Les Apôtres tracèrent les premières lignes, imprimèrent la direction ; mais l'œuvre liturgique dut se
perfectionner sous l'influence de l'Esprit de vérité qui était donné à l'Église pour résider en elle jusqu'à la fin des temps. Telle est la manière saine d'envisager les controverses agitées
plusieurs fois par des hommes doctes, à propos de ces Liturgies ; assez généralement on a excédé de part et d'autre, en soutenant des principes trop absolus.
Laissons donc saint Jacques auteur de
la Liturgie qui porte son nom, puisque l'antiquité l'a cru ainsi. Qu'importent quelques changements ou additions ? ne fait-elle pas le fond de toutes celles de l'Orient ? Quant à saint Pierre, il
y a deux questions à examiner. D'abord, comme chef et prince des Apôtres, il n'a pu être étranger à l'institution ou règlement des formes générales de Liturgie que ses frères allaient porter par
tout l'univers. Du moment que nous admettons son pouvoir de chef, nous devons admettre, par là même, son influence principale, en ceci comme en tout le reste, et reconnaître, avec saint Isidore,
que l'on doit faire remonter à saint Pierre, comme instituteur, tout ordre liturgique qui s'observe universellement dans toute l'Église.
En second lieu, quant à la Liturgie particulière de l'Église de Rome, sans s'arrêter à donner ici des autorités que la suite de
la discussion amènera plus loin, le seul bon sens nous apprend que cet apôtre n'a pu habiter Rome durant de si longues années, sans s'occuper d'un objet si important, sans établir, dans la langue
latine, et pour le service de cette Église qu'il faisait par son libre choix mère et maîtresse de toutes les autres, une forme qui, eu égard aux variantes que nécessitait la différence des mœurs,
du génie et des habitudes, valût au moins celles qu'il avait établies et pratiquées à Jérusalem, à Antioche, dans le Pont et la Galatie.
Admettons tant qu'on voudra que cette formation de la Liturgie par les Apôtres a dû, comme toutes les grandes choses,
s'accomplir progressivement ; que l'ensemble des rites du saint sacrifice et des sacrements ne se sera pas complété dès le jour même de la Pentecôte : le Nouveau Testament lui-même n'a-t-il pas
été formé successivement ? De l'apparition de l'Évangile de saint Matthieu à la publication de l'Évangile de saint Jean, cinquante années ne se sont-elles pas écoulées ? Accordons encore ceci,
que les nécessités de l'instruction chrétienne devant naturellement absorber la plus grande partie des moments que les Apôtres passaient dans les diverses Églises, on se trouvait obligé d'abréger
le temps destiné à la Liturgie, comme il arriva à Troade, où la fraction du pain, c'est-à-dire la célébration de l'Eucharistie, se trouva retardée jusqu'au-delà du milieu de la nuit, par suite de
la longueur des instructions que l'Apôtre reprit encore après la célébration des Mystères et continua jusqu'au lever du jour ; mais du moment que la foi chrétienne avait pris racine
dans une ville et que les Apôtres avaient pu y établir un évêque, des prêtres et des diacres, les formes extérieures acquéraient de l'extension et le culte devenait nécessairement plus
solennel.
Ainsi saint Paul, dans sa première Épître aux Corinthiens, nous montre-t-il cette nouvelle Église déjà en possession des
Mystères du corps et du sang du Seigneur ; mais il ne croit pas avoir accompli tous ses devoirs à son égard, s'il ne la visite encore, s'il ne dispose dans un ordre plus parfait, plus canonique,
ce qui concerne les choses saintes. Tel est le sens que les saints docteurs ont constamment donné à ces paroles qui terminent le passage de cette épître où il est parlé de l'Eucharistie :
Cœtera cum venero disponam. Saint Jérôme, dans son commentaire succinct sur ce passage, s'explique ainsi : Cœtera de ipsius Mysterii Sacramento. Saint Augustin développe
davantage cette pensée dans sa lettre ad Januarium : "Ces paroles, dit-il, donnent à entendre que, de même qu'il avait dans cette épître fait allusion aux usages de l'Église universelle (sur
la matière et l'essence du sacrifice), il établit ensuite lui-même (à Corinthe) ces rites dont la diversité des moeurs n'a point arrêté l'universalité."
Mais, afin de préciser davantage la vérité de fait sur cette matière et appuyer nos observations sur des données positives, nous
allons essayer de produire quelques traits de l'ensemble de la Liturgie primitive. Nous en puiserons les notions dans les Actes et les Épîtres des Apôtres, et aussi dans les témoignages de la
tradition des cinq premiers siècles, où ces usages figurent comme remontant à l'origine même du Christianisme, en même temps qu'ils y offrent une idée de ces rites généraux qui, par leur
généralité même, doivent être censés apostoliques, suivant la règle de saint Augustin que nous avons citée, et que ce grand docteur exprime encore ailleurs d'une manière non moins précise.
Commençons par le sacrifice eucharistique. Nul
doute que tout ce qui le concerne ne soit à la tête des prescriptions liturgiques. La Fraction du Pain paraît dès la première page des Actes des Apôtres, et saint Paul, dans la première Epître
aux Corinthiens, enseigne quelle est la valeur liturgique de cet acte. Mais le culte et l'amour que les saints Apôtres portaient à celui avec lequel cette Fraction du Pain les mettait en rapport,
les obligeait, suivant l'éloquente remarque de saint Proclus de Constantinople, de l'environner d'un ensemble de rites et de prières sacrées qui ne pouvait s'accomplir que dans un temps assez
long : et ce saint évêque ne fait que suivre en cela le sentiment de son glorieux prédécesseur, saint Jean Chrysostome.
D'abord cette célébration, autant qu'il était possible, avait lieu dans une salle décente et ornée ; car le Sauveur l'avait
pratiquée ainsi, à la dernière cène, cœnaculum grande, stratum. Quelquefois des lampes nombreuses y suppléaient à la lumière du jour. On doit comprendre que la Fraction du Pain célébrée
chez Gamatiel, à Jérusalem, ou à Rome, chez le sénateur Pudens, devait s'y accomplir avec plus de pompe que lorsqu'elle avait lieu dans la maison de Simon le corroyeur.
Le lieu de la célébration était remarquable par un autel : ce n'était déjà plus une table. Saint Paul le dit avec emphase :
Altare habemus, "nous avons un autel, et les ministres du tabernacle n'ont point droit d'y participer". Autour de cet autel étaient rangés, dès l'origine de l'Église,
suivant les traditions du ciel dévoilées par saint Jean, dans l'Apocalypse, d'abord, en face, l'apôtre ou l'évêque qui tenait sa place, comme celui-là tenait celle du Père céleste ; à droite et à
gauche du siège, les prêtres figurant les vingt-quatre vieillards ; près de l'autel, les diacres et autres ministres, en mémoire des anges qui assistent aussi dans l'attitude de serviteurs près
de l'autel sur lequel se tient, dans les cieux, l'Agneau comme immolé. Tout le monde sait que cette disposition des sièges, dans l'abside de l'Église chrétienne, s'observe encore en Orient, et
que si, en Occident, elle est presque partout tombée en désuétude, Rome en a gardé la tradition dans la disposition du chœur de plusieurs de ses anciennes églises ; on la suit exactement aux
jours où le Pape célèbre, ou assiste pontificalement, dans quelqu'une des Basiliques Patriarcales.
Les fidèles réunis ainsi dans le lieu du Sacrifice, que faisait le Pontife, à l'époque apostolique ? Comme aujourd'hui, il
présidait d'abord à la lecture des Épîtres des Apôtres, à la récitation de quelque passage du saint Évangile, ce qui a dès l'origine formé la Messe des Catéchumènes ; et il ne faut pas chercher
d'autres instituteurs de cet usage que les Apôtres eux-mêmes. Saint Paul dit aux Colossiens : "Lorsque cette Épître que je vous écris, aura été lue parmi vous, ayez soin qu'elle soit
lue dans l'église de Laodicée, et lisez ensuite vous-mêmes celle qui est adressée aux Laodiciens". A la fin de la première Epître aux Thessaloniciens, ce même Apôtre ajoute :
"Je vous adjure par le Seigneur, que cette Épître soit lue à tous les frères saints". Cette injonction apostolique eut force de loi tout d'abord, car dans la première moitié du second
siècle, le grand apologiste saint Justin atteste la fidélité avec laquelle on la suivait, dans la description qu'il a donnée de la Messe de son temps. Tertullien et saint
Cyprien confirment son témoignage. Voilà pour l'Épître.
Quant à la lecture de l'Évangile, Eusèbe nous apprend que le récit des actions du Sauveur écrit par saint Marc fut approuvé par
saint Pierre pour être lu dans les Églises : et saint Paul fait, peut-être, allusion à ce même usage, lorsque, désignant saint Luc, le fidèle compagnon de ses pèlerinages apostoliques, il le
nomme ce frère devenu célèbre, par l'Évangile, dans toutes les Eglises.
Le salut au peuple par ces paroles : Le Seigneur soit avec vous, était en usage dès l'ancienne loi. Booz l'adresse à
ses moissonneurs ; et un prophète à Asa, roi de Juda. Ecce ego vobiscum sum, dit le Christ à son Église. Aussi l'Église tient-elle cette coutume des Apôtres, comme le prouve l'uniformité
de cette pratique dans les anciennes Liturgies d'Orient et d'Occident, comme l'enseigne expressément le premier Concile de
Brague.
La Collecte, forme de prière qui résume les vœux de l'assemblée, avant même l'oblation du sacrifice, appartient aussi à
l'institution primitive. Saint Augustin l'enseigne dans un passage que nous citerons plus loin : l'accord de toutes les Liturgies le démontre également. La conclusion de cette oraison et de
toutes les autres par ces mots : Dans les siècles des siècles, est universelle, dès les premiers jours de l'Église. Saint Irénée, au second siècle, nous apprend que les Valentiniens en
abusaient pour accréditer leur système des Eones. Quant à la coutume de répondre Amen, personne, sans doute, ne s'étonnera que nous la fassions remonter aux temps apostoliques. Saint
Paul lui-même y fait allusion, dans sa première Épître aux Corinthiens.
Dans la préparation de la matière du Sacrifice, a lieu le mélange de l'eau avec le vin qui doit être consacré. Cet usage
d'un si profond symbolisme, saint Cyprien nous enseigne à le faire remonter jusqu'à la tradition même du Seigneur. Les encensements qui accompagnent l'oblation ont été reconnus pour être
d'institution apostolique, par le Concile de Trente, cité plus haut.
Le même saint Cyprien nous apprend que, dès le berceau de l'Église, l’Action du Sacrifice était précédée d'une Préface ; que le
prêtre criait Sursum corda : à quoi le peuple répondait : Habemus ad Dominum. Et saint Cyrille, parlant aux catéchumènes de l'Eglise de Jérusalem, cette Église de fondation
apostolique, s'il en fut jamais, leur explique cette autre acclamation qui retentit aussi dans nos Basiliques d'Occident : Gratias agamus Domino Deo nostro ! Dignum et justum est
!
Vient ensuite le Trisagion : Sanctus, Sanctus, Sanctus Dominus ! Isaïe, sous l'ancienne Loi, l'entendit chanter au pied
du trône de Jéhovah ; sous la nouvelle, le prophète de Pathmos le répéta tel qu'il l'avait ouï résonner, auprès de l'autel de l'Agneau. Ce cri d'amour et d'admiration révélé à la terre, devait
trouver un écho dans l'Eglise chrétienne. Toutes les Liturgies le connaissent, et l'on peut assurer que le Sacrifice eucharistique ne s'est jamais offert sans qu'il ait été proféré.
Le Canon s'ouvre ensuite, et qui osera ne pas reconnaître son origine apostolique ? Les fondateurs des Églises pouvaient-ils
laisser flottante et arbitraire cette partie principale de la Liturgie sacrée ? S'ils ont réglé tant de choses secondaires, avec quel soin n'auront-ils pas déterminé les paroles et les rites du
plus redoutable et du plus fondamental de tous les mystères chrétiens ? "C'est de la tradition apostolique, dit le Pape Vigile, dans sa lettre à Profuturus de Brague, que nous avons
reçu le texte de la prière canonique."
C'est cette même prière canonique que saint Paul a en vue, quand, dans sa première Épître à Timothée, parlant des prières
solennelles à adresser à Dieu, il distingue les Obsécrations, les Oraisons, les Postulations, les Actions de grâces. Voici le commentaire de saint Augustin sur ce passage : "Mon avis est
qu'il faut entendre ces paroles de l'usage suivi dans toute ou presque toute l'Église, savoir: les supplications (precationes),c'est-à-dire celles que dans la célébration des
mystères nous adressons avant même de commencer à bénir ce qui est sur la Table du Seigneur ; les prières (orationes), c'est-à-dire tout ce qui se dit lorsqu'on bénit et sanctifie,
lorsque l'on rompt pour distribuer, et cette partie se conclut par l'Oraison dominicale, dans presque toute l'Église ; les interpellations (interpellationes), ou comme portent nos
exemplaires, les postulations (postulationes), qui ont lieu quand on bénit le peuple : car alors les Pontifes, en leur qualité d'avocats, présentent leurs clients à la très
miséricordieuse bonté ; enfin, lorsque tout est terminé et qu'on a participé à un si grand Sacrement, l'Action de grâces (Gratiarum actio) conclut toutes choses."
Après la divine consécration, les dons sanctifiés reposant sur l'autel, cette prière prolixe dont parle saint Justin, et par
laquelle il désigne le Canon, touchant à sa fin, l'Oraison dominicale est prononcée avec une confiance solennelle ; car dit saint Jérôme : "C'est d'après l'enseignement du Christ lui-même,
que les Apôtres ont osé dire chaque jour avec foi, en offrant le sacrifice de son corps : Notre Père qui êtes aux cieux."
Le Sacrificateur procède ensuite à la Fraction de l’ Hostie, en quoi il se montre l'imitateur, non-seulement des Apôtres, mais
du Christ lui-même, qui prit le pain, le bénit et le rompit avant de le distribuer.
Mais, avant de communier à la victime de charité, tous doivent se saluer dans le saint baiser. "L'invitation de l'Apôtre,
dit Origène, a produit, dans les Églises, l'usage qu'ont les frères de se donner le baiser, lorsque la prière est arrivée à sa fin."
Voilà donc certifiée l'origine apostolique des rites principaux du sacrifice, tels qu'ils se pratiquent dans toutes les Églises.
Notre plan ne nous permet pas ici de traiter plus en détail cette matière : nous ajouterons seulement quelques mots, pour achever de donner une idée de la Liturgie, au siècle des Apôtres.
D'abord, pour ce qui regarde l'administration des Sacrements, nous y découvrons de suite la matière non seulement présumée, mais
entièrement certaine, d'un grand nombre de prescriptions apostoliques. Les cérémonies principales qui précèdent, accompagnent et suivent l'application de la matière et de la forme essentielles ;
comme, dans le Baptême, les insufflations, les exorcismes, l'imposition des mains, la tradition du sel, les onctions, avec les formules qui y sont jointes, tous ces rites dont l'origine se perd
dans les ombres de la première antiquité, ne peuvent avoir d'autres auteurs que les Apôtres eux-mêmes. L'Église l'enseigne, les anciens Pères l'attestent, la raison même le démontre ; car,
autrement, comment expliquer l'universalité de ces rites ? Il faut donc admettre nécessairement un Rituel apostolique, écrit ou traditionnel, peu importe, renfermant le détail de ces
augustes pratiques, avec les formules de prière ou de confession qui les accompagnent : ainsi, pour le Baptême, les insufflations, les exorcismes et impositions de mains, les onctions, les habits
blancs ; pour la Confirmation, le Chrême, avec la manière de le Consacrer, l'imposition des mains qui diffère dans l'intention et dans les formules de celle qui se fait sur les catéchumènes, de
celle qui réconcilie les pénitents, et de celle qui, dans le sacrement de l'Ordre, enfante à l'Église des évêques, des prêtres et des diacres, etc. Il suffit d'indiquer ici ces points de vue
généraux, le lecteur peut suppléer aisément.
Nous ferons seulement remarquer ici que, comme l'Église n'exerce pas seulement le pouvoir des Sacrements, mais aussi celui des
Sacramentaux, par la vertu de bénédiction qui est en elle, les Apôtres, de qui elle a tout reçu, n'ont pu manquer d'exercer ce droit de sanctifier toute créature pour la faire servir au bien
spirituel et temporel des enfants de Dieu, et ont dû, par conséquent, laisser sur cette matière des enseignements et une pratique qui complètent cet ensemble rituel dont nous venons de parler. Il
n'y aurait ni orthodoxie, ni logique, à contester cette évidente conséquence qui ne peut déplaire qu'à ces novateurs qui parlent sans cesse de l'antiquité, et la déclinent ensuite lorsqu'on vient
à les confronter avec elle.
Parlerons-nous maintenant des habits sacrés ? Comment les Apôtres de la Loi nouvelle, de cette loi qui ne détruisait le
symbolisme vide de l'ancienne que pour y substituer un symbolisme plein de réalité, eussent-ils emprunté aux rites mosaïques les onctions, le mélange de parfums qui forme le Chrême, les
encensements et tant d'autres choses, et négligé la sainteté et la majesté des vêtements sacerdotaux ; détail si important, que Dieu lui-même, sur le Sinaï, l'avait minutieusement fixé pour les
ministres du premier Tabernacle ? La tunique de lin que portait saint Jacques à Jérusalem, et la lame d'or dont saint Jean ceignait son front, à Éphèse, attestent que ces pêcheurs savaient
s'environner de quelque pompe dans la célébration de leurs mystères. Nous ne citerons ici que ce seul trait ; le témoignage de saint Denys l’Aréopagite, dans sa Hiérarchie ecclésiastique,
éclaircirait grandement cette matière ; mais nous nous interdirons les inductions tirées de cet auteur, jusqu'à ce que nous ayons ailleurs justifié l'autorité des écrits qu'on lui
attribue.
Parlerons-nous des fêtes établies par les Apôtres ? Saint Augustin énumère celles de la Passion, de la Résurrection, de
l'Ascension de Jésus-Christ et celle de la Pentecôte. Nous démontrerons ailleurs l'origine apostolique de plusieurs autres. Nous voulons seulement, dans ce chapitre, tracer les premières lignes
et fixer le point de départ de la Liturgie chrétienne ; nous ne pousserons donc pas plus loin dans cet endroit ces observations de détail, dont l'occasion se présentera de nouveau. Nous placerons
seulement ici, en finissant, quelques remarques fondamentales :
1° La Liturgie établie par les Apôtres a dû contenir nécessairement tout ce qui était essentiel à la célébration du Sacrifice
chrétien, à l'administration des Sacrements, tant sous le rapport des formes essentielles que sous celui des rites exigés par la décence des mystères, à l'exercice du pouvoir de Sanctification et
de Bénédiction que l'Église tient du Christ par les mêmes Apôtres, à l'établissement d'une forme de Psalmodie et de Prière publique ; enfin,ce recueil liturgique a dû comprendre tout ce que l'on
rencontre d'universel dans les formes du culte, durant les premiers siècles, et dont on ne peut assigner ou l'auteur ou l'origine. L'étude de l'antiquité chrétienne ne saurait manquer de révéler
à ceux qui s'y livrent la grandeur de cet ensemble primitif des rites chrétiens, en même temps que la réflexion et la considération sérieuse des besoins de l'Église, dès cette époque, leur
montrera toute la nécessité qu'elle avait, dès lors, de compléter et ses moyens de salut et ses moyens de culte, qui forment, avec le dépôt des vérités spéculatives, la principale partie de
l'héritage divin confié à sa garde.
2° Sauf un petit nombre d'allusions dans les Actes des Apôtres et dans leurs Épîtres, la Liturgie apostolique se trouve tout à
fait en dehors de l'Ecriture, et est du pur domaine de la Tradition. Ces allusions, même les plus claires, par exemple celle de saint Jacques, sur l'Extrême-Onction, tout en nous apprenant qu'il
existait des rites et des formules, ne nous apprennent rien, ni sur le genre des premiers, ni sur la teneur des secondes.
On doit donc considérer, dès le principe, la Liturgie comme existant plus particulièrement dans la Tradition que dans
l'Écriture, et devant par conséquent être interprétée, jugée, appliquée, d'après cette source de toutes les notions ecclésiastiques. Il ne faut ni étudier, ni réfléchir longtemps, pour savoir que
la Liturgie s'exerçait par les Apôtres et par ceux qu'ils avaient consacrés évêques, prêtres ou diacres, longtemps avant la rédaction complète du Nouveau Testament.
Plus tard, nous verrons d'importantes conséquences sortir de ce principe.
DOM GUÉRANGER
INSTITUTIONS LITURGIQUES : CHAPITRE III : ÉTAT
DE LA LITURGIE AU TEMPS DES APÔTRES
Ingeborg Psalter, by French
Miniaturist, 1195, Musée Condé, Chantilly