Karine Deshayes : mezzosoprano
Violon : Jasmine Eudeline
Violoncelle : Frédéric Baldassare
Viole de gambe : Martin Bauer
Théorbe : Diego Salamanca
"Je vous donne un commandement nouveau : c'est de vous aimer les uns les autres.
Comme je vous ai aimés, vous aussi aimez-vous les uns les autres.
Ce qui montrera à tous les hommes que vous êtes mes disciples, c'est l'amour que vous aurez les uns pour les autres."
Evangile de Jésus-Christ selon saint Jean
" Le Défenseur, l'Esprit Saint que le Père enverra en mon nom, lui, vous enseignera tout, et il vous fera souvenir de tout ce que je vous ai dit."
Évangile de Jésus Christ selon saint Jean
Saint Père François
1er mai 2011 Béatification de Jean-Paul II
Béatification du Serviteur de Dieu Jean-Paul II
Béatification du Père Popieluszko
à Varsovie, 6 juin 2010, Dimanche du Corps et du Sang du Christ
Varsovie 2010
Basilique du
Sacré-Cœur de Montmartre
Sanctuaire de l'Adoration Eucharistique et de la Miséricorde
Divine
La miséricorde de Dieu
est comme un torrent débordé. Elle entraîne les cœurs sur son passage.
(Saint Curé d'Ars)
Le côté du Christ a été transpercé et tout le mystère de Dieu sort de là. C’est tout le mystère de Dieu qui aime, qui se livre jusqu’au bout, qui se donne jusqu’au bout. C’est le don le plus
absolu qui soit. Le don du mystère trinitaire est le cœur ouvert. Ce n’est pas une image, c’est une réalité. C’est la réalité la plus profonde qui soit, la réalité de
l’amour.
Père Marie-Joseph Le
Guillou
Dans le cœur transpercé
de Jésus sont unis
le Royaume du Ciel
et la terre d'ici-bas
la source de la vie
pour nous se trouve là.
Ce cœur est cœur divin
Cœur de la Trinité
centre de convergence
de tous les cœur humains
il nous donne la vie
de la Divinité.
Sainte Thérèse Bénédicte de la Croix
(Edith Stein)
Le Sacré-Cœur représente toutes les puissances d'aimer, divines et humaines, qui sont en
Notre-Seigneur.
Père Marie-Eugène de l'Enfant
Jésus
feuille d'annonces de la Basilique du Sacré-Coeur de
Montmartre
Notre Dame de Grâce
Cathédrale Notre Dame de Paris
Ordinations du
samedi 27 juin 2009 à Notre Dame de Paris
la vidéo sur
KTO
Magnificat
Solennité de l’Immaculée Conception de la Vierge Marie à Notre-Dame de
Paris
NOTRE DAME DES VICTOIRES
Notre-Dame des
Victoires
... ma vocation, enfin je l’ai trouvée, ma vocation, c’est l’Amour !
SAINT PIERRE ET SAINT ANDRÉ
BENOÎT XVI à CHYPRE
Salutation avec l'Archevêque Chrysostomos à l'église d' Agia Kyriaki Chrysopolitissa de Paphos, le vendredi 4 juin 2010
Benoît XVI en Terre Sainte
Visite au chef de l'Etat, M. Shimon Peres
Visite au mémorial de la Shoah, Yad Vashem
Yahad-In Unum
Vicariat hébréhophone en Israël
Mgr Fouad Twal
Vierge de Vladimir
Paul, menacé de mort par les Juifs de Jérusalem leur parlait ainsi :
Je suis Juif : né à Tarse, en Cilicie, mais élevé ici dans cette ville, j'ai reçu, à l'école de Gamaliel, un enseignement strictement conforme à la Loi de nos pères ; je défendais la cause de Dieu avec une ardeur jalouse, comme vous le faites tous aujourd'hui.
J'ai persécuté à mort les adeptes de la Voie que je suis aujourd'hui ; je les arrêtais et les jetais en prison, hommes et femmes ; le
grand prêtre et tout le conseil des Anciens peuvent en témoigner. Eux-mêmes m'avaient donné des lettres pour nos frères et j'étais en route vers Damas : je devais faire prisonniers ceux qui
étaient là-bas et les ramener à Jérusalem pour qu'ils subissent leur châtiment.
Donc, comme j'étais en route et que j'approchais de Damas, vers midi, une grande lumière venant du ciel m'enveloppa soudain. Je tombai
sur le sol, et j'entendis une voix qui me disait : Saul, Saul, pourquoi me persécuter ?
Et moi je répondis : Qui es-tu, Seigneur ? — Je suis Jésus le Nazaréen, celui que tu persécutes.
Mes compagnons voyaient la lumière, mais ils n'entendaient pas la voix de celui qui me parlait, et je dis : Que dois-je faire, Seigneur ? Le Seigneur me répondit : Relève-toi, va jusqu'à Damas, et là on t'indiquera tout ce qu'il t'est prescrit de faire.
Comme je n'y voyais plus, à cause de l'éclat de cette lumière, mes compagnons me prirent par la main, et c'est ainsi que j'arrivai à Damas. Or, Ananie, un homme religieux et fidèle à la Loi, estimé de tous les Juifs habitant la ville, vint me trouver et, arrivé auprès de moi, il me dit : Saul, mon frère, retrouve la vue. Et moi, au même instant, je retrouvai la vue, et je le vis.
Il me dit encore : Le Dieu de nos pères t'a destiné à connaître sa volonté, à voir celui qui est le Juste et à entendre la parole qui
sort de sa bouche. Car tu seras pour lui, devant tous les hommes, le témoin de ce que tu as vu et entendu.
Et maintenant, pourquoi hésiter ? Lève-toi et reçois le baptême, sois lavé de tes péchés en invoquant le nom de Jésus.
Actes des Apôtres
Mais il est temps de voir en quelle manière l'Église a appliqué, dans le cours des siècles, le principe des langues sacrées dans le service divin.
La Liturgie est, par le fait, célébrée en diverses langues. Les protestants nous l'objectent avec complaisance ; les auteurs catholiques dont nous avons parlé, semblent en triompher avec une joie secrète. Les uns et les autres ont tort de s'arrêter à la surface de la question au lieu de la pénétrer avec fermeté. Ils ne se rendent pas compte de deux faits, qui suffisent à eux seuls pour briser à jamais toutes leurs espérances. Le premier de ces faits est qu'il y a beaucoup plus de nations chrétiennes que de langues liturgiques ; ainsi voilà toujours la majeure partie des fidèles privée d'entendre dans sa langue les paroles de la Liturgie. Le second fait est que les langues employées par différents peuples dans le service divin ont toutes cessé d'être vulgaires, et, depuis bien des siècles, ne sont plus parlées chez les peuples qui les entendent à l'autel. Nous allons exposer historiquement la marche de la Liturgie dans ses rapports avec les langues.
Nous ne faisons aucune difficulté de convenir que l'Église, à son origine, a dû commencer par employer la langue vulgaire à l'autel. Nos adversaires en voudraient-ils tirer avantage ? nous leur demanderions s'il trouveraient bon qu'une société parvenue à l'âge parfait demeurât soumise aux conditions qu'elle dut subir à son berceau. Dans les premiers jours du christianisme, nous voyons les apôtres saint Pierre et saint Jean allant offrir leurs prières au temple de Jérusalem, quoique le voile se fût déchiré du haut en bas, au moment où le Christ expirait sur la croix. C'est sous les portiques de ce temple maudit et déshérité, dont bientôt il ne restera pas pierre sur pierre, que la prédication apostolique retentit maintes fois, dans les premiers jours qui suivent la venue de l'Esprit-Saint, parce que les disciples du Christ savent qu'ils y trouveront des Juifs disposés à les entendre parler de l'accomplissement des prophéties. Pour ménager la susceptibilité de la synagogue, nous voyons saint Paul circoncire son disciple Timothée. Dans le concile de Jérusalem, si les Apôtres proclament enfin l'affranchissement des fidèles à l'égard des cérémonies légales, ils maintiennent encore l'antique défense de se nourrir du sang et des viandes suffoquées. S'agit-il de choisir des évêques pour présider aux nouvelles chrétientés, on accepte ceux qui sont dans les liens du mariage, pourvu qu'ils n'aient eu qu'une seule femme. Nous ne finirions pas si nous voulions entreprendre l'énumération complète des conditions extraordinaires que l'Église dut subir à son berceau ; ce n'est donc pas à cette époque primordiale qu'il faut aller demander en toutes choses les formes disciplinaires vers lesquelles l'Église tendait par sa nature, et qu'elle devait réaliser quand elle jouirait de sa parfaite indépendance.
Nous convenons donc sans aucune peine que l'Église, dans la première période, a célébré les saints mystères en langue vulgaire. Il en a été de la Liturgie comme des saintes Écritures du Nouveau Testament ; le privilège a été pour le premier âge, et il en devait être ainsi. Le temps seul peut faire d'une langue vulgaire une langue sacrée : l'homme n'invente pas les langues à priori. Elles peuvent cesser d'être parlées, s'éteindre comme langues vivantes, sauf à recevoir une nouvelle vie par la consécration de la science et de la religion. Ainsi donc, les Apôtres et leurs premiers successeurs célébrèrent la Liturgie dans la langue des peuples, dans cette même langue qui leur servait pour donner à ces peuples l'instruction. "Mais, comme l'exprime excellemment saint Thomas, quand les fidèles furent instruits, quand ils eurent connu le sens des choses qu'ils entendent réciter dans l'office pour lequel ils se réunissent, on fit les prières en langue non vulgaire."
Nous ne manquerions pas d'arguments pour rapporter déjà à cette époque primitive, où le texte de l'Écriture et la Liturgie étaient en langue vulgaire, l'usage de réciter à voix basse les prières les plus solennelles du sacrifice ; nous pourrions insister sur ce que nous avons dit sur l'impossibilité, dans une assemblée nombreuse, d'entendre toujours la voix du prêtre à l'autel, ce qui réduit considérablement l'importance de la langue vulgaire dans la Liturgie ; nous aimons mieux élargir la discussion en établissant par les faits que si, dans l'Église primitive, on employa la langue vulgaire à l'autel, ce privilège, durant les trois premiers siècles, ne s'étendit pas à d'autres langues qu'aux trois qui avaient figuré sur le titre de la croix du Sauveur, hébraïque ou syriaque, grecque et latine.
Pour ce qui regarde les Apôtres eux-mêmes, il est hors de doute qu'ils ont célébré la Liturgie dans les langues des peuples qu'ils instruisaient ; c'est le sentiment des différents auteurs qui ont agité la question qui nous occupe ; mais en même temps il faut reconnaître que la plupart des Apôtres n'ont point dépassé dans leurs prédications les limites des pays au sein desquels se parlaient les trois langues bibliques. Le latin était connu dans toute l'étendue de l'Empire ; le grec était plus répandu encore ; le syriaque, avec ses divers dialectes, s'avançait au loin dans l'Orient soumis aux Romains. Quant à ceux des Apôtres qui auraient prêché à des peuples chez lesquels les trois langues n'avaient pas pénétré, rien ne s'oppose à ce qu'on admette qu'eux aussi aient célébré la Liturgie dans la langue de ces peuples ; le contraire du moins serait impossible à démontrer. Nous ferons observer toutefois, que ces Apôtres ne leur ont point donné l'Écriture sainte dans leur langue, et ne leur ont rien laissé d'écrit sur la Liturgie. Il faut même ajouter qu'ils n'y ont pas fondé d'Églises au moins d'une manière durable, puisqu'il a fallu, dans les siècles suivants, prêcher de nouveau la foi dans l'Inde, l'Ethiopie et autres régions lointaines qu'on prétend avoir été visitées par quelques Apôtres.
Ce sont donc d'abord les trois langues dépositaires des oracles divins qui furent chargées d'exprimer à Dieu les vœux de son Église, et véritablement on ne peut s'empêcher de plaindre les auteurs catholiques qui se sont permis de traiter avec légèreté cette croyance primitive qui a pour elle les monuments et les plus solides conjectures. Sans doute, on a eu tort d'écrire au XVIe siècle que la Liturgie n'avait jamais parlé plus de trois langues ; mais l'ignorance où l'on était alors sur les choses de l'Orient excuse les controversistes qui portent la responsabilité de cette méprise. Que si d'autres, à la même époque, ont placé la langue hébraïque parmi les trois que revendique la Liturgie primitive, on devait entendre leur assertion de la langue syriaque, qui était l'hébreu parlé au temps de Jésus-Christ et des Apôtres, et Renaudot a fait une dépense inutile de son érudition lorsqu'il a pris la peine de prouver qu'il est absurde de dire que la Liturgie ait jamais été célébrée dans l'hébreu de Moïse et d'Isaïe. Quant à ce qu'il ajoute que de telles méprises trahissent la cause catholique, au lieu de la défendre, il faut convenir que c'est donner beaucoup trop d'importance à une erreur de fait qui se rapporte au premier âge de la controverse contre les protestants, comme si Bellarmin et Du Perron n'avaient pas fait oublier Eckius et quelques autres débutants dans une polémique à laquelle la scolastique ne les avait malheureusement pas préparés.
Les Apôtres ayant célébré d'abord la Liturgie à Jérusalem, il est probable qu'ils l'ont fait en syriaque, et que cette langue est la première qui ait été employée dans la Liturgie. Le grec, il est vrai, était parlé dans la Syrie ; mais on ne peut disconvenir que le dialecte syro-chaldéen ne formât le langage usuel de la nation juive ; aussi figure-t-il le premier sous le nom d'hébreu au titre de la Croix. Il était juste que la langue qu'avait parlée le Sauveur, et dans laquelle fut écrit le premier Évangile, eût aussi l'honneur de servir la première à la Liturgie. Cette langue se rattachait à l'ancien hébreu et avait reçu les derniers livres de l’Ancien Testament ; elle fut bientôt en possession d'une version complète de l'Écriture par la traduction successive des anciens livres hébreux et des nouvelles Écritures en langue grecque ; il était donc dans la nature des choses qu'elle eût la première les honneurs de l'autel chrétien.
Toutefois, il faut convenir que la langue grecque ne le cède guère en antiquité à la langue syriaque dans la Liturgie. Le grec était aussi répandu dans la Syrie que le syro-chaldéen. On peut même dire que dans les principales villes de cette contrée, la première de ces deux langues était d'un usage plus fréquent que la seconde. Dès les premières années du christianisme, la foi pénétra dans Antioche et avec un tel succès que le nom chrétien, comme nous l'apprend saint Luc, commença dans cette ville. La presque totalité des livres du Nouveau Testament fut écrite dans la langue grecque, que les Apôtres préférèrent, comme plus répandue, à celle qu'ils avaient parlée à Jérusalem, et nous avons vu que, dans le IIIe siècle, à Scytopolis de Palestine, on lisait encore dans l'église l'Écriture en grec, ce qui obligeait le lecteur à l'expliquer ensuite en syriaque au peuple. On peut donc dire que si la langue syriaque a eu les premiers honneurs de la Liturgie, la langue grecque, déjà sanctifiée par la version des Septante, par le privilège d'avoir reçu en original le livre de la Sagesse et le second des Machabées, et enfin la plupart des livres du Nouveau Testament, fut bientôt proclamée par le fait la langue chrétienne par excellence. Saint Paul écrivant aux Romains le faisait en grec, et saint Clément, le premier pape dont nous ayons conservé les écrits, les composa dans la même langue. A la fin du IVe siècle, saint Jean Chrysostome prêchait encore en grec ses homélies au peuple d'Antioche, et saint Cyrille les siennes au peuple d'Alexandrie, dans le siècle suivant.
Cependant, la langue latine ne devait pas tarder à obtenir aussi son rang parmi les langues liturgiques. Il suffisait pour cela que la foi pénétrât dans l'Occident. Saint Pierre et saint Paul ayant fondé l'Église romaine, et le prince des apôtres transférant d'Antioche son siège dans la capitale de l'empire, la langue du peuple-roi qui reçut probablement l'Évangile de saint Marc en texte original, et dans laquelle les saintes Écritures furent si promptement traduites, arrivait tout naturellement à prendre sa place parmi les langues liturgiques. La troisième sur le titre de la croix, la troisième dans l'ordre de la prédication évangélique, c'est à elle, cependant, qu'étaient réservées les plus hautes destinées ; mais elle n'en jouit pas immédiatement ; et nous devons remarquer, à l'avantage de notre thèse, que le grec paraît avoir été jusqu'au Ve siècle la langue officielle de l'Église romaine, aussi bien dans la Liturgie que dans les actes de ses pontifes.
Les trois langues régnèrent seules dans le sanctuaire jusqu'à la paix de l'Église, de même qu'elles possédèrent seules, durant cette période, le texte ou la version des saintes Écritures. De nombreuses nations, pendant ces trois siècles, furent appelées à la lumière de l'Évangile; mais puisqu'il faut bien reconnaître qu'elles ne possédèrent pas de versions du texte sacré dans leurs langues, nous soutenons qu'elles ne célébrèrent pas non plus la Liturgie en langue vulgaire, jusqu'à ce que nos adversaires nous en aient apporté au moins l'ombre d'une preuve. Nous avons fait voir les raisons à fortiori, qui militent pour les langues sacrées dans la Liturgie plus encore que pour les saintes Écritures, dont l'usage peut convenir aux simples fidèles avec certaines précautions, tandis que la Liturgie concerne surtout les prêtres et les pontifes, et ne s'exerce que dans le sanctuaire, et dans les moments consacrés au service divin.
Mais le temps arriva où les langues liturgiques se multiplièrent. N'allons pas croire cependant que chaque peuple chrétien ait eu la sienne ; ici nous rencontrons encore un privilège. Nous avons vu que dans le IVe siècle la haute Egypte commença à jouir d'une traduction des livres saints en langue copte ; on peut rapporter à la même époque l'usage de célébrer en cette contrée la Liturgie en la même langue. Parmi les souscriptions des conciles d'Éphèse et de Chalcédoine, au Ve siècle, on trouve celles de plusieurs évêques égyptiens qui signent en copte. Il est naturel de penser que dès lors ces prélats se servaient de cette langue dans les offices divins. Cet usage s'étendit peu à peu à l'Egypte entière, à la faveur des progrès du monophysisme, qui éleva un mur de séparation entre les chrétiens d'Egypte et les Grecs demeurés catholiques. L'invasion musulmane, qui apportait avec elle la barbarie, acheva de ruiner en Egypte l'usage de la langue grecque, et le copte y régna bientôt seul dans la Liturgie.
L'Ethiopie paraît n'avoir jamais célébré la Liturgie que dans sa langue ; mais nous avons vu que sa conversion au christianisme ne date que du IVe siècle. Cette Église est plongée, depuis plus de douze siècles, dans les erreurs du monophysisme, et n'a fait depuis lors que d'inutiles efforts pour s'en retirer.
L'Église arménienne, fondée par saint Grégoire l'Illuminateur vers la fin du IIIe siècle, ne fait pas remonter sa version de la Bible au delà du Ve. On en doit conclure qu'elle célébrait antérieurement les saints mystères dans la langue où elle avait lu jusqu'alors les saintes Écritures, c'est-à-dire en syriaque. Nous voyons, il est vrai, saint Basile occupé à chercher des personnes qui connussent la langue arménienne, pour l'accompagner, lorsqu'il alla visiter la petite Arménie, afin d'y établir des évêques ; mais ce fait se rapporte au IVe siècle. Il nous faut encore ici reconnaître que l'abandon de la langue sacrée, pour en attribuer le privilège à une langue nationale, n'a pas profité non plus à l'Église arménienne ; car, depuis le Ve siècle, elle est captive dans les liens de l'hérésie monophysite, dont elle a jusqu'ici vainement cherché à s'affranchir.
Nous trouvons encore, au IVe siècle, une quatrième langue liturgique, en dehors des trois anciennes auxquelles nous avons donné le nom de sacrées ; c'est la langue gothique. Les Grecs ariens de Constantinople livrèrent les saints mystères aux Goths, en même temps qu'ils leur enseignèrent leur croyance impie. Mais cette nation barbare s'étant établie en Espagne, après avoir fait la conquête de ce pays, changea promptement la langue de sa Liturgie d'origine grecque, et adopta le latin dans le service divin. La langue gothique ne saurait donc être comptée au nombre des langues liturgiques en usage aujourd'hui, n'ayant été dépositaire des saints mystères que durant un petit nombre d'années, à la suite desquelles on l'a vue s'éteindre d'elle-même.
Nous ne placerons pas non plus la langue géorgienne au rang des langues liturgiques. Il est vrai que les chrétiens de cette contrée reçurent la Liturgie de Constantinople en leur langue, et qu'elle y existe encore ; mais cette nation, qui est à peine de trois cent mille âmes, compte plus d'un tiers d'arméniens, de juifs et de mahométans. En second lieu, les abus que l'ignorance a introduits dans ce pays sur l'administration essentielle du baptême, permettent à peine de compter cette petite nation au nombre des peuples chrétiens. Enfin, la Géorgie faisant maintenant partie des pays soumis à l'autocrate de toutes les Russies, il est hors de doute que les débris de cette Liturgie, déjà entamés par le rite de l'Eglise russe, finiront par succomber sous l'envahissement graduel du slavisme.
Dom Martène et d'autres écrivains modernes qui ont cherché à amoindrir l'importance des faits que nous signalons, en exagérant le nombre des langues dans lesquelles la Liturgie a été célébrée, ont insisté sur le fait relatif à saint Antoine, que nous avons expliqué ci-dessus et qui n'a véritablement aucune portée. Ils ont réuni plusieurs passages des Pères dans lesquels il est dit que toutes les nations louent Dieu, et célèbrent sa gloire dans leurs langues diverses. Il est évident que ceci doit s'entendre de toute autre sorte de louange que de la louange liturgique. Il n'a jamais été interdit aux chrétiens de quelque nation que ce soit de chanter des cantiques en leur langue ; l'Apôtre y exhorte même tous les fidèles. Mais, si des Liturgies eussent existé dans la langue de tous les peuples, comment se fait-il qu'elles ne se soient pas conservées ? qu'on n'en trouve nulle part aucune mention ? Il faut donc entendre les paroles des Pères d'une louange de Dieu privée et familière, et non d'une forme liturgique. Nous accorderons même, si l'on veut, que les Psaumes qui sont l'aliment spirituel et la consolation du chrétien auront pu être traduits de bonne heure pour l'usage des fidèles, dans la plupart des langues parlées par des chrétiens ; mais le Psautier n'est pas à lui seul la Liturgie.
On allègue avec complaisance un fait du VIe siècle, relatif au saint abbé Théodose le Cénobiarque. Il est dit dans sa vie publiée par Allatius, qu'il avait bâti quatre églises dans son monastère. La psalmodie était célébrée dans la première par les Grecs, dans la seconde par les Besses, dans la troisième par les Arméniens, dans la quatrième par les Frères qui étaient tourmentés de l'esprit malin. On faisait séparément dans ces quatre églises les lectures dont se composait la messe des Catéchumènes, et quand le moment d'offrir le Sacrifice était arrivé, tout le monde se réunissait dans l'église des Grecs, pour accomplir les mystères et pour y participer. On voit de même dans la vie de saint Sabbas qui vivait pareillement au VIe siècle, que son monastère était composé en partie d'Arméniens qui accomplissaient aussi en particulier la psalmodie dans leur langue, et se réunissaient ensuite dans l'église des Grecs pour le sacrifice. Nous avouons ne pas comprendre l'avantage que nos savants adversaires pensent retirer de ces faits. Ils prouvent surtout que la langue vulgaire n'est pas nécessaire dans la Liturgie, puisque ces moines qui psalmodiaient, il est vrai, dans leurs langues, se rassemblaient pour assister à la messe dans une langue qui n'était pas celle du plus grand nombre. C'est une application des principes que nous avons soutenus ; nous n'y pouvons voir autre chose.
Ajoutons que la Liturgie arménienne existait déjà à cette époque, et que les moines de cette nation auraient pu la célébrer tout aussi bien qu'ils accomplissaient la psalmodie en leur langue ; cependant saint Théodose et saint Sabbas exigent qu'ils assistent à la messe célébrée en grec, que ces Arméniens n'entendent pas. Ces faits n'offrent donc que la confirmation de ce que nous avons vu jusqu'ici. Quant aux Besses, on n'est pas d'accord sur la désignation de ce peuple auquel appartenaient les moines qui psalmodiaient dans la seconde église du monastère de saint Théodose ; il serait donc difficile de dire quelle langue ils parlaient. Quoi qu'il en soit, on n'a jamais pu découvrir la plus légère trace d'une liturgie dans la langue des Besses, qu'ils aient fleuri dans la basse Mysie, ou qu'ils aient été, selon d'autres, les anciens habitants de la Bosnie.
Enfin nous ne tenons pas compte de l'introduction de la langue roumaine dans quelques Églises des bords du Danube. Ce fait est d'une date récente, et il n'a pu se produire qu'à la faveur du schisme ; si le Saint-Siège n'a pas cru possible de déraciner cet abus, quand un heureux mouvement a ramené vers lui une partie des Roumains de la Transylvanie, il n'est pas possible de tirer de cette condescendance un argument contre la thèse que nous soutenons.
Ainsi, en dehors des trois langues du titre de la croix, il faut en compter trois autres dans l'Orient qui sont présentement admises dans la Liturgie : le copte, l'éthiopien et l'arménien, auxquels nous joindrons, tout à l'heure, pour l'Occident, le slavon. Il est bien évident que le nombre de ces langues n'est pas en rapport avec celui des nations chrétiennes : si donc on veut soutenir, comme l'ont fait les protestants et les jansénistes, que les droits essentiels du peuple fidèle sont lésés, du moment qu'il n'entend pas la messe en langue vulgaire, il faut dire que l'Église s'est rendue coupable de cette injustice dans toutes les parties du monde, et dans tous les siècles du christianisme.
Mais ce n'est pas tout, et le lecteur verra bien mieux encore, dans ce qui nous reste à dire, le véritable esprit de l'Église.
DOM GUÉRANGER INSTITUTIONS LITURGIQUES : DEUXIÈME PARTIE : LES LIVRES DE LA LITURGIE ; CHAPITRE III : DE LA LANGUE DES LIVRES LITURGIQUES
La Congrégation des Archanges, Angelos Akotantos, Monastère de Vatopedi, Mont Athos
Une présentation exceptionnelle des plus beaux tableaux de fleurs de Delacroix.
Musée
Delacroix
6 rue de Furstenberg, Paris VIe
ouvert tous les jours, sauf les mardis, de 9h30 à 17h00
Bouquet de fleurs, Eugène Delacroix, 1850
extraits d'un bon article à propos de l'exposition :
Pour cette exposition, l’ensemble du corpus a été envisagé. Delacroix a montré des fleurs durant toute sa carrière. Ces œuvres
restent généralement indatables. Une partie de l’envoi au Salon de 1849 a en outre disparu. Il y a des huiles, mais aussi des aquarelles, dont une célèbre page copiée par Cézanne, et des dessins.
Tout n’a pas pu venir à Paris. «Raisons de conservation». On connaît le motif, plus ou moins vrai selon les cas.
(...)
Deux artistes en vie ont été chargés d’apporter leur pierre. Le premier travaille la céramique. Le second le verre. Il s’agit
respectivement du Belge Johan Creten et du Français Jean-Michel Othoniel. Tous deux ont été interrogés par Christophe Leribault, alors conservateur du Musée Delacroix. Le scientifique a en effet
depuis passé au Petit Palais, laissant sa place à sa collègue Dominique de Font-Réaulx. Il s’agit là de la désormais indispensable «intervention contemporaine». On aime ou on n’aime pas ces deux
artisans d’art, Othoniel tenant à mon humble avis du faiseur de la pire espèce.
Etienne Dumont - Tribune de Genève
La station de métro Palais-Royal depuis l'an 2000, 'décoré' par Othoniel (face à la Comédie Française)
Delacroix photographié par Nadar en 1858
De plus longs développements de cette vaste question ne sont pas de notre sujet ; il nous suffit de les avoir indiqués.
Mais, s'il est important que la langue des livres liturgiques soit fixe et inviolable, qu'elle ne soit pas purement nationale, il est aussi dans sa nature d'être mystérieuse ; elle ne doit donc pas être vulgaire. C'est un sentiment qui a fait le tour du monde, parce qu'il est fondé sur la nature, que celui qui porte à voiler les choses saintes sous l'ombre de paroles mystérieuses. Les prophètes, conduits par l'inspiration de l'Esprit-Saint, ont enveloppé d'énigmes les oracles qu'ils rendaient ; le Verbe incarné conversant avec les hommes, leur a parlé en paraboles. L'Écriture sainte tout entière, remplie de figures souvent des plus hardies, pleine d'un bout à l'autre d'allusions empruntées au génie oriental, sera toujours pour le vulgaire, en dépit des traductions, un livre mystérieux.
Il faut bien que les rationalistes qui se disent chrétiens, en conviennent : la plus profonde connaissance des livres saints n'enlève jamais l'exercice de la foi. Dans le demi-jour de la vie présente, les hommes ont besoin d'adorer les mystères, et non de les soumettre à une appréciation charnelle.
Or, s'il en est ainsi des saintes Écritures, pourquoi, et à plus forte raison, n'en serait-il pas de même de la Liturgie dans laquelle s'opèrent les mystères simplement annoncés dans les livres saints ? L'Église a fait une application spéciale de ce principe en portant cette loi inviolable et universelle que les plus solennelles prières du Sacrifice se réciteraient à l'autel, à voix basse, quelle que soit la langue en laquelle elles soient prononcées. On conçoit que les partisans de la langue vulgaire dans le service divin aient attaqué cet usage vénérable qui les condamne.
Mais en attendant que nous ayons à traiter cette importante question qui viendra en son temps, nous n'en prenons pas moins acte de cette loi auguste qui nous apprend combien l'Église tient à environner de mystère ses relations avec Dieu, et le lecteur catholique, pour peu qu'il soit attentif, ne verra qu'un seul et même principe dans le règlement qui prescrit de lire le canon à voix basse, et dans celui qui exige l'usage d'une langue non vulgaire dans la Liturgie. Nous présenterons même au Janséniste une observation des plus simples, et qui détruit toutes ses prétentions devant l'évidence des faits. Qu'il obtienne de l'Église qu'elle renonce aux langues sacrées dans la Liturgie, qu'il lui fasse observer la Novelle (Ordonnance) de Justinien, par laquelle ce digne précurseur de Joseph II, voulut, mais en vain, contraindre les évêques et les prêtres à prononcer à haute voix les paroles mystérieuses du Sacrifice, afin que le peuple pût répondre Amen, en connaissance de cause ; nous lui dirons avec Thomassin :
" Il était entièrement impossible que le prêtre ou l'évêque pût jamais tellement élever et soutenir sa voix durant tout le canon de la messe, que cette foule innombrable de monde qui y assistait, surtout aux grandes fêtes, pût l'entendre distinctement, et ensuite répondre Amen. Une fort grande multitude s'impose donc elle-même cette nécessité, de ne pouvoir entendre ce que le sacrificateur prononce, quoiqu'elle puisse fort bien entendre un prédicateur qui publie l'évangile d'un lieu éminent, d'une voix tonnante, et avec un effort et une contention qui ne conviendraient nullement à un sacrificateur ou à un pontife, souvent chargé d'années et destitué de forces." (Traité de l'Office divin, Ière partie, chap. VIII, n. 10. ).
Ces paroles d'un auteur d'ailleurs assez facile sur la question de la langue liturgique, font parfaitement comprendre que dans la Liturgie le lien entre le sacrificateur et le peuple est la foi, en même temps qu'elles expliquent la différence essentielle qui existe entre l'autel et la chaire.
Le but de la Liturgie est de mettre les hommes en rapport avec Dieu par la religion ; mais, s'il est vrai de dire que la science des langues sacrées apporte de précieux avantages pour cette communication à ceux qui les possèdent, à la condition cependant que leur foi soit simple comme celle du peuple, Dieu et son Église n'oublient pas pour cela les simples qui sont la partie la plus nombreuse du troupeau, les simples qui ne comprendraient pas même toujours les formules saintes, quand bien même elles seraient proférées en langue vulgaire à leurs oreilles. L'homme absorbé dans les nécessités de la vie matérielle n'a pas d'ordinaire les idées à la hauteur d'un langage sublime ; il suffit à Dieu que son cœur soit pieux, et qu'il aspire à posséder par la vertu le bien qu'il ne comprend pas, mais dont la grâce divine lui inspire l'attrait. A ceux-là, la Liturgie, en quelque langue qu'elle s'exprime, est toujours lumineuse, et l’Amen qui s'échappe de leur poitrine toujours en plein rapport avec les vœux que le prêtre fait entendre à l'autel. Les croisés de Godefroy de Bouillon, les paysans vendéens qui se levèrent seuls pour la liberté de leur foi, les défenseurs de Saragosse en 1809, n'ouïrent jamais célébrer le service divin dans leur langue maternelle ; leur amour pour les mystères, auxquels ils sacrifièrent tout ce qu'ils avaient de plus cher au monde, en fut-il moins pur ou moins ardent ?
Veut-on connaître la source de cet amour plus fort que la mort ? nous la dévoilerons en jetant le défi au rationalisme. C'est que la vertu de Dieu descend, par l'intermédiaire des paroles saintes, dans les cœurs qu'elle trouve ouverts. L'oreille ne perçoit pas, mais l'âme entend, comme disait un homme rustique, parlant de la prédication de son évêque. Dieu a placé dans les mots sacrés une puissance. La forme des sacrements a-t-elle besoin d'être comprise par ceux sur lesquels elle opère ? l'effet des sacramentaux dépend-il de l'intelligence des fidèles auxquels l'Église les applique ? Et, à ce propos, nous ne saurions résister au désir de citer ici un magnifique passage d'Origène, qui expliquait ainsi, il y a plus de quinze siècles, les effets merveilleux produits dans les âmes par la seule prononciation des paroles de la sainte Écriture par ceux mêmes qui ne les comprennent pas : Dieu fasse que cette doctrine si élevée et si simple ne paraisse pas trop nouvelle à nos lecteurs !
" Il est des choses qui semblent obscures, mais qui par cela seul qu'elles pénètrent nos oreilles, apportent cependant une grande utilité à notre âme. Si les gentils ont cru que certaines poésies qu'ils appellent enchantements, certains noms qui ne sont même pas compris de ceux qui les invoquent, murmurés par ceux qui font profession de magie, endorment les serpents ou les font sortir de leurs cavernes les plus profondes ; si l'on dit que ces paroles ont la vertu de faire disparaître des fièvres et des maladies du corps humain, qu'elles peuvent même quelquefois jeter les âmes en une sorte d'extase, quand la foi du Christ n'en arrête pas l'effet ; combien devons-nous croire plus forte et plus puissante la récitation des paroles, ou des noms de l'Écriture sainte ? De même que, chez les infidèles, les puissances mauvaises sitôt qu'elles entendent ces noms ou ces formules, accourent et viennent prêter leur secours à l'œuvre pour laquelle elles se sentent appelées, selon les mots qui ont été proférés, obéissant à l'homme au service duquel elles se sont vouées ; à plus forte raison les Vertus célestes et les anges de Dieu, qui sont avec nous, comme le Seigneur l'a appris à son Eglise, au sujet même des petits enfants, sont réjouis en entendant sor tir de notre bouche, comme de pieux enchantements, les paroles de l'Écriture et les noms qui s'y lisent. Que si nous ne comprenons pas les paroles que profère notre bouche, ces Vertus qui nous assistent les entendent, et invitées comme par un chant qui les attire, s'empressent d'arriver et de nous porter secours.
" C'est une vérité incontestable qu'il est un grand nombre de Vertus au milieu de nous, auxquelles est confié le soin de nos âmes et de nos corps. Comme elles sont saintes, elles se délectent à nous entendre lire les Écritures ; mais leur sollicitude pour nous redouble, quand nous proférons des paroles qui portent notre esprit à la prière, tout en laissant notre intelligence sans lumière. Le saint apôtre l'a dit, et a révélé un mystère digne d'admiration pour l'homme, quand il a enseigné qu'il peut arriver quelquefois que l'esprit qui est en nous soit en prière, et que cependant notre intelligence demeure privée de son exercice (I Cor., XIV.). Comprenez donc ce qu'il nous apprend par ces paroles. Les Vertus qui sont données à notre âme pour la secourir, et qui sont comme notre esprit, se repaissent comme d'une nourriture divine et intellectuelle, dans les paroles de l'Ecriture qu'elles nous entendent prononcer. Mais que dis-je de ces Vertus célestes ? Jésus-Christ Notre-Seigneur lui-même, s'il trouve notre bouche occupée à proférer les paroles de la divine Ecriture, non seulement daigne se nourrir en nous, mais, s'il y trouve un tel festin préparé, il y descend avec le Père. Et si ces merveilles vous semblent trop élevées et au-dessus de l'homme, elles sont cependant appuyées, non sur ma doctrine, mais sur la parole du Seigneur et Sauveur lui-même, qui a dit : En vérité, je vous le dis : Moi et mon Père nous viendrons, et nous demeurerons, et nous souperons avec lui (Joan., XIX, 23.). Avec qui ? avec celui qui garde ses commandements.
" Ainsi donc, par cette pieuse application, nous attirons en nous la compagnie, et nous nous assurons le secours des Vertus divines, en même temps qu'en prononçant ces paroles et ces noms, nous repoussons les embûches des puissances mauvaises. De même que vous avez vu quelquefois un serpent endormi par des enchantements, se laisser porter à la main, ou encore se laisser tirer de son trou,sans plus pouvoir nuire par son venin dans lequel il a subi la puissance du charme ; ainsi par la vertu de la divine lecture, si vous la supportez avec patience, si vous tenez bon contre l'ennui, si vous ne détournez pas l'oreille, le serpent ennemi qui pourrait être en nous, le reptile qui nous y tendait des embûches, se retire de notre cœur, expulsé par les chants des Écritures, par l'assiduité à la parole divine. Ne devenez donc pas semblables à l'aspic qui est sourd et qui bouche ses oreilles, pour ne pas entendre la voix de l'enchanteur et du magicien habile (Psalm. LVIII, 4, 5.)."
Nous nous sommes laissé aller au plaisir de citer ce long passage qui explique mieux que tous les raisonnements l'influence des paroles saintes sur la multitude recueillie, en présence des mystères. Ce que Origène dit ici de l'Écriture sainte, s'applique, proportion gardée, à la Liturgie. Ses formules sont sacrées, l'Eglise les a produites par le mouvement et sous l'assistance de l'Esprit qui dicta les Écritures, et c'est pour cela même que le sentiment de la foi répugne à employer dans le sanctuaire, à lire au saint autel, des paroles composées par les hérétiques, fussent-elles d'ailleurs pures quant à la doctrine ; Aussi le trente-deuxième canon du concile de Laodicée a-t-il été inséré au corps du droit comme renfermant l'esprit même de l'Église. Il est ainsi conçu : "Il ne faut point recevoir les bénédictions des hérétiques ; car elles sont des malédictions, et non pas des bénédictions" ; Non oportet haereticorum benedictiones accipere, quoniam magis sunt maledictiones, quam benedictiones. (Causa I, quaest. 1, can. 66.).
Mais si l'Église sait que les paroles de la liturgie, même prononcées dans une langue étrangère, épanchent sur le peuple fidèle une grâce de sanctification et l'unissent au divin objet de nos mystères, elle ne veut pas pour cela que ce peuple qu'elle enfante à la lumière divine ignore les trésors de vérité et de vie que recèlent les paroles sacrées. S'il est interdit au prêtre d'emprunter la langue vulgaire dans ces moments redoutables où il est placé entre le ciel et la terre, comme un médiateur puissant qui unit l'un à l'autre, il lui est ordonné d'instruire les fidèles, du haut de la chaire, non seulement des vérités générales de la religion, mais spécialement des choses qui sont renfermées sous les paroles liturgiques. Voici le décret formel du saint concile de Trente qui exprime l'intention de l'Eglise à ce sujet :
" Quoique la messe renferme un grand fond d'instruction pour le peuple fidèle, il n'a cependant pas semblé aux Pères qu'il fût à propos qu'on la célébrât en langue vulgaire. C'est pourquoi chaque Église retiendra ses rites antiques et approuvés par la sainte Église romaine, mère et maîtresse de toutes les Églises ; mais afin que les brebis du Christ ne souffrent pas de la faim, et que les petits enfants ne demandent pas du pain quand il n'y aurait personne qui leur en rompît, le saint concile ordonne aux pasteurs et à tous ceux qui ont charge d'âmes, d'expliquer souvent durant la célébration de la messe, par eux ou par d'autres, quelque chose des formules qui se lisent à la messe ; et entre autres d'exposer quelques détails sur le mystère de ce très saint sacrifice, principalement les dimanches et fêtes." (Conc. Trid. Sess. XXII, cap. VIII.).
L'Église, dont le pouvoir ne s'étend pas jusqu'à donner au peuple l'intelligence d'une langue qu'il n'a pas apprise, a donc pourvu avec sollicitude à l'instruction de ses fidèles, et ce n'est donc pas pour les maintenir dans l'ignorance qu'elle a prescrit l'usage des langues sacrées dans la célébration des mystères. Le protestantisme a détruit la religion en abolissant le sacrifice ; pour lui l'autel n'existe plus ; il n'a plus qu'une table ; son christianisme s'est concentré uniquement dans la chaire. L'Église catholique sans doute se fait gloire de la chaire de vérité ; car la foi est de l'ouïe (Rom., X, 17.) : du haut de cette chaire elle proclame sa doctrine immuable et victorieuse, dans la langue du peuple qui l'écoute ; mais sa mission n'est pas uniquement d'instruire ce peuple. Si elle lui révèle les vérités divines, c'est afin de l'unir à Dieu par les mystères de l'autel ; après avoir éclairé sa foi, elle le met en communication avec Dieu par l'amour. Quand elle a fait naître en lui le désir du bien infini, en présence duquel il n'y a plus ni savant ni ignorant, elle remonte comme Moïse sur la montagne, et sa voix cesse de se faire entendre aux oreilles, pour ne plus retentir que dans les cœurs. Les accents d'une langue mystérieuse retentissent seuls dans l'assemblée sainte, et transportent la pensée au delà des limites du présent ; ceux mêmes qui comprennent cette langue sont avertis que quelque chose d'extraordinaire s'accomplit ; bientôt les paroles de ce langage sacré viennent se perdre dans un silence au sein duquel Dieu seul entend ; mais les cérémonies symboliques continuent toujours, et par leurs formes visibles ne cessent d'élever le peuple saint à l'amour des choses invisibles.
Telle est la religion dans l'Église catholique ; en rapport avec les besoins de l'humanité et avec l'infini, toujours grande et simple, mais trop simple pour être comprise par les esprits qui croient pouvoir raisonner le sentiment.
C'est ce que n'avaient pas assez senti la plupart des auteurs catholiques des deux derniers siècles qui traitèrent la question de la langue vulgaire dans la Liturgie. Aujourd'hui que le protestantisme, dévoré dans son propre sein par le principe rationaliste duquel il est sorti, n'a plus la force de rien affirmer, et peut à peine constater les pertes journalières qui l’épuisent, la lutte a, pour ainsi dire, cessé.
Le catholicisme triomphant reçoit chaque jour dans son sein des hommes qui se jettent à lui, subjugués par l'aspect imposant de sa doctrine immuable et de ses institutions qui expriment cette doctrine avec tant de grandeur et de simplicité. Ces nouvelles recrues ne s'arrêtent pas dans les étroits sentiers du gallicanisme, comme faisaient au XVIIe siècle les convertis qui se rendaient à l'Exposition de la foi catholique, ou pour lesquels la révocation de l'édit de Nantes avait été l'occasion de prendre enfin un parti. Quant aux écrivains catholiques, ils peuvent tout dire aujourd'hui sans crainte, et personne ne s'est avisé, comme on l'eût fait au XVIIIe siècle, de taxer d'enthousiasme ou d'illuminisme les deux grands auteurs qui s'expriment sur les langues sacrées en les termes que nous transcrivons ici :
" C'est une chose remarquable : les oraisons en langue latine semblent redoubler le sentiment religieux de la foule. Ne serait-ce point un effet naturel de notre penchant au secret ? Dans le tumulte de ses pensées et des misères qui assiègent sa vie, l'homme, en prononçant des mots peu familiers et même inconnus, croit demander les choses qui lui manquent et qu'il ignore ; le vague de sa prière en fait le charme, et son âme inquiète, qui sait peu ce qu'elle désire, aime à former des vœux aussi mystérieux que ses besoins." (Génie du Christianisme, IVe partie, liv. I, chap. IV.).
" Quant au peuple proprement dit, s'il n'entend pas les mots, c'est tant mieux. Le respect y gagne, et l'intelligence n'y perd rien. Celui qui ne comprend point, comprend mieux que celui qui comprend mal. Cornet ment d'ailleurs aurait-il à se plaindre d'une religion qui fait tout pour lui ? c'est l'ignorance, c'est la pauvreté, c'est l'humilité qu'elle instruit, qu'elle console, qu'elle a aime par-dessus tout. Quant à la science, pourquoi ne lui dirait-elle pas en latin la seule chose qu'elle ait à lui dire : Qu'il n’y a point de salut pour l’orgueil ?" (Du Pape, livre I, chap. XX.) ?
Mais il est temps de voir en quelle manière l'Église a appliqué, dans le cours des siècles, le principe des langues sacrées dans le service divin.
DOM GUÉRANGER INSTITUTIONS LITURGIQUES : DEUXIÈME PARTIE : LES LIVRES DE LA LITURGIE ; CHAPITRE III : DE LA LANGUE DES LIVRES LITURGIQUES
Les Adieux de René à sa sœur, sujet tiré de l’épisode de René dans le Génie du Christianisme
Lancelot-Théodore Turpin de Crissé, Salon de 1806
- paru d’abord dans le Génie du Christianisme en 1802, René fut ensuite publié en 1805 en volume séparé
Ce point une fois établi, pour ce qui touche à l'Écriture sainte, on doit comprendre aisément que la Liturgie devait nécessairement et par les mêmes motifs prétendre au privilège des langues sacrées.
D'abord, la Liturgie se compose en grande partie de passages de l'Écriture sainte, destinés à être lus dans 'l'assemblée des fidèles, et si, dans la pensée de l'Église, la majesté d'un texte immobile était nécessaire pour maintenir le respect des livres saints confiés aux fidèles, cette réserve mystérieuse ne convenait-elle pas davantage encore pour les fragments des saintes Écritures, lus du haut de l'ambon, dans la célébration des mystères ? Nous voyons même,à l'époque primitive, qu'on préféra quelquefois la version grecque pour la Liturgie, dans des Églises dont le peuple parlait la langue syriaque. Ainsi, au commencement du IVe siècle, l'Église de Palestine, bien qu'elle eut sa version syriaque, lisait en grec le texte sacré dans l'assemblée des fidèles, auxquels le lecteur ou le pontife l'interprétaient ensuite en syriaque. Saint Procope, qui souffrit le martyre en 303, était Lecteur dans l'église de Besan, qui est l'ancienne Scythopolis, métropole de la seconde Palestine, sous le patriarcat de Jérusalem, et ses Actes authentiques nous apprennent que sa fonction était d'interpréter, en syriaque, l'Écriture qu'il venait de lire en grec (Acta S. Procopii, apud Assemani, Acta Mart. oriental.).
Ceux qui ont objecté que saint Antoine, qui n'était pas lettré, prit le parti de se retirer au désert, après avoir entendu lire dans l'Église un passage de l'Évangile, ce qui prouverait selon eux que la Liturgie se célébrait dès lors en langue copte, dans la Thébaïde, n'ont pas réfléchi à deux choses : la première, que la version copte n'existait pas encore; la seconde, que l'usage de l'Église était dès lors, comme il a été depuis, d'expliquer au peuple, en langue vulgaire, les fragments de l'Écriture choisis pour accompagner la célébration des saints Mystères.
Nous ne tarderons pas à constater l'existence de plusieurs langues liturgiques dans l'Orient, différentes de la grecque et de la syriaque; mais nous ne trouverons ni une liturgie arabe, ni une liturgie persane, bien que nous venions de reconnaître l'existence de versions de l'Écriture en ces deux langues. Les Eglises de l'Occident n'ont que trois langues liturgiques, la latine, la grecque et la slavonne ; cependant, comme nous l'avons rappelé tout à l'heure, chaque nation de l'Europe a fini par avoir sa version de la Bible. Mais autre chose est la lecture privée des saintes Écritures, autre chose la lecture solennelle et liturgique. Cette,dernière doit être grave et mystérieuse comme les oracles divins ; elle ne doit pas être sujette aux variations des langues, afin de ne pas devenir triviale et commune.
Au reste, en lisant l'Écriture dans les langues sacrées, pendant le service divin, l'Église n'a fait que continuer les traditions de l'ancienne Loi. Personne n'ignore que la langue hébraïque cessa d'être vulgaire en Judée, peu après le retour de la captivité de Babylone ; ce qui n'empêcha pas qu'on ne continuât dans le temple et dans les synagogues, de lire la loi et de faire plusieurs prières en pur hébreu, quoique le peuple, qui n'usait que de l'idiome syro-chaldéen, n'entendît déjà plus la langue de ses pères. Après la lecture liturgique des passages déterminés, on lisait les paraphrases chaldaïques, sur ces mêmes passages; et cet usage de lire la loi et les diverses prières en hébreu non vulgaire était tellement inhérent aux traditions du temple de Jérusalem, que les juifs modernes s'y montrent encore fidèles, en quelques pays qu'ils soient dispersés.
De tout ceci nous concluons que les lectures de l'Écriture en langue non vulgaire faisant partie essentielle et considérable de la Liturgie, ainsi qu'il consiste de la coutume de toutes les Églises, la Liturgie admet déjà par là même l'usage des langues sacrées.
En second lieu, la Liturgie est un ensemble de formules destinées à accompagner la célébration du saint Sacrifice et l'administration des sacrements, toutes choses qui font partie du ministère propre et incommunicable des prêtres. Elle est donc de sa nature plus réservée au clergé que l'Écriture sainte elle-même. Le laïque peut quelquefois posséder une science exégétique supérieure à celle de beaucoup de prêtres ; la simplicité de sa foi peut aussi le disposer à retirer un grand fruit de la lecture des livres saints qui, comme l'enseigne l'Apôtre, ont été écrits pour notre instruction ; mais faut-il conclure de là que le commun des fidèles retirerait la même utilité de la connaissance personnelle des prières liturgiques ? L'Église a dû se montrer réservée dans son désir de communiquer au vulgaire le texte même de la parole de Dieu, quoique l'inspiration de cette divine parole soit un dogme fondamental du christianisme ; serait-il raisonnable d'exposer aux interprétations indiscrètes et dangereuses de la multitude, des formules saintes qui contiennent assurément la foi de l'Église, mais qui n'ont cependant pas été dictées par l'Esprit-Saint ?
Les jansénistes ont donc parfaitement senti et très justement signalé, à leur point de vue hétérodoxe, le nœud véritable de la question, lorsqu'ils ont dit que l'Église, en soumettant la lecture de l'Écriture sainte en langue vulgaire à des restrictions, frustrait les fidèles d'un droit inaliénable, et qu'en célébrant les mystères dans une langue inconnue du peuple, elle leur enlevait simplement une consolation. Pour nous, catholiques, il n'en faut pas davantage; qui peut le plus, peut le moins. C'est un dogme de notre foi que l'Église n'a pas erré dans ses règles restrictives de l'usage des saintes Ecritures ; donc, à plus forte raison, elle a pu, sans tyrannie, laisser dans un langage sacré et non vulgaire des formules au sujet desquelles il n'a pas été dit comme des livres saints : scrutez les Écritures (Joan., V, 39.). Les fidèles avec la permission de leur pasteurs, peuvent avoir la Bible dans leurs maisons, ils peuvent se livrer à toutes les études qui les mettront à même de profiter de la lecture qu'ils en feront avec foi et intelligence; le jour et la nuit, ils peuvent consulter ces divins oracles, avec un cœur docile à l'Église qui seule en possède la clef ; cependant cette auguste maîtresse des fidèles du Christ dit un solennel anathème à celui qui enseignerait que la lecture des livres saints est une obligation du chrétien. Elle ne souffre pas qu'on dise qu'il existe un devoir qui ne serait pas accessible aux pauvres, aux simples et aux ignorants qui font la majeure partie du genre humain ; comment donc son esprit pourrait-il être de prodiguer, par les langues vulgaires, l'expression des mystères les plus profonds et les plus incompréhensibles, aux oreilles de ces pauvres, de ces simples, de ces ignorants, si souvent exposés à de dangereuses erreurs, précisément parce que les lumières leur manquent ?
Que la foi soit vive dans le cœur des simples fidèles, que leurs yeux soient attentifs au langage des cérémonies, que des pensées vaines ou terrestres ne viennent pas troubler l'action de l'Esprit-Saint dans leurs âmes ; leur oreille entendra, par la bouche du prêtre, les accents d'une langue étrangère, mais leur cœur aura tout compris. Est-ce dans nos églises de ville, où chacun des assistants est à même de suppléer, par des traductions de la messe, à la connaissance de la langue sacrée, ou dans ces rustiques paroisses de campagne si fréquentées encore dans les provinces éloignées de la capitale, que l'attitude des assistants est plus recueillie, le respect de la maison de Dieu mieux observé, les mystères de la foi mieux sentis ? Si le peuple fidèle peut vivre dans la foi et la charité de Jésus-Christ, sans le secours de l'Écriture sainte en langue vulgaire, il peut donc, à plus forte raison, suppléer à l'intelligence immédiate de la langue liturgique.
En outre, la Liturgie étant, selon la belle expression de Bossuet, le principal instrument de la Tradition (États d'Oraison, livre VI, pag. 208, édit. de Lebel, tom. V.), il importe que ses formules soient anciennes, et par ce moyen inviolables. Or le propre des langues vivantes est de varier et de se transformer sans cesse. La langue des livres liturgiques doit être en dehors de ces mouvements, produit du génie mobile et de la fusion des peuples ; la conservation des vérités que ces livres contiennent en dépend. L'Église n'a-t-elle pas été obligée de recourir à une langue morte pour formuler ses décisions dans les matières de foi, et si elle ne l'a pu faire, aux premiers siècles, parce que les langues grecque et latine étaient encore vivantes, quels troubles n'enfanta pas dans la société chrétienne la facilité avec laquelle le vulgaire se trouvait à même de juger de la propriété des termes employés par les conciles dans leurs décisions ? La Liturgie est une confession de foi permanente qui doit être placée au-dessus des caprices de la multitude, et c'est avoir écarté de grands dangers pour la foi que d'avoir soustrait ses formules à l'examen indiscret du vulgaire.
Ajoutons que la Liturgie est le lien d'association des peuples chrétiens. Ils forment une société, parce qu'ils sont unis par la participation aux mêmes mystères, aux mêmes sacrements ; la conséquence est qu'une même langue doit, autant qu'il est possible, servir d'expression à leurs manifestations religieuses. Les Églises qui pratiquent la même Liturgie ont toujours vécu dans une fraternité plus étroite. Cette fraternité est due à la communauté des formules ; elle est due d'abord à l'identité de la langue liturgique. Les Églises qui gardent la Liturgie romaine sont toutes unies à la Chaire de Saint-Pierre ; dans l'Orient, celles qui observent les Liturgies grecque, syrienne, copte, etc., non seulement ne sont pas unies au Siège apostolique, mais elles ne forment pas corps entre elles. Dans l'Occident au contraire, l'ancienne Église gallicane et l'Église gothique d'Espagne autrefois, les Églises du rite ambrosien aujourd'hui, les Églises de France qui se sont donné des liturgies au XVIIIe siècle, ont conservé l'union avec le Siège apostolique ; mais la langue latine les protégeait toutes ; avec la diversité des formules, le lien a été moins étroit, mais la fraternité du langage les a maintenues dans la chrétienté latine.
Nous avons fait voir ailleurs les redoutables conséquences de la diversité des Liturgies entre l'Orient et l'Occident ; une même langue liturgique avec Rome eût sauvé du schisme, il y a quelques années, plusieurs millions de catholiques soumis à l'autocrate de Russie. Le royaume de Pologne toujours vivace, toujours répugnant à une odieuse fusion, toujours redouté par ses oppresseurs, personne ne l'ignore, a dû sa vitalité à sa qualité de royaume latin. Or c'est uniquement par la Liturgie qu'il est latin, et cette circonstance, en dépit des usages et de la langue slaves, a suffi pour maintenir sa glorieuse nationalité, et pour déconcerter jusqu'ici tous les stratagèmes et tous les ressorts d'une politique perfide et cruelle.
Cette communauté de langue qui triomphe des races en unissant les peuples, est donc fondée sur les livres liturgiques. Par eux, l'idée d'un centre unique, d'une origine commune pénètre et se maintient dans la mémoire des peuples ; il n'est plus de distances, plus de frontières.
Fût-il exilé ou captif chez une nation ennemie, le chrétien retrouve sa patrie avec tous ses souvenirs, jusque dans une terre étrangère. Voilà pourquoi la Liturgie, comme nous le verrons bientôt, ne parla d'abord que les trois langues sacrées qui représentaient par leur étendue la portion choisie du genre humain. Celles qui vinrent ensuite par une dégénération du principe, ne sont qu'en petit nombre, et leur inauguration a peu servi au développement de la communauté chrétienne. Mais entre les trois langues, il en est une qui domine les deux autres, par l'étendue de ses conquêtes ; c'est la langue latine. La Liturgie la rendit le lien des peuples civilisés, l'instrument de la fraternité des nations. La réforme du XVIe siècle conspira contre cette unité sublime en réclamant l'usage des langues vulgaires dans le service divin, et l'humanité se ressentira longtemps des suites de cette scission violente et maladroite
De plus longs développements de cette vaste question ne sont pas de notre sujet ; il nous suffit de les avoir indiqués.
DOM GUÉRANGER INSTITUTIONS LITURGIQUES : DEUXIÈME PARTIE : LES LIVRES DE LA LITURGIE ; CHAPITRE III : DE LA LANGUE DES LIVRES LITURGIQUES