"Je vous donne un commandement nouveau : c'est de vous aimer les uns les autres.
Comme je vous ai aimés, vous aussi aimez-vous les uns les autres.
Ce qui montrera à tous les hommes que vous êtes mes disciples, c'est l'amour que vous aurez les uns pour les autres."
Evangile de Jésus-Christ selon saint Jean
" Le Défenseur, l'Esprit Saint que le Père enverra en mon nom, lui, vous enseignera tout, et il vous fera souvenir de tout ce que je vous ai dit."
Évangile de Jésus Christ selon saint Jean
Saint Père François
1er mai 2011 Béatification de Jean-Paul II
Béatification du Serviteur de Dieu Jean-Paul II
Béatification du Père Popieluszko
à Varsovie, 6 juin 2010, Dimanche du Corps et du Sang du Christ
Varsovie 2010
Basilique du
Sacré-Cœur de Montmartre
Sanctuaire de l'Adoration Eucharistique et de la Miséricorde
Divine
La miséricorde de Dieu
est comme un torrent débordé. Elle entraîne les cœurs sur son passage.
(Saint Curé d'Ars)
Le côté du Christ a été transpercé et tout le mystère de Dieu sort de là. C’est tout le mystère de Dieu qui aime, qui se livre jusqu’au bout, qui se donne jusqu’au bout. C’est le don le plus
absolu qui soit. Le don du mystère trinitaire est le cœur ouvert. Ce n’est pas une image, c’est une réalité. C’est la réalité la plus profonde qui soit, la réalité de
l’amour.
Père Marie-Joseph Le
Guillou
Dans le cœur transpercé
de Jésus sont unis
le Royaume du Ciel
et la terre d'ici-bas
la source de la vie
pour nous se trouve là.
Ce cœur est cœur divin
Cœur de la Trinité
centre de convergence
de tous les cœur humains
il nous donne la vie
de la Divinité.
Sainte Thérèse Bénédicte de la Croix
(Edith Stein)
Le Sacré-Cœur représente toutes les puissances d'aimer, divines et humaines, qui sont en
Notre-Seigneur.
Père Marie-Eugène de l'Enfant
Jésus
feuille d'annonces de la Basilique du Sacré-Coeur de
Montmartre
Notre Dame de Grâce
Cathédrale Notre Dame de Paris
Ordinations du
samedi 27 juin 2009 à Notre Dame de Paris
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Magnificat
Solennité de l’Immaculée Conception de la Vierge Marie à Notre-Dame de
Paris
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Notre-Dame des
Victoires
... ma vocation, enfin je l’ai trouvée, ma vocation, c’est l’Amour !
SAINT PIERRE ET SAINT ANDRÉ
BENOÎT XVI à CHYPRE
Salutation avec l'Archevêque Chrysostomos à l'église d' Agia Kyriaki Chrysopolitissa de Paphos, le vendredi 4 juin 2010
Benoît XVI en Terre Sainte
Visite au chef de l'Etat, M. Shimon Peres
Visite au mémorial de la Shoah, Yad Vashem
Yahad-In Unum
Vicariat hébréhophone en Israël
Mgr Fouad Twal
Vierge de Vladimir
Des écrivains, héritiers de tous les préjugés et même quelquefois des plus dangereuses erreurs du XVIIe et du XVIIIe siècle, essayèrent en effet de continuer la lutte après Mgr Fayet.
De ce nombre furent, en 1847, M. l'abbé Bernier, vicaire général d'Angers, homme d'esprit et d'érudition, mais dont le jugement avait été absolument gâté par les livres de l'école française du XVIIe siècle ; et, en 1850, M. l'abbé Prompsault, qu'on peut justement appeler le dernier écrivain janséniste de notre pays.
Après son éclatante victoire sur ses deux premiers adversaires, Dom Guéranger n'avait pas besoin de se préoccuper de ses nouveaux ennemis. Le mouvement de retour à la Liturgie romaine se propageait avec une force irrésistible ; chaque année, deux ou trois diocèses rejetaient leurs bréviaires et leurs missels gallicans, pour reprendre les livres grégoriens ; MM. Bernier et Prompsault, même renforcés de M. Laborde (de Lectoure), ne pouvaient arrêter un pareil triomphe. Quelques notes d'explication suffisaient pour répondre à des critiques aussi mal fondées que véhémentes. On les trouvera encore dans la préface du troisième volume des Institutions liturgiques, publié pour la première fois en 1850.
Dom Guéranger y commençait la partie didactique de son œuvre, et traitait des livres liturgiques en général, de leur importance, de leur antiquité, de leur langue, de leur traduction, de leur publication et de leur correction, de leur forme avant et après l'invention de l'imprimerie et enfin de leurs ornements. En donnant ce volume, l'auteur annonçait qu'il allait s'occuper immédiatement d'un commentaire complet du Bréviaire et du Missel romains, qu'on lui réclamait de tous côtés. Il promettait aussi à bref délai sa théologie liturgique et ne doutait pas, du reste, qu'il ne lui fût donné d'exécuter dans sa totalité le plan immense tracé en tête de ses Institutions. Familiarisé avec les moindres détails de la science liturgique, Dom Guéranger trouvait sur le champ dans sa mémoire et son génie, la notion exacte de toute chose, la solution précise des difficultés et la réponse à toutes les questions ; mais quand il s'agissait de composer un livre, malgré sa vaste érudition et sa merveilleuse facilité, il ne pouvait ni abréger les recherches, ni allonger les heures, ni se débarrasser surtout des sollicitudes de sa charge pastorale. S'il avait continué ses Institutions liturgiques, sa vie entière aurait dû être consacrée à ce travail exclusivement à tout autre, et il n'en aurait probablement pas vu le terme. Il en rêva la continuation jusqu'au dernier jour de sa vie ; mais d'autres labeurs, plus urgents, l'en détournèrent toujours.
" Plusieurs vies patriarcales ajoutées les unes aux autres, a dit l'évêque de Poitiers, n'auraient pas suffi à Dom Guéranger pour produire tout ce qu'il avait en projet. Ses projets pourtant n'étaient pas des rêves et des chimères, parce qu'à la façon des patriarches, il devait agir encore dans la survivance des siens."
(Oraison funèbre du T. R. P. Dom Guéranger)
Espérons que cette parole du grand évêque sera réalisée un jour pour les Institutions liturgiques et que Dieu suscitera dans la postérité spirituelle de Dom Guéranger des hommes capables d'élever peu à peu l'œuvre gigantesque dont le savant abbé a posé les fondements. Continuer, dans la mesure de leurs forces, les traditions et les œuvres d'un père tel que Dom Guéranger, est le plus grand honneur que puissent ambitionner ses fils.
L'abbé de Solesmes n'a point achevé ses Institutions liturgiques ; mais il en a écrit assez pour que sa mission de restaurateur de la Liturgie romaine en France ait été accomplie dans sa plénitude. Après la publication des trois lettres à Mgr Fayet, la polémique vraiment sérieuse fut close pour toujours ; les clameurs d'une ignorance obstinée et de préjugés aussi étroits qu'invincibles trouvèrent encore quelques échos dans des articles de journaux et des brochures sans portée ; Dom Guéranger, toujours pris à partie dans ces tristes publications, dédaigna d'y répondre.
Plein de respect et de réserve à l'égard de l'autorité épiscopale, il n'essaya pas non plus de presser le rétablissement de la Liturgie romaine dans les diocèses dont les prélats cherchaient à temporiser, trop longtemps, au gré de certaines impatiences. Chaque année, quelqu'une des Églises de France reprenait possession de la Liturgie romaine ; Dom Guéranger gardait toujours le silence ; et jamais on ne surprit sur ses lèvres une seule parole indiquant qu'il s'attribuât à lui-même l'honneur de ces merveilleux changements. Dieu lui réservait la consolation d'assister au triomphe définitif de la cause qu'il avait servie avec tant de vaillance. L'abbé de Solesmes vit la Liturgie romaine remplacer à Paris l'œuvre des Vigier et des Mézenguy ; et quelques mois avant sa mort, Orléans, le dernier diocèse qui conservât le Bréviaire parisien, le rejeta pour reprendre enfin possession de cet héritage des Gélase, des Grégoire le Grand, des Pie V, dont la perte avait été si funeste au clergé et au peuple de France.
Après sa victoire, Dom Guéranger ne négligea pas ses études liturgiques. S'il n'écrivit plus sur ces matières sous une forme polémique ou purement didactique, il fut en revanche appliqué jusqu'à son dernier jour à un travail, qui a été l'œuvre de prédilection de sa vie et qui renferme la moelle exquise et nourrissante de presque toute la science des rites sacrés. L'Année liturgique, commencée en 1841 par la publication de l’Avent, et poussée jusqu'à son neuvième volume, consacré aux fêtes de l'Ascension et de la Pentecôte, présente l'explication des rites et des mystères principaux de la Liturgie durant la partie la plus longue et la plus importante du cycle ecclésiastique. Le fidèle y trouve le commentaire de tous les offices auxquels il est appelé dans sa paroisse, et le prêtre la clef de son missel et de son bréviaire.
Aucun des monuments d'érudition, qui font l'ornement de nos bibliothèques, ne peut tenir lieu de cet ouvrage si modeste en apparence ; et nous ne craignons pas d'être abusé par notre tendresse filiale, en disant que les deux œuvres inachevées de Dom Guéranger sont deux manuels indispensables pour former un liturgiste digne de ce nom. Les Institutions renferment, avec l'histoire de la Liturgie, un immense amas de notions fondamentales et d'indications bibliographiques qu'aucun autre livre ne présente ; elles sont ainsi une introduction à peu près complète à la science des rites sacrés, dont l'Année liturgique, de son côté, dévoile en grande partie les mystères. En étudiant à fond ces deux ouvrages, on acquiert le sens des études liturgiques ; on apprend de quel côté il faut attaquer les questions et à quelles sources on doit recourir ; dès le premier pas, on entrevoit la solution, quand on ne la possède pas déjà complète ; on se pénètre surtout de ce respect pour les choses saintes, de cette piété à la fois ardente et intelligente, de cet enthousiasme pour le culte divin, sans lesquels on n'aura jamais le secret de la science liturgique.
Depuis le rétablissement du rite romain en France, des travaux estimables ont été exécutés sur la partie purement matérielle des rubriques et du cérémonial. Ces études préliminaires étaient indispensables, puisqu'il fallait renouer une tradition pratique, brisée depuis plus d'un siècle ; mais il serait temps de comprendre que pour être liturgiste, ce n'est pas assez de posséder à fond les cérémoniaux accrédités présentement à Rome, de connaître Gavanti et quelques autres rubricistes, de consulter enfin avec un soin minutieux les moindres décrets de la Congrégation des Rites, C'est là sans doute le premier pas ; ce travail donne le squelette de la science, mais non la science elle-même, et un rubriciste consommé arrive quelquefois à n'en pas avoir l'idée. On n'est liturgiste qu'à la condition de faire pour les rites sacrés ce que l'interprète des livres saints fait pour l'Écriture, d'appeler à son secours toutes les ressources de l'érudition pour expliquer le sens du texte, de briser l'écorce de la lettre pour saisir l'esprit. La moindre des cérémonies a un sens et une histoire qu'il faut rechercher dans la tradition. De la Liturgie de saint Pie V, on doit remonter aux commentateurs et aux monuments liturgiques du moyen âge pour arriver aux sources grégoriennes et atteindre jusqu'aux premiers écrits des Pères et à l'Ecriture sainte elle-même. La théologie, l'histoire, l'archéologie doivent être sans cesse mises à contribution ; et alors la science des rites sacrés apparaît sur les lèvres ou la plume de son interprète ce qu'elle est en réalité, la noble sœur et l'indispensable auxiliaire de l'exégèse biblique et de la théologie.
Aucun écrit ne fera mieux comprendre l'importance et la sublimité de ces études que les Institutions liturgiques de Dom Guéranger : et à ce titre, c'est une des meilleures lectures que l'on puisse conseiller aux jeunes clercs. En étudiant cet ouvrage, ils apprendront ce que c'est qu'un travail d'érudition, et en voyant des horizons tout nouveaux s'ouvrir devant eux, ils entendront le cri éloquent d'une âme généreuse et sainte, dévorée de l'amour de l'Église et transportée d'enthousiasme pour le culte divin. On trouverait difficilement un livre plus propre à communiquer ces deux grandes passions, sans lesquelles il n'y a pas d'âme vraiment sacerdotale ; et nous oserons dire que les Institutions liturgiques peuvent être à ce point de vue plus utiles aux élèves du sanctuaire, que certains livres ascétiques, accrédités par des usages séculaires.
On s'étonnera peut-être que Dom Guéranger n'ait pas réimprimé lui-même un ouvrage qui eut un si éclatant succès. Chacun des trois volumes des Institutions, tiré à trois mille exemplaires, fut presque immédiatement épuisé ; les brochures, que nous réunissons dans un quatrième volume, sont depuis longtemps introuvables. Quoiqu'il en fût souvent sollicité, Dom Guéranger ne réédita pas cet ouvrage, parce qu'il voulait le refaire, Comme tous les auteurs qui marchent les premiers dans une voie inexplorée, l'abbé de Solesmes avait été nécessairement incomplet. Dans la préface de son troisième volume, il déclarait déjà qu'il était en mesure de remplir les lacunes de son histoire de la révolution liturgique en France au XVIIIe siècle ; presque toutes les autres parties de son travail devaient être augmentées de même, dans une proportion plus ou moins considérable ; et ce que le vénérable abbé disait en 1851, il le répétait à plus forte raison en 1874 dans les derniers jours de sa laborieuse carrière. Il parlait alors quelquefois de la refonte de ses Institutions liturgiques comme de l'œuvre qu'il réservait pour les heures paisibles de l'extrême vieillesse. Dieu ne lui a pas donné la longévité que rêvait la tendresse de ses fils et que tant de travaux commencés réclamaient pour être menés à terme ; les Institutions liturgiques sont restées telles qu'il les a composées en premier jet, et c'est ainsi que nous les publions de nouveau. C'est un ouvrage qui est encore unique en son genre et qui a sa place marquée dans la bibliothèque de tout homme voué aux études ecclésiastiques et même simplement historiques.
On pourrait sans doute, après Dom Guéranger et en suivant ses traces, refaire l'histoire de la Liturgie, spécialement pour la France du XVIIIe siècle ; ce serait l'œuvre d'une vie entière. Les Institutions liturgiques n'en resteront pas moins à leur place parmi les travaux les plus considérables de l'érudition ecclésiastique. Non seulement on les consultera, mais on les relira comme un modèle de polémique incisive et souvent éloquente, toujours exacte et grave. Elles resteront comme le monument de cette révolution liturgique, qui est un des principaux événements de l'histoire religieuse de notre siècle. La restauration de la Liturgie romaine en France a été le prélude du concile du Vatican et de la ruine définitive du gallicanisme ; or, de l'aveu de tous, amis et ennemis, cette restauration est l'œuvre de Dom Guéranger, et c'est par les Institutions liturgiques qu'il l'a opérée.
L'avenir seul dévoilera toute l'étendue du service que l'abbé de Solesmes a rendu à l'Église et spécialement à notre patrie ; mais, témoins des épreuves qui accablent le Souverain Pontife, inquiets des menaces que l'avenir fait peser sur nos têtes, nous sentons déjà que le rétablissement d'un des liens les plus étroits qui rattachent nos Églises au centre de l'unité catholique, est pour elles un principe de force et un gage de sécurité.
Pour conclure cette préface, nous n'avons plus qu'à dire un mot de notre propre rôle dans cette publication. Il s'est réduit à celui d'un simple éditeur. Nous ne pouvions nous substituer à l'auteur, et surtout à un auteur tel que celui des Institutions liturgiques, pour des remaniements qui auraient altéré le caractère de son œuvre. Notre dessein a été de maintenir partout le texte primitif, même dans les passages où nous savions ce qu'aurait voulu y ajouter l'auteur. Nous venons de raconter l'accueil fait aux Institutions liturgiques ; rarement un travail d'érudition a été soumis à une critique aussi malveillante et aussi prolongée ; telle était là solidité de l'édifice, que pas une pierre de ses murailles n'a été ébranlée. Notre devoir était donc de le conserver intact. Secondé par le dévouement de nos frères en religion, nous avons veillé avec soin à la correction du texte et placé sur les marges un résumé de chaque alinéa, emprunté le plus souvent aux propres paroles de l'auteur. Nous avons inséré dans le corps de l'ouvrage quelques additions placées dans le troisième volume, et se rapportant aux deux premiers ; en résumé, l'œuvre de Dom Guéranger reste dans son intégrité et garde par là même toute son autorité.
Le lecteur retrouvera même, religieusement conservées en tête de ce volume, la préface de l'auteur et l'épître dédicatoire, par laquelle il faisait hommage de son oeuvre au cardinal Lambruschini, secrétaire d'État de S. S. Grégoire XVI, qui lui avait témoigné une grande bienveillance au moment de l'érection canonique de la congrégation bénédictine de France.
De son côté, notre intelligent éditeur n'a rien épargné pour donner à l'exécution matérielle de ces volumes la forme élégante et noble dont il a su revêtir déjà les grandes publications auxquelles il doit sa renommée. Nous espérons donc que cette édition sera un service rendu à l'Église en même temps qu'un hommage à l'un de ses plus grands serviteurs.
DOM ALPHONSE GUÉPIN, M. B.
Abbaye de Solesmes, 1er novembre 1877
Préface à la nouvelle édition de 1878 des INSTITUTIONS LITURGIQUES de DOM GUÉRANGER
Frères, pour vous faire connaître la puissance et la venue de notre Seigneur Jésus Christ, nous n'avons pas eu recours aux inventions des récits mythologiques, mais nous l'avons contemplé lui-même dans sa grandeur. Car il a reçu du Père l'honneur et la gloire quand est venue sur lui, de la gloire rayonnante de Dieu, une voix qui disait :
" Celui-ci est mon Fils bien-aimé,en lui j'ai mis tout mon amour."
Cette voix venant du ciel, nous l'avons entendue nous-mêmes quand nous étions avec lui sur la montagne sainte. Et ainsi se confirme
pour nous la parole des prophètes ; vous avez raison de fixer votre attention sur elle, comme sur une lampe brillant dans l'obscurité jusqu'à ce que paraisse le jour et que l'étoile du matin se
lève dans vos cœurs.
Deuxième lettre de saint Pierre Apôtre
Icône de La Transfiguration, Russie, XVIe s.
Jésus prend avec lui Pierre, Jacques et Jean son frère, et il les emmène à l'écart, sur une haute montagne. Il fut transfiguré devant eux ; son visage devint brillant comme le soleil, et ses vêtements, blancs comme la lumière.
Voici que leur apparurent Moïse et Élie, qui s'entretenaient avec lui. Pierre alors prit la parole et dit à Jésus :
" Seigneur, il est heureux que nous soyons ici ! Si tu le veux, je vais dresser ici trois tentes, une pour toi, une pour Moïse et une pour Élie."
Il parlait encore, lorsqu'une nuée lumineuse les couvrit de son ombre ; et, de la nuée, une voix disait :
" Celui-ci est mon Fils bien-aimé, en qui j'ai mis tout mon amour ; écoutez-le ! "
Entendant cela, les disciples tombèrent la face contre terre et furent saisis d'une grande frayeur. Jésus s'approcha, les toucha et leur dit : "Relevez-vous et n'ayez pas peur !" Levant les yeux, ils ne virent plus que lui, Jésus seul.
En descendant de la montagne, Jésus leur donna cet ordre : " Ne parlez de cette vision à personne, avant que le Fils de l'homme
soit ressuscité d'entre les morts."
Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu
Dès que l'abbé de Solesmes avait eu connaissance de l'écrit de Mgr, d'Astros, il avait annoncé qu'il y répondrait.
Descendant dans l'arène de la polémique, le vénérable prélat s'était dépouillé pour ainsi dire de son caractère sacré et avait pris les armes ordinaires des publicistes pour attaquer les Institutions liturgiques ! Au même titre Dom Guéranger croyait pouvoir répondre.
Mgr Affre, au contraire, avait donné à sa lettre la forme d'un acte d'autorité épiscopale. L'abbé de Solesmes garda un humble silence et ne se départit jamais de cette attitude dans tout le cours de cette polémique, quoique plus d'un mandement publié à cette époque autorisât de sa part une apologie. Même à l'égard de Mgr d'Astros, voulant pousser les ménagements jusqu'aux dernières limites, Dom Guéranger laissa passer plusieurs mois avant de livrer au public sa Défense des Institutions liturgiques, en réponse au livre du vénérable prélat. Il espérait que la première effervescence de la discussion passée, la question serait jugée avec plus de calme et de raison ; il craignait aussi d'opérer une diversion funeste aux efforts des catholiques, alors concentrés sur la revendication de la liberté d'enseignement ; mais ces ménagements devaient avoir nécessairement un terme.
La réplique de Dom Guéranger parut en 1844 ; nous la donnerons dans le quatrième volume de cette édition. Elle est divisée en deux parties : dans la première, l'auteur établit de nouveau l'importance de l'unité liturgique, sa nécessité, son obligation dans tout le patriarcat d'Occident ; il montre ensuite qu'en racontant la révolution qui avait privé la France du bienfait de cette unité, il n'a ni excédé les droits d'un historien catholique, ni injurié l'épiscopat ; qu'en paraissant enfin souhaiter et prédire le rétablissement de la Liturgie romaine, il n'a point attenté aux droits de la hiérarchie ni fomenté des troubles dans le clergé.
Cette réponse générale est suivie d'un examen de toutes les accusations de détail portées par l'archevêque de Toulouse contre les Institutions liturgiques. Suivant page à page le livre de son vénérable contradicteur, Dom Guéranger reproduit le texte même des principaux passages et place en regard ses explications et ses réponses,toujours respectueuses dans la forme, mais nettes et péremptoires sur le fond. En parcourant ces pages, on ne s'étonne pas que l'abbé de Solesmes ait dit en commençant sa défense : "Il me serait doux de m'avouer vaincu dans le combat, si j'avais la conscience de ma défaite ; malheureusement je ne l'ai pas, cette conscience. Je pourrais, il est vrai, garder le silence et ne pas entreprendre ma justification ; mais, d'autre part, il me semble qu'un devoir impérieux, celui de défendre la vérité, me presse de prendre la parole et de présenter des explications nécessaires : je dirai plus (car je m'en flatte), une justification complète."
La partie sérieuse et désintéressée du public jugea que l'abbé de Solesmes avait tenu ce qu'il annonçait au début de son apologie, et qu'il ne restait rien des accusations de son adversaire. Dès lors la cause de la Liturgie romaine, fut gagnée et le mouvement de retour à l'unité, qui devait s'étendre peu à peu à toutes nos Eglises, commença pour ne plus s'arrêter. Un pieux prélat, dont la mémoire est restée en bénédiction dans son diocèse, Mgr Georges-Maçonnais, évêque de Périgueux, en prit l'initiative par un mandement daté du 1er décembre 1844. Huit jours après, le chapitre de Gap, par "une délibération unanime", demandait à son évêque, Mgr Depéry, le rétablissement de la Liturgie romaine ; et le prélat, accédant avec empressement à ces vœux, annonçait sa résolution à son diocèse par une lettre pastorale, en tête de laquelle il insérait un extrait de la Défense des Institutions liturgiques.
Cependant la polémique n'était pas terminée. Nous ne parlerons pas ici de la réplique essayée par Mgr d'Astros sous ce titre : Examen de la Défense de Dom Guéranger, et courte réfutation de sa Lettre à Monseigneur l'Archevêque de Reims. L'accueil que lui fit le public dispensa Dom Guéranger de toute réponse. Le vénérable archevêque de Toulouse avait essayé d'arrêter par une autre barrière les progrès de la Liturgie romaine : à l'unité liturgique de tout l'Occident latin, il voulut opposer l'unité métropolitaine ; et usant de l'autorité qu'il avait sur l'esprit d'un de ses suffragants, Mgr de Saint-Rome-Gualy, évêque de Carcassonne, il l'avait décidé à prendre la Liturgie toulousaine ; mais les autres évêques de la province n'acceptèrent point le système de leur métropolitain. Dès 1847, Mgr Doney, évêque de Montauban,promulguait dans son diocèse la Liturgie romaine ; et après moins de dix années de règne, la Liturgie toulousaine devait disparaître de Carcassonne, à la voix de Son Éminence le cardinal de Bonnechose, aujourd'hui archevêque de Rouen (1854).
En 1845, un nouveau défenseur des Liturgies gallicanes s'était révélé dans la personne de Mgr Fayet, évêque d'Orléans. L'ouvrage de ce prélat intitulé : Des Institutions liturgiques de Dom Guéranger et de sa Lettre à Mgr l'Archevêque de Reims, écrit dans un style tout différent de celui de Mgr d'Astros, n'était pas moins sévère pour l'abbé de Solesmes et ses doctrines. "Presque tout, disait l'auteur, m'a paru faux ou dangereux dans le livre de Dom Guéranger : les principes, les raisonnements et même les faits". Mgr Fayet attribuait en outre à son adversaire, les plus dangereuses visées. "Ce n'est pas, disait-il, en simple écrivain ou en simple docteur que Dom Guéranger attaque l'Eglise de France, c'est comme pouvoir réformateur qu'il se pose en face des évêques chargés de la gouverner ; et sous ce point de vue, l'épiscopat doit à ses entreprises plus d'attention qu'on n'en donne ordinairement à de simples productions littéraires."
Réfuter l'abbé de Solesmes paraissait du reste à l'évêque d'Orléans chose facile. "Dans un temps, disait-il, où il suffit de déployer un certain appareil de science et d'érudition pour entraîner les esprits hors de l'orthodoxie, nous nous proposons de montrer combien la science et l'érudition ont peu de profondeur parmi nous, et à quelles étranges nouveautés elles peuvent conduire quand elles sortent des routes battues, et qu'elles se mettent en voyage pour faire des découvertes en théologie. Nous allons tout simplement les mettre aux prises avec le catéchisme : car notre science à nous ne va pas plus loin."
Le spirituel prélat se faisait donc fort de prouver que le système liturgique du P. abbé de Solesmes reposait sur une erreur fondamentale en théologie, et sur une fausse notion de la foi, de la prière et du culte divin. Les premières pages de son livre étaient consacrées à démontrer que la "Liturgie proprement dite n'a aucun rapport nécessaire avec la vertu de la religion, qui ne produit par elle-même que des actes intérieurs d'adoration, de louange, de sacrifice, etc. ; qu'il faut laisser la Liturgie dans son domaine, et le culte divin dans le sien ; enfin que par l'exercice public de la Liturgie, l'Église se met plutôt en communication avec les hommes qu'avec a Dieu". Mgr Fayet entreprenait ensuite de discuter les principales autorités sur lesquelles Dom Guéranger appuyait son système ; et de là, passant aux faits liturgiques qui regardaient la France, il entreprenait de prouver qu'ils étaient, pour la plupart, altérés ou puisés à des sources suspectes, et qu'ils n'avaient point eu sur l'affaiblissement de la religion la funeste influence qu'on se plaisait à leur attribuer.
Si l'évêque d'Orléans avait été réellement en mesure de remplir un tel programme, après la publication de son livre, c'en eût été fait des Institutions liturgiques et de leur auteur ; mais le prélat, plus spirituel que savant, avait écrit avec assez de verve et d'éclat un volume de près de six cents pages, sans se défier que les bases mêmes de son argumentation étaient fausses, et qu'il faisait à chaque page ce qu'il reprochait à Dom Guéranger, les découvertes les plus surprenantes en érudition et surtout en théologie. Le nouveau champion des Liturgies gallicanes ne devait pas les sauver de la ruine ; mais tant qu'une réfutation ne lui était pas opposée, il restait maître du terrain. Des voix nombreuses s'élevaient du côté des gallicans pour proclamer qu'il était sans contestation vainqueur, et leurs journalistes annonçaient que plus de trente évêques avaient écrit à Mgr Fayet pour adhérer à son livre.
Dom Guéranger commença donc une série de lettres sous le titre de Nouvelle Défense des Institutions liturgiques (1846). La première était consacrée à établir que la religion n'est pas complète sans le culte extérieur, et que la Liturgie n'est autre chose que le culte extérieur rendu à Dieu par l'Église, principes élémentaires qu'un évêque catholique n'aurait jamais pu nier, s'il n'eût pas été sous l'empire de la préoccupation la plus étrange. La seconde lettre, admirable dissertation, prouvait, par la doctrine de saint Augustin, de Bossuet et de tous les théologiens, que la Liturgie était le principal instrument de la tradition de l'Église. Mgr Fayet avait été jusqu'à lui refuser tout caractère dogmatique et à soutenir qu'une erreur liturgique ne pouvait violer que les lois de la discipline.
La troisième lettre parut en 1847. Après ses deux théories surprenantes sur la vertu de religion et l'autorité doctrinale de la Liturgie, Mgr Fayet avait cherché encore avec non moins de désinvolture, à montrer que la. question liturgique n'avait point une si grande importance. "Les changements opérés dans nos églises au XVIIIe siècle n'intéressaient, tout au plus, disait-il, que les règlements généraux ou particuliers que l'Église a faits sur cette matière", et il se jugeait fondé à conclure "que le meilleur bréviaire était celui que l'on disait le mieux". L'abbé de Solesmes répondait avec raison que toute subordination était désormais abolie dans l'Église, du moment que l'on pouvait regarder comme légitime un ordre de choses qui avait contre lui les règles de la discipline ecclésiastique. Dans sa troisième lettre, il s'attacha donc à faire voir le lien intime qui relie la discipline à la foi ; à rappeler les droits de la discipline générale contre laquelle les tentatives isolées sont toujours nulles ; à prouver enfin l'existence d'une réserve apostolique qui fait de la Liturgie que chose papale et non une chose diocésaine.
Dom Guéranger se proposait de compléter son apologie par deux autres lettres, dont la première aurait exposé sa doctrine sur l'hérésie antiliturgique et démontré que son enseignement à cet égard ne ressemblait en rien à celui que son adversaire lui imputait ; la deuxième devait être consacrée à la réfutation d'une foule d'accusations de détail que Mgr Fayet avait multipliées sur un ton de plaisanterie dégagée, assez étrange dans une pareille controverse sur les lèvres d'un évêque. Dom Guéranger, qui, dans ses lettres, discutait avec la gravité d'un savant et d'un homme d'Église, même les objections les plus bizarres,aurait peut-être laissé en terminant le champ plus libre à son esprit finement caustique, sans oublier cependant les égards dus à un caractère sacré ; mais un coup soudain vint interrompre la polémique, Mgr Fayet mourut à Paris, le 4 avril 1849, emporté en quelques heures par le choléra.
Dom Guéranger renonça aussitôt à continuer sa défense des Institutions liturgiques. Il se borna seulement à donner, dans la préface de son troisième volume, une réponse sommaire à certaines attaques, que de nouveaux adversaires répétaient après l'évêque d'Orléans en cherchant à mettre en doute l'orthodoxie de l'abbé de Solesmes ou la probité de ses intentions.
Des écrivains, héritiers de tous les préjugés et même quelquefois des plus dangereuses erreurs du XVIIe et du XVIIIe siècle, essayèrent en effet de continuer la lutte après Mgr Fayet.
DOM ALPHONSE GUÉPIN, M. B.
Abbaye de Solesmes, 1er novembre 1877.
Préface à la nouvelle édition de 1878 des INSTITUTIONS LITURGIQUES de DOM GUÉRANGER
" Interroge les temps anciens qui t'ont précédé, depuis le jour où Dieu créa l'homme sur la terre : d'un bout du monde à l'autre, est-il arrivé quelque chose d'aussi grand, a-t-on jamais connu rien de pareil ? Est-il un peuple qui ait entendu comme toi la voix de Dieu parlant du milieu de la flamme, et qui soit resté en vie ? Est-il un dieu qui ait entrepris de se choisir une nation, de venir la prendre au milieu d'une autre, à travers des épreuves, des signes, des prodiges et des combats, par la force de sa main et la vigueur de son bras, et par des exploits terrifiants - comme tu as vu le Seigneur ton Dieu le faire pour toi en Égypte ?
Il t'a été donné de voir tout cela pour que tu saches que le Seigneur est Dieu, et qu'il n'y en a pas d'autre.
Du haut du ciel, il t'a fait entendre sa voix pour t'instruire ; sur la terre, il t'a fait voir son feu impressionnant, et tu as
entendu ce qu'il te disait du milieu du feu. Parce qu'il a aimé tes pères et qu'il a choisi leur descendance, en personne il t'a fait sortir d'Égypte par sa grande force, pour repousser devant
toi des peuples plus nombreux et plus robustes, te faire entrer dans leur pays et te le donner en héritage, comme cela se réalise aujourd'hui.
Sache donc aujourd'hui, et médite cela dans ton coeur : le Seigneur est Dieu, là-haut dans le ciel comme ici-bas sur la terre, et il
n'y en a pas d'autre.
Tu garderas tous les jours les commandements et les ordres du Seigneur que je te donne aujourd'hui, afin d'avoir, toi et tes fils,
bonheur et longue vie sur la terre que te donne le Seigneur ton Dieu."
Livre du Deutéronome
Dieu parlant à Moïse, Initiale de la Bible de Corbolino, 1140
L'effet de cette publication fut immense, et les vétérans du clergé français se rappelleront longtemps les controverses passionnées qu'elle excita dans son sein. Tous les hommes qui par leur âge et leur éducation tenaient aux traditions gallicanes, se déclarèrent violemment contre les Institutions liturgiques.
Il n'y eut qu'un cri dans leur camp pour dénoncer la conspiration qui s'ourdissait à Solesmes contre l'autorité des évêques, contre les doctrines de l'Église de France, contre ses gloires les plus pures. Vainement Dom Guéranger avait pris soin de réserver formellement la question du droit liturgique, et avait blâmé toute démonstration imprudente et téméraire du clergé du second ordre contre les Liturgies diocésaines ; vainement il répétait que le retour à l'unité ne pouvait être accompli que par l'autorité des évêques : on ne lui tint aucun compte de ces ménagements. Son nom devint dans certaines bouches le synonyme de fauteur de rébellion, d'écrivain exagéré et paradoxal. Heureux encore quand on ne lui accolait pas des qualifications théologiques plus sévères !
Tout autre était le jugement d'une fraction de l'épiscopat et du clergé français, moins nombreuse peut-être que la première, mais plus indépendante des préjugés en vogue et plus solidement instruite. C'était celle qui, ralliée aux véritables doctrines catholiques, appelées alors ultramontaines, travaillait à arracher la France au joug funeste du gallicanisme. Pour celle-là, le second volume des Institutions liturgiques donnait une base inébranlable aux convictions que le premier avait fait naître, et le rétablissement de la Liturgie romaine dans les diocèses de France, apparaissait comme la première et la plus importante étape de ce retour vers Rome, objet de tant de vœux et de persévérants efforts.
Malgré les récriminations dont son livre était l'objet, Dom Guéranger avait remporté un premier avantage. Le coup de mort n'était pas porté aux liturgies gallicanes déjà subsistantes ; mais, à partir de la publication du second volume des Institutions liturgiques, on n'osa plus en fabriquer de nouvelles. Le bréviaire, dont M. le chanoine Quilien avait doté l'Église de Quimper en 1840, fut le dernier ; le missel, déjà préparé pour lui servir de complément, resta dans les cartons de l'auteur, et la Liturgie romaine demeura en vigueur dans toutes ou presque toutes les paroisses du diocèse. Il en fut de même dans les autres églises, où elle s'était encore maintenue. Nous sommes heureux d'inscrire ici les noms de deux prélats, honorés aujourd'hui de la pourpre romaine, qui, les premiers, se prononcèrent en faveur du rite romain. Son Éminence le cardinal Donnet, archevêque de Bordeaux, rassura les fidèles, qui l'avaient toujours possédé et qui le savaient menacé d'une destruction prochaine ; Son Eminence le cardinal Saint-Marc, archevêque de Rennes, en attendant l'heure de le rendre à tout son peuple, déclara son intention formelle d'en conserver les débris, qui subsistaient dans un certain nombre de paroisses de son diocèse.
Sur ces entrefaites, un prélat qui, avec Mgr Parisis, avait pris la tête du mouvement ultramontain en France, Mgr Gousset, archevêque de Reims, consulta le Saint Siège sur la situation de nos Eglises, au point de vue liturgique, et sur la ligne de conduite que devaient tenir les évêques. Le pape Grégoire XVI répondit par un bref du 6 août 1842, dans lequel, en déplorant comme un malheur la variété des livres liturgiques et en rappelant les bulles de saint Pie V, il déclarait cependant que, par crainte de graves dissensions, il s'abstiendrait non seulement d'en presser l'exécution, mais même de répondre aux questions qui lui seraient adressées à ce sujet. Ne pouvant obtenir de Rome une solution officielle à ses difficultés, l'archevêque de Reims consulta alors l'abbé de Solesmes et lui posa ces trois questions :
1° Quelle est l'autorité d'un évêque particulier en matière de Liturgie, dans un diocèse où la Liturgie romaine se trouve être actuellement en usage ?
2° Quelle est l'autorité d'un évêque particulier en matière de Liturgie, dans un diocèse où la Liturgie romaine n'est pas actuellement en usage ?
3° Quelle conduite doit garder un évêque dans un diocèse où la Liturgie romaine a été abolie depuis la réception de la bulle de saint Pie V dans le même diocèse ?
Dom Guéranger répondit à ces trois questions par un traité canonique intitulé : Lettre à Monseigneur l'Archevêque de Reims, sur le droit de la Liturgie. Nous le publions à la suite des Institutions liturgiques. Si l'on veut se reporter, en lisant cet écrit, aux circonstances dans lesquelles il fut composé, à la tempête déjà déchaînée contre l'auteur, aux dangers qui empêchaient le Souverain Pontife de réclamer l'observation du droit liturgique en France, on trouvera, croyons-nous, que Dom Guéranger a déployé dans cet ouvrage, plus qu'en aucun autre, "la constance et l'habileté singulière" que N. S. P. le Pape Pie IX, a louées dans sa conduite pendant la controverse liturgique. Il fallait en effet poser avec fermeté les principes et cependant tenir compte des difficultés, qui arrêtaient les évêques les mieux intentionnés et effrayaient Rome elle-même ; la moindre exagération eût compromis la cause de la Liturgie romaine aux yeux de l'épiscopat et provoqué peut-être des manifestations intempestives au sein du clergé du second ordre. Ce double écueil fut sagement évité ; la Lettre sur le droit liturgique est un chef-d'œuvre de tact et de prudence, en même temps que de fermeté dans l'exposé et l'application des principes.
Devons-nous dire ici que, vingt ou trente ans plus tard, quand le triomphe de la Liturgie romaine était assuré, certains Français n'ont pas trouvé l'Abbé de Solesmes assez absolu dans l'affirmation des droits du Pontife romain, en matière de Liturgie. Cette assertion ne mérite pas une discussion ; nous serions en droit de répondre à ses auteurs, que, sans Dom Guéranger, ils diraient encore certainement, et fabriqueraient peut-être des bréviaires gallicans. La vérité est que le vénérable abbé de Solesmes a fait rentrer le Saint-Siège, dans l'exercice plus étendu et plus souverain que jamais, d'un droit que Grégoire XVI n'osait pas réclamer et que ses prédécesseurs, depuis le XVIIIe siècle, avaient cru perdu pour toujours en France.
En terminant sa Lettre sur le droit liturgique, Dom Guéranger répondait sommairement aux incriminations dont les Institutions liturgiques avaient été l'objet ; dès lors, il pouvait prévoir que cette première défense ne suffirait pas. Dans les préfaces de ses deux volumes, il s'était engagé à reproduire loyalement les objections qui lui seraient faites et à y répondre dans la suite de son ouvrage. Sûr de sa cause, il désirait la discussion au lieu de la craindre ; mais il ne se serait jamais attendu à l'éclat que prit tout à coup la polémique, ni surtout à voir devant lui les champions qui descendirent dans la lice.
Nous ne parlons pas ici de Mr l'abbé Tresvaux du Fraval, chanoine de l'Église métropolitaine de Paris, ami et ancien auxiliaire de M. Picot, dans la première rencontre de celui-ci avec l'abbé Guéranger. Les opinions gallicanes de ce prêtre respectable et instruit, mais imprégné de tous les préjugés d'un autre âge, étaient bien connues de l'abbé de Solesmes ; la lutte qu'ils eurent ensemble dans L’Ami de la Religion était prévue et inévitable ; c'était un de ces combats d'avant-garde qu'amène toujours le commencement d'une campagne et qui n'ont aucune influence sur son résultat.
L'intervention soudaine de Mgr d'Astros, archevêque de Toulouse, eut une tout autre portée sur le débat. Le rang que ce prélat occupait dans l'Église, le souvenir de sa courageuse résistance aux volontés tyranniques de Napoléon et de sa détention à Vincennes, sa réputation de piété donnaient une grande autorité à sa parole sur la masse du clergé et des fidèles, qui ignoraient l'attachement du vieil archevêque aux doctrines gallicanes. Grande fut l'émotion quand parut un livre signé par Mgr d'Astros et portant ce titre solennel : L'Église de France injustement flétrie dans un ouvrage ayant pour titre : "Institutions liturgiques, par le R. P. Dom Prosper Guéranger, abbé de Solesmes" par Mgr l'archevêque de Toulouse.
Après l'apparition d'un tel livre, pour les laïques la cause était jugée sans examen. Le titre de l'ouvrage et le nom de l'auteur suffisaient, sur la foi de Mgr d'Astros, on eut une conviction toute faite. Jusque dans la tribu sacerdotale, on était si mal préparé à cette controverse, que de bons esprits furent troublés par la publication et même par la lecture de cet étrange écrit. Le droit canonique, la liturgie, l'histoire ecclésiastique elle-même et surtout les études d'érudition proprement dite, étaient tellement négligés à cette époque, que tous ne saisissaient pas du premier coup d'œil la faiblesse des arguments du prélat.
Ressuscitant les procédés des vieux polémistes du XVIe et du XVIIe siècle, Mgr d'Astros ne ménageait pas les termes : son premier chapitre était une démonstration de l'imprudence et de la témérité de l'auteur des Institutions liturgiques ; le second mettait au jour son injustice et ses dispositions hostiles envers l'Église de France. Quarante pages étaient consacrées à cette réfutation d'ensemble ; la seconde partie de l'ouvrage contenait un examen détaillé des reproches faits par Dom Guéranger aux bréviaires et aux missels de Paris, et se terminait par un examen des beautés de la Liturgie en usage depuis le XVIIe siècle dans cette Église et dans une grande partie des diocèses de France. Chemin faisant, le vénérable auteur infligeait aux Institutions liturgiques les notes d'imprudence, de témérité, d'injustice, d'absurdité, de calomnie, de fureur, de blasphème, d'indécence, d'obscénité ; il traitait l'auteur de jeune impie, et allait jusqu'à lui prédire la chute lamentable de M. de Lamennais. Comment n'être pas impressionné par un pareil langage sortant d'une bouche justement révérée ? La brochure de Mgr d'Astros, rapidement épuisée, eut bientôt une seconde édition ; et dans la préface, l'auteur annonçait que près de cinquante évêques lui avaient écrit pour le remercier d'avoir pris la défense de l'Église de France et qu'ils partageaient son jugement sur les écrits et les doctrines de Dom Guéranger.
Dès le 14 août 1843, Mgr Affre, archevêque de Paris, s'était prononcé avec éclat, en adressant à son clergé une circulaire pour protester, comme gardien de l'honneur de son Église, contre les appréciations des Institutions liturgiques sur la Liturgie parisienne, et recommander à l'attention de ses prêtres l'ouvrage de Mgr d'Astros. Soixante évêques adhéraient, disait-on, à cet acte épiscopal qui, par sa forme officielle et la modération apparente de sa rédaction, donnait une autorité inattendue au livre de l'archevêque de Toulouse.
Les défenseurs des Liturgies gallicanes,et NN. SS. Affre et d'Astros les premiers, triomphaient même du bref de Grégoire XVI à l'archevêque de Reims et du silence absolu que Rome était déterminée à garder dans cette polémique ; et on tirait de la paternelle discrétion du Souverain Pontife, les conclusions les plus inattendues contre Dom Guéranger et l'importance du retour à l'unité liturgique.
Dès que l'abbé de Solesmes avait eu connaissance de l'écrit de Mgr, d'Astros, il avait annoncé qu'il y répondrait.
DOM ALPHONSE GUÉPIN, M. B.
Abbaye de Solesmes, 1er novembre 1877.
Préface à la nouvelle édition de 1878 des INSTITUTIONS LITURGIQUES de DOM GUÉRANGER