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"Je vous donne un commandement nouveau : c'est de vous aimer les uns les autres.

 

Comme je vous ai aimés, vous aussi aimez-vous les uns les autres.

 

Ce qui montrera à tous les hommes que vous êtes mes disciples, c'est l'amour que vous aurez les uns pour les autres."

 

Evangile de Jésus-Christ selon  saint Jean 

   

 

Pentecôte

" Le Défenseur, l'Esprit Saint que le Père enverra en mon nom, lui, vous enseignera tout, et il vous fera souvenir de tout ce que je vous ai dit."

 

Évangile de Jésus Christ selon saint Jean  

 

   

 

 El Papa es argentino. Jorge Bergoglio                 

Saint Père François

 

 

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1er mai 2011 Béatification de Jean-Paul II

Béatification du Serviteur de Dieu Jean-Paul II

 

 

  Béatification du Père Popieluszko

beatification Mass, in Warsaw, Poland

à Varsovie, 6 juin 2010, Dimanche du Corps et du Sang du Christ

 

 

presidential palace in Warsaw

Varsovie 2010

 

 

Basilique du Sacré-Cœur de Montmartre
Sanctuaire de l'Adoration Eucharistique et de la Miséricorde Divine

La miséricorde de Dieu est comme un torrent débordé. Elle entraîne les cœurs sur son passage.
(Saint Curé d'Ars)
 

 


Le côté du Christ a été transpercé et tout le mystère de Dieu sort de là. C’est tout le mystère de Dieu qui aime, qui se livre jusqu’au bout, qui se donne jusqu’au bout. C’est le don le plus absolu qui soit. Le don du mystère trinitaire est le cœur ouvert. Ce n’est pas une image, c’est une réalité. C’est la réalité la plus profonde qui soit, la réalité de l’amour.
Père Marie-Joseph Le Guillou




Dans le cœur transpercé
de Jésus sont unis
le Royaume du Ciel
et la terre d'ici-bas
la source de la vie
pour nous se trouve là.

Ce cœur est cœur divin
Cœur de la Trinité
centre de convergence
de tous les cœur humains
il nous donne la vie
de la Divinité.


Sainte Thérèse Bénédicte de la Croix
(Edith Stein)



Le Sacré-Cœur représente toutes les puissances d'aimer, divines et humaines, qui sont en Notre-Seigneur.
Père Marie-Eugène de l'Enfant Jésus

 



feuille d'annonces de la Basilique du Sacré-Coeur de Montmartre

 

 

 

 

 

 

 

     

The Cambrai Madonna

Notre Dame de Grâce

Cathédrale de Cambrai

 

 

 

Cathédrale Notre Dame de Paris 

   

Ordinations du samedi 27 juin 2009 à Notre Dame de Paris


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... ma vocation, enfin je l’ai trouvée, ma vocation, c’est l’Amour !

 

 

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SAINT PIERRE ET SAINT ANDRÉ

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SALVE REGINA

6 juin 2012 3 06 /06 /juin /2012 11:30

Rentrons en France pour y être témoins des efforts des organisateurs des ennemis de la Liturgie romaine.

 

Encore quarante ans, et les débris de l’ancienne société française seront épars sur le sol. Le vertige est dans toutes les têtes ; ceux-la mêmes qui veulent conserver quelque chose de ce qui fut, sacrifient d'autre part à la manie du jour. L'école des nouveaux liturgistes, recrutée principalement jusqu'ici dans les rangs du jansénisme, se renforce de philosophes et d'incroyants. La Liturgie romaine est menacée dans toute la France, et comme la foi elle-même s'en va, on se met peu en peine que ses'antiques manifestations disparaissent avec elle. Traçons le rapide, mais lamentable tableau de cette effrayante dissolution.

 

Nous avons fait voir ailleurs comment l'innovation liturgique avait été une oeuvre presbytérienne dans ses instigateurs et ses agents, et comment même de simples acolytes se trouvèrent appelés à y prendre une part majeure. En attendant le jour où des laïques présenteraient à l'Assemblée constituante la Constitution civile du clergé, voici qu'un autre laïque, un disciple de Jansénius, un dévot du diacre Paris, un visionnaire apocalyptique, Laurent-Etienne Rondet, en un mot, se trouve placé à la tête du mouvement liturgique. Ce personnage est appelé, dans dix diocèses différents, pour diriger l'édition des nouveaux livres qu'on veut se donner. Les Bréviaires de Laon, du Mans, de Carcassonne, de Cahors, de Poitiers, de Noyon et de Toulouse ont l'honneur de passer sous sa direction. Les Missels de Soissons, du Mans, de Poitiers, de Noyon, de Toulouse et de Reims, le proclament leur infatigable patron ; le Rituel de Soissons l'avoue pour son rédacteur, les Processionnaux de Poitiers et de Reims lui ont les plus grandes obligations, etc. (Feller, Biographie universelle, Article Rondet. Ami de la Religion. Tome XXVI.). En un mot, cet homme est partout ; les églises l'appellent à leur secours comme celui en qui s'est reposé l'esprit qui anima les Le Tourneux, les Le Brun des Marettes, et les Mésenguy. Les pasteurs des peuples à qui il appartient d'enseigner par la Liturgie, après avoir renoncé à l'antique tradition grégorienne, s'inclinent devant un séculier, sectateur avoué de dogmes qu'ils réprouvent, et livrent plus ou moins à sa censure les prières de l'autel.

 

Non, certes, il ne se vit jamais rien de pareil, et nous ne le croirions pas, s'il n'était attesté par des témoins oculaires et, du reste, pleins d'enthousiasme. Dirons-nous un mot des influences de Rondet sur les livres dont nous parlons ? Les détails n'appartiennent pas à cette rapide histoire liturgique ; ils viendront assez tôt ailleurs. Toutefois, observons que tous les bréviaires et missels à la publication desquels Rondet prit part, présentent deux caractères particuliers qui les distinguent des livres parisiens de Vigier et Mésenguy. Le premier est l'affectation d'employer l'Écriture sainte d'après la Vulgate actuelle, en faisant disparaître les phrases, les mots, les syllabes même qui, provenant de l'Ancienne Italique, rappellent encore, quoique bien rarement, dans le parisien actuel, l'origine grégorienne de quelques répons ou antiennes. On sait que Rondet se piquait d'érudition biblique ; mais il est fâcheux qu'il ait cru devoir en faire un usage si barbare. Au reste, la question de savoir si l'on devait conserver dans la Liturgie les paroles de l'Ancienne Italique, avait été agitée à Rome, dès le XVIe siècle. Mais de bonne heure, Clément VIII fixa toutes les incertitudes, en déclarant qu'on devait maintenir l'ancienne version dans toutes les pièces chantées. Le pontife censura même avec énergie la témérité et l'audace des novateurs, ne voulant pas qu'on pût dire qu'une atteinte, si légère qu'elle fût, aurait été portée à la tradition par les pontifes romains. On doit, après tout, savoir gré à Rondet, qui n'avait pas les mêmes intérêts que l'Église romaine au maintien des traditions, de n'être pas allé jusqu'à remplacer le Venite exultemus du psautier italique, par celui du psautier gallican.

 

Le second caractère des livres liturgiques sortis de ses mains, est d'avoir un Commun des prêtres. Nous discuterons ailleurs les motifs et les avantages de cette nouvelle création. Il faut dire cependant que les livres publiés par Rondet ne sont pas les premiers qui la présentent ; mais, quoiqu'on l'eût déjà inaugurée au Bréviaire de Rouen, dès 1726, Vigier et Mésenguy n'avaient pas cru devoir imiter cet exemple. La congrégation des chanoines réguliers de Sainte-Geneviève,en adoptant leur bréviaire, y introduisit tout d'abord le nouveau Commun qui bientôt devait être accueilli en tous lieux, par acclamation, à cette époque où les pouvoirs du second ordre étaient proclamés si haut. La révolution était donc partout, et d'autant plus voisine de son explosion, que ceux-là mêmes qu'on avait trouvé moyen d'y intéresser, étaient ceux qu'elle devait atteindre les premiers. Quoi qu'il en soit, le nouveau partage des communs produisit encore un déplorable renversement des traditions liturgiques, dans les bréviaires modernes, savoir, la suppression absolue du titre de confesseur, sans lequel il est impossible cependant de rien entendre au système hagiologique de l'Église catholique. Aussi n'est-il pas rare de rencontrer des prêtres instruits d'ailleurs, qui ne donnent au titre de confesseur d'autre acception que de signifier un personnage qui a souffert l'exil, la prison, ou les tourments, pour la Foi.

 

L'année 1765 vit paraître un bréviaire, et l'année 1766 un missel, qui dépassaient peut-être encore tout ce qu'on avait vu jusqu'alors. Ces deux livres, destinés au diocèse de Poitiers, avaient été rédigés par un lazariste nommé Jacob, et portaient en tête le nom et l'approbation de Martial-Louis de Beaupoil de Saint-Aulaire. D'abord, tout ce que nous avons énuméré jusqu'ici de nouveautés étranges dans les livres de Paris et autres, s'y trouvait reproduit fidèlement ; mais avec quelle incroyable recherche l'auteur avait enchéri sur tant de singularités ! Nous ne parlerons pas de l'usage inouï de placer, à certains jours, une légende de saint dans l'office des Laudes ; mais peut-on voir quelque chose de plus étrange que de consacrer le dimanche, ce premier jour de l'opération divine, ce jour de la création de la lumière, de la résurrection du Christ, de la promulgation de la loi évangélique, de le consacrer, disons-nous, à célébrer le repos de Dieu achevant l'œuvre de la création ? Pouvait-on démentir d'une manière plus énorme tous les siècles chrétiens, qui n'ont qu'une voix sur les mystères de la semaine, et qui jamais ne confondirent le jour de la lumière avec le Sabbat du Seigneur ? A l'effet d'étayer ce beau système, Jacob n'avait eu rien de plus pressé que de débarrasser les vêpres du dimanche de ces belles et populaires antiennes, conservées cependant à Paris et partout ailleurs : Dixit Dominus — Fidelia, etc., pour amener, comme dans tout le reste de son psautier, de nouvelles antiennes plus ou moins décousues et tirées des divers livres de la Bible ; en quoi il avait rompu non seulement avec Rome, Milan, l'ancienne Église gallicane, l'Église gothique d'Espagne, mais même avec tous les nouveaux bréviaires, dont aucun n'avait encore été puiser hors des psaumes eux-mêmes les antiennes du psautier. Dans la voie des nouveautés, quand on a franchi un certain degré, on ne s'arrête plus. Nous nous bornerons, pour le moment, à ces traits du bréviaire de Jacob, en signalant toutefois les indignes gravures dont on avait prétendu l'orner.

 

Le Missel pictavien était digne du bréviaire auquel il correspondait. La place nous manque pour une analyse qui sera suppléée ailleurs. Disons seulement que la rage de sacrifier les formules grégoriennes,au profit d'un misérable système individuel, avait amené la suppression de la plupart de ces introïts dont les premiers mots étaient pour nos pères le flambeau de l'année ecclésiastique et civile, et dont une partie, du moins, avait survécu aux violences de Vigier et Mésenguy. De tous ces introït, un surtout était resté dans la mémoire du peuple, celui de l'octave de Pâques : Quasi modo geniti. Jacob le biffa comme les autres, pour mettre en place Beata gens, etc., paroles du psaume XXXII ; car Jacob, qui, dans le psautier, ne souffrait pas d'antiennes tirées des psaumes, se fit une loi d'emprunter exclusivement au psautier les introït de son missel, à la condition, toutefois, d'expulser sans façon la plupart de ceux que saint Grégoire avait puisés à la même source. Aveugle novateur, qui ne savait probablement pas qu'aujourd'hui encore, dans l'Allemagne protestante, le peuple, après trois siècles de Luthéranisme, après trois siècles de langue vulgaire dans les offices, n'a encore oublié ni le dimanche Quasimodo, ni le dimanche Jubilate, ni le dimanche Vocem Jucunditatis, etc. Certes, si un jour l'Église de saint Hilaire qui, plus qu'une autre, devrait être jalouse des traditions saintes, vient à replacer sur ses antiques autels les livres de saint Grégoire, et à reléguer sur les rayons des bibliothèques humaines les œuvres du lazariste Jacob, nous doutons qu'après trois siècles, la mémoire des Poitevins garde un souvenir aussi fidèle du dimanche Beata gens.

 

L'Église de Toulouse, en 1761, vint aussi abjurer les traditions romaines. Elle avait alors le malheur d'être gouvernée par son trop fameux archevêque Etienne-Charles de Loménie de Brienne, qui croyait en Dieu, peut-être, mais non en la révélation de Jésus-Christ. Il mérita du moins, pour sa réforme liturgique, les éloges du gazetier janséniste : "On sait, dit-il, que M. l'archevêque de Toulouse et MM. les évêques de Montauban, Lombez, Saint-Papoul, Aleth, Bazas et Comminges, ont donné l'année dernière à leurs diocèses respectifs un nouveau bréviaire qui est le même que celui de Paris, à quelques changements près, qui n'intéressent point le fond de cet OUVRAGE IMMORTEL" (Nouvelles ecclésiastiques, 16 avril 1772.). En effet, ce n'était pas un médiocre triomphe pour le parti, de voir un si grand nombre d'Églises venir chercher, sur la tombe de Vigier et de Mésenguy, les livres destinés à remplacer désormais, pour elles, les usages surannés de l'Eglise romaine. Il faut dire pourtant qu'à Toulouse on avait cherché, au moyen d'un très mauvais vers, à rendre catholique la fameuse strophe de Santeul, déjà remaniée diversement, comme on l'a vu, à Evreux et au Mans. Le bréviaire de Loménie disait donc :

Insculpta saxo lex vetus

NIL VIRIUM PER SE DABAT ;

Inscripta cordi lex nova

Quidquid jubet dat exequi.

C'était du moins avouer une fois de plus, que l'orthodoxie de l'hymnographe gallican et de ses œuvres n'avait rien de trop rassurant.

 

Mais les innovations dont nous venons de parler n'offraient rien d'aussi lamentable que celle qui, en 1776, désola la sainte Église de Lyon, premier siège des Gaules. Depuis lors, on peut dire qu'elle a perdu son antique beauté, veuve à la fois des cantiques apostoliques de son Irénée et des mélodies grégoriennes que Charlemagne lui imposa ; n'ayant plus rien à montrer au pèlerin qu’attire encore le souvenir de sa gloire, hors le spectacle toujours imposant des rites célèbres qu'elle pratique dans la solennité du sacrifice. La splendeur orientale de ces rites suffirait, sans doute encore, à ravir le voyageur catholique, si, par le plus cruel contraste, il ne se trouvait tout à coup arraché à l'illusion par le bruit de ces paroles nouvelles, par le fracas de ces chants modernes, et inconnus aux voûtes de l'auguste primatiale des Gaules, jusqu'au jour où elle vit Antoine Malvin de Montazet s'asseoir, et avec lui l'hérésie, au centre de son abside. Le chapitre insigne de la primatiale, qui avait souffert, sans réclamation, que Charles de Rochebonne, en 1737, portât la main sur l'antique bréviaire, accepta, par acte capitulaire du 13 novembre 1776, la substitution de la Liturgie parisienne à celle de Lyon, dernier débris de nos saintes traditions gallicanes. Il humilia ainsi l'église de Lyon devant celle de Paris, comme celle de Paris s'était humiliée devant Vigier et Mésenguy. Les cérémonies restèrent, nous en convenons, mais la parole avait disparu, la parole qui devait rester, quand bien même les rites extérieurs eussent subi quelques altérations. Donc, les yeux du peuple n'y perdirent rien ; mais les chanoines y gagnèrent de réciter désormais un bréviaire plus court ; les chantres ne furent pas contraints d'exécuter par cœur des mélodies séculaires ; tous leurs efforts tendirent désormais à déchiffrer les nouveaux chants, si pauvres, si vides d'expression. Ainsi fut changé la face de cette église qui se glorifiait autrefois de ne pas connaître les nouveautés. Mais il était écrit que la déviation serait universelle, parce que de toutes parts on avait dédaigné la règle de tradition.

 

Cependant, comme toujours, une opposition courageuse, quoique faible, se manifesta. Une minorité dans le chapitre primatial fit entendre ses réclamations. On vit même paraître un écrit intitulé : Motifs de ne point admettre la nouvelle Liturgie de M. l’Archevêque de Lyon (In-12 de 136 pages.). Mais bientôt le Parlement de Paris, fier de ses succès dans l'affaire du Bréviaire de Vigier et Mésenguy, condamna le livre au feu, par un arrêt du 7 février 1777, et après la sentence de ce tribunal laïque, mais juge en dernier ressort sur les questions liturgiques dans l'Église de France, le silence se fit partout. On accepta sans réplique les bréviaires et missels de l'archevêque Montazet, lequel, pour compléter son œuvre, faisait élaborer, à l'usage de son séminaire, une théologie qui est restée au nombre des plus dangereuses productions de l'hérésie du XVIIIe siècle.

 

Ce n'est peint dans ce rapide coup d'œil sur l'histoire générale des formes de l'office divin, que nous pouvons nous arrêter en détail sur ce que les nouveaux livres lyonnais présentaient d'offensant pour les traditions de la Liturgie catholique et de la Liturgie lyonnaise en particulier. L'occasion ne s'en présentera que trop souvent ailleurs. Nous ne citerons donc ici qu'un seul fait : c'est la suppression d'un des plus magnifiques cantiques de l'Église gallicane, d'un cantique qui ne se trouvait plus que dans la Liturgie lyonnaise, et que Montazet en a chassé, pour le remplacer par un fade mélange de textes bibliques. Or, voici les paroles pleines de suavité et de majesté par lesquelles l'antique Église des Gaules conviait les fidèles au festin de l'Agneau, dans sa solennité de Pâques, paroles revêtues d'un chant dont la sublimité avait frappé l'abbé Lebeuf (Lebeuf. Traité historique du Chant ecclés., pag. 40.). Cette antienne se chantait pendant la communion du peuple, et semblait la grande voix de l'hiérophanie appelant les élus à venir se plonger dans les profondeurs du mystère.

 

Venite, populi, ad sacrum et immortale mysterium, et libamen agendum cum timore et fide.

 

Accedamus manibus mundis,

Pœnitentiœ munus communicemus;

 

Quoniam Agnus Dei propter nos Patri Sacrificium propositum est.

 

Ipsum solum adoremus,

Ipsum glorificemus,

Cum angelis clamantes :

Alleluia.

 

Voici maintenant ce que l'Église de Lyon chante aujourd'hui :

Gustate et videte quoniam suavis est Dominus ; properate et comedite, et vivet anima vestra : hic est panis qui de cœlo descendit, et dat vitam mundo : confortetur cor vestrum, omnes qui speratis in Domino : cantate ei canticum novum : bene psallite ei in vociferatione, alleluia. Ps. XXXIII. Is. LIV. Joan. VI. Ps. XXX. Ps. XXXII.

 

Nous transcrivons fidèlement, y compris les indications des sources à l'aide desquelles les faiseurs au service de Montazet ont bâti ce centon décousu. Voilà ce qu'on faisait alors de la tradition et de la poésie ; voilà le zèle avec lequel ces soi-disant gallicans traitaient les débris de la Liturgie de saint Irénée et de saint Hilaire. On voit, au reste, qu'ils ont eu quelque velléité d'imiter l'ancien cantique, ne serait-ce qu'en cherchant un rapprochement quelconque entre les dernières paroles de l'hymne gallicane : Cum Angelis clamantes : Alleluia, et ces mots : Bene psallite ei in vociferatione, alleluia. Voilà assurément de la mélodie janséniste : Psallite ei in ; et le vociferatione n'est-il pas ici d'un grand effet, et surtout d'une grande justesse ?

 

A Paris, en 1775, les libraires associés pour la publication des usages du diocèse, ayant donné une édition du missel remplie de fautes, l'archevêque Christophe de Beaumont leur enjoignit de ne rien imprimer dans la suite qui n'eût été revu par MM. de Saint-Sulpice. Ainsi, cette compagnie respectable qui s'était distinguée en 1736 par son opposition à l'œuvre de Vigier et Mésenguy, l'avait ensuite acceptée si cordialement, que l'autorité diocésaine n'avait rien de mieux à faire que de la préposer à la garde de ce dépôt. Les abbés Joubert et Symon de Doncourt furent spécialement chargés de diriger l'édition du Missel de 1777, et celle du bréviaire de 1778. Ils introduisirent quelques améliorations légères ; par exemple, en faisant disparaître la divergence des oraisons de la messe et de l'office, dans une même fête ; inconvénient qui rappelait la précipitation avec laquelle on avait procédé, au temps de l'archevêque Vintimille. Malheureusement, toutes les améliorations introduites par Joubert et Symon de Doncourt n'étaient pas aussi dépourvues d'esprit de parti ; autrement, on ne s'expliquerait pas la faveur inouïe qu'obtint le travail des deux sulpiciens de la part des jansénistes, qui jusqu'alors n'avaient jamais manqué une occasion de s'exprimer contre leur compagnie dans les termes les plus grossiers et les plus méprisants. Ce fut donc merveille de voir successivement trois feuilles des Nouvelles ecclésiastiques (20 août, 29 octobre et 5 novembre 1784.) consacrées, presque en entier, à reproduire avec une faveur complète le mémoire dans lequel Joubert et Symon de Doncourt rendaient compte de leur opération au public.

 

Une des raisons de cette haute faveur apparaît en particulier dans une des améliorations de l'édition du Missel de 1777, signalée par Symon de Doncourt lui-même avec la plus naïve complaisance, dans une lettre de cet ecclésiastique insérée au Journal ecclésiastique du janséniste Dinouart (Tome LXVI, page 266.). Le correcteur du missel se félicite d'avoir été à portée de rectifier une grave erreur qui s'était glissée dans la fameuse oraison de saint Pierre : Deus qui beato Petro apostolo tuo, collatis clavibus regni cœlestis ANIMAS ligandi atque solvendi pontificium tradidisti. La cour de Rome, suivant l'auteur de la lettre, aurait, dans les temps postérieurs, retranché à dessein le mot animas, comme faisant obstacle à ses prétentions sur le temporel des rois. Malheureusement pour Symon de Doncourt, les jansénistes et les constitutionnels ont tant rebattu depuis lors cette anecdote liturgique (Voyez les Annales de la Religion, journal de l'Église constitutionnelle ; la Chronique religieuse dirigée par Grégoire ; les ouvrages de Grégoire lui-même ; Tabaraud, etc. Il n'est peut-être pas d'histoire qui y soit plus souvent ressassée que cette prétendue supercherie romaine), qu'il serait difficile aujourd'hui de la réfuter sans dégoût. Disons donc seulement que si les missels romains actuels ne portent pas le mot animas, les divers manuscrits du Sacramentaire de saint Grégoire, publiés par Pamélius et D. Hugues Ménard, ne le portent pas non plus. Est-ce donc une honte pour l'Église romaine de s'en tenir à la leçon de saint Grégoire ? Quant à l'honorable intention de fermer l'entrée du Missel de Paris aux doctrines ultramontaines, en exprimant fortement cette maxime, que le pouvoir de lier et délier donné à saint Pierre s'exerce sur les âmes (animas), cela est bien puéril. Qui ne sait, en effet, que la puissance spirituelle est spirituelle de sa nature, en sorte que si elle atteint les choses temporelles, elle ne les peut atteindre que par les âmes, par les intérêts spirituels, par la conscience ? D'autre part, Symon de Doncourt, ainsi que l'abbé Grégoire et consorts, prétendrait-il que l'Église n'a de pouvoir à exercer que sur les âmes ? Mais comment demeurer catholique avec une pareille doctrine qui renverse d'un seul coup toutes les obligations extérieures, les seules que l'Église puisse prescrire par des lois positives ?

 

Mais c'est assez ; il nous en coûterait trop de prolonger cette apologie de l'Église romaine, et nous voulons croire pieusement que Symon de Doncourt, s'il vivait aujourd'hui, serait le premier à réfuter sa propre découverte, dont le résultat final n'a profité jusqu'ici qu'à des hérétiques et des schismatiques.

 

DOM GUÉRANGER INSTITUTIONS LITURGIQUES : CHAPITRE XXIII : DE LA LITURGIE DURANT LA SECONDE MOITIE DU XVIIIe SIECLE.    

 

Missale pictaviense

Missel Pictavien, Poitiers, 1767

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5 juin 2012 2 05 /06 /juin /2012 11:30

Apprenons donc à connaître la raison sublime de cette patience du Siège apostolique, et souvenons-nous que ce n'est pas la sagesse humaine, mais la divine et éternelle sagesse qui a donné ce conseil à ceux qu'elle envoyait au milieu des hommes : Soyez prudents comme le serpent : Estote prudentes sicut serpentes (Matth. X, 16.).

 

Il est temps enfin de mettre sous les yeux du lecteur la bibliothèque des auteurs liturgiques de la période que nous avons parcourue.

 

(1701). Notre liste s'ouvre par Lazare-André Bocquillot, chanoine d'Avallon,qui a laissé un ouvrage assez curieux, mais écrit avec les préjugés de son temps, intitulé : Traité historique de la Liturgie sacrée, ou de la Messe. Paris, 1701, in-8°. Il rédigea aussi le rituel du diocèse d'Autun.

(1701). Alain, chanoine de Saint-Brieuc, a donné un volume in-12, rare et curieux, sous ce titre : Devoirs et Fonctions des aumôniers des évêques.

(1701). Prosper Tinti, personnage que nous ne connaissons que par Zaccaria, est éditeur du volume intitulé : Series sacrorum Rituum in aperitione portes Basilicae Patriarchalis sancti Pauli. Rome, in-4°.

 

(1702). François-Antoine Phœbeus publia cette année, à Rome, trois dissertations : De sacris Liturgice Ritibus. 1702, in-8°.

(1702). Jean-Christophe Battelli, bénéficier de la basilique vaticane, et plus tard archevêque d'Amasie, a laissé un savant traité sous ce titre : Ritus annuae ablutionis altaris majoris Basilicae Vaticanœ in die Cœnœ Domini, explicatus ac illnstratus. Rome, 1702 et 1707, in-8°. Il a laissé aussi : Brevis enarratio sacrorum Rituum servatorum in aperiendo et claudendo portam sanctam Patriarchalis Basilicae Liberianœ. Cet ouvrage, continué par Antoine-Dominique Norcia, chanoine de Saint-Laurent in Damaso, parut à Rome, in-4°, en 1736.

(1703). Adrien Baillet, critique scandaleux et téméraire, a complété ses Vies des Saints par une Histoire des Fêtes mobiles. Paris, 1703, in-8°.

 

(1705). R. Vatar, auteur du livre intitulé : Des Processions de l'Église, de leurs antiquités, utilités et des manières d'y bien assister (Paris, 1705, in-8°), ne nous est connu que par son livre.

(1706). Jean Prastricio, professeur de théologie polémique au collège de la Propagande, a publié une dissertation sous ce titre : Patenae argenteae mysticœ, quae Foro-Cornelii in Cathedrali Ecclesia colitur descriptio et explicatio. Rome, 1706, in-4°.

(1708). Dom Benoît Bacchini, abbé bénédictin de la congrégation du Mont-Cassin, mérite une place distinguée parmi les liturgistes de son temps, pour les savantes notes dont il a enrichi son édition du Liber Pontificalis, sive vitae Pontificum Ravennatum. Modène, 1708, 2 vol. in-4°.

 

(1708). Joseph Bingham, docteur de l'université d'Oxford et curé anglican, ne saurait être oublié ici sans injustice, ayant si bien mérité de la science des antiquités ecclésiastiques et liturgiques en particulier par le bel ouvrage dont il publia le premier volume à Londres, en 1708, sous ce titre : Origines Ecclesiasticae, or the antiquities of the Christian Church. Cet ouvrage, grandement utile, malgré les innombrables erreurs protestantes dont il est souillé, a été traduit en latin par J. H. Grichow, et publié à Hall, en onze volumes in-4°, 1724-1738.

(1709). Antoine Baldassari, jésuite italien, a publié les ouvrages suivants : 1° Il Sacerdote sacrificante a Dio nell' Altare, con la norma delle Rubriche, cioè il Sacerdote reso esperto nelle Cerimonie della Messa. Pistoie, 1699. — 2° La sacra Liturgia dilucidata. Forli et Urbin, 1697-1698, 3 vol. in-12. — 3° I Pontificii Agnus Dei dilucidati. Rome, 1700, in-12. — 4° La Rosa d’oro, che si benedice nella quarta Domenica di Qtiaresima dal sommo Pontefice. Venise, 1709, in-8°. — 5° Il Pallio Apostolico dilucidato. Venise, 1719, in-8°.

(1709). Dom Thierry Ruinart, savant bénédictin de la congrégation de Saint-Maur, a laissé manuscrit l'ouvrage intitulé : Disquisitio historica de Pallio Archiepiscopali, qui a été publié parmi les ouvrages posthumes de Dom Mabillon. 1724, in-4°.

 

(1710). François Orlendis, dominicain, a laissé un savant traité : De duplici lavacro in Cœna Domini. Florence, 1710, in-4°.

(1710). Jean-Baptiste Frescobaldi, personnage qui ne nous est connu que par Zaccaria, a laissé : Pedilavium sive de numero pauperum quibus lavandi sunt pedes, in feria V Cœnœ Domini. Lucques, 1710, in-4°.

(1713). C'est l'année en laquelle mourut Jean-François de Percin de Montgaillard, évêque de Saint-Pons, prélat qui a reçu les plus grands éloges de la part des jansénistes et qui les méritait. Nous avons déjà eu l'occasion de mentionner son zèle pour les maximes françaises sur la Liturgie. Il publia un traité du droit et du pouvoir des évêques de régler les offices divins dans leurs diocèses. 1686, in-8°. Benoît XIV flétrit ce livre avec énergie et désapprouve hautement la doctrine qu'il contient, dans son Traité de la Canonisation des Saints, à l'article où il parle du Bréviaire romain.

 

(1714). Dom Simon Mopinot, bénédictin de la congrégation de Saint-Maur, a composé des hymnes remarquables; on admire surtout celles d'un office de l'Enfant Jésus.

(1715). D. J. Grandet, curé de Sainte-Croix d'Angers, a donné le curieux livre intitulé : Dissertation apologétique sur l'apparition miraculeuse de N.-S. J.-C, arrivée au Saint Sacrement, en la paroisse des Ulmes de Saint-Florent, près de Saumur, le 2 juin de Vannée 1668. Château-Gontier, 1715, in-12. On trouve dans cet ouvrage les plus précieux détails sur la fameuse procession de la Fête-Dieu, dite le Sacre d'Angers.

(1715). Christophe Matthieu Pfaff, chancelier de l'Université de Tubingue, entre plusieurs dissertations qu'il a laissées sur des matières liturgiques, et dans lesquelles il a répandu une érudition qui fait regretter qu'un homme aussi distingué ait dépensé, hors de la vraie Eglise, les trésors de sa science, a composé celle que nous avons citée ailleurs sous ce titre : Disquisitio de Liturgiis, Missalibus, Agendis, etc. Tubingue, 1721.

 

(1716). Philippe Buonarotti, sénateur de Florence, illustre archéologue, est connu par un ouvrage célèbre, indispensable à ceux qui se livrent à l'étude des antiquités chrétiennes, et intitulé : Osservazioni sopra alcuni frammenti di vasi antichi, ornati di figure, trovati nei Cimiterj di Roma. Florence, 1716, in-4°.

(1716). Eusèbe Renaudot, un des plus savants ecclésiastiques de son temps, appartient à notre bibliothèque liturgique par le magnifique ouvrage qu'il publia sous le titre de : Liturgiarum Orientalium collectio. Paris, 1716, 2 vol. in-4°.

(1717). Jean-Baptiste Halden, jésuite, a laissé cet ouvrage pratique : Ephemerologion Ecclesiastico-Rubricisticum novum. Brescia, 1717, in-4°.

 

(1717). Honoré de Sainte-Marie, carme déchaussé, dans son célèbre traité sur l’ Usage et les Règles de la Critique, tomes II et III, traite un grand nombre de questions d'antiquité liturgique.

(1718). Le Brun Desmarettes, acolyte, auteur des bréviaires d'Orléans et de Nevers, a laissé, sous le pseudonyme de Sieur de Moléon, d'intéressants Voyages liturgiques de France, ou Recherches faites en diverses villes du royaume. Paris, 1718, in-8°. C'est à cet auteur janséniste que nous devons la dernière édition du livre de Officiis Ecclesiasticis, de Jean d'Avranches.

(1718). Dom Jacques Bouillart, bénédictin de la congrégation de Saint-Maur, fit paraître, cette année, une édition du Martyrologe d'Usuard, sur le manuscrit original de cet auteur, qui fut moine de Saint-Germain-des-Prés. Le volume est intitulé : Usuardi San-Germanensis Monachi Martyrologium sincerum, ad autographi, in San-Germanensi Abbatia servati, fidem editum, et ab observationibus R. P. Sollerii Socielatis Jesu vindicatum. Paris, in-4°.

 

(1719). Sébastien Paulli, clerc régulier des Écoles pies, a laissé une dissertation curieuse : De Ritu Ecclesiœ Neritinœ exorcisandi aquam in Epiphania. Naples, 1719, in-4°. Il a traité aussi de la fameuse patène de saint Pierre Chrysologue, sous ce titre : De Patena argentea Foro-Corneliensi. Naples, 1745, in-8°. Il laissa, en manuscrit, deux ouvrages fort importants : 1° Lexicon sacrorum Rituum Ecclesiœ Graecœ et Latince. Libri duo, in quibus Ritus utriusque Ecclesiœ exponuntur et elucidantur; nec non plura ad eos spectantia, sacra vasa, vestes, libri can-tus, festivitates, mimera ecclesiastica, officia, sacrorum ordinum collationes, Monachorum antiquorum consuetudines, vestes, et quidquid sacrant Liturgiam spectat, ex probatissimis Auctoribus recensentur. 2 vol. in-fol. — 2° Collectio quarumdam precum,quas insacris Liturgiis, aliisque Ecclesiasticis Officiis quondam adhibitis, partim ex Mss., partim ex editis vetustis Codicibus eruit, notis illustravit Sebastianus Paulli. 2 vol. in-fol.

(1719). Joseph-Simon Assemani, maronite, archevêque de Tyr, a rendu un éminent service aux amateurs de la Liturgie orientale, par la publication de sa fameuse Bibliotheca Orientalis, où il mentionne un grand nombre de pièces concernant les offices divins. Elle parut à Rome, de 1719 a 1728. Son édition de saint Éphrem est aussi d'un grand prix, pour les nombreuses hymnes de ce saint moine, qui jusqu'alors étaient demeurées inédites, au moins pour la plupart. Enfin Joseph-Simon Assemani a publié les six premiers volumes d'un grand ouvrage, malheureusement resté imparfait, comme tant d'autres, et qui porte ce titre : Kalendaria Ecclesiœ universœ. Rome, 1755-1757, 6 vol. in-4°.

 

(1720). Philippe Bonanni, jésuite, est auteur du livre intitulé : La Gerarchia Ecclesiastica considerata nelle vesti sacre e civili, usate da quelli quali la compongono, espresse, e spiegate con le immagini di ciascun grado della medesima. Rome, 1720, in-4°.

(1720). Thomas Brett, docteur anglican, fit paraître en cette année, à Londres, une Collection des principales Liturgies de l'Église chrétienne usitées dans la célébration de la sainte Eucharistie. Cette collection, en langue anglaise, se compose: 1° de la Liturgie tirée des constitutions apostoliques; 2° de celle de saint Jacques; 3° de celle de saint Marc; 4° de celle de saint Jean-Chrysostome; 5° de celle de saint Basile; 6° de la Liturgie de l'Église éthiopienne; 7° de celle de Nestorius; 8° de celle de Sévère; 9° des fragments du Missel gothique de D. Mabillon; 10° des fragments du Missel gallican, du même; 11° de certaines parties du missel mozarabe; 12° du Missel romain, édition de Rome, 1747; 13° de la Liturgie d'Edouard VI et du Livre de prières communes, édition de Londres, 1749 ; 14° de la formule de communion de l'Église anglicane; 15° du fragment de la première Apologie de saint Justin, sur l'Eucharistie; 16° de la Catéchèse cinquième de saint Cyrille de Jérusalem.

 

(1720). François Oudin, jésuite, est connu par des hymnes en l'honneur de saint François-Xavier, qui le mirent en telle réputation, qu'il fut prié d'en composer d'autres pour le Bréviaire d'Autun.

(1720). Le comte Ortensio Zago, de Vicence, l'un de ces savants italiens que l'on voit cultiver les sciences ecclésiastiques conjointement avec les sciences profanes, a laissé deux dissertations, savoir : De veterum Christianorum inscriptionibus et de Liturgiarum in rebus theologicis usu. Padoue, 1720, in-4°.

(1720). Marc-Antoine Boldetti, chanoine de Sainte-Marie Trans Tiberim, et custode des sacrés cimetières, occupe une place distinguée parmi les investigateurs de Rome souterraine, par son bel ouvrage qui enrichit de nouvelles découvertes les mémoires si précieux de Bosio et Aringhi. Il est intitulé : Osservazioni sopra i cimiterj de' Sancti Martiri, ed antichi Cristiani di Roma. Rome, 1720, in-fol.

 

(1721). Joseph-André Zaluski, évêque de Kiew, fondateur de la fameuse bibliothèque de Varsovie, et l'un des plus généreux défenseurs de la nationalité polonaise, est auteur d'un livre intéressant, intitulé : Analecta historica de sacra, in die Natali Domini, a Romanis Pontificibus quotannis usitata ceremonia ensem et pileum benedicendi, eaque munera principibus Christianis mittendi. Varsovie, 1721, in-4°.

(1721). Dom Ange-Marie Quirini, bénédictin de la congrégation du Mont-Cassin, évêque de Brescra et cardinal, ne fut pas moins versé dans la science liturgique que dans les autres branches de l'antiquité ecclésiastique. Il a laissé, entre autres : Officium Quadragesimale Grœcorum, recognitum et castigatum, ad fidem prœstantissimi codicis Barberini in latinum sermonem conversum, atque diatribis illustratum. Rome, 1721, in-4°. Les dissertations que renferme ce volume, qui n'a pas été suivi du second que l'auteur avait promis, roulent sur les objets suivants: 1° De origine et antiquitate sacrœ Grœcorum Synaxeos ; 2° De authoribus Officii Quadragesimalis Grœcorum; 3° De Dominicis, hebdomadibus Quadragesimalibus Grœcorum; 4° De erroribus quibus édita Officii proprii Quadragesimalis Grœcorum exemplaria conspurcantur, quibusque omnino vacant veteres codices MSS.; 5° De Triodicis et Theotociis Quadragesimalibus ; 6° De veteri Quadragesimali Grœcorum Typico. En 1743, le même cardinal adressa une lettre de cinquante-deux pages in-folio à Dom Laneau, supérieur général de la congrégation de Saint-Maur, De priscis hymnographis Grœcœ Ecclesiœ (Brescia), à l'occasion des travaux que Dom Toustain et Dom Tassin avaient entrepris sur saint Théodore Studite. Les deux bénédictins français répondirent par une lettre de cinquante-deux pages in-4°, en date du 19 avril 1744 (Paris), dans laquelle ils proposent des difficultés au savant cardinal sur quelques points de sa dissertation. Parmi les lettres latines du cardinal Quirini, publiées à Rome, il en est une où il combat sur plusieurs points la célèbre dissertation, en forme de bref, que Benoît XIV a mise en tête de son édition du Martyrologe romain. Dans le catalogue que le cardinal a dressé lui-même de ses ouvrages, il mentionne une dissertation : De nulla Ecclesiœ N. consecratione ex non rite facta duodecim crucum unctione. Il a donné aussi, sous le titre d'Enchiridion Grœcorum (Bénévent, 1725, in-8°), une collection des décrets des pontifes romains sur les dogmes et les rites des Grecs, depuis le schisme.

 

(1721). Dom Dominique Fournier, bénédictin de la congrégation de Saint-Maur, est auteur des offices de saint Germain d'Auxerre, saint Anselme, saint Laumer de Blois, saint Phalier et sainte Scholastique, imprimés à Rouen, en 1721. Les hymnes de l'office de sainte Scholastique sont de la composition de D. Gabriel Guérin, confrère de Fournier.

(1721). Pierre Moretti,chanoine de Sainte-Marie Trans Tiberim, a composé les traités suivants,dans lesquels il a fait preuve du plus rare savoir: 1° De ritu ostensionis sacrarum reliquiarum, dissertatio historico-ritualis. Rome, 1721, in-4°;— 2° De ritu variandi chorale indumentum in solemnitate Paschali. Rome, 172,2. Cet ouvrage renferme un supplément à la Dissertation sur l'ostension des reliques ; —3° Ritus dandi Presbyterium Papœ, Cardinalibus et Clericis nonnullarum Ecclesiarum Urbis, nunc primum investigatus et explanatus. Rome, 1741, in-4°;— 4° Parergon ad lucubrationem de ritu dandi Presbyterium, etc., Sive de festo in honorem Principis Apostolorum Romœ ad diem XXV Aprilis instituts enarratio. Rome, 1742, in-4°.

(1722). François-Marie Galluzi, jésuite, a laissé un ouvrage précieux sous ce titre : Il rito di consecrare le Chiese con la sua antichità, significato, convenienza, prérogative. Rome, 1722.

 

(1722). L'illustre prélat romain, François gianchini, n'est pas une des moindres gloires de la science liturgique au dix-huitième siècle. Nous citerons ses deux savantes dissertations : De Kalendario et cyclo Cœsaris ac de Paschah Canone Sancti Hippoliti Martyris (Rome, 1703, in-folio); mais surtout la magnifique édition du Liber pontificalis attribué à Anastase le Bibliothécaire, dont il publia trois volumes en 1718, 1723 et 1728 ; ouvrage dont les préfaces, les dissertations et les notes sont du plus haut intérêt pour les amateurs de la science des rites sacrés.

(1722). Michel Amati, prêtre napolitain,est auteur d'une dissertation : De opobalsami specie ad sacrum Chrisma conficiendum requisita. Naples, 1722.

(1723). Jean-Frédéric Bernard, savant libraire d'Amsterdam, n'est point un personnage assez sérieux sous le rapport liturgique pour avoir droit à une place dans cette bibliothèque : nous l'y admettons cependant à raison de l'importance que les gravures de Bernard Picart ont donnée à son ouvrage sur les Cérémonies et coutumes religieuses de tous les peuples du monde. Ce grand ouvrage, dans la composition duquel il fut aidé par Bruzen de la Martinière, et dont l'esprit protestant et superficiel n'a pas entièrement disparu dans l'édition postérieure qu'en ont donnée les abbés Banier et Le Mascrier, se compose de huit tomes, en neuf volumes in-folio, dans la première édition de Jean-Frédéric Bernard (Amsterdam, 1723-1743) ; elle en a onze dans celle de 1739-1743 (Amsterdam). L'édition française est de 1741, et n'a que sept volumes in-fol. La fortune surprenante de cet ouvrage n'est due qu'aux dessins du célèbre graveur, et nous avons eu plus d'une fois l'occasion de nous affliger en voyant l'importance que lui attribuaient des personnes graves d'ailleurs.

 

(1724). C'est l'année où Benoît XIII monta sur le Siège apostolique : nous y rattacherons aussi ses divers travaux liturgiques. Étant archevêque de Bénévent, il rédigea le Memoriale Rituum majoris hebdomadce pro functionibus persolvendis, Archiepiscopo celebrante vel assistente, ad usum Beneventanœ Ecclesiae. Bénévent, 1706, in-8°. Après la mort du pontife, on fit paraître à Rome, 1736, in-4°, sous le titre d’Opera Liturgica, plusieurs opuscules qu'il avait laissés inédits.

(1724). Eusèbe du Très-Saint-Sacrement, Espagnol, de l'ordre des Trinitaires déchaussés, est auteur d'un livre : De pertinentibus ad celebrationem jejunii Ecclesiastici Quatuor anni Temporum scilicet Quadragesimce, Pentecostes, Septembris et Decembris (Rome, 1724, in-4°), dans lequel il explique avec beaucoup d'étendue l'office de l'Église pour les jours des Quatre-Temps.

(1724). Jacques de la Baune, jésuite,paraît être l'auteur d'un ouvrage contre les innovations du fameux curé Jubé : Il est intitulé : Réflexions sur la nouvelle Liturgie d'Asnières, 1724, in-12.

 

(1725). Nicolas Antonelli, cardinal, a laissé sur les matières qui nous occupent les ouvrages suivants, qui méritent leur réputation : 1° De Titulis quos S. Evaristus Presbyteris Romanis distribuit. Rome, 1725, in-8°. — 2° Vetus Missale Romanum Monasticum Lateranense cum Prœfationibus, notis et Appendice. Rome, 1752, in-4°.

(1726). Pierre Lebrun, oratorien, dont nous avons déjà cité plusieurs fois le bel ouvrage sur la Messe, est un des derniers écrivains liturgistes vraiment dignes de ce nom que la France ait produits. Son savoir égala son orthodoxie. L'Explication littérale, historique et dogmatique des prières et cérémonies de la Messe est en quatre volumes in-8°, publiés à Paris, de 1716 à 1726. Cet ouvrage a été traduit en italien, et a paru à Vérone, en 1752, in-4°. Nous avons encore du P. Lebrun: 1° Une lettre touchant la part qu'ont les fidèles à la célébration de la Messe. 1718,in-8°.— 2° Manuel pour assister à la Messe et aux autres Offices de l'Église. 1718, in-16. — 3° Défense de l’ancien sentiment sur la forme de la Consécration de l'Eucharistie. 1727, in-8°.— 4° Lettre qui découvre l'illusion des journalistes de Trévoux dans le jugement de la Défense de l'ancien sentiment sur la forme de la Consécration de l'Eucharistie. 1728, in-8°. Ces deux derniers écrits sont une réponse à la critique que le P. Bougeant, jésuite, avait faite d'une des dissertations de l'explication de la Messe. Cette controverse qui tient aussi à la théologie sera touchée ailleurs dans cet ouvrage.

 

(1726). Dom Pierre-Marie Giustiniani, bénédictin de la congrégation du Mont-Cassin, et successivement évêque de Sagone, en Corse, et de Vintimille, a laissé, au rapport d'Armellini, une dissertation : De variis Gentilium ritibus quos Christiana Ecclesia sanctificavit, atque in suum usum convertit.

(1726). Jean-Baptiste Memmi, jésuite, est auteur du livre intitulé : Il rito di canonizare i santi spiegato. Rome, 1726, in-8°.

(1727). Juste Fontanini, savant prélat romain, a laissé : 1° Discus argenteus votivus veterum Christianorum Perusiœ repertus, et commentario illustratus. Rome, 1727, in-4°. 2° Codex Constitutionum quas summi Pontifices ediderunt in solemni Canonizatione sanctorum a Joanne XV, ad Benedictum XIII. Rome, 1727, in-folio. 3° Note sopra la Corona Chericale degli Ordini Monastici e de' Vescovi. 4° De vera forma Consecrationis Corporis et Sanguitiis Domini Nostri Jesu Christi. Ces deux opuscules se trouvent dans les mémoires sur la vie de Fontanini, publiés à Venise en 1736.

 

(1727). Jacques-Joseph Duguet, prêtre de l'Oratoire, dont il sortit plus tard, écrivain janséniste fameux, a composé une Dissertation théologique et dogmatique sur les Exorcismes et autres Cérémonies du Baptême. Paris, 1727, in-12.  

(1727). Guillaume-Hyacinthe Bougeant, jésuite, est connu dans la science liturgique par les deux ouvrages suivants : 1° Réfutation de la Dissertation du P. Lebrun sur la forme de la Consécration Eucharistique. Paris, 1727. — 2° Traité théologique de la forme de l'Eucharistie. Lyon, 1729.

(1729). On publia cette année, à Venise, sous le titre de Bibliotheca selecta de ritu Azymi ac Fermentati, les dissertations de Bona, Macedo, Ciampini et Mabillon, sur la question des Azymes, réunies en deux vol. in-8°. La même compilation fut réimprimée à Bologne, en 1750.

 

(1731). Jérôme Baruffaldi, archiprêtre d'une collégiale d'Italie, s'est rendu célèbre par ses Commentaria ad Rituale Romanum, imprimés pour la première fois à Venise, en 1731, in-fol.

(1731). Joseph-Augustin Orsi, dominicain, puis cardinal, célèbre par son Histoire ecclésiastique, doit être admis dans cette Bibliothèque pour les trois ouvrages suivants : 1° Dissertatio historica, qua ostenditur Catholicam Ecclesiam tribus prioribus sœculis capitalium criminum reis pacem et absolutionem neutiquam denegasse, et plures aliœ incidentes quœstiones ad eorumdem temporum Chronologiam ecclesiasticam pertinentes quibusdam digressionibus data opera examinantur. Milan, 1730, in-8. — 2° Dissertatio theologica de invocatione Spiritus Sancti in Liturgiis Grœcorum et Orientalium. Milan, 1731 , in-4°. — 3° Dissertatio historico-theologica de Chrismate confirmatorio. Milan, 1734, in-4°.  

(1731). Dominique Georgi, l'un des chapelains de Benoît XIV, est auteur du rare et précieux traité : De Liturgia Romani Pontificis in solemni celebratione Missarum. Rome, trois volumes in-4°, 1731, 1743, 1744. Il a laissé aussi : Gli abiti sacri del Romano Pontefice paonazzi e neri in alcune solenni Funzioni della Chiesa giustificati. Rome, 1724, in-4°. Enfin, nous avons de lui une magnifique édition du Martyrologe d'Adon. Rome, 1745, in-folio.

 

(1729). Jean Pinius, l'un des continuateurs de Bollandus, a donné, en tête du sixième tome de juillet des Acta Sanctorum, l'importante dissertation de Liturgia Mozarabica, que nous avons citée ailleurs. Nous profiterons de l'occasion pour mentionner les divers travaux liturgiques des jésuites d'Anvers. D'abord, leur magnifique compilation, si importante sous tant de rapports, est avant tout une œuvre liturgique. De plus, il n'est pas rare de rencontrer, en tête des divers volumes, des dissertations spéciales sur les choses du culte divin. Le deuxième tome de mars est remarquable par un traité sur le martyrologe de Bède. Le premier tome de mai offre, sous le titre de : Ephemerides Grœcorum et Moscorum, un curieux travail sur le calendrier de l'Église grecque, par le P. Papebrok. Le deuxième tome de juin est accompagné d'une dissertation non moins utile du P. Nicolas Rayseus : De Acoluthia Officii Canonici Grœcorum. Les tomes VI et VII de
juin renferment la célèbre édition du martyrologe d'Usuard, suivie d'un grand nombre d'autres inédits, par le P. du Sollier. Le premier tome de septembre présente une excellente dissertation de Diaconissis, par le Père Pinius, etc.

(1729)- Simon Gourdan, chanoine régulier de l'abbaye de Saint-Victor, personnage de grande piété et sincère orthodoxie, qui mourut cette année, a composé des hymnes et des proses, dont plusieurs sont employées dans les livres parisiens actuels. Nous regrettons que le défaut de renseignements sur ce point ne nous permette pas de les désigner autrement à nos lecteurs.

(1733). Remy Breyer, chanoine de la cathédrale de Troyes, l'un des auteurs du bréviaire de ce diocèse, a laissé une Nouvelle dissertation sur les paroles de la Consécration. Troyes, 1733, in-8, dans laquelle il combat le sentiment du P. Le Brun. Le lecteur se rappelle sans doute d'avoir vu le nom de Breyer parmi ceux des chanoines opposants au missel de Troyes.

 

(1734). Le Joucnal des Savants de 1734, page 641, donne l'analyse d'un ouvrage du P. deBoncrueil, intitulé : L'Esprit de l'Église dans la récitation de cette partie de l'Office qu'on appelle Complies. Imprimé à Paris, la même année, in-12.

(1735). Joseph Bianchini, neveu de François Bianchini, de l'Oratoire de Rome, a rendu de grands services à la science liturgique, en publiant le Sacramentaire dit Léonien, qu'il fit paraître d'après un manuscrit de Vérone, en tête du quatrième tome de la superbe édition d'Anastase, commencée par son oncle, et dont le cinquième et dernier volume n'a pas paru. La Préface de l'Ordre Romain publié par François Bianchini, dans son troisième volume d'Anastase, appartient pareillement à Joseph. Nous avons parlé, à l'article du B. Cardinal Tommasi, de l'édition des œuvres de cet illustre Liturgiste, que Joseph Bianchini avait entreprise et qu'il n'acheva pas. Il importe de détailler ici les matières contenues dans le seul tome qui parut de cette collection, à Rome, 1741, en deux parties. Après une préface remplie d'érudition, Bianchini produit les matières suivantes : 1° Johannis Pinii tractatus de Liturgia Hispanica. 2° Notitia Breviarii Mozarabici. 3° Ordo divini Officii Gothici Mozarabici. 4° Libellus orationum Ecclesiasticorum Officiorum Gothico-Hispanus, nunc primum in lucem editus ex incomparabili et plusquam millenario MS. codice. in-fol. majoris formœ, amplissimi Capituli Veronensis. Nous mentionnerons ici, comme tenant à notre sujet, la belle publication projetée par François Bianchini et commencée par son neveu, sous le titre de : Demonstratio Historiœ Ecclesiasticae quadripartitæ, monumentis ad fidem temporum et gestorum. Rome, 1752, grand in-folio.  

 

(1736). Joseph Catalani, de Rome, est un des plus importants liturgistes des temps modernes. Ses divers ouvrages sur les Rites sacrés sont : 1° De Codice Sancti Evangelii atque servatis in ejus lectione et usu partis ritibus. Rome, 1733, in-4°. — 2° Commentaria in Pontificale Romanum. Rome, 1736, trois volumes in-fol. — 3° Cœremoniale Episcoporum commentariis illustratum. Rome, 1744, deux volumes in-fol. — 4° Sacrarum Caeremoniarum sive Rituum Ecclesiasticorum S. R. E. libri tres ab Augustino Patricio ordinaxi et a Marcello Corcyrensi Archiepiscopo primum editi, commentariis aucti. Rome, 1750, deux volumes in-fol. —5° Rituale Romanum Benedicti Papae XIV jussu editum et auctum, perpetuis commentariis exornatum. Rome, 1757, deux volumes in-fol.

(1736). Jean de Johanne, chanoine de la cathédrale de Palerme, a travaillé sur la Liturgie des Eglises de Sicile, antérieure au Bréviaire de S. Pie V, et qui n'était autre que la Liturgie romaine-française, introduite en Sicile par les ducs d'Anjou. Son livre est intitulé : De Divinis Siculorum Officiis. Palerme, 1736, in-4°.

(1736). Gaëtan-Marie Merati, théatin, est fameux par ses nouvelles observations et additions au Thesaurus sacrorum Rituum de Gavanti. Elles parurent d'abord en quatre volumes in-4°, à Rome, en 1736, 1737, 1738, et sont dans les mains de tous ceux qui s'occupent de Liturgie sous le point de vue pratique. Merati entreprit son travail à la sollicitation du cardinal Lambertini, qui, devenu Pape, témoigna la plus grande estime pour les travaux et la personne de ce liturgiste, au point qu'il alla lui rendre visite dans sa dernière maladie. Merati préparait une collection des liturgies occidentales, dont il avait concerté le plan avec le B. Tommasi, son confrère. Il mourut en 1745, laissant une bibliothèque considérable en livres liturgiques, dont Benoît XIV voulut enrichir la sienne.

 

(1737). C'est l'année où mourut le P. Antoine-Marie Lupi, auteur de la célèbre Dissertation sur l'épitaphe de sainte Sévère, et de tant d'autres travaux archéologiques. Il a traité savamment des baptistères anciens et de plusieurs autres matières liturgiques. Ces divers mémoires ont été recueillis par Zaccaria, sous le titre de : Dissertazioni, lettere ed altre opperette, con giunte ed annotazioni. Faenza, 1755, in-4° en deux parties.

(1737) Agnello Onorato, chanoine d'Aversa, fit paraître à Lucques, en 1737, in-4°, neuf dissertations sur diverses thèses de l'antiquité ecclésiastique, dont plusieurs ont trait à la science liturgique. Nous citerons en particulier la quatrième qui est intitulée : Dell' estrema unzione : dell’ antico osia lodevol rito di santa Chiesa n'ell’ amministrare agl'infermi la sacra unzione prima di dar loro il viatico.

(1737). Dom Léger Mayer, bénédictin de l'abbaye de Muri, en Suisse, est connu par son Explicatio compendiosa litteralis historica cœremoniarum, earum prœcipue quœ ad S. Liturgiam spectant. Tugii, 1757, in-12.

(1737). Jean Bottari, prélat romain, a complété la série des ouvrages qui traitent des monuments de Rome Souterraine, si importants pour la science liturgique, par son beau travail intitulé : Sculture e pitture sacre estratte da Cimeteri di Roma,publicate gia dagli Autori della Roma Sotterranea nuovamente date in luce colle spiegazioni. Rome, 3 volumes in-folio, 1737, 1746 et 1754.

 

(1739). Dom Germain Cartier, bénédictin d'Ettenheimunster, au diocèse de Strasbourg, a composé un ouvrage très-utile à ceux que leur vocation appelle à célébrer l'office divin ; il est intitulé : Psalmodiœ Ecclesiasticœ dilucidatio. Strasbourg, 1739, in-8°.

(1741). Jean Lebeuf, sous-chantre de la cathédrale d'Auxerre, personnage grandement érudit, mais qui eut le malheur de fabriquer durant sa vie une trop grande masse de plain-chant, a laissé un Traité historique et pratique sur le Chant ecclésiastique. Paris, 1741, in-8°. Il est auteur du Martyrologium Autisiodorense.

(1740). Jean-Chrysostome Trombelli, chanoine régulier, l'un des hommes les plus versés dans la science liturgique qu'ait eus l'Italie au XVIIIe siècle, a laissé, entre autres ouvrages, trois magnifiques traités : De Cultu sanctorum dissertationes decem quibus accessit appendix de Cruce. Bologne, 1740. Cinq volumes in-4° et six avec les Vindiciœ. — Mariœ Sanctissimœ Vita ac gesta, cultusque illi adhibitus per dissertationes descripta. Bologne, 1761. Six volumes in-4°. — Tractatus de Sacramentis per polemicas et Liturgicas dissertationes dispositi. Bologne, 1775. Douze volumes in-4°. Cet illustre liturgiste a donné une édition de l’Ordo Officiorum Ecclesiae Senensis ab Oderico ejusdem Ecclesiœ Canonico compositus, ouvrage inédit, et dont Muratori avait indiqué l'existence au tome Ve de ses Antiquitates Italicœ. L'édition de Trombelli est de Bologne, in-4°.

 

(1743). Jacques Merlin, jésuite, a composé un Traité historique et dogmatique sur les paroles ou les formes des sept Sacrements de l’Église. Paris, 1745, in-12.

(1743). Joseph-Michel Cavalieri, augustin, est célèbre parmi les auteurs pratiques sur la Liturgie, par ses savants commentaires sur les décrets de la Congrégation des Rites, dont la meilleure édition parut après la mort de l'auteur, en 1758, Venise, cinq tomes in-folio, sous ce titre : Cavalieri opera omnia Liturgica, seu commentaria in authentica S. R. C. Decreta. Cavalieri se montre, en beaucoup d'endroits, hostile à Merati, et le combat avec affectation ; ce qui lui attira une réplique assez énergique de la part d'un certain Charles de Ponivalle, qui publia des Mémoires en italien sur la vie et les écrits de Merati, à Venise, 1755, in-4°.

(1743). Dom Bennon Lobel, bénédictin allemand, abbé de Sainte-Marguerite de Prague, a composé une savante dissertation sur la fameuse médaille de saint Benoît, qui a été l'objet des sarcasmes de J.-B. Thiers, comme aussi des naïvetés de plusieurs personnes contemporaines. Elle est intitulée : Disquisitio sacra numismatica de origine, quidditate, virtute, pioque usu Numismatum, seu Crucillarum Sancti Benedicti Abbatis, per SS. D. N. Benedictum XIV. P. M. instaurato. Vienne, 1743, in-8°.

 

(1744). Jean Marangoni, adjoint à Boldetti dans la garde des sacrés cimetières, a laissé un ouvrage d'une valeur inappréciable pour l'archéologue et le liturgiste. Il porte ce titre : Delle cose gentilesche e profane transportate ad uso e ad ornamento delle chiese. Rome, 1744, in-4°. Il y a aussi des choses très-importantes pour la science liturgique, dans le savant ouvrage du même auteur sur la chronologie des Papes, intitulé : Chronologia Romanorum Pontificum superstes in pariete australi Basilicœ S. Pauli viœ Ostiensis. Rome, 1751, in-folio.

(1744). Dom Charles-François Toustain et Dom Rene-Prosper Tassin, bénédictins de la congrégation de Saint-Maur, auteurs du Nouveau Traité de Diplomatique, appartiennent à notre bibliothèque, non seulement par la lettre au Cardinal Quirini dont nous avons parlé plus haut, mais aussi par leurs grands travaux, malheureusement restés manuscrits, pour l'édition de saint Théodore Studite, l'un des principaux hymnographes de l'Église grecque. Dans la Lettre au cardinal Quirini, ils démontrent qu'il y a une véritable poésie imitée des anciens poètes dramatiques, dans les tropaires, stichères, odes et cantiques du saint abbé de Stude. Il est fâcheux qu'ils n'aient pas étendu cette observation aux autres monuments du même genre, tant de l'Église grecque que de l'Église latine. Dom Toustain a laissé manuscrit un ouvrage intitulé : Recherches sur la manière de prononcer les paroles de la Liturgie chez les Grecs et les Orientaux, où l'on prétend réfuter la dissertation du P. Le Brun sur le même sujet. Nous n'avons pas besoin de signaler l'esprit qui a présidé à la composition de cet ouvrage.

 

(1745). Antoine Martinetti a laissé un livre important sous ce titre : De Psalterio Romano. Rome, 1745, in-folio.

(1745). Dom Charles Chardon, bénédictin de la Congrégation de Saint-Vannes, est connu avantageusement par un ouvrage plein de recherches, intitulé : Histoire des Sacrements, ou de la manière dont ils ont été célébrés et administrés dans l'Église, et de l'usage qu'on en a fait depuis le temps des Apôtres jusqu'à présent. Paris, 1745. Six volumes in-12. Cette histoire a été traduite en italien.

(1746). Jean-Baptiste Gattico, chanoine régulier de Latran, est connu par les ouvrages suivants: 1° De Oratoriis domesticis et de usu Altaris portatilis, juxta veterem ac recentem Ecclesiœ disciplinant.. Rome, 1746, in-fol. — 2° Epistola Apologetica ad amicum, dans laquelle l'auteur défend ce qu'il a avancé au chapitre XXIX du précédent ouvrage, au sujet de l'administration du sacrement de l'Eucharistie dans les oratoires privés. Bergame, 1751. —3° Acta selecta Cœremonialia sanctœ romanœ Ecclesiœ ex variis MSS.Codicibus et Diariis sœculi XV.XVI.XVII. Rome, 1753, in-folio; un volume et demi, l'impression du second n'ayant point été achevée. Cet ouvrage renferme des détails du plus grand prix pour l'histoire domestique de la Cour de Rome, autant que pour la Liturgie.

 

(1747). C'est l'année où parurent à Rome, en douze volumes in-folio, les œuvres dû grand Pontife Benoît XIV, dont le nom seul rappelle la plus vaste science liturgique dont jamais un homme ait été orné. Il suffira sans doute de désigner ici en abrégé les divers ouvrages de ce grand homme, puisqu'ils sont entre les mains de tout le monde. 1° De servorum Dei Beatificatione et de Beatorum Canonizatione. — 2° De Sacrosancto Missœ Sacrificio. — 3° De Festis D. N. J. C. et B. M. V. Le Bullaire et les Institutiones Ecclesiasticœ renferment une infinité de questions liturgiques que l'illustre auteur discute et approfondit toujours. Nous avons parlé de son édition du Martyrologe.

(1747). Robert Sala, cistercien de la congrégation des Feuillans d'Italie, personnage dont nous avons déjà parlé à propos du cardinal Bona, son confrère, a enrichi de notes précieuses les deux livres Rerum Liturgicarum du pieux et docte cardinal. Cette édition, dédiée à Benoît XIV, est en trois volumes in-folio. Turin, 1747. Ils ont été suivis d'un quatrième, contenant les lettres de Bona.

(1748). L'illustre Louis-Antoine Muratori, dont le nom seul rappelle les prodiges de la science la plus colossale, ne dédaigna pas les études liturgiques, et s'est acquis le droit de figurer dans notre bibliothèque par sa Liturgia Romana vetus tria Sacramentaria complectens. Venise, 1748. Deux volumes in-folio. On dit cependant que le fond de ce travail appartient au savant Dom Benoît Bacchini, bénédictin de la congrégation du Mont-Cassin.

 

(1749). Thomas-Marie Mamachi, dominicain fameux, mérite aussi une place dans ce catalogue, pour le magnifique ouvrage qu'il voulut opposer aux Origines Christianœ de Bingham. Il est intitulé : Originum et Antiquitatum Christianarum libri viginti. Rome, 1749-1755, cinq volumes in-4°. Malheureusement, cet ouvrage, quelque peu gâté par certains traits échappés à un esprit de corps injuste, est resté incomplet. Nous citerons encore, parmi les écrits de Mamachi : De' costumi de' primitivi Cristiani. Rome, 1753-1757, trois volumes in-8°.

(1749). Léonard Cecconi, évêque de Montalte, est connu par sa Dissertazione sopra l'origine, significato, uso e moraliammaestramentiper la divota recita dell’ Alleluia. Velletri, 1749,10-8°.

(1749). Joseph-Aloyse Assemani, neveu de Joseph-Simon, est à jamais illustre par sa magnifique collection liturgique, intitulée : Codex Liturgicus Ecclesice universœ inXV Libros distributus, in quo continentur Libri Rituales, Missales, Pontificales, Officia, Diptycha, etc., Ecclesiarum Occidentis et Orientis. Le premier volume parut à Rome, en 1749, in-4°. Cette œuvre, comme tant d'autres, est demeurée inachevée, neuf volumes seulement ayant paru. Vingt auraient à peine suffi à remplir le plan de l'auteur. Il a laissé, en outre, une dissertation De Sancs Ritibus. Rome, 1757, in-4°; et un Traité De Ecclesiis, earum reverentia et asylo. Rome, 1756, in-fol. (1749). Cousin de Contamine, séculier, employé dans les fermes royales, fit paraître, sous le voile de l'anonyme, une brochure intitulée : Traité critique du plain-chant usité aujourd'hui dans l’Église, contenant les principes qui en montrent les défauts et qui peuvent conduire à le rendre meilleur. Paris, 1749, in-12 de 69 pages. On remarque, en tête du volume, une vignette sur laquelle est représenté un bœuf piqué par un cousin ; ce qui signifie assez que l'auteur, en faisant allusion à son propre nom, a eu en vue d'attaquer l'abbé Lebeuf.

 

(1750). Poisson, curé de Marchangis, a laissé, sur le chant ecclésiastique, un intéressant ouvrage dont nous avons cité quelque chose ailleurs, et qui porte ce titre : Traité théorique et pratique du Plain-chant appelé Grégorien. Paris, 1760, in-8°. Il est également auteur d'un livre sur les Règles de la composition du Plain-chant, que nous n'avons pu nous procurer. La brochure de Cousin, dont il est question au précédent article, est adressée à Poisson.

(1750). Dominique-Marie Manni, célèbre imprimeur de Florence, a publié : 1° L'Istoria degli anni santi dal loroprincipio sino al présente del MDCCL. Florence. — 2° Della disciplina del Canto Ecclesiastico antico ragionamento. Florence, 1756, in-4°.

(1750). Paul-Marie Paciaudi, théatin, antiquaire distingué, a laissé sur les matières liturgiques les ouvrages suivants : 1° De sacris Christianorum Balneis. Venise, 1750, in-4°. — 2° De cultu S. Joannis Baptistœ. Rome, 1755, in-4°.

 

(1750). Antoine-François Gori, prévôt du baptistère de Florence, antiquaire non moins illustre, appartient à notre bibliothèque par une grande partie de ses travaux archéologiques. Nous citerons en première ligne le Thesaurus veterum Diptycorum Consularium et Ecclesiasticorum que la mort l'empêcha d'achever, et qui ne parut qu'en 1759 par les soins de J.-B. Passeri. Florence, 1759, trois vol. in-fol. On trouve plusieurs dissertations curieuses sur les matières liturgiques dans un recueil d'opuscules de divers auteurs que Gori fit paraître en 1748 à Florence et à Rome, sous le titre de Symbolae Literariœ. On a encore de Gori une dissertation de Antiquis Codicibus Mss. quatuor Evangeliorum, deque internis externisque eorumdem Codicum ornamentis. Ce savant homme, lorsqu'il fut atteint par la mort, préparait des travaux importants sur les matières suivantes : 1° De antiquis Ecclesiarum Hierothesis ; 2° Vetusti Ambonis Ecclesiae Florentinœ
Sancti Petri sacra emblemata nunc primum prolata et illustrata ; 3° Liturgia antiqua Sanctae Ecclesiae Florentinœ cum observationibus ; 4° De forma, cultu, ornatuque veterum Baptisteriorum apud Christianos ; 5° Vetusta monumenta Liturgica, ad Basilicam reconciliandam ; 6° De Ritu attollendi faces in sacris Ecclesicae Mysteriis.

(1750). Emmanuel de Azevedo, jésuite portugais, ami particulier de Benoît XIV, dont il publia les œuvres, sur lesquelles il exécuta des travaux analytiques du plus haut mérite, fut pendant plusieurs années professeur à l'école liturgique du Collège romain. C'est au zèle d'Azevedo à remplir les fonctions de sa charge, que nous sommes redevables de ses précieuses Exercitationes Liturgicœ de Divino Officio et Sacrosancto Missae Sacrificio, dont quelques-unes parurent à Rome, en 1750, in-4°, et qui ont toutes été recueillies dans l'édition de Venise, in-folio en deux parties, 1783. Cette dernière édition renferme aussi un ouvrage inédit du même auteur, intitulé : De Catholicœ Ecclesiœ pietate erga animas in Purgatorio retentas. Azevedo avait projeté la publication d'une collection liturgique, dont il lança le prospectus dans le public, en 1749. Elle devait être intitulée : Thesaurus Liturgicus, et atteindre au moins le nombre de douze volumes, bien qu'Azevedo n'eût dessein d'y renfermer que les livres liturgiques de l'Église latine.

 

Notre bibliothèque liturgique, tout incomplète qu'elle est, le serait encore davantage si nous omettions de mentionner ici, en terminant cette période, divers recueils qui renferment un grand nombre de mémoires sur les matières liturgiques, mais d'une dimension trop restreinte pour qu'on ait pu songer à les imprimer à part. Nous conseillerons donc à nos lecteurs de feuilleter le Journal des Savants, les Mémoires de Trévoux et surtout le Mercure de France. Ils y trouveront de véritables richesses, et souvent des éclaircissements précieux sur les questions les plus difficiles et les plus inattendues. Ils feront bien aussi de consulter les diverses publications de ce genre qui ont paru en Italie, et, en particulier, l'immense collection du P. Ange Calogera, camaldule, dans laquelle ce savant a recueilli sous le titre de Raccolta d'opuscoli scientifici e filologici (cinquante-un volumes in-12, 1729 et années suivantes) une grande quantité de dissertations des savants italiens sur les questions les plus curieuses de l'archéologie liturgique. Calogera commença en 1755, une Nuova Raccolta qui fut continuée après sa mort par le P. Fortuné Mandelli, camaldule.

 

Passons maintenant aux conclusions des faits contenus dans ce chapitre.

 

La marche de la Liturgie romaine continue de s'opérer avec majesté. En même temps que l'antique fonds de saint Grégoire est maintenu, le culte des Saints continue de prendre de nouveaux accroissements. Si, un moment, Benoît XIV semble hésiter, comme préoccupé du désir d'arrêter un développement inconnu aux siècles précédents, la lenteur avec laquelle il procède, les précautions dont il s'entoure, la résolution de ne traiter qu'avec toute sorte d'égards l'œuvre séculaire de la liturgie, tout, jusqu'à l'abandon de ce projet de réforme, atteste avec quelle gravité l'Église entend procéder dans les améliorations de ce qui touche au culte divin.

 

Pourtant, cette Italie, si lente à prendre un parti dans l'amélioration du bréviaire, ne fut jamais plus richement pourvue d'hommes versés dans l'érudition liturgique. Une seule période de cinquante ans nous donne, entre autres, Buonarotti, Boldetti, Bottari, les Assemani, Quirini, Moretti, Georgi, les Bianchini, Benoît XIV, Catalani, Merati, Cavalieri, Trombelli, Marangoni, Gattico, Sala, Muratori, Mamachi, Paciaudi, Gori, Azevedo, etc.

 

En France, si l'on excepte Renaudot et Le Brun, les noms que nous avons cités n'appartiennent, pour la plupart, qu'à des liturgistes du second ou du troisième ordre, et encore nous a-t-il fallu un zèle tout patriotique pour les découvrir. Cependant, à cette époque, de toutes parts en France, on voyait éclore bréviaires et missels, sur un plan perfectionné : comment, au milieu d'une si prodigieuse fécondité, la science liturgique se montrait-elle ainsi aux abois ? Par une raison toute simple : c'est que la science liturgique, comme toutes les branches de la science ecclésiastique, est avant tout une science de tradition ; d'où il suit que nous avons encore huit ou neuf cents ans a patienter, d'ici que les Breviaires et Missels de Vigier, Mesenguy, Le Brun des Marettes, Robinet et les autres, soient de nature a devenir l’objet d'une science véritablement liturgique.

 

DOM GUÉRANGER INSTITUTIONS LITURGIQUES CHAPITRE XXII : FIN DE L’HISTOIRE DE LA LITURGIE DURANT LA PREMIERE MOITIE DU XVIIIe SIECLE. TRAVAUX DES SOUVERAINS PONTIFES SUR LA LITURGIE ROMAINE. AUTEURS LITURGISTES DE CETTE EPOQUE.

 

Tombeau de Benoît XIV, Basilique Saint Pierre de Rome

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4 juin 2012 1 04 /06 /juin /2012 11:30

Dans le cours des quatre chapitres que nous venons de consacrer à l’histoire de la Liturgie, dans la première moitié du XVIIIe siècle, nous avons eu à nous occuper que de la France. Ce pays tout seul a été le théâtre de la triste révolution dont nous avons eu a retracer le désolant tableau.

 

Le reste de la catholicité demeurait fidèle aux traditions antiques, à l’unité romaine de la Liturgie. Le siège apostolique y réglait toujours les formes du culte ; ses décrets y étaient reçus avec obéissance, et les livres grégoriens continuaient d'y servir d'expression a la piété du clergé et des fidèles.

 

Mais, durant les cinquante années de ce demi-siècle, la Liturgie romaine ne fut pas sans recevoir de précieux accroissements. Pendant que l’Eglise gallicane procédait par voie de destruction, les Pontifes romains, si jaloux de conserver l’antique dépôt de saint Grégoire, l’enrichissaient de nouveaux offices et de nouvelles fêtes.

 

Le grand et pieux Clément XI, dans sa sollicitude pour les besoins temporels du peuple chrétien, remplit une lacune importante dans les livres de la liturgie. Parmi les prières que l’Eglise adresse à Dieu dans les diverses calamités, les siècles précédents n'en avaient point offert pour détourner le redoutable fléau des tremblements de terre. En l’année 1703, l'Italie ayant été désolée par de nombreuses catastrophes de ce genre, Clément XI composa et plaça dans le missel les trois magnifiques oraisons qui portent en tête cette rubrique : Tempore terrae motus. Au bréviaire, dans les litanies, il prescrivit désormais cette invocation : A flagello terrae motus, libera nos, Domine.

 

Ce fut le même pape qui étendit à l'Église universelle la solennité du très-saint Rosaire, du rite double majeur, en commémoration de la victoire de Lépante. Il donna un nouvel office de saint Joseph, établit doubles la fête de saint Anselme avec le titre de docteur, et celle de saint Pierre d'Alcantara ; et semi-doubles celles de saint Pie V, de saint Jean de Dieu et de sainte Hedwige. Il créa semi-doubles d'obligation les fêtes de saint Vincent Ferrier, de saint Antonin et de saint Ubalde, dont l'office était précédemment ad libitum. Enfin, il établit la commémoration de saint Liboire, évêque du Mans, au 23 juillet, en reconnaissance du soulagement qu'il avait éprouvé par l’intercession de ce saint dans une infirmité pour laquelle on l'invoque dans toute l'Église.

 

Innocent XIII institua la fête du très-saint Nom de Jésus, du degré double de seconde classe, et celle de saint Isidore de Séville, double mineur avec le titre de docteur. Il éleva au même rang de double mineur, de semi-doubles qu'ils étaient, les offices de saint Paul, ermite, et de saint Jean de Dieu, et créa semi-double d'obligation celui de sainte Elisabeth de Portugal, qui auparavant était ad libitum.

 

Benoît XIII, outre la fête de saint Grégoire VII dont nous avons parlé, institua celle des Sept Douleurs de la sainte Vierge, et celle de Notre-Dame du Mont-Carmel, du rite double majeur, et éleva celle de Notre-Dame de la Merci au même degré. Il établit du rite double mineur les fêtes de saint Pierre Chrysologue, avec le titre de Docteur ; de sainte Scholastique, de saint Jean de Sahagun, et de sainte Rose de Lima. Il éleva au même degré les offices de saint Vincent Ferrier, des saints Jean et Paul et de sainte Brigitte, qui n'étaient que semi-doubles auparavant. Saint Eusèbe de Verceil et saint André d'Avellino, furent admis au bréviaire avec le degré semi-double par le même pontife, qui créa semi-double d'obligation la fête de saint Wenceslas, qui jusque-là jouissait de ce degré seulement ad libitum.

 

Ces travaux sur le Bréviaire romain ne sont pas les seuls mérites de Benoît XIII à l'égard de la Liturgie. Le Cérémonial des Évêques fut, de sa part, l'objet d'une révision minutieuse et obtint d'importants accroissements, par les soins personnels du pontife et de la commission qu'il institua à cet effet. Le cérémonial, ainsi réformé, fut annoncé à l'Église catholique et promulgué par un bref du 7 mars 1727.

 

Aucun pape n'a surpassé Benoît XIII, et bien peu l'ont égalé dans son zèle pour les fonctions saintes. On compte par centaines les autels qu'il dédia solennellement, soit à Bénévent, pendant qu'il en était archevêque, soit à Rome, dans le cours de son pontificat : la seule basilique de Saint-Pierre en renferme douze consacrés par lui. Le nombre des églises qu'il dédia n'est pas moins étonnant. On le vit, entre autres, durant son pontificat, se transporter au Mont-Cassin, pour y faire la dédicace de la nouvelle et magnifique église de Saint-Benoît, qu'il érigea en basilique. Désirant honorer la mémoire de Gavanti, il créa pour l'ordre des barnabites, à perpétuité, une charge de consulteur de la congrégation des Rites.

 

Clément XII éleva au rite double majeur la fête de sainte Anne, mère de la sainte Vierge, et transféra celle de saint Joachim au dimanche dans l'Octave de l'Assomption. Il éleva au rite double mineur, les offices de saint André Corsini, à la famille duquel il appartenait, de saint Stanislas de Cracovie et de sainte Monique ; et institua avec le même degré ceux de saint Vincent de Paul et de sainte Gertrude. Il établit semi-doubles les fêtes de saint Jean de la Croix et de sainte Julienne de Falconieri.

 

Enfin, Benoît XIV monta sur le Siège apostolique. Il dut nécessairement s'occuper du culte divin, lui qui ne fut étranger à aucune des nécessités de l'Église, et que ses doctes écrits ont placé à la tête des liturgistes de son temps. Versé profondément dans la connaissance des usages de l'antiquité, ce pontife ne vit pas avec indifférence la modification grave qu'avait subie le calendrier du Bréviaire romain, depuis l'époque de saint Pie V. Les fériés se trouvaient diminuées dans une proportion énorme, par l'accession de plus de cent offices nouveaux ; le rang de doubles, assigné à la plupart de ces offices, entraînait de fait la suppression d'une grande partie des dimanches. Il était bien clair que l'antiquité n'avait pas procédé ainsi. D'autre part, cet inconvénient de la multiplicité des fêtes des saints avait été exploité par les novateurs français : devait-on continuer à laisser subsister un prétexte à l'aide duquel ils avaient rendu tolérable à bien des gens leur divorce avec les livres romains ?

 

Le pontife commença par prendre une résolution à laquelle il se montra fidèle dans tout le cours de son Pontificat de dix-huit ans ; ce fut de n'ajouter aucun nouvel office au Bréviaire. Seulement, il attribua à saint Léon le Grand le titre de docteur, par une bulle solennelle ; mais ce saint Pape était déjà au calendrier romain depuis de longs siècles. On aime à voir cette réclamation en faveur des usages antiques, cette répugnance à entrer dans les voies nouvelles qui caractérise les opérations du Saint-Siège. Mais la Providence ne tarda pas à manifester ses volontés sur cette grande question, par l'organe des successeurs de Benoît XIV, qui reprirent tout aussitôt l'usage d'insérer, à chaque pontificat, de nouveaux saints au bréviaire.

 

Benoît XIV ne chercha pas seulement à garantir l'office du dimanche et celui de la férié contre l'invasion des fêtes nouvelles ; il projeta même une réforme du bréviaire. Il croyait, en effet, que si, dans le Bréviaire romain, la partie grégorienne devait être réputée inviolable, la partie mobile, à savoir les leçons introduites par saint Pie V, pouvait être susceptible d'une révision. L'œuvre du seizième siècle était, sans doute, un chef-d'œuvre pour son temps, mais deux siècles après, n'était-il pas possible de remplacer certaines homélies des saints Pères que la science moderne avait démontrées apocryphes ? de retoucher quelques légendes, bien qu'en très-petit nombre (1) qui avaient besoin d'être mises en harmonie avec les exigences d'une critique plus sévère ? Il ne s'agit ici que de quelques traits seulement ; car on doit savoir que le docte Benoît XIV était bien loin de mépriser l'autorité des Légendes du Bréviaire romain, dit même expressément, dans son traité de la Canonisation des Saints, qu'il n'en est pas une qui ne soit susceptible d'être défendue d'après les principes de la science ecclésiastique. Il était donc bien loin d'abonder dans le sens de nos modernes liturgistes, qui ont sacrifié en masse les traditions catholiques sur la plupart des Saints du Calendrier. Nous aurons ailleurs occasion de juger leur travail, jour par jour ; comme aussi, nous traiterons spécialement de l'autorité des Légendes du Bréviaire romain, en général et en particulier.

 

En conséquence, il chargea le P. Fabio Danzetta, jésuite de faire un travail sur cet objet. L'ensemble des notes de Danzetta sur la correction du Bréviaire romain, ne formait pas moins de quatre volumes in-4°. Nous avons cherché en vain ce curieux manuscrit, durant notre séjour à Rome. Zaccaria atteste en avoir vu un exemplaire entre les mains du prélat, depuis cardinal Gabrielli. Quoi qu'il en soit, le travail de Danzetta resta à l'état de Remarques sur le Bréviaire romain, et Benoît XIV, après avoir considéré attentivement les difficultés de plus d'un genre qui s'opposaient à cette réforme du bréviaire, finit par renoncer à son projet ; sans doute, le temps n'était pas venu encore de tenter ce grand œuvre, peut-être parce que les inconvénients qu'on voulait éviter n'étaient pas réels, ou encore que les principes qui auraient présidé à ce travail n'étaient pas de nature à l'amener à une fin heureuse et convenable. (Nous n'avons rien voulu changer en cet endroit au texte de la première édition; mais nous devons prévenir le lecteur que, dans son troisième voyage à Rome, en 1852, Dom Guéranger retrouva à la bibliothèque Corsini de précieux manuscrits qui contenaient les travaux d'une congrégation spéciale, nommée par Benoît XIV pour la correction du Bréviaire romain. En étudiant ces manuscrits, le savant liturgiste se convainquit qu'il avait conjecturé juste en disant que Benoît XIV avait peut-être renoncé à son projet de réforme du bréviaire, parce que les principes qui avaient présidé à ce travail n'étaient pas de nature à l'amener à une fin heureuse et convenable. Nous ne savons si le travail du P. Danzetta, dont il est question ci-dessus, est distinct de celui de cette congrégation, ou si ce savant jésuite a été simplement le rapporteur, chargé de résumer les études des consulteurs.)

 

Au reste, Benoît XIV, s'il n'opéra pas la réforme du Bréviaire romain, n'en porta pas moins sa sollicitude efficace sur un grand nombre de matières liturgiques qui la réclamaient impérieusement. Le Martyrologe romain dont nous avons raconté ailleurs la réforme par Grégoire XIII, et auquel les pontifes romains avaient successivement ajouté les noms des saints nouvellement canonisés, fut spécialement l'objet des travaux de Benoît XIV. Il en prépara une édition qui parut à Rome, par son autorité, en 1748. Plus tard, il adressa à Jean V, roi de Portugal, des lettres apostoliques dans lesquelles il rend compte, avec moins de dignité peut-être que d'érudition, des motifs qu'il a eus d'admettre ou de n'admettre pas certains personnages dans ce martyrologe. Cet immense bref est du 1er juillet 1748.

 

Le Pontife s'occupa aussi du Cérémonial des Evêques, sur lequel Benoît XIII avait déjà travaillé, ainsi que nous venons de le dire. La publication définitive de ce livre, dans la forme qu'il garde encore aujourd'hui, fut faite par un bref du 25 mars 1752. Le bullaire de Benoît XIV présente de nombreuses preuves du zèle qui l'animait pour la conservation des rites sacrés, et nous aurons occasion d'y revenir souvent dans le cours de cet ouvrage. Nous indiquerons seulement ici en passant les nombreuses constitutions et règlements sur les rites des Grecs et des autres Orientaux unis ; les bulles et brefs sur la célébration de l'octave des saints Apôtres, à Rome ; sur la défense faite aux évêques de jamais obéir aux princes qui leur enjoignent des prières publiques ; contre les images superstitieuses ; sur la bénédiction des palliums ; pour accorder à tous les prêtres des royaumes d'Espagne et de Portugal la faculté de célébrer trois messes le jour de la Commémoration des Morts ; contre la musique profane dans les églises ; sur la rose d'or ; contre l'abus des chapelles privées ; pour l'érection de l'église de Saint-François, à Assise, en basilique patriarcale, etc.

 

Le même pontife, jaloux d'imiter la conduite de Benoît XIII, qui avait voulu, comme nous l'avons rapporté ci-dessus, honorer la mémoire de Gavanti, créa aussi, pour l'ordre des Théatins, à perpétuité, une charge de consulteur dans la congrégation des Rites, en reconnaissance des services rendus à la science liturgique par le B. Joseph-Marie Tommasi et par le savant Gaétan Merati. Peu de temps après, il fit la même chose en faveur de la Compagnie de Jésus, et nomma consulteur l'illustre P. Emmanuel Azevedo.   

 

Enfin Benoît XIV, voulant procurer plus efficacement encore l'avancement de la science liturgique, érigea dans le Collège romain, qui est en même temps une université tenue par les Pères de la Compagnie de Jésus, une école spéciale des Rites sacrés, qui a été depuis transférée au Séminaire romain. On ne tarda pas à ouvrir dans différentes villes d'Italie des écoles de liturgie sur le modèle de celle de Rome. Nous croyons faire plaisir à ceux de nos lecteurs qui s'intéressent au progrès de la science ecclésiastique, en insérant, dans une note, à la fin de ce chapitre, les règlements de l'école romaine. Qui sait si quelque jour il ne nous prendra pas fantaisie, à nous autres Français, de nous livrer enfin à l'étude raisonnée des rites sacrés ?

 

Tels furent les travaux des pontifes romains sur la Liturgie, durant la première moitié du XVIIIe siècle. Il n'est pas rare d'entendre des personnes, graves d'ailleurs, témoigner leur étonnement de ce que ces mêmes pontifes, si zélés pour le dépôt des traditions liturgiques, n'aient pas fulminé contre les nouveautés dont les églises de France étaient le théâtre à cette époque. Nous avons même été à portée de nous apercevoir que plusieurs semblaient disposés à regarder ce silence comme une sorte d'approbation.

 

Cependant, si ces personnes voulaient se donner la peine de parcourir les collections imprimées des décrets des congrégations du concile de Trente et des Rites, elles y trouveraient des preuves multipliées des intentions persévérantes du Saint-Siège sur l'observation des constitutions de saint Pie V, pour le Bréviaire et le Missel romains. Toutes questions adressées sur ce sujet, à Rome, ont été et seront toujours résolues dans ce sens.

 

Maintenant, est-il nécessaire que le Siège apostolique entreprenne de faire le procès à toutes les églises qui, n'étant pas dans le cas d'exception admis par saint Pie V, ont, nonobstant ce, abjuré les usages romains ? D'abord, pour cela, il faudrait qu'on eût gardé à Rome une statistique de la Liturgie des Églises d'après les règles fixées dans la bulle Quod a nobis, afin d'être, en mesure de poursuivre celles qui se seraient écartées de leur devoir. Mais cet état, quand a-t-il été dressé ? par qui l'a-t-il été ? Il est visible qu'avant de lancer sa constitution, le saint pape n'avait même pas un rapport exact de la situation des églises, quant à la Liturgie romaine, puisqu'il était contraint d'adopter la moyenne de deux cents ans de possession. De plus, il n'exigeait même pas que les églises instruisissent le Saint-Siège du parti qu'elles auraient pris ; il s'en rapportait, comme on l'a vu, à la conscience des évêques et des chapitres. Les archives pontificales ne possèdent donc aucun titre de conviction contre les églises qui auraient violé la bulle. Il est vrai que le défaut de ce titre de conviction ne saurait faire que ce qui, au XVIe siècle, eût constitué un grave délit, soit devenu légitime au XVIIIe.

 

Il y a longtemps que les novateurs ont prétendu s'autoriser du silence du Saint-Siège dans leurs sentiments, ou leurs pratiques audacieuses. On leur a toujours répondu que le silence du Saint-Siège ne devait plus être invoqué par eux comme une approbation, qu'il ne devait non plus être regardé comme la confirmation de certaines sentences rendues dans d'étroites localités. Le Pontife romain a reçu la mission d'enseigner ; il est le docteur de tous les chrétiens. Quand il a parlé, la cause est finie. Tant qu'il n'a pas parlé, on doit s'abstenir d'arguer quelque chose de son silence. Admettons donc, d'une part, qu'il ne s'est pas expliqué sur les nouvelles liturgies françaises ; mais convenons, d'autre part, qu'il n'a pas manqué une occasion pour déclarer que les églises astreintes au Bréviaire et au missel de saint Pie V n'ont point la liberté de se donner un autre bréviaire et un autre missel.

 

Que si nous voulons chercher les raisons de la grande réserve que le Saint-Siège a gardée dans l'affaire des nouvelles liturgies, il nous suffira de nous rappeler la maxime fondamentale du gouvernement ecclésiastique, maxime suggérée par le Dieu fort et miséricordieux : Il n'éteindra pas la mèche qui fume encore ; il n'achèvera pas de rompre le roseau déjà brisé (Is. XLIII, 3.). Est-ce à dire pour cela que Rome doit approuver l'affaiblissement de la lumière dans cette lampe qui devait toujours luire avec splendeur, ou qu'elle devra se réjouir des fractures imprudentes qui ont compromis la solidité du roseau ? Autant vaudrait dire que Dieu, qui dissimule les péchés des hommes à cause de la pénitence qu'ils en feront (Sap. XI, 24.), est de connivence avec ces mêmes péchés. Et pour ne parler que des matières contenues dans ce volume, quand Benoît XIV nous dit, en parlant de la Défense de la Déclaration de 1682, par Bossuet, qu'il serait difficile de trouver un ouvrage aussi opposé à la doctrine reçue partout sur les droits du Pontife romain, et que cependant on s'est abstenu, à Rome, de le censurer; quels motifs donne le pontife pour expliquer cette tolérance ? Il met sans doute en avant les égards dus à la mémoire du grand évoque de Meaux qui à tant d'autres chefs a si bien mérité de la religion, ex tot aliis capitibus de religione bene meriti ; mais la raison décisive a été l'espérance d'éviter de nouvelles discordes : Sed ob justum novorum dissidiorum limorem. Quand les parlements français et l'assemblée du clergé de 1730 s'entendaient, chacun à sa façon, pour supprimer le culte de saint Grégoire VII, dira-t-on que le silence que garda Benoît XIII signifiait qu'il renonçait à son décret universel pour le culte de ce saint pontife ? qu'il tenait pour abrogés les cinq brefs qu'il avait rendus contre les opposants à ce décret ? Il faut bien convenir qu'il n'en est pas ainsi, puisque la fameuse légende a été maintenue au Bréviaire romain, comme de précepte strict, pour le 25 mai, sub pœna non satisfaciendi (nous pouvons même attester, de science certaine, que l'évêque de New-York, en 1830, ayant demandé à Rome s'il pouvait, dans son diocèse, omettre l'office de saint Grégoire VII, par ce seul motif de ne pas fournir un prétexte de plus aux continuelles déclamations contre l'Église romaine, dont les journaux protestants des États-Unis retentissent trop souvent, il lui fut répondu qu'il ne devait rien innover, mais célébrer, comme par le passé, la fête du saint pontife).

 

Apprenons donc à connaître la raison sublime de cette patience du Siège apostolique, et souvenons-nous que ce n'est pas la sagesse humaine, mais la divine et éternelle sagesse qui a donné ce conseil à ceux qu'elle envoyait au milieu des hommes : Soyez prudents comme le serpent : Estote prudentes sicut serpentes (Matth. X, 16.).

 

DOM GUÉRANGER INSTITUTIONS LITURGIQUES CHAPITRE XXII : FIN DE L’HISTOIRE DE LA LITURGIE DURANT LA PREMIERE MOITIE DU XVIIIe SIECLE. TRAVAUX DES SOUVERAINS PONTIFES SUR LA LITURGIE ROMAINE. AUTEURS LITURGISTES DE CETTE EPOQUE.

 

Tombeau de Benoît XIII, Santa Maria sopra Minerva, Rome

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18 février 2012 6 18 /02 /février /2012 12:30

Nous voyons encore, au XVIIe siècle, la mémoire de saint Grégoire VII outragée dans un État catholique, en Portugal.

 

Il ne paraît pas cependant qu'on y ait proscrit la  légende ; mais   un   homme plus téméraire, Antoine Pereira  de Figueiredo, entre  les nombreux  écrits qu'il publia contre les droits de l'Église et du Saint-Siège, consacra une dissertation spéciale à combattre la personne et les écrits de notre saint pontife, sous ce titre : De Gestis et scriptis Gregorii VII.

 

C'était, assurément, un outrage parti de bien bas, que celui qui provenait d'un homme auquel  son attachement à   la cause du Saint-Siège avait d'abord valu la disgrâce de Pombal, et qui devenu, sans transition, l'enthousiaste prôneur de ce ministre, l'un des plus infâmes persécuteurs de l'Église, se montra l'ignoble flatteur d'un aussi pauvre souverain que le fut Joseph Ier. Non, le caractère  apostolique de  saint Grégoire VII n'avait rien de commun avec l'ex-oratorien qui applaudit à l'atroce supplice de Malagrida, et dont la plume vénale écrivit les fades pamphlets intitulés : Parallèle d'Auguste César et de Don Joseph, roi magnanime de Portugal, et Vœux de la nation portugaise à l'ange gardien du Marquis de Pombal (Lisbonne, 1775.).

 

Le XIXe siècle a bien fourni aussi quelques insultes à la mémoire du saint pontife. Sans parler des blasphèmes qui plus d'une fois, au parlement anglais, sont partis des bancs des Pairs ecclésiastiques, contre la personne du fougueux Hildebrand, il en est dont les pays catholiques ont été le théâtre. Commençons par l'Italie.

 

Jusqu'en 1810, l'office de saint Grégoire VII n'avait cessé d'être célébré dans les églises des divers diocèses dont se composait le royaume d'Italie. L'excommunication encourue par Napoléon, en 1809, le rendit inquiet à l'excès, et l'on sait en général combien de mesures persécutrices pesèrent sur le clergé à cette époque. Mais ce que l'on sait moins, c'est que le grand empereur, en même temps qu'il élevait sa main contre Pie VII, osa défier aussi la majesté d'un pontife, autrefois, comme Pie VII, assiégé et captif, mais depuis et à jamais couronné par Celui qui le premier a bu l'eau du torrent, avant d'élever la tête (Psalm. CIX.). Une lettre du ministre des cultes, Bigot de Préameneu, écrite en février 1810, enjoignait aux évêques d'Italie d'imiter le silence de l'Église gallicane sur le nom et les actes d'Hildebrand. Nous ne saurions dire les noms des prélats italiens (il y en eut plusieurs) qui préférèrent obéir à César plutôt qu'à l'Église ; mais nous avons entre les mains, et nous gardons comme un monument, la lettre autographe dans laquelle Hyacinthe de La Tour, archevêque de Turin, envoie au ministre le mandement qu'il s’est fait un devoir de donner pour interdire l'office de saint Grégoire VII, et dont il déclare que copie est affichée dans toutes les sacristies des églises de son diocèse. La lettre est du 1er mars 1810.

 

A peine échappé aux violences de l’aigle redoutable qui étreignait l'Europe, mais toujours debout à la même place, l'héroïque Hildebrand tomba en proie à ces anarchistes dont les désirs sont aussi des désirs de tyrannie. En France, on vit le régicide Grégoire, dans son Essai historique sur les libertés de l'Église gallicane, publié en 1818, accumuler contre le saint pape et sa légende tous les blasphèmes des protestants et des jansénistes.

 

En Espagne, au mois de mars 1822, on faisait aux Cortès la proposition de supprimer une partie de l'office de Grégoire VII, "comme attentatoire aux droits des nations" ! Certes, c'était là une bien amère dérision de ces rois et de ces évêques courtisans, occupés depuis si longtemps à poursuivre le culte du saint Pontife, et qui l'avaient noté comme coupable de lèse-majesté royale ! Elle fut donc bien droite, bien pure, la politique de ce grand homme ; Dieu avait donc placé en lui une notion  bien haute du droit public, si tous les hommes à excès se sont donné le mot pour faire de son nom et de sa mémoire l'objet de leurs attaques. Jouissez de cette gloire, saint Pontife ; jusqu'ici nul mortel ne l'a partagée avec vous.

 

Encore un outrage : ce sera le dernier. Au commencement de l'année 1828, une nouvelle édition du Bréviaire romain paraissait à Paris chez le libraire Rusand. L'éditeur avait cru pouvoir y insérer l'office de saint Grégoire VII : encore ne l'avait-il placé qu'à la fin du volume, ne se sentant pas pleinement rassuré par la promesse de cette liberté religieuse garantie à tous par la Charte de 1814. Peu de jours après la publication du bréviaire, certaines feuilles se disant libérales, et fraternisant en toutes choses avec les Cortès espagnoles de 1822, se prirent à crier à l'ultramontanisme qui débordait chez nous, jusque-là, disaient-ils, qu'on osait, en 1828, imprimer et mettre en vente la légende de Grégoire VII. Leurs clameurs furent entendues, et on vit, à Paris, en 1828, la légende de saint Grégoire VII, soumise, par ordre de l'archevêché, aux mutilations que lui inflige l'Autriche dans ses États, sans oublier la suppression charitable de l'épithète iniqui, si justement assignée à Henri IV par l'Église ! Depuis dix ans, plusieurs éditions du Bréviaire romain ont été données, tant à Lyon qu'à Paris ; l'office de saint Grégoire VII s'y lit à sa place et dans son entier, et l'édition parisienne de 1828 va s'épuisant de jour en jour, gardant jusqu'ici la trace de cette dernière faiblesse que nous n'aurions pu taire sans partialité.

 

Hâtons-nous de franchir quelques années difficiles ; l'heure de la réhabilitation a sonné. Le Dieu qui est admirable dans ses saints, a résolu enfin de venger son serviteur Grégoire. Ce n'est plus la voix des Leibnitz, des Jean de Muller, des Voigt, etc., qui va retentir ; ce n'est plus même celle de Joseph de Maistre, prophète du passé, annonçant à l'Europe que le moment est venu d'adorer ce qu'elle a brûlé, de brûler ce qu'elle avait adoré. Toutes les barrières sont tombées ; c'est maintenant l'Église de France qui proclamera saint Grégoire VII sauveur de la société, restaurateur de la science, de la vertu et de la justice ; et l'organe de l'Église de France, dans l'accomplissement de ce devoir sacré, sera ce pieux et savant évêque, fils, par l'intelligence autant que par le sang, du grand philosophe catholique à qui Dieu donna d'approfondir la législation primitive des sociétés, et de comprendre dans toute son étendue le rôle sublime du législateur pontife. Or ce fut le 4 mars 1838, que fut donnée au Puy, par monseigneur Louis-Jacques-Maurice de Bonald, aujourd'hui cardinal de la sainte Église romaine, archevêque de Lyon, Primat des Gaules, cette magnifique et courageuse lettre pastorale sur le chef visible de l'Église, qui restera dans les annales de l'Église de France, comme un des événements les plus graves qu'ait vus notre siècle, qui en a vu un si grand nombre.

 

C'est en ce jour mémorable qu'on entendit professer, avec non moins d'éloquence que de doctrine, du haut de la chaire épiscopale, la foi dans l'infaillibilité du pontife romain parlant aux églises, et proclamer la haute mission imposée par la Providence à saint Grégoire VII, et si dignement accomplie par sa grande âme : 

« L'irruption des barbares, disait le prélat, n'était que l'image d'une invasion plus dangereuse pour l'Église et pour le monde civilisé ; ce n'était que la figure de cette triple coalition de l'ignorance, du vice et de la cupidité, ligués pour éteindre toute lumière, flétrir toute vertu et étouffer toute justice. Le moyen âge vit cet abîme dilater ses entrailles pour engloutir la société tout entière. Et la société, où ira-t-elle se réfugier dans sa détresse ? Encore aux pieds de la chaire de saint Pierre. Là elle trouvera son appui et son salut, dans un pauvre moine élevé au souverain pontificat, mais qui cachait, sous le vêtement grossier du cloître, une âme dont l'élévation n'a pas été comprise, et qui le serait difficilement dans nos jours de spéculation et d'indifférence.

« Hildebrand mesure la profondeur de la plaie du corps social. A tout autre, les obstacles pour la guérir paraîtraient insurmontables ; pour Grégoire VII, c'est dans ces obstacles mêmes qu'il puise un nouveau courage, et va ranimer l'énergie de son caractère. Armé d'une force inébranlable et d'une rectitude inflexible de volonté ; cédant aussi aux maximes de ses contemporains et à l'esprit de son temps, il entreprend une lutte terrible contre son siècle et toutes les puissances de son siècle. La science a déserté le sanctuaire ; il l'y ramènera. La vertu semble être bannie de tous les coeurs ; il la rétablira dans ses droits. La justice est foulée aux pieds ; il la fera triompher. Il se croit envoyé pour opposer un front d'airain au vice, qu'il le trouve à l'autel ou sur le trône. Toujours inaccessible à la crainte, toujours au-dessus des considérations mondaines, Grégoire ne donnera point de repos à son zèle, jusqu'à ce qu'il ait réformé le palais des grands, le sanctuaire de la justice, le cloître des cénobites, et la maison de Dieu ; jusqu'à ce qu'il ait rallumé le flambeau du savoir, les flammes célestes de la piété ; fait passer dans les cœurs des souverains et des prêtres, cet amour de la justice, cette haine de l'iniquité qui, de son âme, où ces vertus surabondent, se répandent avec une sainte profusion dans ses écrits, dans ses actions, dans ses paroles, dans tout son pontificat.

« Peu lui importent les calomnies, les persécutions et la mort, pourvu qu'il abaisse toute hauteur et fasse fléchir le genou devant les lois éternelles de la justice et de la vérité. Dans ses démêlés avec les princes de la terre, on n'a voulu voir que des empiétements injustes ; on a appelé comme d'abus des saintes entreprises de ce grand pape. Que pouvait-il faire, quand les peuples, broyés sous le pressoir du despotisme insensé de leurs maîtres, venaient réclamer à genoux, comme un dernier secours et un extrême remède à leurs maux, l'exercice sévère de sa juridiction, et les foudres de ses sentences spirituelles ? Ce qui nous étonne et presque nous scandalise, n'était aux yeux du moyen âge que l'exercice d'un juste droit et l'accomplissement nécessaire d'une mission divine. Or, combattre pour établir partout le règne de la justice, de la science et de la vertu, qu'est-ce autre chose que de combattre pour civiliser le monde ? Ce furent là les combats de Grégoire VII, et le sujet pour lui d'une gloire immortelle.»

 

En lisant ces lignes si calmes, si épiscopales, dans lesquelles est béni avec tant d'amour le nom de ce Grégoire que nous avons vu poursuivi avec tant d'acharnement dans les pages qui précèdent, ne semble-t-il pas au lecteur catholique qu'il se repose avec suavité dans une paix qui ne sera plus troublée ? Après ce mandement, on peut le dire, la bataille est gagnée ; il n'y a plus d'Alpes ; Rome et la France sont unanimes à célébrer la gloire et les vertus de Grégoire, père de la chrétienté. Tout est oublié, renouvelé ; le Christ est glorifié dans son serviteur. Mais espérons que bientôt la louange de Grégoire ne retentira plus seulement dans des discours et des instructions pastorales ; que bientôt des autels s'élèveront à sa gloire dans cette France qu'il aima et qui le méconnut trop longtemps ; qu'enfin, le jour viendra où nous chanterons tous à l'honneur de Grégoire ce bel éloge que Rome et toutes les autres églises latines entonnent dans la solennité de ces saints pontifes qui, pour leur fidélité, ont mérité d'échanger la tiare contre la couronne de l'immortalité : Dum esset summus Pontifex terrena non metuit ; sed ad cœlestia regna gloriosus migravit.

 

Si maintenant, selon notre usage, nous en venons à tirer les conséquences des faits consignés au présent chapitre, elles se présentent en telle abondance, qu'il nous faudrait consacrer un chapitre entier à les recueillir ; mais nous nous bornerons à celles qui rentrent directement dans notre sujet.

 

La première,que nous offrons à ceux de nos lecteurs qui ne comprendraient pas encore toute l'importance de la science liturgique, est que néanmoins, ainsi qu'ils ont pu le voir, un seul fait liturgique a suffi pour mettre en mouvement la plus grande partie de l'Europe et pour occuper la plupart des gouvernements, au dix-huitième siècle ; en sorte que, pour raconter de la manière la plus succincte, l'histoire d'une page du Bréviaire romain, il nous a fallu ajouter soixante pages à cette histoire, déjà si abrégée, de la Liturgie.

 

En second lieu, on a pu remarquer avec quel soin la divine Providence s'est servie de la liturgie comme du seul moyen qui restât au Saint-Siège de sauver l'honneur d'un de ses plus grands pontifes, à une époque où tout autre moyen que la rédaction officielle de sa légende eût été impuissant à prévenir la prescription contre sa gloire.

 

En troisième lieu, on a été à même de voir comment un clergé, isolé de Rome, même dans des choses d'une importance secondaire, porte toujours la peine de cet isolement par les contradictions en lesquelles il se précipite, victime de la position fausse où il s'est placé.

 

En quatrième lieu, c'est un spectacle instructif de voir les magistrats séculiers s'arroger tout naturellement, sur les choses de la Liturgie, le pouvoir qu'ils refusent à Rome sur ce point, et raisonner d'ailleurs avec justesse sur l’autorité que donne immanquablement à un fait et à une maxime, son insertion dans les livres liturgiques de l'Eglise romaine.

 

DOM GUÉRANGER INSTITUTIONS LITURGIQUES : CHAPITRE XXI : SUITE DE L'HISTOIRE DE LA LITURGIE, DURANT LA PREMIERE MOITIÉ DU DIX-HUITIÈME SIECLE. — AFFAIRE DE LA LEGENDE DE SAINT GRÉGOIRE VII

 

Cardinal de Bonald

Cardinal de Bonald, par Flandrin, Archevêché de Lyon

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17 février 2012 5 17 /02 /février /2012 12:30

Il nous tarde de finir le honteux récit des outrages qu'eut à subir en France, au XVIIIe siècle, la mémoire de l'incomparable pontife.

 

Hâtons-nous donc de dire que l'évêque de Montpellier, dans son courroux contre l'Assemblée qui avait refusé de s'associer à ses fureurs, attaqua violemment son collègue l'évêque de Nîmes, dans une lettre pastorale, en date du 30 novembre 1730, où il s'efforce de montrer la contradiction, évidente en effet, entre la harangue du prélat et l'adresse de l'Assemblée au roi : "Dans la harangue, dit-il, on donne pour maxime que le règne de Sa Majesté est fondé sur la catholicité, et qu'il doit toujours se soutenir sur les mêmes principes ; d'où il est aisé de conclure que si un prince avait le malheur de tomber dans l'hérésie, le pape serait en droit de le déposer, et les peuples seraient dispensés de lui obéir !"

 

D'un autre côté, le parlement de Paris, soulevé d'indignation, préparait une procédure contre la harangue, et faisait faire, par son président, des remontrances au roi sur les principes attentoires à la majesté royale que l'orateur y avait professés : tout faisait présager un orage. L'esprit pacifique du cardinal de Fleury parvint, cette fois encore, à l'apaiser, et le roi s'en tint à déclarer au parlement qu'il évoquait l'affaire à son conseil. Tout se termina là ; les vagues tombèrent peu à peu ; mais la France demeura en dehors de la catholicité, quant au culte d'un saint pape. On put voir alors tout le chemin qu'on avait fait depuis 1682.

 

Si nous recherchons maintenant ce qui se passait dans plusieurs autres contrées de l'Europe, au sujet de la Légende, nous rencontrons des faits singulièrement humiliants pour nous autres Français ; il est triste, en effet, de voir les adversaires de l'Église et les hérétiques eux-mêmes s'unir à nous pour anéantir le culte d'un saint.

 

Naples avait eu la gloire de porter le premier coup au Siège apostolique dans cette déplorable circonstance. Cette ville et son État appartenaient alors à l'empereur, qui  y entretenait un vice-roi. Ce personnage, nommé le comte de Harrach, ayant eu connaissance de l'entrée de la légende dans ce royaume, s'empressa d'en dénoncer la publication au tribunal napolitain dit du Collatéral, où on ne manqua pas de la traiter comme un délit, et le vice-roi, le 3 mars 1729, adressait à son souverain un long rapport, dans lequel, après avoir discuté longuement les graves dangers qui s'ensuivaient tout naturellement pour la couronne impériale du seul fait de la légende, il s'exprimait en ces termes :

« De tous ces grands et insupportables préjudices, qui naissent en général de la publication des susdites leçons contre l'indépendance de la souveraineté, et en particulier contre les droits royaux de Votre Majesté, comme empereur, il nous paraissait s'ensuivre naturellement qu'il était du devoir de notre charge qu'imitant la coutume et l'adresse de la cour romaine, nous eussions défendu ces leçons, ordonnant aux évêques de ne les point insérer dans les bréviaires. Mais ayant fait réflexion que nonobstant cette défense, les ecclésiastiques auraient continué de les réciter, et que la prohibition d'un office aurait causé du scandale à ce peuple trop superstitieux, et que la cour de Rome, profitant de ce mécontentement, aurait suscité d'autres inconvénients qui nous auraient après obligés à prendre de plus grands engagements, le tribunal du Collatéral fut d'avis de ne point défendre de réciter les leçons, et qu'il était même plus à propos de ne faire paraître aucun ressentiment, pour ne pas faire connaître aux simples et aux ignorants le venin caché qu'elles renferment, et qu'il suffirait a ordonner que les imprimeurs fussent emprisonnés et tous les exemplaires fussent supprimés ; et cela, sur le seul motif qu'on   avait  introduit,  réimprimé,  vendu ces leçons sans ma permission, et celle du Collatéral, contre la Pragmatique de ce royaume, d'autant plus qu'elles étaient imprimées avec la permission des supérieurs ecclésiastiques, quoiqu'on n'eût pas permis de la donner.»

 

Après la prohibition de la légende de saint Grégoire VII, par le vice-roi de Naples, vient celle que fit, peu de jours après, l'hérétique archevêque d'Utrecht, Corneille-Jean Barchman, par un mandement en date du 12 mai 1730. Il tient dans cette pièce scandaleuse le même langage que nous avons remarqué dans les mandements des évêques d'Auxerre, de Montpellier, de Troyes. Ce sont les mêmes injures grossières contre le chef de l'Église, le même mépris de ses ordonnances : "Si la loi de la prière, dit Barchman, doit établir celle de la foi, les évêques sont obligés de veiller pour empêcher que rien ne se glisse dans les prières publiques qui puisse corrompre insensiblement la loi de la foi. Si on lit dans l'Église l'histoire des saints, afin qu'en considérant la fin de la vie de ceux qui nous ont annoncé la parole de Dieu, nous imitions leur foi et nous suivions leurs exemples, d'autant plus dignes d'être imités, que la piété y paraît d'une manière plus excellente ; il faut prendre garde de ne rien louer dans les divins offices, que nous ne devions approuver et imiter même, lorsque l'occasion s'en présentera."

 

Le mandement se termine par ces paroles : " A ces causes, pour défendre la doctrine de l'Église catholique par rapport à la distinction des deux puissances; pour conserver autant qu'il est en nous, à la puissance civile, son indépendance de la puissance spirituelle : pour donner à nos seigneurs les États généraux, suprêmes modérateurs de notre république, des preuves de la fidélité que nous leur devons, sans affaiblir en rien le respect que  nous devons  au  Saint-Siège apostolique, nous défendons de réciter l'office de saint Grégoire VII, tant publiquement dans les églises qu'en  particulier, à tous ceux qui sont obligés aux heures canoniales. La grâce de Dieu soit avec vous tous. Ainsi soit-il."

 

Lorsqu'un prélat qui se prétendait catholique, malgré l'Église, se livrait à de pareils excès, il n'y a plus lieu de  s'étonner qu'un gouvernement protestant ne voulût pas demeurer en retard et se ruât avec violence contre la mémoire du saint pape. Ce n'est donc pas là ce qui doit nous surprendre; mais ce qui est humiliant, c'est d'être forcé de reconnaître que ce gouvernement protestant, dans ses mesures hostiles à notre foi et aux objets de notre vénération, ne se montre pas plus hostile que diverses puissances de la communion romaine. Voici l'arrêt que les États généraux des Provinces-Unies firent publier et afficher, dans toutes les villes de la confédération. Il est daté du 20 septembre 1730 : 

« Les États de Hollande et de West-Frise, à tous ceux qui ces présentes verront, salut.

« Comme nous avons appris qu'on abuse de notre indulgence à conniver l'exercice du service divin des catholiques romains, sans faire exécuter à divers égards les placards émanés ci-devant contre cet exercice, juste qu'au point qu'on imprime publiquement, dans notre pays de Hollande et de West-Frise, pour l'usage des églises romaines, soit séparément, soit avec ou à la fin de ce qu'on appelle Directorium ou bréviaire, l'office ainsi nommé du pape Grégoire VII, arrêté à Rome par l'autorité papale, le 25 septembre 1728 ; quoique ledit office exalte comme une action louable l'entreprise de ce pape, pour avoir excommunié un empereur des Romains, a privé ce prince de son royaume et absous ses sujets de la fidélité qu'ils lui avaient promise, et qu'on ne puisse ignorer que diverses puissances de la communion romaine regardent cette entreprise de Grégoire VII comme si séditieuse, si contraire à la tranquillité publique, et d'une suite si dangereuse, qu'elles ne permettent pas qu'on  en  fasse  aucun  usage dans   leurs royaumes et Etats.

« A ces causes, après une mûre délibération, nous avons jugé à propos, pour la conservation de la tranquillité commune, et pour la sûreté de la régence et de la véritable religion réformée, de statuer et d'ordonner contre les entreprises et les machinations des adhérents du Siège de Rome, comme nous statuons et ordonnons par la présente :

« Premièrement, qu'on ne pourra faire le moindre usage dans notre pays de Hollande et de West-Frise, soit en public, soit en particulier, dudit office du pape Grégoire VII, sous peine que les prêtres catholiques romains qui y contreviendront, seront punis sans aucune rémission comme perturbateurs du repos public, et que les églises de la religion romaine, chapelles ou autres assemblées dans lesquelles on fera à l'avenir usage dudit office, seront fermées pendant six mois.

« En second lieu, qu'on ne pourra réimprimer dans notredit pays, ou y apporter du dehors ledit office, pour y être débité ou vendu, soit séparément, ou tel qu'il est imprimé à la fin dudit Directorium de la Messe et autres cérémonies de l'Église romaine, et qu'on ne pourra faire aucune mention dudit office dans les éditions suivantes dudit Directorium ; le tout sous peine d'une amende de mille florins contre celui qui y contreviendra, dont la moitié appartiendra à l'officier, et l'autre au dénonciateur, et d'être privé de son trafic.

« Chargeant et ordonnant à tous officiers, juges et justiciers de notredit pays, d'exécuter et de faire exécuter notre présent placard et commandement, et de procéder et de faire procéder sans aucune grâce, faveur ou dissimulation, contre ceux qui y contreviendront; nous voulons qu'il soit publié et affiché partout où besoin sera. Fait à La Haye, le 20 septembre 1730.»

(Gazette de Hollande, 3 octobre 1730.)

 

Nous trouvons, en 1750, une circulaire partie du cabinet impérial, et adressée aux  évêques des Pays-Bas, leur enjoignant de supprimer au bréviaire l'office de saint Grégoire VII. Le clergé de Belgique, déjà mécontent du joug  autrichien, ne  paraît pas avoir mis une grande importance à cette  prohibition, puisque, suivant l'abbé Grégoire (Essai sur les Libertés de l'Église gallicane, page 110.), le gouvernement de Vienne fut obligé de renouveler la proscription de la légende, en 1774. Il est inutile, sans doute, de faire observer que Joseph II se montra impitoyable contre le culte du fougueux Hildebrand ; au reste, saint Grégoire VII ne fut pas le seul saint pontife qu'il poursuivit au bréviaire. On cite, sous la date de 1787, une ordonnance de la régence de la basse Autriche, supprimant, au Bréviaire des chanoines réguliers, divers passages de l'office de plusieurs saints papes, entre autres celui-ci dans la cinquième leçon de saint Zacharie, au 15 mars : Consultus a Francis, regnum illud a Chilperico viro stupido et ignavo, ad Pipinum pietate et fortitudine prœstantem auctoritate Apostolica transtulit. Cet office de saint Zacharie n'est pas au Bréviaire romain proprement dit, mais fait simplement partie des offices propres du clergé de la ville de Rome.

 

Pour en revenir à la légende de saint Grégoire VII, elle a fini néanmoins par triompher, en Autriche, du mauvais vouloir des gouvernants, à la condition toutefois de subir, de par la police, une ridicule formalité. Nous ignorons à quelle époque précise a été statuée cette condition, mais tous les bréviaires romains imprimés dans les Etats  de l'Autriche depuis le commencement de ce siècle, qui nous sont tombés entre les mains, sont remarquables par une mutilation très curieuse. Elle consiste d'abord dans la suppression de ces paroles qui terminent la cinquième leçon : Contra Henrici Imperatoris impios conatus, fortis per omnia athleta impavidus permansit, seque pro muro domui Israël ponere non timuit, ac eumdem Henricum in profundum malorum prolapsum, fidelium communione, regnoque privavit, atque subditos populos fide ei data liberavit.

 

Enfin, la censure impériale, franchissant toutes mesures, non contente d'avoir à jamais assuré la couronne des Césars contre les entreprises de la papauté, et garanti ainsi l'inamissibilité du trône de tout envahissement de la liturgie, la censure, disons-nous, a décrété en même temps l'impeccabilité impériale ; ce qui a bien aussi son mérite pour ce monde et surtout pour l'autre. La sixième leçon est donc maintenue dans son entier, sauf un seul mot : l'épithète iniqui appliquée à Henri de Germanie ! Rome et toutes les églises qui obéissent à ses décrets sur la Liturgie, lisent cum ab INIQUI Henrici exercitu Romœ gravi obsidione premeretur ; dans les États d'Autriche, il faut imprimer et lire simplement : Cum ab Henrici exercitu Romœ, etc. Ceci ne rappelle-t-il pas tout naturellement ce qui se passa à Milan, il y a quelques années, quand on vit un mandement du cardinal-archevêque, à l'occasion de la mort de l'empereur François II, repris par la censure, parce que le prélat y exhortait les fidèles à prier pour un souverain bien-aimé qui, malgré toutes ses vertus, pouvait néanmoins avoir contracté quelques taches de l'humaine faiblesse ?

 

Nous voyons encore, au XVIIe siècle, la mémoire de saint Grégoire VII outragée dans un État catholique, en Portugal.

 

DOM GUÉRANGER INSTITUTIONS LITURGIQUES : CHAPITRE XXI : SUITE DE L'HISTOIRE DE LA LITURGIE, DURANT LA PREMIERE MOITIÉ DU DIX-HUITIÈME SIECLE. — AFFAIRE DE LA LEGENDE DE SAINT GRÉGOIRE VII

 

M. l'abbé Grégoire

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16 février 2012 4 16 /02 /février /2012 12:30

La nouvelle de ce bref arriva bientôt en France et ne tarda pas d'exciter la fureur des suppôts du gallicanisme.

 

Le parlement de Paris rendit en date du 23 février 1730, un arrêt contre la publication, distribution et exécution de ce bref, ainsi que de ceux qui avaient été lancés contre les évêques. Cette cour exhalait son indignation par le ministère de son fidèle organe, Gilbert de Voisins, qui s'exprimait ainsi dans le début de son réquisitoire :

« Après l'arrêt solennel que la cour rendit, au mois de juillet dernier, sur nos conclusions, à l'occasion de l'office de Grégoire VII, nous avions lieu de croire que nous n'aurions plus d'autre devoir à remplir sur cet objet, et que la cour de Rome nous en laisserait insensiblement perdre la mémoire.

« Mais nous reconnaissons, avec douleur, combien nos espérances ont été trompées, à la vue d'un bref de Rome, que nous avons entre les mains, et dont on peut dire qu'il réduit en pratique la doctrine répandue dans l'office de Grégoire VII, en cassant, par l'autorité pontificale, tous édits, arrêts, ordonnances, et autres actes émanés à ce sujet des puissances séculières, même souveraines. Ce bref entreprend de soumettre au sacerdoce l'empire temporel des souverains. Il exerce une autorité suprême sur des actes revêtus du caractère de leur pouvoir. Il attaque leur indépendance jusque dans ses fondements, et tend à leur ôter la voie de la défendre.»

 

Toutefois, l'arrêt du 23 février 1730, quoique rendu dans les formes et imprimé, ne fut pas publié : défense expresse en fut intimée au parlement de la part du cardinal de Fleury. Déjà, dès les premiers jours du mois de décembre 1729, le chancelier avait écrit aux gens du roi de tous les parlements, de ne faire aucun réquisitoire concernant les libertés de l'Église gallicane, sans avoir auparavant consulté la  cour ; il  avait même déclaré en termes exprès à l'avocat général du conseil supérieur de Roussillon, qu'il fallait aller doucement et qu'on n'était pas en position de soutenir cette affaire.

 

Cette conduite du gouvernement, opposée au voeu de la magistrature, s'expliquera facilement, si l'on se rappelle la situation du pouvoir royal à cette époque. Sans doute, les maximes qui avaient prévalu depuis longtemps à la cour de Versailles, ne permettaient pas qu'on tolérât dans les églises du royaume l'usage de la légende de saint Grégoire VII ; mais, d'autre part, un éclat contre Rome eût ameuté le parti janséniste, qui ne demandait qu'à se ruer contre cette autorité sacrée que la couronne de France trouvait encore bonne à conserver. Les pamphlets jansénistes du temps retentissaient des accents de jubilation du parti qui se croyait à la veille de voir rapporter, par le fait de la suppression de la légende, l'odieuse condamnation de la proposition XCI de Quesnel ; mais la cour avait besoin de la bulle Unigenitus pour contenir la séditieuse phalange des nouveaux calvinistes, tandis que, d'autre part, les quatre articles de 1682, en vain révoqués par Louis XIV, lui semblaient le palladium de l'autorité royale. Ce n'était donc ni des mandements déclamatoires, ni des arrêts fanatiques qu'il lui fallait, mais tout simplement une résolution prise à l'amiable par le clergé, de supprimer sans bruit la. légende. Ainsi la cour l'entendit, ainsi fut-elle docilement comprise dans toute l'Eglise de France, en sorte que jusqu'à la destruction de l'ancienne société, en 1789, pas une église séculière ou régulière n'avait pu inaugurer le culte du grand pontife Grégoire VII.

 

Donnons  encore quelques traits de cette déplorable histoire.

 

L'évêque d'Auxerre, toujours ardent à la défense de la double cause gallicane et janséniste, sentant aussi la fausse position de la cour et de l'épiscopat dans leur résolution d'ensevelir la légende sans éclat, s'agitait en désespéré pour accroître le bruit. Il présentait requête au parlement de Paris contre le bref qui avait flétri son mandement, ayant préalablement pris l'avis d'un conseil auquel ne siégeaient pas moins de cent avocats. Peu de jours après, le 11 février 1730, il adressait ses doléances au roi, dans une longue lettre où il cherche à exciter le zèle du monarque contre les entreprises de la cour de Rome. Il n'obtint cependant pas l'éclat qu'il désirait, car le 18 février le cardinal de Fleury écrivit aux gens du roi la lettre suivante, qui montra que la politique du moment était de s'en tenir à la paix :

« Je n'ai rien à ajouter, Messieurs, à ce que j'écris à M. le premier président ; et je m'en remets aussi aux ordres du roi, que M. le Chancelier vous communiquera. Il suffit, dans les conjonctures présentes, que l'essentiel, c'est-à-dire les maximes du royaume, soient à couvert : et la prudence demande qu'on ne cherche pas à irriter le mal, plutôt que de le guérir. Le roi veut, surtout, qu'il ne soit fait aucune mention de la requête, ni du mandement de M. l'évêque d'Auxerre. Il devait savoir qu'avant de le publier, il convenait qu'il sût les intentions de S.  M. sur une matière aussi délicate, et concerter la manière dont il s'expliquerait ; et il est encore plus indécent qu'il fasse signer sa requête par une foule d'avocats. Ce procédé tient beaucoup plus d'une cabale que d'un véritable zèle.»

 

Or l'année 1730 devait voir réunie l'Assemblée générale du clergé, et chacun pensait en soi-même combien alors serait embarrassante la situation des prélats dans cette conjoncture délicate. S'élèveraient-ils contre la légende ? la passeraient-ils entièrement sous silence ? Tel était le problème difficile qui restait à résoudre. En attendant, soit hasard, son intention, l'Assemblée s'ouvrit à Paris le 25 mai, jour même de la fête de saint Grégoire VII. Le 22 juin suivant, le cardinal de Fleury s'étant présenté à l'Assemblée, et ayant pris la place du président, Son Éminence, dans un discours sur la situation des affaires ecclésiastiques dit, entre autres choses :

" Que personne n'ignorait avec quel artifice et quelle mauvaise foi les novateurs cherchaient à répandre d'injustes soupçons contre le clergé de France, comme si, en se déclarant aussi solennellement qu'il a fait en faveur de la Bulle Unigenitus, il eût eu intention secrète de favoriser des opinions aussi injurieuses à l'indépendance du pouvoir temporel de nos rois, qu'opposées aux anciennes maximes que les évêques de France avaient, dans tous les siècles, si constamment défendues ; que, quoique cette indigne a accusation ne fût pas revêtue de la plus légère ombre de vraisemblance, il lui paraissait cependant que, pour ôter à leurs ennemis le dernier retranchement qu'ils avaient imaginé pour affaiblir l'autorité des jugements prononcés contre eux, il était de l'honneur du clergé de s'expliquer sur cette calomnie d'une manière à leur fermer la bouche et à découvrir toute leur malignité."

(Procès-verbaux du clergé. Tome VII, page 892. )

 

L'archevêque de Paris, Charles de Vintimille, dans sa réplique au cardinal, répondit en ces termes sur l'article en question :

" A l'égard de nos maximes sur le temporel de nos rois et la fidélité que nous leur devons, qui est-ce qui les a plus à cœur et qui les annonce avec plus de zèle que le clergé de France ? Vous savez, Monseigneur, et j'avais eu l'honneur de vous le dire en particulier, ce que pensent tous ceux qui composent cette illustre Assemblée, qui avait résolu de ne point se séparer sans s'expliquer d'une manière à fermer la bouche à un parti opiniâtre qui, dans le temps qu'il méconnaît l'autorité de l'Église et celle du roi, ose se couvrir d'un prétendu zèle pour ces mêmes maximes."

(Procès-verbaux du clergé. Tome VII, page 894.)

 

Nous ne tarderons pas à voir comment l'Assemblée se tira de ce pas difficile : mais, en attendant la décision, un incident remarquable la força de prendre position sur le fait même de la légende. L'évêque d'Auxerre avait imaginé d'adresser une lettre à l'Assemblée, pour lui remontrer l'obligation où elle était de sévir contre la scandaleuse entreprise de Rome, et ramenait dans l'affaire la condamnation de la proposition XCI de Quesnel. L'Assemblée, ayant refusé d'entendre la lecture de la lettre, prit les résolutions suivantes que nous empruntons à son procès-verbal :

« La Compagnie a unaninement témoigné qu'elle avait un juste sujet de se plaindre de la conduite de monseigneur l'évêque d'Auxerre, qui croyait devoir exciter le zèle de l'Assemblée pour le maintien des droits sacrés attachés à l'autorité royale, comme si elle méritait d'être soupçonnée d'en manquer.

« Que cette conduite de monseigneur l'évêque d'Auxerre était d'autant moins convenable, que ce prélat s'ingérait à faire des  exhortations à une assemblée qui n'en avait pas besoin, et dont il ne pouvait ignorer les sentiments ; tandis qu'il était lui-même dans une désobéissance ouverte à l'autorité de l'Église, dont il rejetait les décisions ; qu'il se trouvait par là réfractaire aux ordres du roi, qui, comme protecteur de l'Église, employait son autorité à en faire exécuter les lois.

« Que l'Assemblée comprenait, sans peine, que le motif qui avait porté monseigneur l'évêque d'Auxerre à lui écrire, n'était que pour se  donner la liberté de s'élever contre la constitution Unigenitus ; mais que ce n'était pas sans indignation que l'Assemblée voyait à quels excès il s'était ci-devant porté contre un jugement dogmatique de l'Église universelle, auquel tout évêque, comme tout fidèle, doit adhérer  de cœur et d'esprit.

« Que l'Assemblée, au surplus, était justement scandalisée de ce que ce prélat prétend qu'il y a une  liaison entre la constitution Unigenitus et l'opinion qui combat l'indépendance de nos rois et de leur couronne, en ce qui concerne le temporel : enfin que, par toutes ces raisons, l'Assemblée ne devait point permettre qu'on lût la lettre que monseigneur l'évêque d'Auxerre lui avait adressée.»

(Procès-verbaux du clergé. Tome VII, page 1062.)

 

Peu de jours après, l'Assemblée eut à s'occuper de la lettre que l'évêque de Montpellier avait écrite au roi, le 3i décembre 1729,au sujet de la légende, et dans laquelle il cherchait à jeter des nuages sur les intentions des prélats qui n'avaient pas jugé à propos de prohiber, par mandements, le culte de saint Grégoire VII. Jalouse de se justifier du soupçon d'indifférence pour les droits de Sa Majesté, l'Assemblée arrêta le plan d'une adresse à Louis XV, qui fut rédigée  et signée  sous la date du 11 septembre. Les prélats s'y plaignaient amèrement des insinuations de l'évêque de Montpellier contre leur fidélité, et disaient entre autres ces paroles remarquables :

« C'est par de vaines déclamations et par des imputations calomnieuses, que M. l'évêque de Montpellier croit pouvoir faire oublier ses excès, et couvrir, à l'ombre d'un zèle amer et déplacé, les erreurs qu'il débite, et le scandale qu'il cause dans l'Église. Cet artifice n'est pas nouveau; tous les sectaires l'ont mis en usage ; les ennemis de l'unité s'en servent aujourd'hui, et leur dessein est aisé à pénétrer. Occupés depuis seize ans à soulever les magistrats et les peuples contre l'autorité de la constitution, et à rendre méprisables ceux qui l'ont reçue, ils ont saisi l'occasion de la légende de Grégoire VII ; légende qui n'a été adoptée dans votre royaume par aucun évêque, et dont l'usage n'a été et ne sera permis dans aucun de nos diocèses : ils ont cru pouvoir, par des réflexions malignes et captieuses, rompre l'union et le concert qui règnent entre les deux puissances, et, à la faveur des divisions qu'ils tentent d'exciter, se mettre à couvert de l'une et de l'autre ; ils ont voulu, par une diversion sur les contestations qu'ils s'efforcent de réveiller, faire perdre de vue l'intérêt commun de l'Église et de l'État, qui consiste à conserver l'unité de la foi, et à ramener ou à soumettre ceux qui la violent.

« On affecte, Sire, de mettre une indifférence entre la puissance de Louis XIV et la vôtre : c'est un trait également injurieux à Votre Majesté et à votre auguste bisaïeul : héritier de son trône et de ses vertus, devenu l'amour de vos peuples en naissant, sans avoir jamais éprouvé aucune contradiction, ni domestique, ni étrangère, que pourrait-il manquer à Votre Majesté, pour soutenir ses droits, comme il soutenait les siens ? Mais, en  les  soutenant,  ce   grand  roi n'oublia jamais   les sages ménagements que la religion inspire.»

(Procès-verbaux du clergé. Tome VII, page 1074.)

 

Voilà sans doute quelque chose de positif. Point de mandements contre la légende de saint Grégoire VII, que l'Église gallicane appelle ici simplement Grégoire VII, dans une occasion où il s'agit précisément du culte décerné à ce saint pontife, protestant ainsi contre le martyrologe et contre l'autorité qui promulgue le calendrier catholique ; point de mandements individuels et passionnés, mais la résolution prise, en corps, froidement et d'autorité, par l'assemblée, d'étouffer ce culte, d'arrêter l'effet des volontés apostoliques ; de se mettre, par une désobéissance flagrante au Saint-Siège, dans une situation analogue à celle de l'évêque d'Auxerre dont on signalait l'esprit de révolte. Sans doute cette désobéissance de l'Assemblée aux ordres du pape, n'avait lieu que sur un point de simple discipline ; mais croyait-on pouvoir conserver longtemps dans le clergé les liens de la subordination, quand on les brisait si aisément à l'égard du pontife qui, d'après la doctrine même de 1682, rend les décrets qui obligent toutes les Eglises ? Rome dissimula l'outrage ; mais elle maintint courageusement la légende. Un siècle s'est écoulé depuis, et voilà qu'une auréole de gloire environne le nom de ce Grégoire VII que l'assemblée refusa d'appeler saint, et la voix publique salue avec acclamation celui dont les prélats de 1730 se faisaient honneur d'avoir banni la mémoire de leurs diocèses. Certes, si la patience de Dieu est d'autant plus imposante qu'il en puise le motif dans son éternité, combien est sublime celle de sa noble épouse, notre mère, la sainte Église romaine, dont le temps vengea toujours l'injure !

 

Cette adresse déplorable était signée de quatorze archevêques et évêques de l'Assemblée, et de dix-neuf députés du second ordre. Un seul nom y manquait. C'était celui de Jean-César de La Parisière, évêque de Nîmes. Ce prélat, zélé contre le jansénisme et honoré de la haine de la secte, fut un de ceux qui osèrent maintenir le Bréviaire romain dans leurs églises, au milieu de l'innovation liturgique. Dans l'Assemblée de 1730, il vit de bonne heure tout ce que la conduite de ses collègues contre la légende de saint Grégoire VII renfermait de contraire à l'honneur du Siège apostolique, et malgré tout l'éloignement qu'il professait pour la personne et les doctrines de l’évêque de Montpellier, il osa refuser de prendre part à la délibération qu'on tint au sujet de la lettre de ce prélat au roi, et dans laquelle on concerta l'adresse dont nous venons de parler. Son isolement à l'égard de tout ce qui se passa dans cette affaire est expressément attesté dans le procès-verbal de l'Assemblée (page  1073).

 

Nous ignorons comment il se put faire que ce prélat, qui avait refusé de partager avec ses collègues la responsabilité de l'adresse qu'ils présentèrent à Louis XV pour l'assurer de la fidélité qu'ils lui garderaient aux dépens même de l'obéissance jurée au Saint-Siège, fut néanmoins choisi pour rédiger et prononcer la harangue au roi, par laquelle se terminaient d'ordinaire les Assemblées du clergé. Quoi qu'il en soit, cette harangue courageuse et indépendante roulait uniquement sur les maux de l'Église. L'évêque de Nîmes y signalait avec une éloquence apostolique  les entreprises des  magistrats contre   la  liberté ecclésiastique et l'insolence de la secte janséniste, enhardie par une telle protection ; et, rappelant l'obligation pour un roi chrétien de défendre le clergé, il disait ces belles paroles :

« C'est pour cela, Sire, que votre trône, qui, depuis qu'un saint Pontife le consacra, en arrachant le grand Clovis au paganisme, n'a jamais été profané par l'erreur, est une ressource si sûre et si nécessaire pour nous, et que le droit qu'il vous a donné de nous protéger est le plus auguste de tous vos titres. Nous venons à vous pour maintenir l'ouvrage de Jésus-Christ même, et pour nous conserver la liberté d'un ministère dont l'usurpation et la violence peuvent bien arrêter l'exercice, mais qu'on ne saurait essentiellement nous ravir.

« Tout ce qui n'est qu'humain peut être à la merci des hommes ; mais pour le dépôt de la foi, et notre juridiction qui en est une suite nécessaire, c'est notre trésor, notre gloire, notre engagement : nous ne pouvons jamais consentir qu'on nous l'enlève ; nous en sommes redevables à Dieu, à l'Église, aux peuples, à Votre Majesté, dont le règne est fondé sur la catholicité, et doit toujours se soutenir sur les mêmes principes.»

 

C'était le dernier soupir de l'antique liberté qui s'exhalait dans ces fortes paroles : Votre Majesté, dont le règne est fondé sur la catholicité. Jamais plus un seul mot dans les actes du clergé français ne rappela cet axiome de l'ancien droit de la chrétienté, qu'une nation catholique ne pouvait être gouvernée que par un prince catholique.

 

Ce mot si court, si simple, mais si profond que l'évêque de Nîmes avait jeté dans sa harangue, était d'ailleurs la seule allusion qu'elle renfermât à l'affaire de la légende de saint Grégoire VII ; mais on ne pouvait désavouer avec plus de délicatesse tout ce qui s'était fait contre l'héroïque pontife qu'en rappelant, en présence du roi même, qu'il y avait encore quelque chose au-dessus de sa couronne : l'intérêt de la catholicité. Certes, la harangue ferait oublier l'adresse, si on n'était contraint de voir dans la harangue le fait d'un seul évêque, et dans l'adresse la résolution prise et observée, jusqu'à la fin, par les représentants du clergé d'alors, d'anéantir le culte de saint Grégoire VII. Or ceci se passait en 1730 ; et avant la fin du même siècle, cette royauté qui avait voulu être inamissible, était déclarée abolie à jamais. Le successeur de Louis XV, atteint du vertige dont Dieu semblait avoir frappé ceux de sa race, après s'être vu entraîné à sanctionner des actes qui anéantissaient l'Église, montait sur un échafaud, sans que sa loyauté, sa vertu, ni son repentir, fussent capables de sauver les principes monarchiques éclipsés pour de longues années encore, tandis que, ramené en triomphe, saint Grégoire VII reparaît avec une majesté inouïe et partagera désormais avec Charlemagne le titre sublime de fondateur de la société européenne.

 

Il nous tarde de finir le honteux récit des outrages qu'eut à subir en France, au XVIIIe siècle, la mémoire de l'incomparable pontife.

 

DOM GUÉRANGER INSTITUTIONS LITURGIQUES : CHAPITRE XXI : SUITE DE L'HISTOIRE DE LA LITURGIE, DURANT LA PREMIERE MOITIÉ DU DIX-HUITIÈME SIECLE. — AFFAIRE DE LA LEGENDE DE SAINT GRÉGOIRE VII

 

Jean César Rousseau de la Parisière

Jean César Rousseau de la Parisière, Evêque de Nîmes, par Hyacinthe Rigaud, Musée Fabre - Montpellier

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15 février 2012 3 15 /02 /février /2012 12:30

Quant à Benoît XIII lui-même, que M. de Metz appelle un saint pontife, jugement que l'histoire a du moins confirmé, il ne parut pas fort disposé à laisser croire que les actes les plus importants de son gouvernement s'accomplissaient à son insu. Nous verrons bientôt l'énergique réponse qu'il fit à ces insolentes provocations.

 

En attendant, le prélat déclare que, voulant, dans une occasion aussi importante, donner au roi des preuves de la fidélité qu'il lui a vouée, à l'empereur, à S. A. R. de Lorraine et aux autres souverains qui ont quelque portion de leurs États dans son diocèse, de l'attention qu'il aura toujours pour ce qui les intéressera, et "pour préserver les âmes commises à sa charge des illusions que le prétexte d'une piété mal entendue pourrait leur faire, il a défendu et défend à toutes les communautés et à toutes les personnes de l'un  et l'autre sexe de son  diocèse....., de réciter, soit en public, soit en particulier, l'office de Grégoire VII". Il défend pareillement à tous les imprimeurs, etc., de publier le même office. Il ordonne, de plus, que les exemplaires en seront rapportés au greffe de sa chambre épiscopale. Le tout, sous les peines de droit.

 

Les réflexions seraient ici superflues : nous continuerons donc notre récit. Encouragé par le zèle des trois prélats, le Parlement de Bretagne s'empressa de suivre les traces de celui de Paris. Le 17 août, il rendit un arrêt pour supprimer la légende. On remarquait les phrases suivantes dans le réquisitoire du procureur général :

« Permettez-moi de vous rappeler, Messieurs, que Grégoire VII est le premier de tous les papes qui ait osé faire éclater ses prétentions sur le temporel des rois, en s'attribuant ouvertement le droit imaginaire de pouvoir les déposer, et délier leurs sujets du serment de fidélité. Imagination fatale, qui ne s'est que trop perpétuée au-delà des monts, parmi des esprits à qui l'ignorance et une soumission aveugle tiennent presque toujours lieu de savoir.

« C'est cette chimère contre laquelle on ne peut être trop en garde dans ce royaume, qu'on veut réaliser aujourd'hui, en insinuant aux peuples qu'elle a servi de degré à ce pape pour parvenir à la sainteté : moyen inconnu avant lui. Et vous ne verrez, sans doute, qu'avec indignation, que ces paroles séditieuses : Contra Henrici Imperatoris, etc., marchent sur la même ligne que les paroles de vie et de paix qui sont sorties de la bouche de Jésus-Christ même.

« Quel assemblage, et que peut-on penser de cet éloge monstrueux ? si ce n'est qu'on a cru, en l'insérant dans un livre de prières, qu'il aurait plus d'effet, et ferait respecter comme permises, ces foudres que les papes se croient en droit de lancer contre les monarques ; puisque, dira-t-on, si c'était un crime, ou que cela passât leur pouvoir, on n'eût pas relevé une pareille action dont les ministres de nos autels ne peuvent que trop abuser dans leurs instructions.»

 

Comme l’on voit, les magistrats, fidèles d'ailleurs à leur omnipotence liturgique, ne se dissimulaient pas plus que les évêques d'Auxerre, de Montpellier et de Metz, la valeur et l'autorité d'une pièce insérée au Bréviaire romain, Il était aisé de prévoir que le jour n'était pas loin où l'on chercherait à rompre le lien liturgique avec Rome pour s'affranchir, ainsi qu'on l'a vu précédemment, de plusieurs choses contraires aux maximes de notre Eglise gallicane. Le jansénisme, sans doute, était pour beaucoup dans les scandales que nous racontons ; mais le simple gallicanisme y avait bien aussi sa part. On le vit clairement, lorsque le 21 août parut le mandement de Charles-François d'Hallencourt, évêque de Verdun. Ce prélat avait adhéré à la bulle Unigenitus, et dans le mandement même que nous citons, il disait expressément que l'obéissance au pape et aux évêques, dans ce qui concerne la religion, est la seule voie sûre pour le salut.

 

Écoutons maintenant ce que la doctrine de 1682 lui inspirait au sujet de la légende :

« Non, Nos très chers Frères, quelles que puissent être les fautes de l'empereur Henri quatrième, le pape n'était pas en droit de lui enlever sa couronne, ni de délier les nœuds sacrés qui attachaient ses sujets à son service. Ce fait dans lequel ce pape a si injustement excédé son pouvoir, ce fait qu'il est à présumer qu'il expia par la pénitence, ne peut être un des motifs de sa canonisation ; et, si l'on ne le regarde que comme un fait historique, ce n'est pas dans une légende de saint, ni au milieu d'un office divin, qu'il doit être cité.»

 

Voilà bien la naïveté de certains honnêtes gallicans, qui seraient tout aussi éloignés d'admettre les conséquences du système à la manière des parlements, que de ménager les prétentions ultramontaines. L'évêque de Verdun, plus catholique que celui de Montpellier, consent donc à reconnaître Grégoire VII pour saint, mais, pour se rendre compte à lui-même de la valeur de sa canonisation, il suppose ingénument que ce grand pape a fait pénitence de la déposition de Henri IV. Toutefois, cette distinction ne l'empêche pas de conclure son mandement par la même prohibition que ses trois collègues : "Dans la crainte, dit-il, que cette légende ne fasse illusion à quelques esprits faibles, et les évêques ne pouvant veiller de trop près à la sûreté des rois ; pour ensevelir autant qu'il est en nous, dans un éternel oubli, cette entreprise du pape Grégoire VII, nous avons défendu et défendons par ces présentes de réciter, soit en public, soit en particulier, l'office contenu dans ladite feuille, le tout sous les peines de droit."

 

Après cela, on ne dut pas être étonné d'entendre publier un arrêt du parlement de Metz, en date du 1er septembre, qui condamnait la légende comme l'avaient condamnée les parlements de Paris et de Bretagne. Celui de Bordeaux ne tarda pas non plus à se déclarer par un arrêt, sous la date du 12 du même mois, et on entendit même l'avocat général Dudon demander à la cour, dans son réquisitoire, qu'il lui plût de prendre certaines précautions qui pourvoient à l'avenir à ce qu'il ne se glisse rien dans les livres destinés au service divin, et autres livres de piété, qui puisse blesser les droits du roi et troubler la tranquillité de l'État.

 

L'affaire était bien loin d'être terminée par ces scandaleux arrêts : de nouveaux troubles se manifestèrent encore en plusieurs lieux. A Paris, un certain nombre de curés de la ville, faubourgs et banlieue, présentèrent requête à l'archevêque Vintimille, le 14 septembre, et lui dénoncèrent la légende. Nous ne citerons rien de cette pièce, analogue pour le fond et les termes aux mandements et arrêts que nous avons cités. Les curés concluent à supplier l'archevêque de joindre son autorité spirituelle à celle du parlement pour ordonner "ce que la religion, la justice, la fidélité au roi, et l'amour de la patrie, ne peuvent manquer d'inspirer à l'évêque de la capitale du royaume, en pareilles occasions, et singulièrement de prescrire que la Déclaration du Clergé de France, de 1682, soit inviolablement maintenue et exactement observée dans les communautés séculières et régulières, et dans toute l'étendue de ce diocèse, conformément aux lois si nécessaires qu'a établies le feu roi : que, par une action si glorieuse, il rendra un service essentiel à l'Eglise et à l'État."

 

L'archevêque, qui sentait que les jansénistes n'excitaient tout ce bruit que pour déconsidérer, s'il eût été possible, le siège apostolique,  dont les  prérogatives leur étaient d'autant plus odieuses qu'ils en avaient éprouvé les effets, eut la prudence de ne faire aucune démonstration publique contre la légende, et affecta de la passer sous silence dans  une instruction pastorale qu'il publia,  le 29 du même mois de septembre, sur les querelles religieuses du temps. Les curés signataires de la requête dont nous avons parlé, présentèrent à l'archevêque un nouveau mémoire, dans lequel ils se plaignaient amèrement  de la   rigueur  du prélat envers le parti, et revenaient encore sur la légende. Ce fut alors  que l'archevêque, si l'on en croit les Nouvelles Ecclésiastiques, leur dit avec sévérité :

« Je condamne  ce qu'on a fait à  Rome, et je   suis aussi bon serviteur du  roi que vous ; mais puisque le roi l'a fait condamner  par son  Parlement, il était  inutile  d'en parler. Si quelqu'un remue sur cela, M. l'official fera son devoir, et, s'il le faut, on abrégera les procédures en envoyant à la Grève, ce que le Prélat répéta deux fois. MM. les Curés se levèrent, disant qu'ils n'avaient point dessein de lui faire de la peine, mais de lui représenter l'état de leurs paroisses,  et le scandale  que cause la légende qui est entre les mains de plus de la moitié des prêtres du diocèse, qui récitent le Bréviaire romain.» (7 octobre 1729.)

 

Pendant que ces choses se passaient en France, Rome outragée dans ce qu'elle a  de plus cher, l'honneur des saints qu'elle invoque, et sa propre dignité qui n'étant pas de ce monde (non est de  hoc mundo), ne doit pas être sacrifiée aux  considérations humaines   et  personnelles, Rome se mit en devoir de se défendre par les armes que le Roi des rois a déposées entre ses mains. En vain, les mandements que nous avons cités, les arrêts des  parlements eux-mêmes, en condamnant la légende, avaient fait leur réserve sur la complicité de Benoît XIII, prétendant qu'il avait ignoré cet attentat, qu'il était trop vertueux, trop animé de l’esprit apostolique des premiers siècles de l'Eglise, pour s'être permis de contrarier si violemment les maximes françaises ; le saint Pontife eut à cœur de donner un solennel démenti à ces réserves infamantes. Dès le 17 septembre, on affichait dans la ville sainte un bref énergique qui commençait par ces mots :

« Comme il est parvenu à la connaissance de Notre Apostolat qu'il s'était répandu dans le vulgaire certains feuillets en langue française, avec ce titre : Mandement de Monseigneur l'évêque d'Auxerre, qui défend de réciter l'office imprimé sur une feuille volante qui commence par ces mots : Die 25 Maii. In Festo sancti Gregorii VII, Papœ et Confessoris. Donné à Auxerre, le vingt-quatre du mois de juillet mil sept cent vingt-neuf.

« Nous avons choisi pour faire l'examen de ces feuillets plusieurs de Nos vénérables frères les cardinaux et de la sainte Église romaine, et d'autres docteurs de la sacrée Théologie, lesquels, après une mûre discussion, Nous ont rapporté ce qu'il leur semblait sur cette affaire. Ayant donc entendu les avis desdits cardinaux et docteurs, Nous déclarons de la plénitude de l'autorité apostolique, les injonctions contenues dans les susdits feuillets, nulles, vaines, invalides, sans effet, attentatoires, et de nulle force pour le présent et pour l'avenir.

« Et néanmoins, pour plus grande précaution et en tant que besoin est, Nous les révoquons, cassons, irritons, annulons, destituons entièrement de toutes forces et effet, voulant et ordonnant qu'elles soient à jamais regardées comme révoquées, cassées, irritées, nulles, invalides et abolies. Défendons en outre, par la teneur des présentes, de lire ou retenir lesdits feuillets, tant imprimés que manuscrits, et en interdisons l'impression, transcription, lecture, rétention et usage, à tous et chacun des fidèles   chrétiens, même dignes d'une mention spéciale et individuelle, sous peine d'excommunication encourue ipso facto par les contrevenants, et de laquelle nul d'entre eux ne pourra être absous que par Nous, ou par le pontife romain pour lors existant, si ce n'est à l'article de la mort.

« Voulant et mandant d'autorité apostolique, que ceux qui auraient ces feuillets en leur possession, aussitôt que les présentes lettres parviendront à leur connaissance, les livrent et consignent aux ordinaires des lieux, ou aux inquisiteurs de l'hérétique perversité, lesquels auront soin de les livrer incontinent aux flammes.»

 

Telle fut la première sentence du Siège apostolique contre les oppositions françaises à la légende de saint Grégoire VII. Rome faisait voir assez, sans doute, qu'elle n'avait pas lancé à la légère cet éloge d'un si illustre pontife, et qu'elle ne reculerait pas dans la ligne qu'elle avait adoptée. Le gallicanisme n'avait cependant pas encore atteint la mesure de son audace, en France. Le 30 septembre vit paraître un mandement colossal de Jacques-Bénigne Bossuet, évêque de Troyes, qui venait se joindre à ses collègues d'Auxerre, de Montpellier et de Metz, et affronter les redoutables hasards d'une lutte avec l'Église romaine. Ce mandement, qui était tout un gros livre, avait été facile à rédiger. L'auteur s'y était tout simplement proposé d'établir la doctrine du premier article de la Déclaration de 1682, et pour cela, il avait cru suffisant de traduire en français assez lourd, plusieurs des pages que son oncle a consacrées à cette matière, dans la Défense encore inédite de la Déclaration du Clergé de France. Nous ne citerons que quelques lignes de cet énorme factum tout rempli d'injures brutales contre les souverains Pontifes :

« Vous sentez, mes chers frères, à ce simple exposé, dit le Prélat, tout le poison dont cette feuille est remplie ; vous en comprenez tout le danger, vous apercevez sans peine les maximes qu'on voudrait vous inspirer, en vous proposant de célébrer dans vos jours de fête des actions qui auraient dû demeurer ensevelies dans un éternel oubli, et qui ne peuvent que déshonorer leurs auteurs ; de consacrer par un culte public la mémoire d'une sanglante tragédie, et de canoniser dans les offices de l'Église comme inspirée par le Saint-Esprit, une conduite entièrement opposée à l'Évangile, à l'esprit de Jésus-Christ et de la sainte Église.»

 

L'évêque de Troyes finissait par défendre, dans tout son diocèse, l'usage de la légende, pour donner au roi de nouvelles preuves de son attachement à sa personne sacrée, de son zèle pour la défense des droits de sa couronne et pour le maintien de la tranquillité de son royaume; enfin, pour préserver le troupeau de Jésus-Christ des illusions d'une fausse piété.

 

Rome ne pouvait demeurer impassible à ces nouveaux outrages. Un second bref, portant condamnation du mandement de l'évêque de Metz, et conçu dans les mêmes termes que celui qui avait été lancé contre l'évêque d'Auxerre, fut solennellement publié et affiché dans Rome, le 8 octobre.

 

En France, ces actes apostoliques ne ralentissaient pas le zèle des ennemis de Rome. Le scandale d'un nouveau mandement contre la légende éclatait à grand bruit. Voici en quels termes Honorat de Quiquerand de Beaujeu, évêque de Castres, s'exprimait sur la légende, dans une lettre pastorale du 11 novembre 1729 : "Je ne puis me résoudre de traduire ici des paroles plus propres à scandaliser les bons Français, qu'à édifier les bons catholiques.» Nous ne le suivrons pas dans le cours de ses banales déclamations, au milieu desquelles il cherche à insinuer que des motifs humains pourraient  bien avoir dicté seuls la canonisation de Grégoire VII, et nous nous hâtons d'arriver à la conclusion, dans laquelle le prélat déclare que, pour prévenir autant qu'il dépend de lui les impressions qu'une fausse maxime pourrait faire sur les esprits de toutes les personnes qui, avec beaucoup de piété, manquent de lumières, il défend de réciter le nouvel office, soit en public, soit en particulier, ordonnant que les exemplaires en soient rapportés au greffe de son officiante : le tout sous les peines de droit.

 

Quelques semaines après, le 6 décembre, Rome, pour la troisième fois, répondait à ces grossières insultes par un bref qui flétrissait avec énergie le mandement de l'évêque de Montpellier, et ce bref ne tarda pas à être suivi d'un quatrième, par lequel Benoît XIII, sous la date du 19 du même mois, infligeait enfin, par son autorité apostolique, aux parlements de Paris et de Bordeaux, le châtiment qu'ils avaient mérité par leurs arrêts attentatoires à l'autorité du Saint-Siège et à l'honneur d'un glorieux serviteur de Dieu. Dans ce bref remarquable, le pape ne se contentait pas de déclarer abusifs et nuls pour la conscience, les arrêts et injonctions de ces parlements, mais il les cassait et annulait de sa propre autorité, en la manière que dans les jours mêmes où nous écrivons ces lignes, Grégoire XVI vient de casser et d'annuler tous les actes de la Régence d'Espagne qui sont contraires aux droits et à la liberté de l'Église.

« Comme il est parvenu à nos oreilles, disait Benoît XIII, que plusieurs magistrats, officiers et ministres séculiers se sont élevés, dans des édits, arrêts, résolutions, ordonnances, mandats et autres règlements et provisions, sous quelque nom que ce soit, contre le décret récemment publié par nous pour l'extension de l'office de saint Grégoire VII à toute l'Église ; office qui, en vertu des induits de Paul V, Clément X, Alexandre VIII et Clément XI, nos prédécesseurs d'heureuse mémoire, se célébrait déjà publiquement et solennellement dans beaucoup d'églises du monde chrétien, et que nous avons rendu obligatoire pour tous ceux qui sont tenus aux heures canoniales, à l'effet d'accroître le culte de ce saint pontife et confesseur qui a travaillé avec un courage si infatigable au rétablissement et au renouvellement de la discipline ecclésiastique, et à la réforme des mœurs.

« Voulant, conformément au devoir de la charge pastorale que la divine miséricorde a confiée à Notre bassesse, et qui est si fort au-dessus de Nos mérites et de Nos forces, défendre et conserver sans diminution et sans tache Notre autorité et celle de l'Église, attaquées dans les pernicieuses entreprises de ces laïques, et ayant présente à Notre esprit toute la suite de  toutes et chacune des choses qui se sont passées.....; du conseil de plusieurs de Nos vénérables frères les cardinaux de la sainte Église romaine, par l'autorité apostolique, de la teneur des présentes, nous déclarons les édits, arrêts, résolutions, décrets, ordonnances, promulgués par les magistrats même suprêmes, et tous officiers ou ministres séculiers de quelque puissance laïque que ce soit, contre Notre susdit décret d'extension de l'office de saint Grégoire VII....., nuls, vains, invalides, dépourvus à perpétuité de toute force, ni valeur, ainsi que toutes les choses qui en sont suivies ou suivraient.

« Et de plus, pour plus grande sûreté, et en tant que besoin est, par les présentes, Nous les révoquons, cassons, irritons, annulons et abolissons à perpétuité, les privant de toute force et effet, et voulons qu'ils soient à jamais tenus pour révoqués, cassés, irrités, annulés, invalidés, abolis, et privés entièrement de toute force et effet, etc..»

 

La nouvelle de ce bref arriva bientôt en France et ne tarda pas d'exciter la fureur des suppôts du gallicanisme.

 

DOM GUÉRANGER INSTITUTIONS LITURGIQUES : CHAPITRE XXI : SUITE DE L'HISTOIRE DE LA LITURGIE, DURANT LA PREMIERE MOITIÉ DU DIX-HUITIÈME SIECLE. — AFFAIRE DE LA LEGENDE DE SAINT GRÉGOIRE VII

 

Tomb of Pope Benedict XIII

Tomb of Pope Benedict XIII, by Pietro Bracci, Santa Maria sopra Minerva, Rome

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