Dans une fourmilière comme Paris, toujours agitée, où les minutes valent des heures, où les distances sont parfois excessives, le seul service des voitures de louage marchant à la course et à l’heure ne pouvait suffire.
Il est naturel qu’on ait pensé à mettre à la disposition du public des voitures qui, faisant le transport en commun et suivant des itinéraires déterminés, pouvaient offrir le double avantage de la rapidité et du bon marché. C’est de celle idée que naquirent les omnibus, vieille idée qui fut appliquée à Paris dans la seconde moitié du dix-septième siècle. Pascal, l’auteur des Provinciales, inventa les carrosses à cinq sols, que l’on inaugura solennellement le 16 mars 1662.
L’établissement des carrosses
Tirés par des chevaux non rosses,
(Mais qui pourront à l’avenir
Par le travail le devenir)
A commencé d’aujourd’hui même.
Le dix-huit de mars notre veine
D’écrire cecy prit la peine.
C’est Loret qui le dit dans sa Muse historique, et on peut le croire,
La bibliothèque de l’Arsenal possède une lettre de Gilberte Pascal avec post-scriptum de son frère, qui relate le même fait. Les routes furent fixées de par le roy ; les cochers étaient vêtus aux couleurs de la ville de Paris, et les voilures étaient distinguées par un plus ou moins grand nombre de fleurs de lis, comme aujourd’hui elles sont distinguées par des numéros. Il y eut trois lignes parcourues chacune par sept carrosses. La première, commençant à la porte Saint-Antoine, aboutissait au Luxembourg ; la seconde partait de la place Royale et s’arrêtait rue Saint-Honoré, auprès de Saint-Roch ; la troisième allait du Luxembourg à la pointe Saint-Eustache.
Le privilège de ces voitures avait été accordé par Louis XIV aux marquis de Sourches et de Crénan et au duc de Roannés qui, par alliance, tenait à la maison de Lorraine ; il est dit dans l’ordonnance, en date du 7 février 1662, qu’il leur est donné «faculté et permission d’establir en nostre dite ville et fauxbourgs de Paris, et autres de notre obéissance, tel nombre de carrosses qu’ils jugeront à propos, et aux lieux qu’ils trouveront le plus commode, qui partiront à heures réglées pour aller continuellement d’un quartier à un autre, où chacun de ceux qui se trouveront aux dites heures ne payera que sa place, par un prix modique, comme il est dit cy-dessus.»
Les premiers carrosses ne pouvaient contenir que six personnes ; c’était trop peu ; on ne tarda pas à s’en apercevoir, et l’on y ajouta deux places de plus. L’usage de ces voitures était presque exclusivement réservé à la bourgeoisie ; quelques gens de noblesse s’y montrèrent parfois, mais le cas parut assez rare pour que les gazettes du temps crussent ne pas devoir le passer sous silence ; quant au peuple, ainsi que l’on disait alors, il en était sévèrement exclu.
Ces carrosses durèrent une quinzaine d’années et disparurent sans laisser trace.
Maxime Du Camp, Les voitures publiques dans la ville de Paris, Revue des Deux Mondes, 1867