Mais il est temps de voir en quelle manière l'Église a appliqué, dans le cours des siècles, le principe des langues sacrées dans le service divin.
La Liturgie est, par le fait, célébrée en diverses langues. Les protestants nous l'objectent avec complaisance ; les auteurs catholiques dont nous avons parlé, semblent en triompher avec une joie secrète. Les uns et les autres ont tort de s'arrêter à la surface de la question au lieu de la pénétrer avec fermeté. Ils ne se rendent pas compte de deux faits, qui suffisent à eux seuls pour briser à jamais toutes leurs espérances. Le premier de ces faits est qu'il y a beaucoup plus de nations chrétiennes que de langues liturgiques ; ainsi voilà toujours la majeure partie des fidèles privée d'entendre dans sa langue les paroles de la Liturgie. Le second fait est que les langues employées par différents peuples dans le service divin ont toutes cessé d'être vulgaires, et, depuis bien des siècles, ne sont plus parlées chez les peuples qui les entendent à l'autel. Nous allons exposer historiquement la marche de la Liturgie dans ses rapports avec les langues.
Nous ne faisons aucune difficulté de convenir que l'Église, à son origine, a dû commencer par employer la langue vulgaire à l'autel. Nos adversaires en voudraient-ils tirer avantage ? nous leur demanderions s'il trouveraient bon qu'une société parvenue à l'âge parfait demeurât soumise aux conditions qu'elle dut subir à son berceau. Dans les premiers jours du christianisme, nous voyons les apôtres saint Pierre et saint Jean allant offrir leurs prières au temple de Jérusalem, quoique le voile se fût déchiré du haut en bas, au moment où le Christ expirait sur la croix. C'est sous les portiques de ce temple maudit et déshérité, dont bientôt il ne restera pas pierre sur pierre, que la prédication apostolique retentit maintes fois, dans les premiers jours qui suivent la venue de l'Esprit-Saint, parce que les disciples du Christ savent qu'ils y trouveront des Juifs disposés à les entendre parler de l'accomplissement des prophéties. Pour ménager la susceptibilité de la synagogue, nous voyons saint Paul circoncire son disciple Timothée. Dans le concile de Jérusalem, si les Apôtres proclament enfin l'affranchissement des fidèles à l'égard des cérémonies légales, ils maintiennent encore l'antique défense de se nourrir du sang et des viandes suffoquées. S'agit-il de choisir des évêques pour présider aux nouvelles chrétientés, on accepte ceux qui sont dans les liens du mariage, pourvu qu'ils n'aient eu qu'une seule femme. Nous ne finirions pas si nous voulions entreprendre l'énumération complète des conditions extraordinaires que l'Église dut subir à son berceau ; ce n'est donc pas à cette époque primordiale qu'il faut aller demander en toutes choses les formes disciplinaires vers lesquelles l'Église tendait par sa nature, et qu'elle devait réaliser quand elle jouirait de sa parfaite indépendance.
Nous convenons donc sans aucune peine que l'Église, dans la première période, a célébré les saints mystères en langue vulgaire. Il en a été de la Liturgie comme des saintes Écritures du Nouveau Testament ; le privilège a été pour le premier âge, et il en devait être ainsi. Le temps seul peut faire d'une langue vulgaire une langue sacrée : l'homme n'invente pas les langues à priori. Elles peuvent cesser d'être parlées, s'éteindre comme langues vivantes, sauf à recevoir une nouvelle vie par la consécration de la science et de la religion. Ainsi donc, les Apôtres et leurs premiers successeurs célébrèrent la Liturgie dans la langue des peuples, dans cette même langue qui leur servait pour donner à ces peuples l'instruction. "Mais, comme l'exprime excellemment saint Thomas, quand les fidèles furent instruits, quand ils eurent connu le sens des choses qu'ils entendent réciter dans l'office pour lequel ils se réunissent, on fit les prières en langue non vulgaire."
Nous ne manquerions pas d'arguments pour rapporter déjà à cette époque primitive, où le texte de l'Écriture et la Liturgie étaient en langue vulgaire, l'usage de réciter à voix basse les prières les plus solennelles du sacrifice ; nous pourrions insister sur ce que nous avons dit sur l'impossibilité, dans une assemblée nombreuse, d'entendre toujours la voix du prêtre à l'autel, ce qui réduit considérablement l'importance de la langue vulgaire dans la Liturgie ; nous aimons mieux élargir la discussion en établissant par les faits que si, dans l'Église primitive, on employa la langue vulgaire à l'autel, ce privilège, durant les trois premiers siècles, ne s'étendit pas à d'autres langues qu'aux trois qui avaient figuré sur le titre de la croix du Sauveur, hébraïque ou syriaque, grecque et latine.
Pour ce qui regarde les Apôtres eux-mêmes, il est hors de doute qu'ils ont célébré la Liturgie dans les langues des peuples qu'ils instruisaient ; c'est le sentiment des différents auteurs qui ont agité la question qui nous occupe ; mais en même temps il faut reconnaître que la plupart des Apôtres n'ont point dépassé dans leurs prédications les limites des pays au sein desquels se parlaient les trois langues bibliques. Le latin était connu dans toute l'étendue de l'Empire ; le grec était plus répandu encore ; le syriaque, avec ses divers dialectes, s'avançait au loin dans l'Orient soumis aux Romains. Quant à ceux des Apôtres qui auraient prêché à des peuples chez lesquels les trois langues n'avaient pas pénétré, rien ne s'oppose à ce qu'on admette qu'eux aussi aient célébré la Liturgie dans la langue de ces peuples ; le contraire du moins serait impossible à démontrer. Nous ferons observer toutefois, que ces Apôtres ne leur ont point donné l'Écriture sainte dans leur langue, et ne leur ont rien laissé d'écrit sur la Liturgie. Il faut même ajouter qu'ils n'y ont pas fondé d'Églises au moins d'une manière durable, puisqu'il a fallu, dans les siècles suivants, prêcher de nouveau la foi dans l'Inde, l'Ethiopie et autres régions lointaines qu'on prétend avoir été visitées par quelques Apôtres.
Ce sont donc d'abord les trois langues dépositaires des oracles divins qui furent chargées d'exprimer à Dieu les vœux de son Église, et véritablement on ne peut s'empêcher de plaindre les auteurs catholiques qui se sont permis de traiter avec légèreté cette croyance primitive qui a pour elle les monuments et les plus solides conjectures. Sans doute, on a eu tort d'écrire au XVIe siècle que la Liturgie n'avait jamais parlé plus de trois langues ; mais l'ignorance où l'on était alors sur les choses de l'Orient excuse les controversistes qui portent la responsabilité de cette méprise. Que si d'autres, à la même époque, ont placé la langue hébraïque parmi les trois que revendique la Liturgie primitive, on devait entendre leur assertion de la langue syriaque, qui était l'hébreu parlé au temps de Jésus-Christ et des Apôtres, et Renaudot a fait une dépense inutile de son érudition lorsqu'il a pris la peine de prouver qu'il est absurde de dire que la Liturgie ait jamais été célébrée dans l'hébreu de Moïse et d'Isaïe. Quant à ce qu'il ajoute que de telles méprises trahissent la cause catholique, au lieu de la défendre, il faut convenir que c'est donner beaucoup trop d'importance à une erreur de fait qui se rapporte au premier âge de la controverse contre les protestants, comme si Bellarmin et Du Perron n'avaient pas fait oublier Eckius et quelques autres débutants dans une polémique à laquelle la scolastique ne les avait malheureusement pas préparés.
Les Apôtres ayant célébré d'abord la Liturgie à Jérusalem, il est probable qu'ils l'ont fait en syriaque, et que cette langue est la première qui ait été employée dans la Liturgie. Le grec, il est vrai, était parlé dans la Syrie ; mais on ne peut disconvenir que le dialecte syro-chaldéen ne formât le langage usuel de la nation juive ; aussi figure-t-il le premier sous le nom d'hébreu au titre de la Croix. Il était juste que la langue qu'avait parlée le Sauveur, et dans laquelle fut écrit le premier Évangile, eût aussi l'honneur de servir la première à la Liturgie. Cette langue se rattachait à l'ancien hébreu et avait reçu les derniers livres de l’Ancien Testament ; elle fut bientôt en possession d'une version complète de l'Écriture par la traduction successive des anciens livres hébreux et des nouvelles Écritures en langue grecque ; il était donc dans la nature des choses qu'elle eût la première les honneurs de l'autel chrétien.
Toutefois, il faut convenir que la langue grecque ne le cède guère en antiquité à la langue syriaque dans la Liturgie. Le grec était aussi répandu dans la Syrie que le syro-chaldéen. On peut même dire que dans les principales villes de cette contrée, la première de ces deux langues était d'un usage plus fréquent que la seconde. Dès les premières années du christianisme, la foi pénétra dans Antioche et avec un tel succès que le nom chrétien, comme nous l'apprend saint Luc, commença dans cette ville. La presque totalité des livres du Nouveau Testament fut écrite dans la langue grecque, que les Apôtres préférèrent, comme plus répandue, à celle qu'ils avaient parlée à Jérusalem, et nous avons vu que, dans le IIIe siècle, à Scytopolis de Palestine, on lisait encore dans l'église l'Écriture en grec, ce qui obligeait le lecteur à l'expliquer ensuite en syriaque au peuple. On peut donc dire que si la langue syriaque a eu les premiers honneurs de la Liturgie, la langue grecque, déjà sanctifiée par la version des Septante, par le privilège d'avoir reçu en original le livre de la Sagesse et le second des Machabées, et enfin la plupart des livres du Nouveau Testament, fut bientôt proclamée par le fait la langue chrétienne par excellence. Saint Paul écrivant aux Romains le faisait en grec, et saint Clément, le premier pape dont nous ayons conservé les écrits, les composa dans la même langue. A la fin du IVe siècle, saint Jean Chrysostome prêchait encore en grec ses homélies au peuple d'Antioche, et saint Cyrille les siennes au peuple d'Alexandrie, dans le siècle suivant.
Cependant, la langue latine ne devait pas tarder à obtenir aussi son rang parmi les langues liturgiques. Il suffisait pour cela que la foi pénétrât dans l'Occident. Saint Pierre et saint Paul ayant fondé l'Église romaine, et le prince des apôtres transférant d'Antioche son siège dans la capitale de l'empire, la langue du peuple-roi qui reçut probablement l'Évangile de saint Marc en texte original, et dans laquelle les saintes Écritures furent si promptement traduites, arrivait tout naturellement à prendre sa place parmi les langues liturgiques. La troisième sur le titre de la croix, la troisième dans l'ordre de la prédication évangélique, c'est à elle, cependant, qu'étaient réservées les plus hautes destinées ; mais elle n'en jouit pas immédiatement ; et nous devons remarquer, à l'avantage de notre thèse, que le grec paraît avoir été jusqu'au Ve siècle la langue officielle de l'Église romaine, aussi bien dans la Liturgie que dans les actes de ses pontifes.
Les trois langues régnèrent seules dans le sanctuaire jusqu'à la paix de l'Église, de même qu'elles possédèrent seules, durant cette période, le texte ou la version des saintes Écritures. De nombreuses nations, pendant ces trois siècles, furent appelées à la lumière de l'Évangile; mais puisqu'il faut bien reconnaître qu'elles ne possédèrent pas de versions du texte sacré dans leurs langues, nous soutenons qu'elles ne célébrèrent pas non plus la Liturgie en langue vulgaire, jusqu'à ce que nos adversaires nous en aient apporté au moins l'ombre d'une preuve. Nous avons fait voir les raisons à fortiori, qui militent pour les langues sacrées dans la Liturgie plus encore que pour les saintes Écritures, dont l'usage peut convenir aux simples fidèles avec certaines précautions, tandis que la Liturgie concerne surtout les prêtres et les pontifes, et ne s'exerce que dans le sanctuaire, et dans les moments consacrés au service divin.
Mais le temps arriva où les langues liturgiques se multiplièrent. N'allons pas croire cependant que chaque peuple chrétien ait eu la sienne ; ici nous rencontrons encore un privilège. Nous avons vu que dans le IVe siècle la haute Egypte commença à jouir d'une traduction des livres saints en langue copte ; on peut rapporter à la même époque l'usage de célébrer en cette contrée la Liturgie en la même langue. Parmi les souscriptions des conciles d'Éphèse et de Chalcédoine, au Ve siècle, on trouve celles de plusieurs évêques égyptiens qui signent en copte. Il est naturel de penser que dès lors ces prélats se servaient de cette langue dans les offices divins. Cet usage s'étendit peu à peu à l'Egypte entière, à la faveur des progrès du monophysisme, qui éleva un mur de séparation entre les chrétiens d'Egypte et les Grecs demeurés catholiques. L'invasion musulmane, qui apportait avec elle la barbarie, acheva de ruiner en Egypte l'usage de la langue grecque, et le copte y régna bientôt seul dans la Liturgie.
L'Ethiopie paraît n'avoir jamais célébré la Liturgie que dans sa langue ; mais nous avons vu que sa conversion au christianisme ne date que du IVe siècle. Cette Église est plongée, depuis plus de douze siècles, dans les erreurs du monophysisme, et n'a fait depuis lors que d'inutiles efforts pour s'en retirer.
L'Église arménienne, fondée par saint Grégoire l'Illuminateur vers la fin du IIIe siècle, ne fait pas remonter sa version de la Bible au delà du Ve. On en doit conclure qu'elle célébrait antérieurement les saints mystères dans la langue où elle avait lu jusqu'alors les saintes Écritures, c'est-à-dire en syriaque. Nous voyons, il est vrai, saint Basile occupé à chercher des personnes qui connussent la langue arménienne, pour l'accompagner, lorsqu'il alla visiter la petite Arménie, afin d'y établir des évêques ; mais ce fait se rapporte au IVe siècle. Il nous faut encore ici reconnaître que l'abandon de la langue sacrée, pour en attribuer le privilège à une langue nationale, n'a pas profité non plus à l'Église arménienne ; car, depuis le Ve siècle, elle est captive dans les liens de l'hérésie monophysite, dont elle a jusqu'ici vainement cherché à s'affranchir.
Nous trouvons encore, au IVe siècle, une quatrième langue liturgique, en dehors des trois anciennes auxquelles nous avons donné le nom de sacrées ; c'est la langue gothique. Les Grecs ariens de Constantinople livrèrent les saints mystères aux Goths, en même temps qu'ils leur enseignèrent leur croyance impie. Mais cette nation barbare s'étant établie en Espagne, après avoir fait la conquête de ce pays, changea promptement la langue de sa Liturgie d'origine grecque, et adopta le latin dans le service divin. La langue gothique ne saurait donc être comptée au nombre des langues liturgiques en usage aujourd'hui, n'ayant été dépositaire des saints mystères que durant un petit nombre d'années, à la suite desquelles on l'a vue s'éteindre d'elle-même.
Nous ne placerons pas non plus la langue géorgienne au rang des langues liturgiques. Il est vrai que les chrétiens de cette contrée reçurent la Liturgie de Constantinople en leur langue, et qu'elle y existe encore ; mais cette nation, qui est à peine de trois cent mille âmes, compte plus d'un tiers d'arméniens, de juifs et de mahométans. En second lieu, les abus que l'ignorance a introduits dans ce pays sur l'administration essentielle du baptême, permettent à peine de compter cette petite nation au nombre des peuples chrétiens. Enfin, la Géorgie faisant maintenant partie des pays soumis à l'autocrate de toutes les Russies, il est hors de doute que les débris de cette Liturgie, déjà entamés par le rite de l'Eglise russe, finiront par succomber sous l'envahissement graduel du slavisme.
Dom Martène et d'autres écrivains modernes qui ont cherché à amoindrir l'importance des faits que nous signalons, en exagérant le nombre des langues dans lesquelles la Liturgie a été célébrée, ont insisté sur le fait relatif à saint Antoine, que nous avons expliqué ci-dessus et qui n'a véritablement aucune portée. Ils ont réuni plusieurs passages des Pères dans lesquels il est dit que toutes les nations louent Dieu, et célèbrent sa gloire dans leurs langues diverses. Il est évident que ceci doit s'entendre de toute autre sorte de louange que de la louange liturgique. Il n'a jamais été interdit aux chrétiens de quelque nation que ce soit de chanter des cantiques en leur langue ; l'Apôtre y exhorte même tous les fidèles. Mais, si des Liturgies eussent existé dans la langue de tous les peuples, comment se fait-il qu'elles ne se soient pas conservées ? qu'on n'en trouve nulle part aucune mention ? Il faut donc entendre les paroles des Pères d'une louange de Dieu privée et familière, et non d'une forme liturgique. Nous accorderons même, si l'on veut, que les Psaumes qui sont l'aliment spirituel et la consolation du chrétien auront pu être traduits de bonne heure pour l'usage des fidèles, dans la plupart des langues parlées par des chrétiens ; mais le Psautier n'est pas à lui seul la Liturgie.
On allègue avec complaisance un fait du VIe siècle, relatif au saint abbé Théodose le Cénobiarque. Il est dit dans sa vie publiée par Allatius, qu'il avait bâti quatre églises dans son monastère. La psalmodie était célébrée dans la première par les Grecs, dans la seconde par les Besses, dans la troisième par les Arméniens, dans la quatrième par les Frères qui étaient tourmentés de l'esprit malin. On faisait séparément dans ces quatre églises les lectures dont se composait la messe des Catéchumènes, et quand le moment d'offrir le Sacrifice était arrivé, tout le monde se réunissait dans l'église des Grecs, pour accomplir les mystères et pour y participer. On voit de même dans la vie de saint Sabbas qui vivait pareillement au VIe siècle, que son monastère était composé en partie d'Arméniens qui accomplissaient aussi en particulier la psalmodie dans leur langue, et se réunissaient ensuite dans l'église des Grecs pour le sacrifice. Nous avouons ne pas comprendre l'avantage que nos savants adversaires pensent retirer de ces faits. Ils prouvent surtout que la langue vulgaire n'est pas nécessaire dans la Liturgie, puisque ces moines qui psalmodiaient, il est vrai, dans leurs langues, se rassemblaient pour assister à la messe dans une langue qui n'était pas celle du plus grand nombre. C'est une application des principes que nous avons soutenus ; nous n'y pouvons voir autre chose.
Ajoutons que la Liturgie arménienne existait déjà à cette époque, et que les moines de cette nation auraient pu la célébrer tout aussi bien qu'ils accomplissaient la psalmodie en leur langue ; cependant saint Théodose et saint Sabbas exigent qu'ils assistent à la messe célébrée en grec, que ces Arméniens n'entendent pas. Ces faits n'offrent donc que la confirmation de ce que nous avons vu jusqu'ici. Quant aux Besses, on n'est pas d'accord sur la désignation de ce peuple auquel appartenaient les moines qui psalmodiaient dans la seconde église du monastère de saint Théodose ; il serait donc difficile de dire quelle langue ils parlaient. Quoi qu'il en soit, on n'a jamais pu découvrir la plus légère trace d'une liturgie dans la langue des Besses, qu'ils aient fleuri dans la basse Mysie, ou qu'ils aient été, selon d'autres, les anciens habitants de la Bosnie.
Enfin nous ne tenons pas compte de l'introduction de la langue roumaine dans quelques Églises des bords du Danube. Ce fait est d'une date récente, et il n'a pu se produire qu'à la faveur du schisme ; si le Saint-Siège n'a pas cru possible de déraciner cet abus, quand un heureux mouvement a ramené vers lui une partie des Roumains de la Transylvanie, il n'est pas possible de tirer de cette condescendance un argument contre la thèse que nous soutenons.
Ainsi, en dehors des trois langues du titre de la croix, il faut en compter trois autres dans l'Orient qui sont présentement admises dans la Liturgie : le copte, l'éthiopien et l'arménien, auxquels nous joindrons, tout à l'heure, pour l'Occident, le slavon. Il est bien évident que le nombre de ces langues n'est pas en rapport avec celui des nations chrétiennes : si donc on veut soutenir, comme l'ont fait les protestants et les jansénistes, que les droits essentiels du peuple fidèle sont lésés, du moment qu'il n'entend pas la messe en langue vulgaire, il faut dire que l'Église s'est rendue coupable de cette injustice dans toutes les parties du monde, et dans tous les siècles du christianisme.
Mais ce n'est pas tout, et le lecteur verra bien mieux encore, dans ce qui nous reste à dire, le véritable esprit de l'Église.
DOM GUÉRANGER INSTITUTIONS LITURGIQUES : DEUXIÈME PARTIE : LES LIVRES DE LA LITURGIE ; CHAPITRE III : DE LA LANGUE DES LIVRES LITURGIQUES
La Congrégation des Archanges, Angelos Akotantos, Monastère de Vatopedi, Mont Athos