Le bureau central créé par un arrêté du conseil des hospices en date du 4 décembre 1801, fonctionne depuis le 22 mars 1802 au parvis Notre-Dame, dans le lourd bâtiment en pierres de taille qui, servant aujourd’hui d’annexe à l’Hôtel-Dieu, toujours insuffisant, était avant 1867 le chef-lieu de l’Assistance publique ; on y donne des consultations gratuites, on y fait des pansements, on y délivre des médicaments tous les jours, de dix heures à quatre heures.
Autrefois il n’en était pas ainsi, et le bureau ne représentait guère qu’un lieu d’examen pour les malades, qu’on dirigeait ensuite sur les hôpitaux ou qu’on renvoyait selon les cas. Sur l’initiative de l’Assistance publique, ces nombreux services ont été organisés, marchent depuis le 1er mai 1869 avec régularité, et sont pour la population indigente de Paris une source de secours extrêmement précieux.
La vaste salle d’attente ne désemplit pas ; en regardant les individus assis sur les bancs de bois, on a en quelque sorte un spécimen de toutes les souffrances humaines, et l’on peut voir à quel point notre race parisienne est chétive, étiolée, lymphatique et malvenue. Ce qui se rencontre là le plus fréquemment, c’est l’anémie, la phthisie, l’affection cutanée ; c’est la blessure accidentelle qui parfois devient un mal incurable. Si l’on cherche à dégager les causes de tous ces maux réunis, on trouvera presque toujours une invincible imprévoyance, des habitudes d’ivresse et le manque de nourriture substantielle.
Lorsqu’un homme a un domicile régulier, qu’il est dans ses meubles, comme on dit, surtout lorsqu’il est marié, il faut, pour qu’il soit admis à l’hôpital, que son état soit particulièrement grave. On lui fournit le plus souvent les médicaments, on le visite chez lui, on lui porte les secours dont il a besoin ; en un mot, on développe autant que possible le système des traitements à domicile, quelque coûteux qu’il puisse être pour l’administration, afin de désencombrer les hôpitaux et d’en garder les places disponibles pour les pauvres diables qui, n’ayant ni maison ni famille, sont réduits à gîter dans le galetas des garnis. Bien des misérables à bout de ressources viennent au bureau central dans l’espoir d’obtenir un lit hospitalier, l’abri et la pitance quotidienne. Il faut savoir n’être point pitoyable pour ces gens-là, car si l’on écoutait leurs plaintes, si l’on accédait à leur désir, ils s’entasseraient dans les hôpitaux, et les vrais malades resteraient sur le pavé.
On ne les repousse pas, on leur donne un bain dont, en dehors de toute thérapeutique, ils ont un impérieux besoin ; on leur glisse quelque monnaie dans la main, on change leurs vêtements sordides contre des hardes plus propres laissées aux hôpitaux par des malades décédés ; on leur distribue des soupes, et, s’ils ont besoin d’un pansement, ils trouvent un infirmier et une religieuse prêts à leur rendre les soins les plus répugnants.
Maxime Du Camp, Les Hôpitaux de Paris et le nouvel Hôtel-Dieu, Revue des Deux Mondes, 1870