Telle est l'histoire de l'introduction du chant alternatif dans les diverses Églises d'Orient et d'Occident : fait important
dans les annales de la Liturgie, et qui confirme une fois de plus, par les circonstances dans lesquelles il s'accomplit, cette maxime que nous avons exposée en commençant, que la Liturgie est la
prière à l'état social.
Au reste, si l'Église employa contre l'hérésie
les forces de la Liturgie, il faut dire aussi que l'hérésie, dès le quatrième siècle, chercha à détourner le coup, en propageant des erreurs perfides sur le sujet des rites sacrés. Nous la
verrons, dans toute la suite de cette histoire, fidèle à ce plan diabolique : ou elle appliquera à ses propres besoins les formes populaires du culte, ou elle décriera ces mêmes formes comme
dangereuses, superstitieuses, ou d'invention humaine. Elle répétera surtout ce sophisme, que ce qui, dans la Liturgie, n'est pas appuyé sur l'Écriture sainte, doit être ôté, comme contraire à la
pureté du service divin, méconnaissant ainsi à plaisir le grand principe établi ci-dessus, que toute Liturgie appartient particulièrement à la tradition.
Nous en avons eu déjà un exemple frappant, dans l'erreur des quartodécimains que l'Église a qualifiée d'hérésie : cependant, en
célébrant la Pâque, le 14 de la lune, ces sectaires se conformaient à la lettre des Écritures. Bien plus, ils soutenaient, disaient-ils, une tradition : car il y a des traditions d'erreur comme
de vérité, et on ne saurait les distinguer qu'en les rapprochant de la source à jamais pure du Siège apostolique.
Or, dans le quatrième siècle, un Gaulois, nommé Vigilance, fut suscité par l'enfer pour être le précurseur des hérétiques
antiliturgistes, dont nous donnerons bientôt la succession. Lui aussi trouva et soutint que le culte se surchargeait de plus en plus de pratiques nouvelles, propres à en altérer la pureté. La
pompe du culte extérieur, l'affluence des peuples aux tombeaux des martyrs, le culte rendu aux fragments de leurs ossements, les flambeaux, les cierges allumés en plein jour, pour marquer la joie
de l'Église ; la multitude des fêtes : toutes ces choses excitèrent une fureur sans pareille dans l'âme de Vigilance. Saint Jérôme, avec son éloquence incisive, entreprit de confondre ce nouveau
pharisien, et il s'est trouvé que les arguments qu'il employa pour anéantir ses sophismes, paraissent avoir été préparés contre de modernes sectaires, de même que les erreurs de ces derniers ne
sont qu'une pâle copie des déclamations de notre hérésiarque gaulois. La place nous manque pour insérer ici les pages pleines de chaleur et de conviction que le docte prêtre de Bethléem consacra
à la réfutation de son adversaire ; son traité Contra Vigilantium serait à citer tout entier. Nous invitons le lecteur à le relire dans les livres du saint Docteur.
Il nous reste encore à consigner ici un fait liturgique d'une autre nature, et dont nous devons suivre la trace dans le cours de
cette histoire. Il s'agit des églises des moines et des formes du culte qu'on y exerçait. Les monastères, en effet, ne pouvaient exister longtemps sous le régime de paix dont jouissait l'Église
elle-même, sans réclamer les moyens de mettre à même ceux qui les habitaient de remplir les devoirs du christianisme, et dès lors ils devaient renfermer une église, un autel pour le sacrifice,
des ministres pour les sacrements. En outre, l'Office divin, faisant la principale occupation des moines, la manière de le célébrer devait être l'objet de règlements liturgiques spéciaux qui,
tout en demeurant en rapport avec les usages généraux de l'Église, devaient représenter d'une manière particulière les maximes et les mœurs du cloître. Nous traiterons de la forme des différents
Offices monastiques, dans la partie de cet ouvrage qui renfermera l'explication de l'Office divin.
La célébration des saints mystères exigeait, dans chaque monastère, la présence d'un ou plusieurs prêtres ou diacres, soit
qu'ils fussent du nombre des moines, soit qu'ils fussent du clergé de quelque Église voisine. Toutefois, les premiers Pères de l'ordre monastique, saint Pacôme, par exemple, se souciaient peu de
faire ordonner des sujets qui déjà avaient fait profession de la vie monastique : ils préféraient employer au ministère de l'autel des prêtres déjà honorés du sacerdoce, lorsqu'ils avaient
embrassé la vie parfaite du désert. L'Église ne tarda pas à manifester ses intentions à ce sujet, et les lettres des souverains Pontifes, comme les décrets des conciles, statuèrent les règles à
suivre pour l'ordination des moines, dont ils regardèrent l'état comme une véritable préparation au sacerdoce. Nous nous bornerons à citer ici, comme autorité du quatrième siècle, la fameuse
décrétale de saint Sirice à Himerius de Tarragone. Voici les paroles du Pape : "Nous désirons et voulons que les moines qui sont recommandables par la gravité de leurs mœurs, et par une vie et
une foi saintes et irréprochables, soient agrégés aux offices des clercs."
La suite des ordonnances ecclésiastiques n'a cessé de confirmer, dans chaque siècle, cette maxime, et le décret de Clément VIII,
Cum ad regularem, qui fait aujourd'hui le droit des réguliers, sur l'article de l'admission des sujets à la profession, défend expressément d'en admettre aucun dans l'ordre des choraux,
qui ne présente l'espoir fondé de pouvoir être un jour élevé au Sacerdoce. Enfin, parmi les propositions condamnées par Pie VI, dans la Bulle Auctorem fidei, on lit celle-ci : Ne
compotes fiant ecclesiasticœ hierarchies qui se huic (monastico) ordini adjunxerint, nec ad sacros ordines promoveantur, prœterquam ad summum unies, vel duo, initiandi tanquam curati, vel
capellani monasterii, reliquis in simplici laicorum ordine remanentibus. Il est fâcheux que cette proposition soit identique à plusieurs de celles qu'on rencontre dans les Discours de
Fleury, et dans quelques autres ouvrages français qui sont journellement entre les mains du clergé ; mais nous n'avons point à traiter ici ces questions ; nous avons voulu seulement ouvrir, pour
ainsi dire, les églises des monastères dans lesquelles, par la suite, nous aurons occasion de pénétrer, pour y étudier, soit les rites généraux de l'Église, soit les rites particuliers des
moines.
Avant de résumer les travaux liturgiques des écrivains de l'époque qui nous occupe, nous dirons un mot des lois ecclésiastiques
sur cette matière, durant la même période.
Les souverains Pontifes du quatrième siècle héritèrent du zèle et de la sollicitude de ceux des trois premiers, dans tout ce qui
concerne les rites sacrés. Saint Silvestre fit des règlements sur la consécration du saint chrême, et sur les cérémonies du baptême à suppléer à ceux qui avaient reçu ce sacrement en maladie. Il
établit que les diacres useraient de la dalmatique dans l'église, et porteraient au bras gauche un mouchoir de lin, qui est devenu depuis le manipule ; que le sacrifice serait célébré sur
l'autel, couvert, non d'un tapis de soie, ou de quelque étoffe teinte, mais d'une toile de lin, à l'imitation du linceul dans lequel fut enseveli le corps de Jésus-Christ. Saint Marc ordonna que
l'évêque d'Ostie, auquel appartenait déjà le droit de consacrer le Pape, aurait l'usage du Pallium. Saint Jules statua que les notaires de l'Église tiendraient un registre exact de toutes les
donations faites aux basiliques, et un état de tous leurs titres : mesure à laquelle nous devons certainement les précieux inventaires du trésor des églises de Rome, au temps de saint Silvestre.
Saint Damase, comme on peut le voir par la lecture de ses œuvres, composa plusieurs hymnes à la louange des saints, et orna d'inscriptions en vers le lieu où avaient reposé les corps des saints
Apôtres, aux Catacombes, et les tombeaux d'un grand nombre de martyrs. Il s'occupa aussi de régler l'Office divin ; et saint Grégoire le Grand nous apprend qu'à la persuasion de saint Jérôme, il
inséra dans les offices romains plusieurs usages des églises d'Orient.
Ce témoignage de saint Grégoire, qui atteste les relations de saint Damase et de saint Jérôme au sujet de la Liturgie, nous
semble propre à concilier un plus haut degré d'autorité à une opinion qu'on rencontre dans tous les liturgistes du moyen âge : que saint Jérôme aurait eu une grande part à un remaniement de
l'Office divin entrepris par saint Damase.
Saint Sirice, successeur de saint Damase, dans la décrétale que nous avons citée plus haut, corrige la témérité de ceux qui
conféraient le baptême à Noël, à l'Epiphanie, aux fêtes même des Apôtres, et confirme la tradition de toutes les églises de n'administrer ce sacrement qu'aux fêtes de Pâques et de la Pentecôte.
On trouve plusieurs traits du même genre dans les lettres de ce saint Pape, qui ont été recueillies avec tant de soin par D. Constant ; mais il faut remarquer la solennité avec laquelle il intime
les volontés du Siège apostolique, en matière de Liturgie. "Jusqu'ici on a assez erré sur ce point : que maintenant donc s'attachent à la règle que nous venons d'établir, tous les Prêtres qui ne
veulent pas être séparés de la solidité de cette Pierre apostolique sur laquelle le Christ a bâti son Église". Nul doute que les décrets des Pontifes antérieurs ne fussent rendus avec cette
solennité : le pouvoir du Siège apostolique ayant été le même depuis l'origine de l'Église, et la vigueur des Papes toujours inébranlable, quand il s'agissait du maintien et de la conservation
des traditions.
Si nous en venons maintenant aux conciles du quatrième siècle, nous trouvons celui de Nicée avec son fameux canon sur la
célébration de la Pâque ; celui d'Antioche, tenu en 332, avec ses règlements sur le même sujet ; celui de Laodicée, vers 362, qui prescrit plusieurs règles sur la psalmodie et les lectures qui
l'accompagnaient ; celui de Gangres, vers 370, qui condamne ceux qui blâment les assemblées que l'on tenait aux mémoires des martyrs ; le troisième de Carthage, en 397, qui, renouvelant des
prescriptions déjà portées en 303 par un concile tenu à Hippone, promulgua des canons très importants sur la célébration de la Pâque, les prières liturgiques, l'administration des sacrements,
l'offrande du saint sacrifice et la lecture publique des saintes Écritures ; le quatrième de Carthage, en 398, qui détermine dans un détail si précieux les rites de l'ordination.
La liste des écrivains du quatrième siècle, qui ont traité des matières liturgiques est longue et imposante. En tête, nous
inscrirons d'abord Eusèbe, dont l’ Histoire ecclésiastique offre tant de traits remarquables sur l'objet qui nous occupe, comme sur mille autres. Nous l'avons mise à contribution dans ce
chapitre, ainsi qu'on vient de le voir ; nous regrettons vivement que la perte de deux ouvrages de cet illustre écrivain nous ait privé du puissant secours que nous en eussions tiré. Ces deux
opuscules sont une description spéciale de l'Église de Jérusalem et un livre de la fête de Pâques.
Saint Eustathe d'Antioche, docteur orthodoxe, composa une Liturgie syriaque qu'on trouve encore, mais interpolée, au Missel des
Maronites.
Saint Athanase, l'invincible vengeur de la foi de Nicée, est réputé, chez les Orientaux, l'auteur de l’Anaphore, qui commence
par ces paroles : Deus fortis Domine. Les Grecs appellent Anaphore la partie des prières de la Messe qui renferme l'offrande et le canon.
Saint Cyrille, de Jérusalem, doit être compté parmi les liturgistes du quatrième siècle, pour les précieuses Catéchèses dans
lesquelles il expose souvent, avec autant de profondeur que d'éloquence, les rites des sacrements et du saint sacrifice.
Saint Hilaire, de Poitiers, d'après le témoignage de saint Jérôme et de saint Isidore, est auteur d'un Livre d'Hymnes et de
Mystères sacrés qui n'est pas venu jusqu'à nous. Une seule de ces hymnes a survécu au naufrage, celle que le saint Évêque envoya à sa fille Abra, et qui commence par ce vers : Lucis largitor
splendide. George Cassander et Grégoire Fabricius lui ont attribué aussi celle de la Pentecôte : Beata nobis gaudia, celle du Carême : Jesu, quadragenariœ, et enfin celle
de l'Epiphanie : Jesus refulsit, omnium. Le B. Tommasi lui donne aussi cette dernière. Zaccaria paraît incliner à lui attribuer la longue pièce qui commence : Hymnum dicat turba
fratrum, Hincmar, de Reims, est de ce sentiment. Enfin une autre hymne : Ad cœli clara non sum dignus sidera, a été jointe, par D. Coustant, à celle Lucis largitor
splendide, sans que le docte bénédictin ait prétendu l'attribuer à saint Hilaire, mais seulement afin qu'elle ne pérît pas. Le faux Alcuin désigne saint Hilaire comme ayant complété l'hymne
Gloria in excelsis. En outre, il nous est tombé entre les mains une dissertation imprimée (sans date) à Poitiers, sous le nom de M. l'abbé Cousseau, dans laquelle on veut faire saint
Hilaire auteur de l'hymne Te Deum. Cet opuscule, qui n'est pas sans quelque mérite, aujourd'hui surtout où si peu de personnes paraissent s'intéresser aux études liturgiques, nous a
semblé d'ailleurs très insuffisant pour démontrer la thèse difficile que l'auteur s'est posée.
Saint Pacien, de Barcelone, a laissé un livre De Baptismo, ad Catechumenos.
Saint Ephrem, moine, Syrien de nation, diacre d'Édesse, a composé une immense quantité d'hymnes en langue syriaque. Il s'était
proposé de détruire, par des poésies orthodoxes, les funestes effets que produisaient chez les Syriens les vers de l'hérétique Harmonius. Ces hymnes sont au nombre de quinze sur la Nativité de
Jésus-Christ, quinze sur le Paradis, cinquante-deux de la Foi et de l'Eglise, cinquante et une de la Virginité, quatre-vingt-sept de la Foi contre les ariens et les eunomiens, cinquante-six
contre les Hérésies, quatre-vingt-cinq hymnes mortuaires, quinze hymnes parénétiques, etc. Toutes ces poésies sont étincelantes de génie, d'images orientales, de réminiscences bibliques, et sont
remplies d'une onction admirable. On a donné, assez étrangement, à la plupart, le titre de Sermons, dans l'édition Vaticane de saint Éphrem. L'Église copte emploie une grande partie de ces hymnes
dans les offices divins.
Saint Basile de Césarée, outre ses livres du Baptême, est auteur de la Liturgie grecque qui porte son nom.
Saint Grégoire de Nazianze passe pour être l'auteur d'une Liturgie grecque, et de plusieurs prières du même genre, qu'on trouve
dans les livres d'offices des Syriens et des Coptes, et qui auraient été traduites du grec.
Apollinaire le jeune, qui fut évêque de Laodicée, et, depuis, condamné comme hérétique par saint Damase dans un concile romain,
composa des hymnes et des cantiques, pour être chantés par le peuple dans les divins offices.
Saint Ambroise nous présente, dans ses écrits, particulièrement dans ses lettres, d'importants matériaux pour la connaissance de
la Liturgie du quatrième siècle. Ses translations de martyrs, par exemple, offrent, sous ce rapport, le plus précieux intérêt. Son traité des Offices des Ministres, et celui des Mystères
appartiennent directement à notre sujet, Quant aux six livres des Sacrements, on ne convient pas s'ils appartiennent ou non au docte évêque de Milan ; mais ils n'en sont pas moins importants pour
leur haute antiquité et pour les richesses liturgiques qu'ils renferment. Les hymnes qui sont attribuées à saint Ambroise, avec le plus de certitude, sont d'abord les onze que lui reconnaît Dom
Ceillier, savoir : Aeterne rerum conditor. Deus creator omnium. Jam surgit hora tertia. Veni, redemptor gentium. Illuminans Altissimus. Orabo mente Dominum. Alterna Christi mimera. Somno
refectis artubus. Consorspaterni luminis. O Lux beata Trinitas. Fit porta Christi pervia. Le B. Tommasi, dans son Hymnaire, ajoute les suivantes sur la foi des manuscrits :
Intende qui regis Israël. Hymnum dicamus Domino. Hic est dies verus Dei. Optatus votis omnium. Jesu, nostra redemptio. Jam Christus astra ascenderat. Conditor alme siderum. Agnes beat ce
virginis. A solis ortus cardine. Mysterium ecclesiœ. Agathœ sacrœ virginis. Grates tibi, Jesu, novas. Apostolorum passio. Magni palmam certaminis. Apostolorum supparem. Mediœ noctis tempus est.
Rerum creator optime. Nox atra rerum contegit. Tu Trinitatis unitas. Summœ Deus clementiœ. Splendor paternœ gloriœ. Aeternœ lucis conditor. Fulgentis autor œtheris. Deus œterni luminis. Christe,
rex cœli, Domine. Aeterna cœli gloria. Diei luce reddita. Jam lucis orto sidère. Certum tenentes ordinem. Nunc, sancte nobis Spiritus. Bis ternas horas explicans. Jam sexta sensim volvitur.
Dicamus laudes Domino. Rector potens, verax Deus. Ter hora trina volvitur. Perfecto trino numero. Rerum Deus tenax vigor. Deus qui certis legibus. Sator princepsque temporum. Lucis creator
optime. Immense cœli conditor. Telluris ingens conditor. Cœli Deus sanctissime. Magnœ Deus potentiœ. Plasmator hominis Deus. Christe cœlestis medicina Patris. Obduxere polum nubila cœli. Squalent
arva soli pulvere multo. Tristes nunc populi, Christe redemptor. Sœvus bella serit barbarus horrens. Presque toutes ces hymnes font partie des Bréviaires romain et ambroisien, et les autres
se trouvent dans l'Office mozarabe. Au reste, nous ne donnons pas cette dernière énumération comme authentique de tout point ; au contraire, nous rendrons plusieurs de ces hymnes à saint Grégoire
; mais le B. Tommasi lui-même n'a pas prétendu faire autre chose que recueillir les traditions des anciens Hymnaires, sans en prendre toujours la responsabilité. On a, en outre, attribué à saint
Ambroise l'hymne monastique Te decet laus, mais il faut convenir que c'est sans aucune espèce de fondement. On intitule d'ordinaire le Te Deum laudamus, Hymne de saint Ambroise
et de saint Augustin : on ne peut avoir, pour appuyer ce titre, que des conjectures et une possession qui n'est pas très ancienne. Ces deux hymnes en prose n'ont rien de commun avec les
véritables hymnes de saint Ambroise qui sont mesurées; mais elles remontent à une antiquité voisine de ce saint Docteur, puisqu'elles sont citées dans la règle de saint Benoît, qui a dû être
écrite dans la première moitié du sixième siècle.
Théophile, d'Alexandrie, outre son cycle pascal, écrivit des Sacrés Mystères, ou du Mobilier sacré de l'Église de Dieu : ouvrage
que nous n'avons plus et qui avait été traduit du grec par saint Jérôme.
Saint Augustin, dans tous ses écrits, mais particulièrement dans ses sermons, dans ses lettres, dans une foule de traités
spéciaux, comme sont ceux de Catechizandis rudibus, de Cura gerenda pro mortuis, de Symbolo ad catechumenos, ses Epîtres ad Januarium, présente le tableau le plus complet et le
plus vrai des mœurs de l'Église de son temps, et, par là même, fournit à l'observateur d'innombrables particularités propres à alimenter la science liturgique; mais nous ne voyons pas qu'il ait
rien composé qui touche directement cette matière. Nous ferons voir ailleurs que c'est à tort qu'on lui a attribué le chant du cierge pascal : Exultet jam angelica.
Fabius Marius Victorinus, personnage consulaire, orateur, rhéteur et grammairien, le même dont saint Augustin raconte la
conversion au christianisme, au livre VIII de ses Confessions, composa trois hymnes en prose sur la Trinité ; plusieurs fragments de ces hymnes sont entrés dans la composition de l'Office de la
sainte Trinité, au Bréviaire romain.
Saint Jean Chrysostome n'est pas l'auteur de la Liturgie grecque qui porte son nom ; nous aurons occasion de revenir sur cette
question, quand nous traiterons des livres liturgiques de l'Orient. Ses Homélies et son Traité du Sacerdoce renferment une foule de traits infiniment précieux sur la célébration des saints
mystères, sur les fêtes et les assemblées chrétiennes.
Saint Jérôme, dont les travaux appartiennent en grande partie au quatrième siècle, est infiniment riche en détails sur les
formes liturgiques de son temps, particulièrement dans ses lettres et ses opuscules contre les hérétiques. Nous parlerons ailleurs du Martyrologe et du livre appelé Cornes, qui lui ont
été attribués.
Prudence, personnage consulaire, le prince des poètes chrétiens, a grandement mérité de la Liturgie, par les belles hymnes dont
il a enrichi les offices divins, tant de l'Église romaine que de l'Église gothique d'Espagne. Son premier recueil intitulé Cathemerinon, ou collection de prières quotidiennes, renferme
les suivantes : Ad Gallicinium. Ales diei nuncius. Hymnus matutinus. Nox et tenebrœ et nubila. Ante cibum. O crucifer bone, lucisator. Post cibum. Pastis visceribus, ciboque sumpto. De novo
lumine paschalis sabbati. Inventor rutili, dux bone, luminis. Ante somnum. Ades, Pater supreme. Hymnus jejunantium. O Nazarene, lux Bethlem, Verbum Patris. Post jejunium. Christe, servorum
regimen tuorum. Omni hora. Da, puer, plectrum, choris ut canam fidelibus. Circa exequias defuncti. Deus, ignee fons animarum. VIII, Kalendas januarias. Quid est quod arctum circulum. De
Epiphania. Quicumque Christian quaeritis.
Le second recueil d'hymnes est intitulé : Peristephanon (des couronnes), parce que le poète y célèbre le triomphe d'un
grand nombre de martyrs, savoir : les saints Hémétérius et Célédonius, saint Laurent, sainte Eulalie, les dix-huit martyrs de Saragosse, saint Vincent, les saints Fructueux, Eulogius et Augurius,
saint Quirinus, saint Cassien, saint Romain, saint Hippolyte, les saints apôtres Pierre et Paul, saint Cyprien et sainte Agnès. Nous donnerons ci-dessous dans les notes de ce chapitre, l'hymne
magnifique que Prudence consacre à chanter la fête des saints Apôtres à Rome ; elle renferme la description des églises de saint Pierre et de saint Paul, telles qu'elles étaient alors. On y verra
de précieux détails sur les pompes de ce grand jour et notamment sur les deux Messes que le Pape célébrait en cette occasion. Les hymnes de Prudence, et la plupart de ses autres poésies, sont
remplies de particularités liturgiques du plus haut intérêt : nous ne saurions trop en recommander l'étude aux lecteurs.
En finissant ce tableau liturgique du quatrième siècle, nous tirerons de tout ce qui précède les conclusions suivantes :
La beauté, la grandeur, la richesse des églises fut un des caractères de cette époque de paix.
L'Eglise dirigea contre l'hérésie l'arme puissante de la Liturgie, en instituant contre les ariens le chant alternatif des
psaumes, en opposant des hymnes orthodoxes à des cantiques inspirés par l'erreur.
L'hérésie, redoutant l'effet prodigieux des formes liturgiques sur le peuple, attaqua dès lors les pompes et le caractère
traditionnel du culte, par les arguments que répétèrent les sectaires des âges suivants.
Les monastères, en ce siècle, commencèrent à avoir des églises, et une Liturgie monastique se forma.
Le plus haut pouvoir de la chrétienté, le Siège apostolique continua de promulguer les lois sur la Liturgie, préparant ainsi
l'unité qui devait plus tard briller dans cette partie, comme dans tout le reste.
Les conciles de ce siècle mirent les questions liturgiques au rang des plus importantes, et les plus illustres docteurs
s'occupèrent avec complaisance à expliquer et à régler les formes du culte divin.
DOM GUÉRANGER
INSTITUTIONS LITURGIQUES : CHAPITRE V, DE LA LITURGIE, DANS L'ÉGLISE EN GÉNÉRAL, AU QUATRIEME SIÈCLE
View of the Colosseum
and The Arch of Constantine by Antonio Joli