fitteenth centuries, and similar buildings of the present day; shewing the présent decay of taste. — Contrastes, ou Parallèles des nobles édifices du XIVe et XVe siècles, et les bâtiments actuels du même genre, faisant voir la décadence du goût. Londres, 1836, in-4. Pugin traite en particulier des églises, autels, tombeaux, habits sacerdotaux, etc.

 

(1837). Le  vicomte  Walsh est auteur de l'ouvrage suivant : Tableau des fêtes chrétiennes. Paris, 1837, in-8.

(1837). Raoul Rochette, savant archéologue, connu par 1 d'importantes publications sur l'art antique, a abordé depuis avec succès la matière des antiquités de Rome souterraine. Plusieurs dissertations sur ce sujet insérées dans les Mémoires de l'Académie des inscriptions et belles-lettres, ont annoncé un homme rempli d'érudition et de sagacité. Il est à regretter qu'une plus intime connaissance de l'antiquité chrétienne proprement dite lui ait manqué ; ce qui l'a entraîné dans quelques écarts. Ces inconvénients ont presque entièrement disparu dans l'excellent petit volume que l'auteur a donné, en 1837, sous ce titre : Tableau des Catacombes de Rome, in-12, Raoul Rochette avait publié, en 1834, un Discours sur l'origine, le développement et le caractère des types imitatifs qui constituent l’Art du christianisme. Paris, in-8. Cet opuscule remarquable, comme toutes les publications de l'auteur, pourrait être avantageusement modifié en la manière que l'ont été ses dissertations sur les antiquités des cryptes romaines.

 

(1838). En cette année a paru à Leipsik, sous le nom d'un écrivain allemand nommé Murait, l'ouvrage suivant : Briefe uber den Gottesdienst der morgenlandischen Kirche. — Lettre sur le Service divin de l'Église orientale. C'est une traduction de l'ouvrage russe d'André Nicolaiewitsch Murawieff.

(1839). L'abbé Charvoz a publié un petit volume sous ce titre : Précis d'Antiquités liturgiques, ou le Culte aux premiers siècles de l'Église. Lyon,  183g, in-12.

(1839). François de Schwinghannb est auteur d'un opuscule intitulé : Ueber Kirchensprache und Landessprache in der Liturgie. — Sur la langue de l'Église et la langue nationale dans la Liturgie. Lintz, in-12.

(1839). L'abbé Cousseau, chanoine de la cathédrale de Poitiers, s'est fait connaître dans la science liturgique par un Mémoire sur l'auteur du Te Deum, qu'il attribue à saint Hilaire. Nous avons parlé ailleurs de cet opuscule, qui est, au reste, d'une dimension fort restreinte. L'année suivante, l'auteur a donné un second Mémoire, mais plus sérieux, sur l'ancienne Liturgie du diocèse de Poitiers, et sur les monuments qui nous en restent. In-8. Il est à regretter que ce travail vraiment remarquable porte trop souvent la trace des préjugés que l'oubli presque général de la véritable histoire de la Liturgie a rendus si communs de nos jours.

 

(1840). Joseph Kehrein, professeur au gymnase de Mayence, a publié, en cette année, le recueil suivant : Lateinische Anthologie aus den christlichen Dichtern des Mittelalters. — Anthologie latine des Poètes chrétiens du moyen âge. Francfort, 1840, in-8. Ce recueil est destiné  aux gymnases et lycées catholiques. Le premier volume, le seul qui soit venu à notre connaissance, renferme les hymnes des huit premiers siècles de l'Église. Le temps viendra sans doute aussi où dans nos petits séminaires de France on étudiera les bonnes vieilles hymnes catholiques.

(1840). Daniel Rock, prêtre catholique anglais, est auteur d'un ouvrage remarquable qui a paru à Londres sous ce titre : Hierurgia; or the holy Sacrifice of the Mass. —  Hierurgia, ou le saint Sacrifice de la Messe. 2 vol. in-8.

 

(1841). Nous rattachons à cette année les Conférences sur les cérémonies de la Semaine Sainte à Rome, par Monseigneur Nicolas Wiseman, évêque de Mellipotamos et vicaire apostolique en Angleterre. Le livre est en anglais, et a été publié en français par M. l'abbé de Valette, en 1841 (Paris, in-12). Cet opuscule fort remarquable à tous égards se recommande surtout par des aperçus pleins de goût et de largeur sur la valeur des formes liturgiques. Malgré sa faible dimension, il est digne de l'illustre et savant prélat auquel nous devons déjà, pour ne parler que de l'objet de nos études, une précieuse dissertation, publiée à Rome, il y a quelques années, sur la Chaire de saint Pierre, que l'on conserve dans la basilique vaticane, et dont nous parlerons ailleurs. Dans la préface de ses Conférences sur la Semaine Sainte, Monseigneur Wiseman mentionne deux ouvrages récents, publiés par deux de ses compatriotes sur le même sujet, le docteur England, évêque de Charlestown, aux Etats-Unis, dont nous avons annoncé le livre ci-dessus, et le docteur Baggs, vice-recteur du collège anglais, à Rome.

(1841). Henri Gossler, prêtre régulier, curé dans le diocèse de Paderborn, vient de publier un livre de prières, dans lequel se trouvent fondues presque toutes les paroles de la Liturgie romaine, avec le texte de l’Imitation de Jésus-Christ. Cette œuvre tout allemande dans sa forme, annonce une connaissance profonde des choses de la prière dans son auteur. Elle porte ce titre : De Vita et Imitatione Christi Libri IV, redacti in seriem dominicalem et festivalem. Paderborn, 1841, énorme in-18.  

(1841). Herman-Adalbert Daniel, docteur de l'Université de Halle, a grandement mérité de la science liturgique, et s'est acquis des droits à la reconnaissance des catholiques, par l'importante collection qu'il vient de publier sous ce titre : Thesaurus hymnologicus, sive hymnorum, canticorum, sequentiarum, circa annum MD. usitatarum collectio amplissima. Hall, 1841, in-8. Le premier volume, le seul qui ait encore paru, ne contient que les hymnes, Daniel les a enrichies de notes et de scholies remplies d'érudition, et remarquables aussi par le ton plein de décence avec lequel il parle de nos croyances, et spécialement du culte du saint Sacrement, de la Croix, de la sainte Vierge et des Saints. Tous ces cantiques papistes n'ont rien qui le scandalise ; il s'y délecte comme dans des œuvres de la vraie piété, de la piété chrétienne ; il en admire la haute et suave poésie; en un mot, la publication du docteur Daniel est un événement pour le protestantisme allemand, et aussi une sévère critique de ces catholiques de France qui n'ont chargé les Santeul et les Coffin de leur composer des hymnes, que parce qu'ils pensaient que, jusqu'à ces deux latinistes, l'hymnographie n'avait rien produit que de barbare et d'indigne du culte divin.

(1841). Un autre protestant vient de publier un livre fort remarquable, et destiné aussi à constater le malaise que produit de plus en plus au sein de la Réforme l'absence des formes et des habitudes liturgiques. On trouvera à ce sujet les aveux les plus étonnants dans le livre intitulé : Des beaux-arts et de la langue des signes dans le culte des Églises réformées, par C.-A. Muller. Paris, 1841, in-8.

 

En terminant cette bibliothèque des auteurs liturgistes du XIXe siècle, nous devons mentionner les travaux qui ont été publiés, de notre temps, dans plusieurs recueils, périodiques et dans les Mémoires des sociétés savantes, sur divers objets de la science qui nous occupe. Ainsi, nous devons dire qu'il n'est pas un volume des Actes de l’Académie romaine d'Archéologie qui ne renferme plusieurs Mémoires précieux sur les antiquités du service divin. Des dissertations nombreuses sont publiées journellement à Rome et dans les autres villes de l'Italie sur des points d'archéologie sacrée, et ce serait rendre un immense service à la science que d'en former une collection dans le genre de celle que fit paraître le P. Calogéra, au XVIIIe siècle. Malheureusement, il faut bien convenir que la France ne marche pas à la tête de ce mouvement, et pour bien apprécier l'état de la science liturgique en ce pays, il suffit sans doute de considérer la faiblesse et la mince importance de la plupart des ouvrages dont nous avons tâché de mettre sous les yeux du lecteur la liste, incomplète peut-être, mais pourtant assez fidèle.

 

Nos recueils périodiques ont été longtemps presque stériles sur les questions liturgiques ; cependant, nous avons été grandement aidé, comme on a pu le voir, par certains articles historiques de l’Ami de la Religion. Il ne nous appartient pas de juger ceux que nous insérâmes nous-même, en 1830, dans le Mémorial catholique, et qui furent reproduits en entier, à Lucques, dans le recueil si connu sous le nom de Pragmalogia catholica. L’Univers, dans ces dernières années, a ouvert ses colonnes à des discussions intéressantes sur diverses matières liturgiques, et on y a lu plusieurs lettres de M. l'abbé Pascal, et plusieurs articles de M. Didron, sur des questions d'une véritable importance.  

 

Si maintenant l'on considère les nombreux travaux qui s'exécutent en France, depuis quelques années, dans le but si  louable de  conserver  et d'expliquer les monuments religieux du moyen âge, on a lieu de penser que, de ce côté, du moins, la bibliothèque liturgique du XIXe siècle est en mesure de prendre un  accroissement colossal. Il est fâcheux que la partie de ces études qui concerne la description raisonnée et l'interprétation sérieuse des monuments religieux et des usages qui s'y rattachent se trouve traitée d'une manière aussi peu satisfaisante. Sans parler de la précipitation et souvent aussi de l'absence complète de connaissances spéciales dans les auteurs, on sent aisément que ces matières vont mal aux mains des séculiers, mais surtout de ceux qui ne portent aux choses catholiques qu'un intérêt d'amateur. Il serait néanmoins injuste de ne pas distinguer, au milieu de ce déluge toujours croissant d'élucubrations archéologiques, certaines œuvres qui méritent les égards et la reconnaissance des catholiques. Nous avons  mentionné  ci-dessus Séroux d'Agincourt; nous nous ferons un devoir de rappeler ici le grand et bel ouvrage de Boisserée sur la cathédrale de Cologne, et plus tard les publications de M. de Caumont, qui a la gloire d'avoir accéléré puissamment le mouvement conservateur dont nous sommes témoins.  Nous dirons aussi que M. du Sommerard marche à grands frais et avec zèle sur les traces de d'Agincourt. Enfin, le clergé s'ébranle et se  prépare à ressaisir une  science qui lui appartient en propre. M. l'abbé Bourassé vient de donner aux séminaires un utile Manuel d'archéologie,  et les RR. PP. Arthur Martin et Charles Cahier, de la Compagnie de Jésus, publient en ce moment les vitraux de la cathédrale de Bourges, avec une fidélité de dessin et une magnificence typographique qui ne sont égalées que par la lucidité et la profondeur du commentaire liturgique et archéologique qui encadre l'œuvre tout entière.

 

Nous voici enfin parvenu au terme de la difficile carrière que nous nous étions tracée : notre Introduction historique à l'étude de la Science Liturgique est maintenant sous les yeux du lecteur. Nous ne placerons pas de conclusions à la fin de ce chapitre, comme nous l'avons pratiqué jusqu'ici ; les corollaires d'un tel récit se tirent assez d'eux-mêmes.

 

Il ne nous reste donc plus qu'à offrir nos actions de grâces au Dieu tout-puissant dont la miséricorde nous a soutenu dans cette première partie d'un labeur si rude et si difficile : après quoi, nous le supplierons de nous remplir de son Esprit, afin que nous puissions devenir capable d'expliquer à nos frères en Jésus-Christ et en la sainte Église, les ineffables merveilles de la Liturgie sacrée.

 

DOM GUÉRANGER INSTITUTIONS LITURGIQUES : CHAPITRE XXIV : DE LA LITURGIE AU XIXe SIÈCLE.

 

Dom Prosper Guéranger  

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11 juillet 2012 3 11 /07 /juillet /2012 11:30

Terminons maintenant cette revue de l'Église universelle, sous le rapport liturgique, en nous arrêtant à Rome même, où il nous reste à constater plusieurs faits remarquables en ce XIXe siècle.

 

Nous verrons d'abord que les Pontifes romains de nos jours n'ont pas été moins jaloux que leurs prédécesseurs, de laisser dans la Liturgie des marques de leur piété.

 

Pie VII, de sainte mémoire, plaça au bréviaire, sous le rite double mineur, saint François Carracciolo, l'un des cinq bienheureux qu'il avait canonisés. Il éleva au même degré la fête de saint Clément, pape, qui jusqu'alors n'avait été que semi-double. Enfin, pour ranimer dans toute l'Église la dévotion à Marie Compatissante, il institua une seconde fête des Sept Douleurs de la Sainte Vierge, qui se célèbre le troisième dimanche de septembre.

 

Léon XII accomplit une grande et honorable justice envers un des plus saints et des plus courageux prélats du moyen âge, en établissant au bréviaire le nom et la fête de saint Pierre Damien, du degré double-mineur, avec le titre de confesseur pontife et docteur de l'Eglise. Ce fut la seule œuvre de ce genre qu'il exécuta dans son trop court pontificat.

 

Son successeur Pie VIII, qui ne fit que passer sur la Chaire de Saint-Pierre, exerça d'une manière non moins solennelle sa prérogative d'arbitre de la Liturgie, en rendant un décret pour attribuer désormais à saint Bernard le titre et les honneurs de docteur de l’Église. Il y avait longtemps, il est vrai, que l'Église gallicane avait accordé cette faveur à l'auteur des livres de Consideratione ; mais l'Église romaine, ou plutôt l'Esprit qui la dirige, n'a rendu cet oracle qu'en 1829, et toutes les églises du rite latin s'y sont conformées.

 

Enfin, le grand Pontife Grégoire XVI, qui conduit avec tant de gloire le vaisseau de l'Eglise, a récemment fait usage de son autorité liturgique, pour établir, du degré double-mineur, la fête du saint évêque Alphonse-Marie de Liguori, l'un des cinq bienheureux dont il a célébré la canonisation, en 1839.

 

A ce dernier décret s'arrêtent les développements actuels de la Liturgie romaine ; mais ses triomphes n'ont de bornes que l'univers. Car c'est elle qui accompagne l'apôtre qui s'en va planter la foi dans les régions infidèles ou hérétiques. Les jeunes Églises de l'Amérique du Nord, celles qui s'élèvent de toutes parts dans la Grande-Bretagne et disputent pied à pied le terrain à l'anglicanisme, ne connaissent d'autre prière que la prière de Rome ; le sauvage de la Louisiane, l'Indien, le Chinois, le néophyte du Tonquin, l'insulaire de l'Océanie, sont les enfants d'une même Liturgie, et cette Liturgie est romaine ; l'Algérie même, colonie française, n'emploie pas d'autres livres pour les offices divins que les livres de saint Grégoire, et tous ces prêtres français que Rome voit partir chaque année pour les quatre vents du ciel, et qui vont féconder de leurs sueurs et de leur sang la parole divine qu'ils annoncent à toute créature, avant de partir pour le lieu de leur mission, commencent par renoncer à ces modernes bréviaires et missels qu'ils avaient conservés jusqu'alors, et s'avancent vers les peuples qu'ils doivent évangéliser, les mains chargées de ces livres romains auxquels est aujourd'hui attachée la fécondité de l'apostolat, comme au temps des Boniface, des Anschaire et des Adalbert.

 

C'est sans doute encore un triomphe pour la Liturgie romaine que, seule de nos jours, au sein de la France, non seulement elle demeure la Liturgie des anciens ordres religieux qui renaissent de leurs cendres, mais que ces nouvelles familles qui se sont formées, l'une sous le nom de Société des Sacrés Cœurs de Jésus et de Marie, l'autre sous celui de Congrégation des Maristes, et qui ont déjà opéré des fruits de salut chez les infidèles et mérité les bénédictions du Pontife romain, se soient fait une loi inviolable d'être romaines dans la Liturgie. Les nombreux instituts et monastères de vierges qui fleurissent de toutes parts autour de nous, comme autant de plantations célestes, font aussi monter vers le ciel, sept fois le jour et au milieu de la nuit, la prière romaine. Enfin, nous avons raconté ailleurs comment les pieuses confréries qui contribuent à maintenir, dans un si grand nombre de paroisses de France, la piété et les mœurs chrétiennes, célèbrent leurs fêtes, non d'après le calendrier appauvri et stérile des nouveaux bréviaires, mais bien d'après le calendrier romain, si riche de traditions, si fécond en grâces apostoliques.

 

Aussi, nous semble-t-il de plus en plus évident que la Liturgie romaine est appelée à régner de nouveau en France tôt ou tard : et ce sentiment n'est pas seulement le nôtre ; il est partagé par un grand nombre d'excellents esprits. Nous avons même souvent entendu répéter à des personnes assez peu suspectes que si Rome consentait à réformer son bréviaire, l'opposition gallicane ne saurait tenir contre l'influence de cette mesure. A vrai dire, il nous semble qu'il y a bien un peu d'outrecuidance dans cette manière de voir une si grave question. Sans doute, il est dans les choses possibles que Rome entreprenne, dans ce siècle, une réforme de son bréviaire ; ce serait la quatrième depuis saint Grégoire ; mais qu'on le comprenne bien, cette réforme n'aurait point pour objet de produire un nouveau Bréviaire romain. Celui de saint Pie V est le même que celui qui fut revu au XIIIe siècle par les Frères Mineurs, le même que celui de saint Grégoire VII, le même que celui de saint Grégoire Ier. Le bréviaire qui sortirait de la réforme du XIXe siècle ne serait point autre non plus, quant au fond, que celui des siècles précédents ; les théories françaises du XVIIe siècle sont venues trop tard pour entamer l'œuvre séculaire et traditionnelle des Pontifes romains. Mais ce n'est pas là précisément ce qui préoccupe plusieurs personnes dont nous avons souvent recueilli les aveux pleins de naïveté ; leur grande espérance, au cas d'une revision du bréviaire, serait de voir la somme des prières ecclésiastiques diminuée, à Rome, dans la proportion des bréviaires français.

 

Quoi qu'il en soit de cette attente, nous devons être assurés à l'avance que si le Siège apostolique entreprend, en ce siècle, une réforme du bréviaire (prévision qui n'a rien d'improbable, puisqu'il s'est déjà écoulé près de trois siècles depuis la réforme de saint Pie V, et que les deux précédentes n'ont pas été séparées par un aussi long intervalle), nous devons être assurés, disons-nous, que cette réforme satisferait à tous les besoins de la Liturgie. Elle serait entreprise avec une souveraine autorité, dirigée par cet Esprit qui conduit les Pontifes romains dans les choses de la foi et de la discipline générale dont la Liturgie est l'expression. Elle ne serait point le fait d'une coterie hétérodoxe, ni le produit d'une école littéraire, ni le résultat d'une révolution pyrrhonienne dans la critique sacrée, ni l'œuvre d'un vain amour-propre national. La majestueuse confession des dogmes, la victoire contre les hérésies, la liberté ecclésiastique, la vigueur de la discipline, la dévotion à la sainte Vierge et aux saints, l'onction de la prière, la sainte et inviolable tradition, avec ce progrès légitime qui se fait dans la lumière et l'amour sous l'autorité, y puiseraient leur sublime manifestation; en un mot, cette nouvelle réforme, comme toutes celles qui l'ont précédée, serait un pas magnifique de l'Église et de la société vers la conquête d'un plus grand éclat de vérité et d'une plus grande force et douceur d'amour ; car le sentier de l'Église est semblable à la lumière qui va toujours croissant, jusqu'à ce qu'elle enfante le jour parfait (Prov. IV, 18.).

 

Il est temps de clore cette histoire générale de la Liturgie, et ce volume, par la bibliothèque des auteurs liturgistes qui ont fleuri ou fleurissent en ce XIXe siècle.

 

DOM GUÉRANGER INSTITUTIONS LITURGIQUES : CHAPITRE XXIV : DE LA LITURGIE AU XIXe SIÈCLE. 

 

Notre Dame des Sept Douleurs, Adriaen Isenbrant, Notre Dame de Bruges - Onze-Lieve-Vrouwekerk

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10 juillet 2012 2 10 /07 /juillet /2012 11:30

Maintenant, il importe de faire connaître le double moyen employé par l'autocrate pour accomplir son œuvre et pour en assurer la durée.

 

Il a tout consommé par la suppression de l'ordre des Basiliens, le seul qui existât chez les Grecs-unis, et par l'adoption forcée de nouveaux livres liturgiques. Habile dans la tactique des gouvernements européens, quand ils veulent asservir l'Église, Nicolas a suivi fidèlement tous les degrés qu'ils gardent dans l'exécution de ce plan sacrilège. Ainsi, pour anéantir les Basiliens, il a commencé par les soumettre aux ordinaires ; en second lieu, il les a entravés dans l'admission des novices; la troisième mesure a été la confiscation des biens ; enfin, la quatrième, qui a tout terminé, a été, en 1832, la suppression définitive de l'ordre lui-même. Du moins, la voix d'un évêque s'est élevée contre cette machiavélique et atroce persécution ; le pieux prélat Szezyt, suffragant de l'archevêché de Mohilow, du rite latin, a osé faire entendre des réclamations contre la suppression des Basiliens, et contre celle d'un grand nombre d'autres monastères du rite latin qui ont été abolis, jusqu'au nombre de deux cent vingt et un, dans la seule métropole de Mohilow. Ce courage apostolique n'a pas tardé non plus à recevoir sa récompense. Le prélat s'est vu arracher violemment à son troupeau et reléguer jusqu'aux extrémités de l'empire. Les instances de la noblesse ont pu seules obtenir qu'il ait enfin été rendu à l'exercice de sa charge pastorale.

 

Nous devons mentionner ici un autre prélat du rite latin, que sa conduite pleine de courage désigne à l'admiration et à la reconnaissance de tous les catholiques. En 1833, le gouvernement de Varsovie ayant publié un édit qui enjoignait à l'évêque de Podlachie, Mgr Gutkowski, de faire disparaître des bibliothèques ecclésiastiques de son diocèse un livre qui traite de la Concorde et de la Discorde des Grecs et des Latins, le prélat a refusé de se soumettre à cette injonction, par laquelle on lui demandait de trahir les intérêts d'une religion dont il est le défenseur naturel. Il n'a pas montré moins de vigueur en s'opposant de toutes ses forces à l'exécution du décret impérial qui ordonne que les enfants issus des mariages entre les Grecs et les Latins seront, sans distinction, élevés dans la religion grecque. Depuis près de dix ans, ce généreux confesseur de la foi et de la liberté de l'Église est chassé de sa ville épiscopale, et contraint d'errer à travers son diocèse, sans demeure fixe et en butte à toutes les persécutions.

 

Pendant qu'on travaillait à ruiner l'ordre des Basiliens, ces prêtres célibataires dont l'influence était si grande sur les Grecs-unis, et qui leur garantissaient le bienfait de la célébration journalière du sacrifice chrétien, les presses impériales de Moscou enfantaient, en 1831, un missel destiné à remplacer dans les Églises grecques-unies celui du vénérable Josaphat Bulhack et de ses prédécesseurs. Ce missel totalement conforme à celui des schismatiques ne différait guère de l'ancien que par ses omissions. On y supprimait l'article de la procession du Saint-Esprit, la mention du pape, et aussi les diverses rubriques tendantes à manifester par des rites spéciaux la foi dans le mystère de la présence réelle. Faire accepter ce missel aux Églises grecques-unies, c'était donc les replonger dans le schisme, en même temps que déclarer la Liturgie impuissante à tout développement, quelque légitime qu'il soit. Nous avons signalé ailleurs ce caractère judaïque de la Liturgie dans les Églises d'Orient.

 

Dès lors, le gouvernement russe a senti que tout était gagné pour son système s'il parvenait à introduire ce nouveau missel dans les Églises grecques-unies ; cet attentat devenait facile depuis la suppression des Basiliens, la mort, ou la défection des évêques de ce rite. Nous apprenons par une lettre du ministre de l'intérieur à l'empereur Nicolas, en date du 30 avril 1837, que, dès cette époque, la plus grande partie des Églises grecques-unies, tant des villes que des campagnes, était déjà pourvue du nouveau missel. On avait enlevé les anciens par violence, et dans la crainte que les usages extérieurs empruntés à l'Église latine ne demeurassent comme une protestation contre la suppression des missels catholiques, l'autocrate avait pris des mesures matérielles pour anéantir toutes les tendances vers les habitudes de piété du catholicisme. Ainsi, dans l'espace de trois ans (de 1834 à 1837), on avait rétabli la barrière des iconostases dans trois cent dix-sept églises de l'Éparchie lithuanienne ; afin que désormais l'autel cessât d'être aussi accessible à la religion des peuples. Les autels latéraux, qui, dans les églises mêmes dont les iconostases avaient été conservées, étaient en dehors de cette barrière et si favorables à la célébration des messes privées, avaient été démolis ; on avait conservé seulement ceux de ces autels dont l'emplacement et la construction se trouvaient liés inévitablement à la disposition architecturale de l'église. Plusieurs églises en effet, surtout dans les derniers temps, avaient été bâties d'après un système de plus en plus rapproché de celui des Latins, dans lequel le nombre et le placement des autels est d'une si grande importance. Au reste, si le gouvernement russe consentait à ne pas démolir ces autels, c'était en défendant qu'on y célébrât désormais le saint Sacrifice .

 

Mais ce que nous disons ici ne montre point encore assez la rage dont les schismatiques russes sont animés contre les formes liturgiques des Latins. On conçoit que la majesté de l'autocrate se sente instinctivement blessée des honneurs rendus à l'Homme-Dieu, dont les Grecs-unis dressaient le trône quand ils exposaient le saint Sacrement, auquel ils prodiguaient les marques extérieures d'adoration ; après tout, c'est une véritable cour, avec toutes ses assiduités et tous ses honneurs, que le catholicisme tend à former autour du tabernacle eucharistique. Mais croirait-on que le tyran en est venu jusqu'à se montrer jaloux de la sonnette que les Grecs-unis avaient empruntée des Latins, pour marquer les principaux instants du sacrifice et réveiller l'attention des fidèles ! Le ministre de l'Intérieur se glorifie auprès de son maître d'avoir fait disparaître cet usage papiste de toutes les églises de Lithuanie.

 

Enfin, tel est l'éloignement que le schisme grec a toujours eu pour les développements de la forme dans l'art, éloignement qui lui a inspiré ses déplorables théories sur la laideur du Christ et de la Vierge Marie, et aussi la raideur et l'immobilité de ses types, qu'on le voit aujourd'hui poursuivre avec la dernière rigueur le roi des instruments de musique, le grand moyen de l'harmonie sacrée, l'orgue. Les Grecs-unis avaient reçu des Latins ce puissant mobile de la prière et des sentiments religieux; avec l'orgue, ils se sentaient réellement fils de la chrétienté romaine, membres de la civilisation occidentale. Les ordres les plus sévères ont été donnés pour la destruction de cet instrument. Dans le christianisme bâtard de la Russie, la clef des mystères est perdue ; on prétend réduire à la seule voix humaine toute l'harmonie qui devra retentir autour de l'autel; comme si la vraie religion n'avait pas reçu la mission de donner une voix à toute la nature et de forcer les éléments à s'unir à l'homme dans un même concert. C'est ce que fait dans nos églises ce puissant prince de l'harmonie, qui a reçu la magnifique et biblique appellation d'orgue, organum. Qu'importent les succès merveilleux du collège des chantres de la cour à Saint-Pétersbourg, et des écoles de chant établies officiellement à Polock et à Zyrowice ? Ce luxe ne sert qu'à mettre à découvert la pauvreté d'une Liturgie qui repousse, par système, les moyens grandioses d'accroître les effets de l'harmonie, et de marier la voix du peuple à celle des prêtres dans un concert immense. Une religion de cour, sensualiste et confortable, craint les mélodies fortes et sévères qui élèvent l'homme au-dessus du présent; il lui faut une harmonie qui soit toute de la terre, dans laquelle l'élément religieux ne fasse que raviver, par un contraste piquant, les sensations amolissantes du théâtre et des profanes mélodies. On sait de reste combien est dur, monotone et désagréable, l'accent du prêtre dans la Liturgie grecque ; combien il est loin de la suave magnificence de notre Préface, imitée pourtant des anciens Grecs : l'orgue venait donc à propos pour relever l'inspiration et ranimer la prière languissante : l'autocrate ne l'entend pas ainsi, et il est, au reste, assez piquant de le voir dans son zèle anti-liturgiste s'accorder pour la destruction de l'orgue avec le régicide évêque Grégoire, que nous avons vu, au concile de 1801, proposer de remplacer cet instrument par le tam-tam chinois.

 

Au reste, le gouvernement se charge de pourvoir avec largesse aux frais de l'éducation des nouveaux musiciens, et telle est sa munificence quand il s'agit de procurer l'exécution de ses plans antiliturgiques, que le ministre de l'intérieur, dans le rapport déjà cité, fait voir en détail à son maître que le défaut d'argent est la seule cause du retard qui a été mis en quelques lieux à l'exécution des ordres impériaux, tant pour le rétablissement des iconostases, que pour la substitution des missels et ornements grecs purs aux missels et ornements papistes qu'on a été contraint de laisser subsister encore pour quelque temps. L'autocrate poursuivait donc avec ardeur son système de destruction du catholicisme, au moyen de ces changements dans la forme, si significatifs et si efficaces, en même temps qu'il travaillait à amener les trois évêques Siemaszko, Luzynski et Zubko, à déclarer leur apostasie. Ce dernier fait étant accompli, Nicolas a fait donner des ordres par le saint Synode, portant qu'on ne devra pas procéder avec trop de rigueur contre quelques usages religieux conservés encore par les nouveaux schismatiques ; mais qu'on devra, au contraire, user de tolérance, et maintenir, autant que possible, les mêmes pasteurs dans les églises, du moment qu'ils auront consenti à renoncer à l'unité romaine. Le nouveau missel de Moscou, l'interdiction des messes privées, le rétablissement des iconostases, la suppression des honneurs rendus au saint Sacrement, etc., tous ces moyens joints à un système d'éducation schismatique, suffisent en effet pour consommer sans trop de violence la séparation qui a été le but de tant de crimes et de parjures.

 

Maintenant, la divine Providence permettra-t-elle que cette œuvre abominable demeure accomplie sans retour, et que le schisme grec, avec toutes ses conséquences abrutissantes, étende à jamais son joug sur ces malheureuses provinces ? C'est le secret de Dieu ; mais nous, sachons du moins accepter les leçons qui résultent de ces événements contemporains, dont notre préoccupation ne saisirait peut-être pas toute la portée.

 

D'abord, il est une fois de plus démontré par les faits qu'il ne saurait jamais y avoir d'attentat contre la foi ou l'unité catholiques, dont le contre-coup ne se fasse sentir sur la Liturgie ; parce qu'il n'est pas non plus un seul des intérêts de cette foi et de cette unité, qui ne trouve dans la Liturgie sa représentation expresse. Cette vérité est banale à force d'avoir été répétée dans ce livre : ce sera la dernière fois.

 

Concluons : donc, il est essentiel d'examiner les intentions et les doctrines de ceux qui proposent des changements dans la Liturgie, et se tenir en garde contre eux, fussent-ils couverts de peaux de brebis, et n'eussent-ils dans la bouche que les beaux mots de perfectionnement et de retour à l'antiquité.

 

En second lieu, il résulte de ce récit que la politique des Pontifes romains, qui a toujours tendu à réunir les églises dans une même Liturgie, vient de recevoir sous nos yeux une nouvelle et éclatante justification. Si, au temps de Catherine II, huit millions de catholiques, et sous Nicolas Ier, trois millions ont été détachés du vrai christianisme, c'est uniquement parce que ces catholiques manquaient de l'appui que leur eût naturellement offert la communauté absolue de rites, de chants et de prières, avec les autres membres de l'Église romaine. Et cela est si vrai, que ni Catherine II, ni l'empereur Nicolas, n'ont songé à réunir au schisme grec des millions de Polonais dont la foi latine les inquiétait, mais qu'ils sentaient retranchés derrière l'inviolable boulevard de la Liturgie romaine. Or toute Liturgie qui n'est pas romaine devient infailliblement nationale, dans l'acception plus ou moins étendue de ce terme, et, partant, elle tombe sous le pouvoir et l'administration du prince ou de ses agents. En France, ce seront les parlements, ou toute autre forme judiciaire ou législative qui leur a succédé; en Russie, c'est l'autocrate avec ses ministres. Un pouvoir tyrannique, impie, hérétique, aura donc la haute main sur la foi des peuples et sur les mœurs chrétiennes qui dérivent de cette foi. Il est aisé de comprendre jusqu'où vont les conséquences de la forme nationale dans le culte ; nous en avons signalé un grand nombre dans cet ouvrage, et quant aux provinces qu'un sévère jugement de Dieu a soumises à l'empereur de Russie, tout le monde conviendra sans peine que la Liturgie romaine eût garanti, avec la foi des peuples qui les habitent, cette dignité de la nature humaine qui ne souffre pas la servitude de la pensée et des affections religieuses. Si donc l'autocrate a voulu, par ses mesures sacrilèges et antiliturgiques, river à jamais les fers de ces populations malheureuses, c'est qu'il savait que les tendances romaines qui se révélaient au milieu de la Liturgie grecque telles qu'elles la pratiquaient, leur faisaient pressentir le bienfait d'une civilisation catholique, et les amèneraient peu à peu à se fondre dans les moeurs plus dignes et plus libres des nations de la langue latine.

 

La Pologne doit savoir maintenant que la seule nationalité qui lui reste, celle qu'on ne saurait lui ôter malgré elle, est dans le catholicisme ; mais à la vue du sort malheureux de sa triste sœur la Lithuanie, qu'elle comprenne aussi que le catholicisme, chez elle, n'a de défense que dans la Liturgie. Qu'elle presse donc contre son cœur et qu'elle défende comme sa dernière, mais ferme espérance, ce Bréviaire et ce Missel romains par lesquels elle sera toujours Latine, et non Russe. Qu'elle se sente fière aussi de ce que, par la Liturgie, le monde catholique rend hommage chaque année à la grandeur des héros de sainteté qu'elle a produits; son Stanislas de Cracovie, son Casimir, son Hyacinthe, son Hedwige, et aussi son admirable Jean de Kenty, dans la fête duquel nous disons par toute la terre, suivant l'ordre du Siège apostolique :

O qui roganti nemini

Opent negasti, patrium

Regnum tuere; postulant

Cives Poloni et exteri.

 

Terminons maintenant cette revue de l'Église universelle, sous le rapport liturgique, en nous arrêtant à Rome même, où il nous reste à constater plusieurs faits remarquables en ce XIXe siècle.

 

DOM GUÉRANGER INSTITUTIONS LITURGIQUES : CHAPITRE XXIV : DE LA LITURGIE AU XIXe SIÈCLE.

 

A Polish Nobleman

Un Noble Polonais, Rembrandt

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9 juillet 2012 1 09 /07 /juillet /2012 11:30

Si le progrès des tendances liturgiques accélère la marche de l'Angleterre vers la vérité et l'unité catholiques, il est d'autres contrées où la compression de ces mêmes tendances amène les résultats contraires.

 

D'immenses provinces, soumises à la domination de l'autocrate Nicolas, voient s'éteindre le flambeau de la foi, dans les jours mêmes où nous écrivons ces lignes, et les changements dans la Liturgie sont le moyen par lequel cette catastrophe est opérée : tant il est vrai, comme nous l'avons dit ailleurs, que la Liturgie est un glaive à deux tranchants qui, dans les mains de l'Eglise, sauve les peuples, et qui, aux mains de l'hérésie, les immole sans retour.

 

Nous avons caractérisé, au chapitre IX, ces Liturgies orientales, vénérables sans doute par leur antiquité, mais qui n'en ont pas moins été un obstacle invincible à toute réunion durable de l'Église grecque avec l'Église latine depuis la première consommation du schisme. Nous avons fait voir aussi de quelle triste immobilité ces mêmes Liturgies ont été frappées, impuissantes qu'elles sont, depuis huit siècles, à tout développement; tandis que la Liturgie romaine n'a cessé, à chaque époque, de produire de nouvelles formes, sans altérer le fond antique par lequel elle tient à l'origine même du christianisme. Il est aisé de conclure de ces faits incontestables, que toute réunion des deux Églises, pour être durable, devrait avoir pour auxiliaire une modification dans la Liturgie orientale, qui la mît plus ou moins en rapport avec les développements des formes catholiques dans l'Occident. La fraternité devrait donc être scellée par certaines dérogations à des usages, antiques, il est vrai, mais sacrifiés au plus noble but, puisqu'il s'agirait d'aspirer, dans une plus grande plénitude, cette vie dont l'Église romaine est la source, et dont on suppose que le désir sincère aura motivé la renonciation au schisme.

 

C'est là précisément ce qui avait eu lieu dans la métropole grecque de Kiew, qui comprenait l'ancienne Ruthénie à peu près entière, c'est-à-dire près des deux tiers du territoire et la moitié ou peu s'en faut de la population de la Pologne. Cette métropole et ses églises suffragantes étaient rentrées dans le sein de l'unité catholique en 1505. Dans l'acte dressé à Brzerc pour décréter ce retour heureux, le métropolite Michel Rahoza et les autres évêques ruthènes stipulèrent le maintien du rite grec, tel qu'il était au moment de l'Union de Florence. Beaucoup d'abus s'étaient introduits depuis lors ; les métropolites furent contraints d'user des plus grands ménagements, quand ils cherchèrent à les réprimer. La moindre imprudence aurait compromis l'Union mal affermie, en blessant les susceptibilités du peuple, jaloux à l'excès de son rite et de ses traditions. Mais vers la fin du XVIIe siècle, le contact avec les Latins, qui coudoyaient partout les Grecs en Ruthénie, et la nécessité de tracer une ligne de démarcation parmi ceux-ci entre les uniates et les schismatiques, détermina un mouvement de réforme liturgique, qui eut pour objet de changer sur bien des points les usages du rite grec pour les rapprocher du rite latin. Cette révolution fut consommée par un concile célèbre tenu à Zamosc, en 1720, sous la présidence d'un délégué apostolique et dans lequel le métropolite Léon Kiszha et ses suffragants prirent des décisions très importantes touchant les rites des Sacrements et du saint Sacrifice de la Messe. Elles furent confirmées par le Saint-Siège, et leur autorité fut si grande, elles furent jugées si conformes aux besoins des Eglises grecques-unies, qu'elles furent unanimement embrassées par le clergé de la Hongrie, de l'Esclavonie, de la Dalmatie, de la Croatie, etc.

 

Nous devons observer ici que des modifications du même, genre ont été faites, depuis des siècles, dans les rites des Grecs-unis de l'Italie, de la Corse, de la Sicile, des îles de l'Archipel, etc., par l'autorité des Pontifes romains. C'est un préjugé janséniste de croire qu'il y ait au monde une seule Église unie au Saint-Siège qui soit indépendante de Rome dans les choses de la Liturgie. On peut consulter sur ce sujet le Bullaire romain, et les Décrets de la Congrégation de la Propagande; on y verra jusqu'à ces derniers temps l'exercice du pouvoir papal sur les rites des Églises orientales.

 

Quoique la lettre de la Liturgie byzantine fût exactement conservée dans les missels slaves à l'usage des diverses Églises du rite grec-uni dont nous venons de parler, ces missels, outre l'article de la procession du Saint-Esprit, la prière pour le pape, l'addition de certaines fêtes ou commémorations de saints, renfermaient plusieurs rubriques dans lesquelles il était pourvu à la forme des cérémonies d'une manière différente de ce qui s'observait chez les schismatiques. Ces missels étaient donc la forteresse de la foi et de l'unité. Ceux qu'on trouvait dans les Églises catholiques soumises à la Russie avant l'horrible persécution qui vient de fondre sur elles, sont le missel de 1659, donné par le métropolitain Cyprien Zochowski, dédié au prince Charles-Stanislas Radziwil ; celui de 1727, publié par le métropolitain Kirszka ; celui de 1790, imprimé par ordre, du métropolitain Szeptycki; enfin, le plus récent, promulgué, il y a peu d'années, par le métropolitain Josaphat Bulhack (nous empruntons ces détails à la lettre des cinquante-quatre prêtres catholiques de Lithuanie, qui ont réclamé pour la foi et l'unité catholique auprès de l'évêque Siemazko : Annales de Philosophie chrétienne, Xe année, IIIe série, tome I.).

 

On peut rapporter les diverses modifications de la Liturgie grecque dans le sens romain à deux classes ; la première, moins considérable, dans le rituel, se compose de certaines additions aux cérémonies des sacrements, par exemple, l'onction des mains dans la collation de l'ordre de prêtrise, etc. ; la seconde, dans le missel, a pour objet les démonstrations de piété et d'adoration envers le divin sacrement de l'Eucharistie. Sous ce dernier rapport, l'Église orientale, au sein de laquelle l'erreur des sacramentaires n'a point étendu ses ravages, est restée beaucoup en retard de l'Église latine qui s'est vue obligée de multiplier les témoignages liturgiques de sa foi et de son amour pour le sacrement de l'autel, en proportion des attaques de l'hérésie. Mais on sentira facilement que ces développements de culte, si légitimes en eux-mêmes, en supposant même que les Églises d'Orient puissent encore surseoir à leur adoption, sont devenus absolument nécessaires dans les Églises de l'Occident, qui a été si violemment ravagée par les adversaires de la présence réelle. Ces derniers ne prendraient-ils pas scandale de ce que, parmi les enfants de l'Église romaine, les uns ne fléchissent pas même le genou devant l'Hostie sainte, tandis que les autres n'ont point assez de marques d'adoration à lui prodiguer ? Et les fidèles du rite grec uni ne seraient-ils pas blessés dans leurs plus chères affections religieuses, s'il ne leur était pas permis de pratiquer, à l'égal des catholiques du rite latin, auxquels ils sont mêlés, ces actes religieux qui ne sont, après tout, que la manifestation d'une même foi ?

 

Il est donc résulté de là que, sitôt après la réunion de 1594, l'usage d'exposer le saint Sacrement les jours de fêtes et de dimanches s'est introduit, à la grande satisfaction des catholiques, dans la Lithuanie et les autres provinces du rite uni ; les génuflexions, les adorations profondes à la sainte Eucharistie sont devenues des pratiques communes et dès lors réglées par des rubriques spéciales.

 

Mais comme la piété catholique ne se contente pas d'adorer le Verbe incarné, dans le divin Sacrement, mais qu'elle aspire encore à s'en nourrir comme de l'aliment de vie, les entraves que la Liturgie orientale met à la communion fréquente ont dû pareillement céder devant l'empressement légitime des fidèles. Dans le rite grec, il ne doit y avoir pour la célébration de la messe qu'un seul autel, lequel doit être retranché derrière ce rempart qu'on nomme iconostase, espèce de portique décoré d'images saintes, qui laisse à peine l'œil pénétrer furtivement jusqu'à l'autel, et qui se ferme totalement aux instants solennels du saint Sacrifice. Ces usages sévères se sont trouvés modifiés comme d'eux-mêmes. L'autel du fond est demeuré, il est vrai, retranché derrière l’iconostase, en plusieurs lieux ; mais, dans beaucoup d'églises, l'iconostase, a été sacrifiée, et, dans presque tous les autres, des autels extérieurs ont été construits en divers endroits de l'édifice, à la manière latine. Ces autels servent aux messes privées qui sont, pour les catholiques, l'aliment de la piété, l'occasion facile d'approcher fréquemment des saints Mystères et de resserrer le lien de l'unité. Enfin, ces autels multipliés, afin que la victime sans cesse renaissante se multiplie comme la manne du ciel, qui en était la figure, ces autels que la foule des fidèles environne dans une sainte familiarité, ces autels qui voient célébrer un sacrifice journalier, demandent un clergé digne de les desservir, un clergé voué à la chasteté ; et voilà pourquoi, en attendant une heureuse révolution qui astreindrait le clergé séculier au célibat, les Grecs-unis des contrées dont nous parlons professent une si grande vénération pour les moines basiliens, que leur profession de chasteté, qui rehausse encore en eux le zèle de la foi, rend aptes à la célébration journalière du grand Sacrifice.

 

Il est donc évident, d'après ces faits, que la Liturgie grecque, chez un peuple uni à l'Église romaine, tend naturellement vers des développements destinés à faire pénétrer en elle les formes du christianisme occidental, et capables dans un temps donné, d'altérer plus ou moins, par l'effet même d'un tel progrès, sa physionomie primitive. Et nous n'avons garde d'en disconvenir ; mais dans un pays dont le souverain s'est fait chef de la religion, en sorte que les formes du culte sont désormais fixées par la loi de l'Etat, on conçoit que la politique voie avec inquiétude et jalousie un mouvement imprimé à ces mêmes formes par des sujets dissidents. Un tel progrès devient un attentat contre la Liturgie légale et immobile, au moyen de laquelle l'autocratie espère comprimer tout mouvement religieux, comme attentatoire à sa souveraineté spirituelle. Ce fut le motif qui arrêta promptement les velléités que Pierre Ier sembla manifester quelques instants de replacer son empire sous la communion romaine. Plus tard, Catherine II, après le partage de la Pologne (cette affreuse calamité que tout vrai catholique ne saurait trop déplorer), devenue maîtresse de la Lithuanie, de la Volhinie, de la Podolie et de l'Ukraine, employa toutes sortes de violences contre les Grecs-unis de ses nouveaux États, et l'on n'en compta pas moins de huit millions réunis violemment à l'Église schismatique, et privés désormais de tout moyen de suivre les rites qui étaient l'expression et la défense de leur foi.

 

Le feu de la persécution se ralentit un peu sous Paul Ier, sans qu'il fût permis néanmoins aux catholiques du rite grec-uni, arrachés violemment à leurs croyances et à leurs pratiques, de retourner à l'ancien culte. Alexandre Ier régna ensuite, et s'il ne persécuta pas les Grecs-unis, il ne fit rien non plus en leur faveur ; si ce n'est, peut-être, d'autoriser le rétablissement du titre de la métropole grecque-unie ; encore procéda-t-il en cette mesure sans le concours du Saint-Siège. Des bouleversements inouïs, des suppressions, réductions et unions de sièges épiscopaux, des nominations d'évêques faites par l'autorité laïque et même schismatique, avaient jeté une grande confusion dans toutes les provinces russes habitées par les Grecs-unis : la mission légitime avait cessé, et, partant, la vie des églises éprouvait une suspension désolante. Enfin, en 1817, il fut possible au Siège apostolique de remédier, au moins en quelque degré, à de si grands maux. Josaphat Bulhack, élève de la Propagande, ayant été désigné par l'empereur pour métropolitain de toute l’Église grecque-unie, Pie VII lui conféra l'institution canonique, avec des pouvoirs extraordinaires, pour réparer tout ce qui s'était fait d'irrégulier pendant la période d'anarchie spirituelle qui venait de s'écouler. Bulhack fut autorisé à donner lui-même l'institution canonique à tous les évêques de son rite qui ne l'avaient pas reçue, et, par ses soins, les églises qui étaient restées dans l'union avec le Saint-Siège recouvrèrent une ombre de liberté, et accueillirent quelques lueurs d'espérance; car l'esprit du bienheureux martyr Josaphat s'était reposé sur le pieux et fidèle métropolitain.

 

Mais les catholiques ne tardèrent pas à perdre toute illusion sur le sort qui les attendait. En 1825, Nicolas Ier monta sur le trône impérial de toutes les Russies, et avec lui la plus abominable tyrannie. Ce prince résolut d'en finir avec l'Église catholique dans ses États; mais sa rage s'attaqua principalement aux faibles restes des Grecs-unis. Méprisant profondément l'espèce humaine, il ne compta pour rien la résistance du peuple et même celle des popes ; le knout et la Sibérie devaient en faire bonne justice. Mais l'épiscopat pouvait offrir une résistance plus éclatante; il importait donc de l'anéantir, ou, du moins, de le dégrader. Nicolas a d'abord, en 1825, supprimé l'évêché de Luck, à la mort du titulaire. Un nouvel ukase, en 1832, enchérissant encore, est venu décider que désormais les sujets russes du rite Grec-uni ne formeront plus que deux diocèses, celui de Lithuanie et celui de la Russie Blanche ; par cette mesure sacrilège, l'épiscopat se trouvant réduit à deux membres, ou quatre au plus, en comptant les vicaires-évêques des deux prélats, il devenait facile d'étouffer la foi catholique, en employant la violence et la corruption contre des hommes faibles et isolés. Le résultat de cet impie machiavélisme ne s'est pas fait attendre longtemps. Le pieux Josaphat Bulhack a été enlevé trop tôt pour le malheur de son Église, et il a emporté dans sa tombe la liberté et la foi. Les sièges de Luck, de Minsk, de Polotzk, se trouvaient déjà vacants, et à l'exception de Philippe-Félicien Szumborski, évêque de Chelm, au royaume de Pologne, il n'y avait plus en exercice dans toute la Russie que trois évêques du rite grec-uni. Ces prélats étaient Joseph Siemasko, qui s'intitule, de par l'Empereur, évêque de Lithuanie ; Basile Luzynski, dit évêque d'Orsza, établi par Nicolas gérant du diocèse de la Russie Blanche ; et Antoine Zubko, institué, également par l'autocrate, vicaire du diocèse de Lithuanie, avec le titre d'évêque de Breszca. Ces trois malheureux prélats, que l'histoire flétrira de la même honte qui s'attache au nom du disciple perfide, et que l'indignation du Pontife romain a déjà marqués d'un stigmate ineffaçable, ont livré au schisme et à l'hérésie les âmes de leurs peuples, et par eux la lumière du salut s'est éteinte sur de vastes contrées où leur devoir était de la conserver et de l'accroître. Ils ont adressé au tyran, sous la date du 12 février 1839, une supplique, en les termes les plus humbles, tendant à obtenir la faveur d'être acceptés par Sa Majesté, eux-mêmes, leur clergé et leur troupeau,dans la communion de l'Église apostolique-orthodoxe-catholique-grecque, et cette horrible prévarication a consommé la perte de trois millions et demi de catholiques, dans la Lithuanie et la Russie Blanche.

 

Au reste, ces pasteurs mercenaires ont voulu en imposer à la conscience publique, quand ils ont osé affirmer qu'ils formaient, à eux trois, tout l'épiscopat grec-uni de la Russie. Outre l'évêque de Chelm que nous avons nommé ci-dessus, prélat fortement attaché à la catholicité, deux autres évêques ont refusé de souscrire l'acte de schisme ; l'un est le prélat Zarski, évêque in partibus, et l'autre le prélat Joszyf, membre l'un et l'autre du collège grec-uni de Saint-Pétersbourg. En outre, les trois évêques apostats ont joint à leur supplique les signatures de mille trois cent cinq Ecclésiastiques, qu'ils assurent composer la totalité du clergé grec-uni ; et, d'autre part, on sait qu'en 1834, cinquante-quatre prêtres lithuaniens protestèrent contre les tentatives de Siemasko pour établir le schisme. Il est vrai de dire que, depuis, la violence a produit de bien tristes effets sur la plupart de ces popes, tous engagés dans les liens du mariage et réduits à choisir entre leur devoir et l'exil en Sibérie.

 

Maintenant, il importe de faire connaître le double moyen employé par l'autocrate pour accomplir son œuvre et pour en assurer la durée.

 

DOM GUÉRANGER INSTITUTIONS LITURGIQUES : CHAPITRE XXIV : DE LA LITURGIE AU XIXe SIÈCLE.

 

Nicolas I 

Nicolas Ier, 1856, Nikolai Sverchkov, Musée de l'Hermitage

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