Nous nous attacherons de préférence à montrer les travaux
des Papes pour le perfectionnement de la Liturgie de l'Église locale de Rome, et, dans cette partie de notre travail, nous ne nous écarterons pas de notre but général, puisque la Liturgie romaine
est destinée à devenir, sauf d'imperceptibles exceptions, la Liturgie de l'Occident tout entier, et qu'en la perfectionnant ainsi au-dessus de toutes les autres, les Pontifes romains assuraient
indirectement son triomphe, au jour marqué par la Providence.
Ce serait ici le lieu d'examiner l'intéressante question de savoir à quelle époque on a confié à l'écriture les formules mystérieuses du
sacrifice chrétien, et celles qui accompagnent les rites de l'initiation. Le savant P. Lebrun, dans son excellente Explication de la Messe, au tome III, a prétendu qu'avant le cinquième
siècle, aucune des anciennes Liturgies, soit grecques, soit latines, n'avait encore été mise par écrit, mais qu'elles étaient simplement transmises par une tradition orale. Nous pensons, avec
Muratori (Liturgia Romana vetus, Dissertatio de reb. Iiturg.), que cette assertion est exagérée, et qu'on peut donner un sens plus raisonnable aux passages de l'antiquité
qu'allègue le docte oratorien. Comment, en effet, s'imaginer qu'on eût pu conserver cette uniformité dans les formules et les rites généraux, que nous avons prouvé ci-dessus s'être maintenue dans
son entier, durant les premiers siècles de l'Église, si un texte écrit ne se fût pas trouvé dans chaque Église, pour corriger les innovations, arrêter les effets de l'incurie ou de la négligence
? Admettez, si vous voulez, que ce formulaire ne paraissait point à l'autel, qu'il était gardé dans quelque lieu secret, loin des regards profanes; mais, du moins, on pouvait, au besoin, en
appeler à son autorité, pour rassurer la mémoire affaiblie, pour rectifier ce qui eût pu s'introduire de moins conforme à l'antiquité. Avec ces précautions, le secret des mystères n'en était pas
moins assuré. Que si l'on vient à songer aux formules spéciales que rendaient nécessaires les différents rites du catéchuménat, par exemple, de l'ordination des diacres, des prêtres, des évêques
; de la solennisation de la fête de Pâques et des autres grands jours ; toutes choses dont nous trouvons la preuve positive dans toute l'antiquité, on conviendra qu'il eût été, d'un côté,
déraisonnable, de l'autre, matériellement impossible de surcharger la mémoire des évêques et des prêtres d'un aussi grand nombre de prières, ou allocutions. Les saints Docteurs dont s'appuie le
P. Lebrun ont parlé de la Tradition par opposition à l'Écriture sainte, et non pour dire que les Liturgies n'étaient pas écrites. Voici, entre autres, ce que disait saint Basile : "Nous ne nous
contentons pas des choses qui sont rapportées par l'Apôtre, ou dans l'Évangile (au sujet de l'Eucharistie) ; il est d'autres choses que nous récitons avant et après (la consécration), comme ayant
une grande importance dans le mystère, et que nous avons reçues d'une tradition non écrite (S. Basil., De Spiritu Sancto, cap. XXVII.)."
Il est évident que le saint évêque entend ici parler d'une source distincte des Écritures saintes, et qu'il dit que de
cette source ont émané, par tradition, les formules du canon de la messe. Nous l'accordons volontiers ; nous ne disons pas autre chose ; mais il ne suit pas de là que ces traditions ne
reposassent pas sur une écriture faite de main d'homme et gardée dans l'archive de l'Église. Ne savons-nous pas par le témoignage des Grecs, et notamment par celui de saint Grégoire de Nazianze (
Orat. XX. In Basilii laudem.), que saint Basile lui-même avait composé une Liturgie ? Ne l'avait-il donc pas écrite, et même longtemps avant la fin du quatrième siècle ? Ne trouve-t-on
pas, dans les Catéchèses de saint Cyrille de Jérusalem, composées vers l'an 347, une très grande partie de la Liturgie observée dans le baptême et dans la sacrée Synaxe ? Pourtant, ces Catéchèses
étaient destinées à servir à l'initiation des élus du christianisme. Saint Hilaire, en même temps, dans les Gaules, ne composa-t-il pas, au rapport de saint Jérôme, son contemporain, un Livre
des Mystères ? C'est ainsi que, dans les matières de l'érudition, aussi bien que dans celles qui sont purement abstraites, on doit se garder avec vigilance des envahissements de l'esprit de
système dans lequel il est toujours si facile de tomber. Sans doute, c'est un point fort important à établir dans l'étude de l'antiquité, que ce secret universel qui, durant tant de siècles, a
couvert la majesté de nos mystères, mais il importe aussi de faire voir que les formes principales du culte chrétien datent d'une origine antérieure à la paix extérieure de l'Église.
Lors donc que les Papes du cinquième siècle portèrent leur attention sur les améliorations à introduire dans la Liturgie de
l'Église de Rome, nul doute que cette Église ne possédât déjà un corps de formules liturgiques approprié aux nécesssités présentes du culte divin. Le premier de cette époque, que nous
trouvons indiqué au Liber pontificalis comme ayant fait des règlements sur l'office divin, est saint Célestin, qui siégea en 422. "Il établit, dit cette chronique, que les cent cinquante
psaumes de David seraient chantés avant le sacrifice, avec antienne, et par tout le monde : ce qui n'avait pas lieu auparavant ; car on récitait seulement l'Épître du bienheureux apôtre Paul et
le saint Évangile, après quoi la messe avait lieu. Il établit pareillement qu'on chanterait à la messe, après l'office, le Graduel, c'est-à-dire le Répons qui se dit sur les degrés" (Liber
pontif., in Cœlestinum). Ce psaume avec antienne, que l'on chantait avant la messe, est ce que nous nommons Introït ; le Graduel a conservé le nom sous lequel la chronique le
désigne ; c'est un répons, parce qu'il se chantait, comme autrefois tous les répons, avec les répétitions encore en usage aujourd'hui pour les répons brefs de l'office et l'alléluia de la messe.
Ainsi la messe s'enrichissait d'une introduction solennelle ; elle ne débutait plus déjà par les lectures des Épîtres et de l'Évangile, comme au temps de saint Justin.
Dix ans après saint Célestin, saint Léon le Grand monta sur la Chaire de saint Pierre. Il perfectionna aussi la Liturgie ; la
chronique nous apprend qu'il ajouta à la sixième oraison du canon, ces mots : Sanctum sacrifîcium, immaculatam hostiam (Liber pontif., in S. Leonem.). Le souvenir conservé de
cette légère addition montre quelle vénération religieuse environnait cette auguste prière, jusque-là que l'histoire ait enregistré comme un événement l'acte d'un Pontife romain qui
ajoute quatre paroles à cette même formule qu'ailleurs nous avons vu saint Justin désigner sous le nom de Prière prolixe.
Au siècle dernier, en 1755, Joseph Bianchini, prêtre de l'Oratoire, neveu de l'illustre prélat François Bianchini, tira de la
bibliothèque du chapitre de Vérone, un manuscrit mutilé portant ce titre : Codex Sacramentorum vetus Romance Ecclesiœ a S. Leone Papa confectus. Le savant éditeur donnait ce fragment
comme ayant fait partie d'un Sacramentaire Léonien, et, comme il arrive d'ordinaire, les érudits se divisèrent sur la question de l'authenticité de l'ouvrage. Certains Français tirèrent une
conclusion pratique de leur sentiment pour l'affirmative, ainsi que nous le dirons dans la suite de cette histoire. Nous déduirons ailleurs nos raisons de ne pas admettre saint Léon comme
l'auteur de ce prétendu Sacramentaire. Nous citerons toutefois ici Honorius d'Autun, qui atteste que ce grand Pontife avait composé des Préfaces, et nous accorderons volontiers, avec le B.
Tommasi et le P. Quesnel, que le style de saint Léon se rencontre souvent dans les Oraisons et Préfaces du Sacramentaire Gélasien. Nos difficultés ne portent que sur le manuscrit même publié par
J. Bianchini.
A la fin du cinquième siècle, siégea saint Gélase, sur lequel le Liber pontificalis rapporte qu'il composa des
Préfaces des Mystères et des Oraisons d'un style châtié. Cette précieuse indication fait allusion à la publication du Sacramentaire appelé Gélasien, que ce Pontife composa, partie des
formules dressées par ses prédécesseurs, partie de celles qu'il y ajouta dans un style véritablement liturgique.
Ce Sacramentaire demeura en usage dans l'Église de Rome jusqu'au temps de saint Grégoire, qui, d'après le témoignage de Jean
Diacre, en fit l'objet de nombreuses améliorations. Nous donnerons une idée du Sacramentaire Gélasien, dans la partie de cet ouvrage qui sera consacrée à l'énumération et à la critique des livres
liturgiques.
Le nom de saint Gélase est encore attaché à ce fameux décret du concile romain tenu en 494, par lequel est fixé le canon des
Écritures saintes, en même temps qu'on y donne le catalogue des livres apocryphes. Le concile statue qu'on ne lira point dans l'Église de Rome les Actes des martyrs, au moins ceux dont les
auteurs seraient inconnus ou suspects, dans la crainte que certaines personnes n'en prennent occasion de scandale ou de mépris. Nous reviendrons sur ce règlement et sur ses applications, à
diverses époques, dans la Liturgie des offices divins ; et nous montrerons que son esprit a toujours été fidèlement gardé dans l'Église romaine.
Nous ne parlerons point ici des travaux de saint Grégoire le Grand sur la Liturgie romaine, bien que ce grand Pontife
appartienne plutôt au sixième siècle qu'au septième, étant monté sur le Saint-Siège en 590, et décédé en 604. A raison de leur importance dans l'histoire générale et particulière de la Liturgie,
nous leur consacrerons le chapitre suivant.
Donnons maintenant une idée des travaux entrepris, durant les cinquième et sixième siècles, par les saints docteurs et autres
écrivains ecclésiastiques, sous le point de vue qui nous occupe.
Vers 401, Sévérien, évêque de Gabales, en Syrie, et ami de saint Jean Chrysostome, écrivit Du Baptême et de la solennité de
l'Epiphanie un traité qui a péri.
(407). Théodore, évêque de Mopsueste, en Cilicie, homme d'une orthodoxie plus que suspecte, donna une nouvelle liturgie que
Léonce de Byzance dit avoir été remplie, non de prières, mais de blasphèmes. Celle que nous trouvons sous le nom de Théodore, dans la collection des Liturgies orientales publiées par Renaudot,ne
présente rien qui justifie les reproches de Léonce de Byzance.
(408). Saint Maruthas, évêque de Tagrite, en Mésopotamie, a laissé en langue syriaque une Anaphore qui se trouve dans le Missel
des Maronites.
( 410). Synésius, évêque de Ptolémaïde et d'abord philosophe, après son retour à des croyances plus positives, composa des
hymnes d'une grande beauté, qui nous restent encore au nombre de dix. Nous doutons qu'elles aient jamais été en usage dans la Liturgie.
(410). Saint Paulin, sénateur et consul romain, ensuite évêque de Noie, composa, au rapport de Gennadius, un Sacramentaire et un
Hymnaire, que nous n'avons plus. Dans ses intéressantes lettres, et dans ses poëmes si élégants, il donne beaucoup de détails précieux pour le tableau de la Liturgie du quatrième et du cinquième
siècle. Nous recommandons particulièrement aux amateurs de l'architecture chrétienne primitive la XXXIIe épître, ad Severum, et les poèmes XXVI et XXVII, dans lesquels il fait la
description de l'église qu'il faisait bâtir à Noie, en l'honneur de saint Félix: mais qui, aujourd'hui, s'intéressera à l'architecture chrétienne des quatrième et cinquième siècles ?
(412). Saint Cyrille, d'Alexandrie, est auteur d'une Anaphore en l'honneur de saint Marc, évangéliste, rapportée par
Assemani dans sa grande compilation liturgique.
(412). Sédulius, prêtre et poète chrétien, a composé des hymnes dont l'Église se sert encore aujourd'hui dans les fêtes de Noël
(A solis ortus cardine) et de l'Epiphanie (Hostis Herodes impie), lesquelles sont toutes deux extraites d'un grand acrostiche composé de vingt-trois strophes, dont chacune
commence par une des lettres de l'alphabet. L'introït : Salve, Sancta Parens, et l'antienne : Genuit puerpera regem, sont l'un et l'autre tirés des poésies de Sédulius.
(420). Jean Cassien, dans ses Institutions monastiques, donne des détails intéressants sur la forme des offices divins telle
qu'elle était suivie dans les monastères d'Orient ; ces usages sont un mélange des rites pratiqués dans la psalmodie des Églises de ces contrées, avec des observances particulières fixées par les
Pères des déserts d'Orient.
(426). Saint Loup, évêque de Troyes, et saint Euphrone, évêque d'Autun, ont laissé une lettre précieuse à Talatius, évêque
d'Angers, dans laquelle ils répondent d'une manière : très intéressante aux questions qu'il leur avait adressées touchant la célébration de l'office divin, dans les vigiles de Pâques, de Noël et
de l'Epiphanie.
(428). L'hérésiarque Nestorius composa aussi une Liturgie. On la trouve dans la collection de Renaudot.
(434). Saint Proclus, patriarche de Constantinople, a laissé un opuscule très court, intitulé : De Traditionibus Missœ
divines. Nous l'avons cité plus haut.
(440). Salvien, prêtre de Marseille, d'après le témoignage de Gennadius, composa, en grand nombre, des Homélies des Mystères,
Homilias Sacramentorum : ce que D. Mabillon explique dans le sens de Sermons sur la Liturgie, ou encore d'Oraisons même et de Préfaces destinées à être récitées dans le sacrifice.
(445). Philoxène, autrement appelé Xenaias, évêque d'Hiérapolis, disciple de Pierre le Foulon, et l'un des plus fougueux apôtres
du monophysisme, est auteur d'une Liturgie syriaque, dont le texte se trouve dans la collection de Renaudot.
(446). Narsès, surnommé Garbana, ou le Lépreux, partisan zélé de l'hérésie nestorienne, composa à Nisibe, dit le savant P.
Zaccaria, une Liturgie, une Exposition des Mystères et un livre des Rites du Baptême.
(450). Isaac, surnommé le Grand, prêtre d'Antioche, est auteur des deux hymnes qui font partie de l'office de
la semaine sainte, dans la Liturgie syriaque des Maronites.
(458). Musœus, prêtre de Marseille, est un des principaux rédacteurs de la Liturgie gallicane. Ce fut lui qui, à la prière de
saint Venerius son évêque, comme le rapporte Gennade, fit des extraits des saintes Écritures pour fournir aux Leçons de toute l'année ; il en tira pareillement des Répons, et des Antiennes
propres au temps, afin que les lecteurs ne fussent pas embarrassés à chercher les passages, et que le peuple prît plus de goût à la célébration des solennités. Plus tard, à la demande de saint
Eustase, successeur de Venerius, il composa un Sacramentaire d'une grande beauté et d'un volume considérable.
(460). Voconius, ou Buconius, Africain, évêque de u Castellanum en Mauritanie, rédigea, dit le
même Gennade, un excellent livre Sacramentaire.
(462). Claudien Mamert, prêtre de Vienne, et frère de saint Mamert, évêque de la même Église, mit en ordre un recueil de psaumes
et de leçons à l'usage de l'Église de Vienne, et composa des hymnes. On lui attribue celle de la Passion : Pange, lingua, gloriosi prœlium certaminis.
(472). Théoctiste, compagnon de saint Euthymius, archimandrite de Palestine, a laissé, dit Zaccaria, une série de cantiques
sacrés en l'honneur des saints de tout le mois d'avril.
(472). Saint Sidoine Apollinaire, évêque de Clermont, au rapport de saint Grégoire de Tours, est auteur de plusieurs messes de
la Liturgie gallicane.
(484). Saint Sabbas, cet illustre abbé de la Grande Laure de Palestine, a écrit,pour l'usage de son monastère, un Typique ou
Ordre pour la récitation de l'Office ecclésiastique pendant l'année, divisé. en cinquante-neuf chapitres. Ce livre, qui fut bientôt en usage dans tous les monastères soumis à l'évêque de
Jérusalem, s'étant trouvé corrompu par l'injure du temps, fut restitué par saint Jean Damascène.
(501). Saint Césaire, évêque d'Arles, se montra grandement zélé pour le culte divin. Il compila le premier Homiliaire que l'on
connaisse. C'était un recueil de sermons des saints Pères, destinés à être lus à matines. Il donna une Règle aux moines, dans laquelle on trouve des particularités intéressantes sur la forme des
Heures canoniales en ce siècle.
(510). Siméon, évêque de Betharsam, hérétique monophysite, est auteur d'une Liturgie, que l'on a confondue quelquefois avec
celle de Philoxène, comme celle de Philoxène avec la sienne. On peut voir sur cette question le P. Zaccaria, qui expose les avis des savants, sans tirer aucune conclusion qui lui soit
propre.
(511). Saint Ennodius, évêque de Pavie, a laissé deux Bénédictions du Cierge pascal, qui sont différentes de celles en usage
dans les Églises romaine, ambroisienne et gallicane ; une prière avant la messe pour l'usage d'un évêque ; enfin, onze hymnes qui ne paraissent pas jusqu'ici avoir été en usage dans aucune
Église.
(514). Jean, dit Bar-Aphtonius, abbé du monastère de Séleucie, hérétique monophysite, composa des hymnes syriaques sur la
Nativité de Jésus-Christ.
(518). Sévère, d'abord évêque d'Antioche, puis chassé de ce siège pour sa doctrine monophysite, rédigea un livre liturgique qui
existe encore entre lés mains des sectaires jacobites, sous ce titre : Rites du Baptême et de la sacrée Synaxe.
(519). Jacques, évêque de Sarug, prélat dont l'orthodoxie a été victorieusement établie par Assemani, composa entre autres
prières liturgiques une Anaphore qui se trouve dans les Liturgies syriaque et éthiopienne ; il est aussi l'auteur d'un Ordre pour le saint Baptême, inséré dans le Rituel des Maronites.
(520). Elpis, femme de Boëce, illustre aussi par sa foi et son goût pour les lettres, est auteur de deux hymnes en
l'honneur de saint Pierre et de saint Paul, desquelles l'Église romaine a extrait plusieurs versets qu'elle chante dans les différentes fêtes de ces deux saints Apôtres ; l'une commence ainsi :
Aurea luce et decore roseo, et l'autre par ces paroles : Felix per omnes festum mundi cardines. Cette dernière est aussi attribuée à saint Paulin d'Aquilée, et peut-être avec
plus de certitude.
(527). Saint Siméon Stylite, le jeune, composa une de ces hymnes que l'Église grecque appelle Troparium, en l'honneur de saint
Démétrius, martyr, et quelques oraisons au Christ et à la Mère de Dieu.
(527). Saint Nicétius, évêque de Trêves, a laissé un traité de Vigiliis servorum Dei, et un autre de Bono
psalmodiae.
(528). Saint Benoît, patriarche des moines d'Occident, a donné, dans son admirable Règle, le plan de l'Office monastique, tel
qu'il a toujours été gardé par ses nombreux disciples, depuis le sixième siècle jusqu'aujourd'hui.
(530). Thomas d'Edesse, nestorien, et Marabas (536), son disciple, ont travaillé sur la Liturgie de l'Église syrienne.
(541). Jacques, évêque d'Edesse, qui a laissé son nom à la secte des monophysites, qui sont en effet connus dans l'Orient sous
le nom de Jacobites, est l'auteur d'une Anaphore qui se trouve dans la collection de Renaudot.
(546). Maximien, archevêque de Ravenne, mit dans un meilleur ordre les livres de cette Église, et y fit plusieurs
corrections.
(547). Saint Aurélien, évêque d'Arles, est auteur d'une Règle pour les moines et d'une autre pour les religieuses ; à l'exemple
de son illustre prédécesseur, saint Césaire, il y a inséré beaucoup de particularités intéressantes sur la forme des offices divins.
(555). Saint Germain, évêque de Paris, semble être l'auteur d'une exposition de la Messe gallicane, que D.
Martène a insérée dans son ouvrage De antiquis Ecclesiœ ritibus.
(560). Saint Venantius Fortunatus , évêque de Poitiers parmi ses nombreuses poésies, a composé plusieurs hymnes en usage encore
aujourd'hui dans l'Église, savoir: l'hymne en l'honneur de la sainte Croix, Vexilla Regis prodeunt ; celle à la louange du saint Chrême, O Redemptor, sume carmen temet
concinentium ; auxquelles il faut ajouter d'après l’Hymnaire du B. Tommasi, les suivantes : Pange, lingua, gloriosi prœlium certaminis, déjà attribuée à Mamert Claudien ; celles en
l'honneur de la sainte Vierge, Quem terra, pontus, œthera, et O gloriosa domina ; une pour les fêtes de Noël, Agnoscat omne seculum ; enfin le cantique solennel du jour
de Pâques, Salve, festa dies, toto venerabilis œvo. On ne doit pas oublier non plus l'hymne du même Fortunat en l'honneur de saint Denis, laquelle commence par ces paroles : Fortem
fidelem militem, et dans laquelle il rend témoignage à la mission donnée à ce saint Apôtre par le pape saint Clément.
(570). Ananus Adiabène, maître de l'école d'Edesse, écrivit de Causa solemnitatis Hozannarum, et de Causa feriae
sextœ Auri, c'est-à-dire du vendredi dans l'octave de la Pentecôte, jour auquel on lit le passage des Actes des Apôtres, dans lequel saint Pierre dit : Argentum et aurum non habeo.
De plus, un traité des Supplications publiques, et un autre de l’Invention de la sainte Croix.
(572). Chilpéric, roi de Soissons, fils de Clotaire Ier, est, de tous les princes français, le premier qui se soit occupé de
Liturgie. Il composa, dit saint Grégoire de Tours, des Hymnes et des Messes; mais elles ne sont d'aucun usage et ne pourraient l'être. Charlemagne et Robert furent plus heureux. Du reste, nous
n'avons plus ces opuscules de Chilpéric.
(573). Saint Grégoire, évêque de Tours, historien des Francs, et l'un des premiers hagiographes de son siècle, a composé une
antienne en l'honneur des saints Médard et Gildard, évêques et frères. On lui a attribué aussi une prose de saint Martin, qui est plutôt une préface, ou contestation, suivant le terme de la
Liturgie gallicane. Elle commence par ces paroles : Sacerdotem Christi Martinum.
(58o). Jésuiab, patriarche des nestoriens, est auteur de vingt-deux questions De Sacramentis Ecclesiœ.
(58o). Joseph, hérétique de la même secte, a écrit un grand nombre de traités, entre lesquels Zaccaria cite celui intitulé : De
Causis celebriornm festivitatum.
(582). Jean le Jeûneur, patriarche de Constantinople, est auteur d'un Livre Pénitentiel et d'un traité de la Concession et de la
Pénitence, publiés l'un et l'autre par le P. Morin, dans son grand ouvrage De Pœnitentia. Saint Isidore nous apprend qu'il écrivit aussi un livre du Sacrement de Baptême, adressé à saint
Léandre, évêque de Séville.
(584). Licinien ou Lucinien, évêque de Carthagène, en Espagne, écrivit une Épître, citée par saint Isidore, sur le Sacrement de
Baptême.
(585). Saint Léandre, évêque de Séville, écrivit aussi une Épître du Baptême; mais, en outre, il eut une très-grande part à la
correction et au perfectionnement de l'Office gothique ou mozarabe. Il composa, en effet, au rapport de saint Isidore, son frère, des Oraisons nombreuses, tant pour être récitées avec les
psaumes, que pour être lues dans la célébration des saints mystères. Nous parlerons ailleurs et longuement de la Liturgie mozarabe.
(589). Babaeus le Grand, d'abord moine du mont Izla, près de Nisibe, plus tard élevé sur le siège patriarcal de sa nation,
écrivit, suivant Zaccaria, de Causa Hozannarum, de Causa festi Crucis, et un autre livre dans lequel il dispose, suivant le cercle de l'année, les Triomphes de la sainte Vierge
Marie et de saint Jean, ainsi que ceux des autres solennités et commémorations. Dans la Liturgie chaldéenne, on donne le nom de Triomphes à ce que nous appelons Hymnes dans celles
d'Occident.
(590). Saint Colomban , Irlandais, célèbre abbé de Luxeuil et de Bobbio, est auteur d'une Règle fameuse que nous avons encore,
et dans laquelle il institue, pour les moines, une forme d'office divin différente de celle établie par saint Benoît. On sait, d'ailleurs, que cette Règle ne tarda pas à disparaître, vaincue par
la supériorité de celle du patriarche des moines d'Occident. Comme saint Colomban avait été moine dans le célèbre monastère de Benchor, en Irlande, nous parlerons ici d'un précieux monument de la
Liturgie de ce monastère, publié par Muratori, dans le quatrième tome de ses Anecdota Bibliothecœ Ambrosianœ. C'est un Antiphonaire que le docte éditeur conjecture avoir été transcrit
vers l'an 636. On y trouve, entre autres choses curieuses, une hymne en l'honneur de saint Patrice, apôtre d'Irlande, dans laquelle sont rapportés la plupart des faits que racontent les
légendaires sur cet illustre personnage : par quoi sont réfutés invinciblement certains critiques qui ont avancé que l'existence de saint Patrice n'était rien moins que prouvée, et que ses actes
étaient, pour le fond comme pour la forme, un roman forgé par quelque moine du douzième ou du treizième siècle.
(595). Saint Isidore, successeur de son frère saint Léandre sur le siège de Séville, et le plus docte des Pères de l'Église
gothique espagnole, ce qui a porté l'Église romaine à lui conférer la qualité de Docteur de l'Église, a traité des matières liturgiques dans plusieurs de ses écrits, notamment dans son livre des
Origines. Mais, par ses deux excellents livres, de Divinis seu Ecclesiasticis Officiis, il s'est placé avec honneur à la tête des écrivains liturgiques dont la lecture est indispensable
à ceux qui veulent faire une étude approfondie de cette science. Nous placerons ici les titres des chapitres de cet important traité, pour donner au lecteur une idée des richesses qu'il contient
:
Au livre premier : 1. De Ecclesia et vocabulo Christianorum. 2. De Templis. 3. De Choris. 4. De Canticis. 5. De Psalmis. 6.
De Hymnis. 7. De Antiphonis. 8. De Responsoriis. 9. De Precibus. 10. De Lectionibus. 11. De Libris Testamentorum. 12. De Scriptoribus sacrorum Librorum. 13. De Laudibus. 14. De Offertoriis. 15.
De Missa et orationibus. 16. De Symbolo Nicœno. 17. De Benedictionibus in populo. 18. De Sacrificio. 19. De Tertiœ, Sextœ, et Nonoe horœ officiis. 20. De Vespertinis. 21. De Completis. 22. De
Vigiliis. 23. De Matutinis. 24. De Dominica die. 25. De Natali Domini. 26. De Epiphania. 27. De Palmarum die. 28. De Cœna Domini. 29. De Parasceve. 3o. De Sabbato Paschœ. 31. De Pascha. 32. De
Ascensione Domini. 33. De Pentecoste. 34. De Festivitatibus Martyrum. 35. De Encœniis. 36. De Jejunio Quadragesimae. 37. De Jejunio Pentecostes. 38. De Jejunio septimi mensis. 39. De Jejunio
Kalendarum Novembrium. 40. De Jejunio Kalendarum Januariarum. 41. De Triduani jejunii consuetudine. 42. De diversorum dierum ac temporum
Jejuniis. 43. De vario usu Ecclesiarum. 44. De Carnium esu vel piscium.
Au livre second : 1. De Clericis. 2. De regulis Clericorum. 3. De generibus Clericorum. 4. De Tonsura. 5. De Sacerdotibus.
6. De Chorepiscopis. 7. De Presbyteris. 8. De Diaconibus. 9. De Custodibus sacrorum. 10. De Subdiaconibus. 11. De Lectoribus. 12. De Psalmistis. 13. De Exorcistis. 14. De Ostiariis. 15. De
Monachis. 16. De Pœnitentibus. 17. De Virginibus. 18. De Viduis. 19. De Conjugatis. 20. De Catechumenis, Exorcismo et Sale. 21. De Competentibus. 22. De Symbolo. 23. De regula Fidei. 24. De
Baptismo. 25. De Chrismate. 26. De Manus impositione, vel Confirmatione.
Cet ouvrage si précieux a été placé, par Hittorp, à la tête de sa collection liturgique, dans laquelle on peut aller le
consulter ; à moins qu'on ne préfère, ce qui vaut beaucoup mieux, le lire dans les œuvres du saint Docteur, surtout dans l'excellente édition d'Arevalo (Rome, 1805, 7 vol. in-4°.).
Saint Isidore est auteur des deux hymnes de sainte Agathe, que l'on trouve dans l'office de cette Sainte, au Bréviaire mozarabe
: Adesto, plebs fidissima, et Festum insigne prodiit coruscum.
(599). Eutrope, évêque de Valence, adressa à Licinien, évêque de Carthagène, une lettre au sujet de l'onction du chrême faite
aux enfants après le baptême ; mais cette pièce ne se trouve plus.
Ici se termine la bibliothèque des principaux auteurs liturgistes des cinquième et sixième siècles. On a dû voir qu'elle se
divise d'elle-même en deux classes : l'une de ceux qui ont dressé ou corrigé les formules de la Liturgie, l'autre de ceux qui ont traité, sous le point de vue didactique, des particularités et
des raisons des mystères et de l'office divin.
Si nous passons maintenant aux conclusions qui ressortent des faits énoncés dans le présent chapitre, nous trouvons :
Que l'unité, qui est l'élément essentiel du christianisme, a tendu de bonne heure à se réfléchir, non seulement dans les formes
essentielles de la Liturgie, desquelles elles n'a jamais été absente, mais même dans celles de ces formes qui n'ont trait qu'à la convenance et à la simple solennité du culte divin ;
Que les pasteurs des Églises, dans leurs conciles, dès les cinquième et sixième siècles, ne se sont pas contentés de
reconnaître cette tendance, mais qu'ils ont fait des lois pour l'ériger en droit précis ;
Que les pasteurs des Églises, dans leurs conciles, ont motivé leurs décrets en faveur de l'unité liturgique, sur la nécessité de
faire ressortir aux yeux des peuples l'unité de foi, et de prévenir le scandale que causait déjà la diversité des usages admis dans la célébration des offices divins ;
Que les Pontifes romains, en rappelant les évêques de l'Occident à l'observance des usages et traditions du Siège apostolique,
et réclamant, dans la matière des rites sacrés un droit spécial sur les églises de l'Italie, des Gaules, de l'Espagne, de l'Afrique, de la Sicile et des îles adjacentes à l'Italie, posèrent dès
lors la base du droit que nous leur verrons développer plus tard;
Qu'en outre, les mêmes Pontifes ne négligèrent aucune occasion de montrer l'union intime de la Foi et de la Liturgie, en sorte
qu'ils proclamèrent dès lors leur grande maxime : Legem credendi statuat lex supplicandi ; maxime dont nous ne cesserons de voir l'application dans toute la suite de cette histoire
;
Qu'en même temps que l'Église, à cette époque de paix, travaillait à établir l'unité liturgique, elle était occupée en tous
lieux à perfectionner les formes du culte divin ; en sorte que la rédaction définitive des diverses Liturgies, principalement en Occident, date des cinquième et sixième siècles, savoir : la
romaine, par saint Gélase et saint Grégoire le Grand ; la gallicane, par Salvien, Musseus, Sidoine Apollinaire, etc. ; l'africaine, par Voconius ; la gothique, par saint Léandre et saint Isidore
; la monastique par saint Benoît, saint Césaire, saint Aurélien, saint Colomban;
Que, dans ce siècle aussi, les hérétiques, principalement ceux d'Orient, se montrèrent empressés de souiller de leurs erreurs et
de leurs innovations la Liturgie, et cela, par le même principe qui portait les conciles et les Pontifes romains à proclamer la Liturgie, la forme la
plus sacrée et la plus populaire de la doctrine. A voir le grand nombre d'hérétiques, dans l'époque que nous traitons, qui ont dressé de ces formules sacrées qui ont traversé les siècles et sont
demeurées un si solide rempart de leurs erreurs, on comprend plus que jamais quelle arme redoutable contre l'orthodoxie tombe aux mains des novateurs, toutes les fois que, dans une nation
chrétienne, le pouvoir liturgique n'est pas lui-même le pouvoir souverain et infaillible dans l'Église;
Que la Liturgie est donc, comme toutes les grandes choses de ce monde, l'arbre de la science du bien et du mal, puisque, dans ce
chapitre qui nous a donné lieu d'énumérer les noms de plusieurs des plus vénérables docteurs de l'Église, nous n'avons pu nous empêcher d'y joindre une ignoble liste sur laquelle figurent
Théodore de Mopsueste, Nestorius, Philoxène, Sévère d'Antioche, Jacques d'Édesse, etc.
DOM GUÉRANGER
INSTITUTIONS LITURGIQUES : CHAPITRE
VI, DE LA LITURGIE DURANT LES CINQUIEME ET SIXIEME SIECLES ; PREMIÈRES TENTATIVES POUR
ETABLIR L'UNITÉ
Crucifix, Espagne, c. 1063