"Je vous donne un commandement nouveau : c'est de vous aimer les uns les autres.
Comme je vous ai aimés, vous aussi aimez-vous les uns les autres.
Ce qui montrera à tous les hommes que vous êtes mes disciples, c'est l'amour que vous aurez les uns pour les autres."
Evangile de Jésus-Christ selon saint Jean
" Le Défenseur, l'Esprit Saint que le Père enverra en mon nom, lui, vous enseignera tout, et il vous fera souvenir de tout ce que je vous ai dit."
Évangile de Jésus Christ selon saint Jean
Saint Père François
1er mai 2011 Béatification de Jean-Paul II
Béatification du Serviteur de Dieu Jean-Paul II
Béatification du Père Popieluszko
à Varsovie, 6 juin 2010, Dimanche du Corps et du Sang du Christ
Varsovie 2010
Basilique du
Sacré-Cœur de Montmartre
Sanctuaire de l'Adoration Eucharistique et de la Miséricorde
Divine
La miséricorde de Dieu
est comme un torrent débordé. Elle entraîne les cœurs sur son passage.
(Saint Curé d'Ars)
Le côté du Christ a été transpercé et tout le mystère de Dieu sort de là. C’est tout le mystère de Dieu qui aime, qui se livre jusqu’au bout, qui se donne jusqu’au bout. C’est le don le plus
absolu qui soit. Le don du mystère trinitaire est le cœur ouvert. Ce n’est pas une image, c’est une réalité. C’est la réalité la plus profonde qui soit, la réalité de
l’amour.
Père Marie-Joseph Le
Guillou
Dans le cœur transpercé
de Jésus sont unis
le Royaume du Ciel
et la terre d'ici-bas
la source de la vie
pour nous se trouve là.
Ce cœur est cœur divin
Cœur de la Trinité
centre de convergence
de tous les cœur humains
il nous donne la vie
de la Divinité.
Sainte Thérèse Bénédicte de la Croix
(Edith Stein)
Le Sacré-Cœur représente toutes les puissances d'aimer, divines et humaines, qui sont en
Notre-Seigneur.
Père Marie-Eugène de l'Enfant
Jésus
feuille d'annonces de la Basilique du Sacré-Coeur de
Montmartre
Notre Dame de Grâce
Cathédrale Notre Dame de Paris
Ordinations du
samedi 27 juin 2009 à Notre Dame de Paris
la vidéo sur
KTO
Magnificat
Solennité de l’Immaculée Conception de la Vierge Marie à Notre-Dame de
Paris
NOTRE DAME DES VICTOIRES
Notre-Dame des
Victoires
... ma vocation, enfin je l’ai trouvée, ma vocation, c’est l’Amour !
SAINT PIERRE ET SAINT ANDRÉ
BENOÎT XVI à CHYPRE
Salutation avec l'Archevêque Chrysostomos à l'église d' Agia Kyriaki Chrysopolitissa de Paphos, le vendredi 4 juin 2010
Benoît XVI en Terre Sainte
Visite au chef de l'Etat, M. Shimon Peres
Visite au mémorial de la Shoah, Yad Vashem
Yahad-In Unum
Vicariat hébréhophone en Israël
Mgr Fouad Twal
Vierge de Vladimir
Il est juste maintenant de considérer le revers des choses et de montrer que l’histoire moderne pourrait encore devenir intéressante si elle était traitée par une main habile. L’établissement des Francs dans les Gaules, Charlemagne, les croisades, la chevalerie, une bataille de Bouvines, un combat de Lépante, un Conradin à Naples, un Henri IV en France, un Charles Ier en Angleterre, sont au moins des époques mémorables, des mœurs singulières, des événements fameux, des catastrophes tragiques. Mais la grande vue à saisir pour l’historien moderne, c’est le changement que le christianisme a opéré dans l’ordre social. En donnant de nouvelles bases à la morale, l’Evangile a modifié le caractère des nations et créé en Europe des hommes tout différents des anciens par les opinions, les gouvernements, les coutumes, les usages, les sciences et les arts.
Et que de traits caractéristiques n’offrent point ces nations nouvelles ! Ici ce sont les Germains : peuples où la corruption des grands n’a jamais influé sur les petits, où l’indifférence des premiers pour la patrie n’empêche point les seconds de l’aimer ; peuples où l’esprit de révolte et de fidélité, d’esclavage et d’indépendance, ne s’est jamais démenti depuis les jours de Tacite.
Là ce sont ces Bataves qui ont de l’esprit par bon sens, du génie par industrie, des vertus par froideur et des passions par raison.
L’Italie aux cent princes et aux magnifiques souvenirs contraste avec la Suisse, obscure et républicaine.
L’Espagne, séparée des autres nations, présente encore à l’historien un caractère plus original : l’espèce de stagnation de mœurs dans laquelle elle repose lui sera peut-être utile un jour ; et lorsque les peuples européens seront usés par la corruption, elle seule pourra reparaître avec éclat sur la scène du monde, parce que le fond des mœurs subsiste chez elle.
Mélange du sang allemand et du sang français, le peuple anglais décèle de toutes parts sa double origine. Son gouvernement formé de royauté et d’aristocratie, sa religion moins pompeuse que la catholique et plus brillante que la luthérienne, son militaire à la fois lourd et actif, sa littérature et ses arts, chez lui enfin le langage, les traits même et jusqu’aux formes du corps, tout participe des deux sources dont il découle. Il réunit à la simplicité, au calme, au bon sens, à la lenteur germanique, l’éclat, l’emportement et la vivacité de l’esprit français.
Les Anglais ont l’esprit public, et nous l’honneur national ; nos belles qualités sont plutôt des dons de la faveur divine que les fruits d’une éducation politique : comme les demi-dieux, nous tenons moins de la terre que du ciel.
Fils aînés de l’antiquité, les Français, Romains par le génie, sont Grecs par le caractère. Inquiets et volages dans le bonheur, constants et invincibles dans l’adversité, formés pour les arts, civilisés jusqu’à l’excès durant le calme de l’État ; grossiers et sauvages dans les troubles politiques, flottants comme des vaisseaux sans lest au gré des passions ; à présent dans les cieux, l’instant d’après dans les abîmes enthousiastes et du bien et du mal, faisant le premier sans en exiger de reconnaissance, et le second sans en sentir de remords ; ne se souvenant ni de leurs crimes ni de leurs vertus ; amants pusillanimes de la vie pendant la paix ; prodigues de leurs jours dans les batailles, vains, railleurs, ambitieux, à la fois routiniers et novateurs, méprisant tout ce qui n’est pas eux ; individuellement les plus aimables des hommes, en corps les plus désagréables de tous ; charmants dans leur propre pays, insupportables chez l’étranger ; tour à tour plus doux, plus innocents que l’agneau, et plus impitoyables, plus féroces que le tigre : tels furent les Athéniens d’autrefois, et tels sont les Français d’aujourd’hui.
Ainsi, après avoir balancé les avantages et les désavantages de l’histoire ancienne et moderne, il est temps de rappeler au lecteur que si les historiens de l’antiquité sont en général supérieurs aux nôtres, cette vérité souffre toutefois de grandes exceptions. Grâce au génie du christianisme, nous allons montrer qu’en histoire l’esprit français a presque atteint la même perfection que dans les autres branches de la littérature.
CHATEAUBRIAND, Génie du Christianisme, Troisième Partie, Beaux-arts et Littérature, Livre 3, Histoire, Chapitre V - Beau côté de l’Histoire moderne
Autre question qui regarde entièrement les Français : pourquoi n’avons-nous que des mémoires au lieu d’histoire, et pourquoi ces mémoires sont-ils pour la plupart excellents ?
Le Français a été dans tous les temps, même lorsqu’il était barbare, vain, léger et sociable. Il réfléchit peu sur l’ensemble des objets, mais il observe curieusement les détails, et son coup d’œil est prompt, sûr et délié : il faut toujours qu’il soit en scène, et il ne peut consentir, même comme historien, à disparaître tout à fait. Les mémoires lui laissent la liberté de se livrer à son génie. Là, sans quitter le théâtre, il rapporte ses observations, toujours fines et quelquefois profondes. Il aime à dire : J’étais là, le roi me dit… J’appris du prince… Je conseillai, je prévis le bien, le mal. Son amour-propre se satisfait ainsi ; il étale son esprit devant le lecteur, et le désir qu’il a de se montrer penseur ingénieux le conduit souvent à bien penser. De plus, dans ce genre d’histoire il n’est pas obligé de renoncer à ses passions, dont il se détache avec peine. Il s’enthousiasme pour telle ou telle cause, tel ou tel personnage ; et, tantôt insultant le parti opposé, tantôt se raillant du sien, il exerce à la fois sa vengeance et sa malice.
Depuis le sire de Joinville jusqu’au cardinal de Retz, depuis les mémoires du temps de la Ligue jusqu’aux mémoires du temps de la Fronde, ce caractère se montre partout ; il perce même jusque dans le grave Sully. Mais quand on veut transporter à l’histoire cet art des détails, les rapports changent ; les petites nuances se perdent dans de grands tableaux, comme de légères rides sur la face de l’Océan. Contraints alors de généraliser nos observations, nous tombons dans l’esprit de système. D’une autre part, ne pouvant parler de nous à découvert, nous nous cachons derrière nos personnages. Dans la narration, nous devenons secs et minutieux, parce que nous causons mieux que nous ne racontons ; dans les réflexions générales, nous sommes chétifs ou vulgaires, parce que nous ne connaissons bien que l’homme de notre société.
Enfin, la vie privée des Français est peu favorable au génie de l’histoire. Le repos de l’âme est nécessaire à quiconque veut écrire sagement sur les hommes : or, nos gens de lettres, vivant la plupart sans famille ou hors de leur famille, portant dans le monde des passions inquiètes et des jours misérablement consacrés à des succès d’amour-propre, sont par leurs habitudes en contradiction directe avec le sérieux de l’histoire. Cette coutume de mettre notre existence dans un cercle borne nécessairement notre vue et rétrécit nos idées. Trop occupés d’une nature de convention, la vraie nature nous échappe ; nous ne raisonnons guère sur celle-ci qu’à force d’esprit et comme au hasard, et quand nous rencontrons juste, c’est moins un fait d’expérience qu’une chose devinée.
Concluons donc que c’est au changement des affaires humaines, à un autre ordre de choses et de temps, à la difficulté de trouver des routes nouvelles en morale, en politique et en philosophie, que l’on doit attribuer le peu de succès des modernes en histoire ; et quant aux Français, s’ils n’ont en général que de bons mémoires, c’est dans leur propre caractère qu’il faut chercher le motif de cette singularité.
On a voulu la rejeter sur des causes politiques : on a dit que si l’histoire ne s’est point élevée parmi nous aussi haut que chez les anciens, c’est que son génie indépendant a toujours été enchaîné. Il nous semble que cette assertion va directement contre les faits. Dans aucun temps, dans aucun pays, sous quelque forme de gouvernement que ce soit, jamais la liberté de penser n’a été plus grande qu’en France au temps de sa monarchie. On pourrait citer sans doute quelques actes d’oppression, quelques censures rigoureuses ou injustes, mais ils ne balanceraient pas le nombre des exemples contraires.
Qu’on ouvre nos mémoires, et l’on y trouvera à chaque page les vérités les plus dures, et souvent les plus outrageantes, prodiguées aux rois, aux nobles, aux prêtres. Le Français n’a jamais ployé servilement sous le joug ; il s’est toujours dédommagé, par l’indépendance de son opinion, de la contrainte que les formes monarchiques lui imposaient. Les Contes de Rabelais, le traité De la Servitude volontaire de La Béotie, les Essais de Montaigne, la Sagesse de Charron, les Républiques de Bodin, les écrits en faveur de la Ligue, le traité où Mariana va jusqu’à défendre le régicide, prouvent assez que ce n’est pas d’aujourd’hui seulement qu’on ose tout examiner. Si c’était le titre de citoyen plutôt que celui de sujet qui fit exclusivement l’historien, pourquoi Tacite, Tite-Live même, et parmi nous l’évêque de Meaux et Montesquieu ont-ils fait entendre leurs sévères leçons sous l’empire des maîtres les plus absolus de la terre ? Sans doute en censurant les choses déshonnêtes et en louant les bonnes, ces grands génies n’ont pas cru que la liberté d’écrire consistât à fronder les gouvernements et à ébranler les bases du devoir ; sans doute s’ils eussent fait un usage si pernicieux de leur talent, Auguste, Trajan et Louis les auraient forcés au silence ; mais cette espèce de dépendance n’est-elle pas plutôt un bien qu’un mal ? Quand Voltaire s’est soumis à une censure légitime, il nous a donné Charles XII et le Siècle de Louis XIV ; lorsqu’il a rompu tout frein, il n’a enfanté que l’Essai sur les Mœurs.
Il y a des vérités qui sont la source des plus grands désordres, parce qu’elles remuent les passions ; et cependant, à moins qu’une juste autorité ne nous ferme la bouche, ce sont celles-là même que nous nous plaisons à révéler, parce qu’elles satisfont à la fois et la malignité de nos cœurs corrompus par la chute, et notre penchant primitif à la vérité.
CHATEAUBRIAND, Génie du Christianisme, Troisième Partie, Beaux-arts et Littérature, Livre 3, Histoire, Chapitre IV - Pourquoi les Français n’ont que des Mémoires
A cette première cause de l’infériorité de nos historiens, tirée du fond même des sujets, il en faut joindre une seconde, qui tient à la manière dont les anciens ont écrit l’histoire ; ils ont épuisé toutes les couleurs, et si le christianisme n’avait pas fourni un caractère nouveau de réflexions et de pensées, l’histoire demeurerait à jamais fermée aux modernes.
Jeune et brillante sous Hérodote, elle étala aux yeux de la Grèce la peinture de la naissance de la société et des mœurs primitives des hommes. On avait alors l’avantage d’écrire les annales de la fable en écrivant celles de la vérité. On n’était obligé qu’à peindre et non pas à réfléchir ; les vices et les vertus des nations n’en étaient encore qu’à leur âge poétique.
Autre temps, autres mœurs. Thucydide fut privé de ces tableaux du berceau du monde, mais il entra dans un champ encore inculte de l’histoire. Il retraça avec sévérité les maux causés par les dissensions politiques, laissant à la postérité des exemples dont elle ne profite jamais.
Xénophon découvrit à son tour une route nouvelle. Sans s’appesantir et sans rien perdre de l’élégance attique, il jeta des regards pieux sur le cœur humain, et devint le père de l’histoire morale.
Placé sur un plus grand théâtre, et dans le seul pays où l’on connût deux sortes d’éloquence, celle du barreau et celle de Forum, Tite-Live les transporta dans ses récits : il fut l’orateur de l’histoire comme Hérodote en est le poète.
Enfin, la corruption des hommes, les règnes de Tibère et de Néron, firent naître le dernier genre de l’histoire, le genre philosophique. Les causes des événements, qu’Hérodote avait cherchées chez les dieux, Thucydide dans les constitutions politiques, Xénophon dans la morale, Tite-Live dans ces diverses causes réunies, Tacite les vit dans la méchanceté du cœur humain.
Ce n’est pas, au reste, que ces grands historiens brillent exclusivement dans le genre que nous nous sommes permis de leur attribuer, mais il nous a paru que c’est celui qui domine dans leurs écrits. Entre ces caractères primitifs de l’histoire se trouvent des nuances, qui furent saisies par les historiens d’un rang inférieur. Ainsi Polybe se place entre le politique Thucydide et le philosophe Xénophon ; Salluste tient à la fois de Tacite et de Tite-Live ; mais le premier le surpasse par la force de la pensée, et l’autre par la beauté de la narration. Suétone conta l’anecdote sans réflexion et sans voile, Plutarque y joignit la moralité ; Velleius Paterculus apprit à généraliser l’histoire sans la défigurer ; Florus en fit l’abrégé philosophique ; enfin, Diodore de Sicile, Trogue Pompée, Denys d’Halicarnasse, Cornelius-Nepos, Quinte Curce, Aurelius Victor, Ammien Marcellin, Justin, Eutrope et d’autres que nous taisons ou qui nous échappent, conduisirent l’histoire jusqu’aux temps où elle tomba entre les mains des auteurs chrétiens, époque où tout changea dans les mœurs des hommes.
Il n’en est pas des vérités comme des illusions : celles-ci sont inépuisables, et le cercle des premières est borné ; la poésie est toujours nouvelle, parce que l’erreur ne vieillit jamais, et c’est ce qui fait sa grâce aux yeux des hommes. Mais en morale et en histoire on tourne dans le champ étroit de la vérité ; il faut, quoi qu’on fasse, retomber dans des observations connues. Quelle route historique non encore parcourue restait-il donc à prendre aux modernes ? Ils ne pouvaient qu’imiter ; et dans ces imitations plusieurs causes les empêchaient d’atteindre à la hauteur de leurs modèles. Comme poésie, l’origine des Cattes, des Tenctères, des Mattiaques, n’offrait rien de ce brillant Olympe, de ces villes bâties au son de la lyre et de cette enfance enchantée des Hellènes et des Pélasges ; comme politique, le régime féodal interdisait les grandes leçons ; comme éloquence, il n’y avait que celle de la chaire ; comme philosophie, les peuples n’étaient pas encore assez malheureux ni assez corrompus pour qu’elle eût commencé de paraître.
Toutefois on imita avec plus ou moins de bonheur Bentivoglio, en Italie, calqua Tite-Live, et serait éloquent s’il n’était affecté. Davila, Guicciardini et Fra Paolo eurent plus de simplicité, et Mariana, en Espagne, déploya d’assez beaux talents ; malheureusement ce fougueux jésuite déshonora un genre de littérature dont le premier mérite est l’impartialité. Hume, Robertson et Gibbon ont plus ou moins suivi ou Salluste ou Tacite ; mais ce dernier historien a produit deux hommes aussi grands que lui-même, Machiavel et Montesquieu.
Néanmoins Tacite doit être choisi pour modèle avec précaution ; il y a moins d’inconvénients à s’attacher à Tite-Live. L’éloquence du premier lui est trop particulière pour être tentée par quiconque n’a pas son génie. Tacite, Machiavel et Montesquieu ont formé une école dangereuse, en introduisant ces mots ambitieux, ces phrases sèches, ces tours prompts qui, sous une apparence de brièveté, touchent à l’obscur et au mauvais goût.
Laissons donc ce style à ces génies immortels, qui, par diverses causes, se sont créé un genre à part ; genre qu’eux seuls pouvaient soutenir et qu’il est périlleux d’imiter. Rappelons-nous que les écrivains des beaux siècles littéraires ont ignoré cette concision affectée d’idées et de langage. Les pensées des Tite-Live et des Bossuet sont abondantes et enchaînées les unes aux autres ; chaque mot chez eux naît du mot qui l’a précédé et devient le germe du mot qui va le suivre. Ce n’est pas par bonds, par intervalles et en ligne droite que coulent les grands fleuves (si nous pouvons employer cette image) ils amènent longuement de leur source un flot qui grossit sans cesse ; leurs détours sont larges dans les plaines ; ils embrassent de leurs orbes immenses les cités et les forêts, et portent à l’Océan agrandi des eaux capables de combler ces gouffres.
CHATEAUBRIAND, Génie du Christianisme, Troisième Partie, Beaux-arts et Littérature, Livre 3, Histoire, Chapitre III - Seconde cause : Les Anciens ont épuisé tous les genres d’histoire, hors le genre chrétien
Il se présente ici une objection : si le christianisme est favorable au génie de l’histoire, pourquoi donc les écrivains modernes sont-ils généralement inférieurs aux anciens dans cette profonde et importante partie des lettres ?
D’abord le fait supposé par cette objection n’est pas d’une vérité rigoureuse, puisqu’un des plus beaux monuments historiques qui existent chez les hommes, le Discours sur l’Histoire universelle, a été dicté par l’esprit du christianisme. Mais, en écartant un moment cet ouvrage, les causes de notre infériorité en histoire, si cette infériorité existe, méritent d’être recherchées.
Elles nous semblent être de deux espèces : les unes tiennent à l’histoire, les autres à l’historien.
L’histoire ancienne offre un tableau que les temps modernes n’ont point reproduit. Les Grecs ont surtout été remarquables par la grandeur des hommes, les Romains par la grandeur des choses. Rome et Athènes, parties de l’état de nature pour arriver au dernier degré de civilisation, parcourent l’échelle entière des vertus et des vices, de l’ignorance et des arts. On voit croître l’homme et sa pensée : d’abord enfant, ensuite attaqué par les passions dans la jeunesse, fort et sage dans son âge mûr, faible et corrompu dans sa vieillesse. L’état suit l’homme, passant du gouvernement royal ou paternel au gouvernement républicain, et tombant dans le despotisme avec l’âge de la décrépitude.
Bien que les peuples modernes présentent, comme nous le dirons bientôt, quelques époques intéressantes, quelques règnes fameux, quelques portraits brillants, quelques actions éclatantes, cependant il faut convenir qu’ils ne fournissent pas à l’historien cet ensemble de choses, cette hauteur de leçons qui font de l’histoire ancienne un tout complet et une peinture achevée. Ils n’ont point commencé par le premier pas ; ils ne se sont point formés eux-mêmes par degrés : ils ont été transportés du fond des forêts et de l’état sauvage au milieu des cités et de l’état civil ; ce ne sont que de jeunes branches entées sur un vieux tronc. Aussi tout est ténèbres dans leur origine : vous y voyez à la fois de grands vices et de grandes vertus, une grossière ignorance et des coups de lumière, des notions vagues de justice et de gouvernement, un mélange confus de mœurs et de langage : ces peuples n’ont passé ni par cet état où les bonnes mœurs font les lois, ni par cet autre où les bonnes lois font les mœurs.
Quand ces nations viennent à se rasseoir sur les débris du monde antique, un autre phénomène arrête l’historien : tout paraît subitement réglé, tout prend une face uniforme ; des monarchies partout ; à peine de petites républiques, qui se changent elles-mêmes en principautés ou qui sont absorbées par les royaumes voisins. En même temps les arts et les sciences se développent, mais tranquillement, mais dans les ombres. Ils se préparent, pour ainsi dire, des destinées humaines ; ils n’influent plus sur le sort des empires. Relégués chez une classe de citoyens, ils deviennent plutôt un objet de luxe et de curiosité qu’un sens de plus chez les nations.
Ainsi les gouvernements se consolident à la fois. Une balance religieuse et politique tient de niveau les diverses parties de l’Europe. Rien ne s’y détruit plus ; le plus petit État moderne peut se vanter d’une durée égale à celle des empires des Cyrus et des Césars. Le christianisme a été l’ancre qui a fixé tant de nations flottantes ; il a retenu dans le port ces États qui se briseront peut-être s’ils viennent à rompre l’anneau commun où la religion les tient attachés.
Or, en répandant sur les peuples cette uniformité et pour ainsi dire cette monotonie de mœurs que les lois donnaient à l’Égypte et donnent encore aujourd’hui aux Indes et à la Chine, le christianisme a rendu nécessairement les couleurs de l’histoire moins vives. Ces vertus générales, telles que l’humanité, la pudeur, la charité, qu’il a substituées aux douteuses vertus politiques, ces vertus, disons-nous, ont aussi un jeu moins grand sur le théâtre du monde. Comme elles sont véritablement des vertus, elles évitent la lumière et le bruit : il y a chez les peuples modernes un certain silence des affaires qui déconcerte l’historien. Donnons-nous de garde de nous en plaindre ; l’homme moral parmi nous est bien supérieur à l’homme moral des anciens. Notre raison n’est pas pervertie par un culte abominable, nous n’adorons pas des monstres ; l’impudicité ne marche pas le front levé chez les chrétiens ; nous n’avons ni gladiateurs ni esclaves.
Il n’y a pas encore bien longtemps que le sang nous faisait horreur. Ah ! n’envions pas aux Romains leur Tacite, s’il faut l’acheter par leur Tibère !
CHATEAUBRIAND, Génie du Christianisme, Troisième Partie, Beaux-arts et Littérature, Livre 3, Histoire, Chapitre II - Causes générales qui ont empêché les écrivains modernes de réussir dans l’histoire. — Première cause : beautés des sujets antiques
Si le christianisme a fait faire tant de progrès aux idées philosophiques, il doit être nécessairement favorable au génie de l’histoire, puisque celle-ci n’est qu’une branche de la philosophie morale et politique. Quiconque rejette les notions sublimes que la religion nous donne de la nature et de son auteur se prive volontairement d’un moyen fécond d’images et de pensées.
En effet, celui-là connaîtra mieux les hommes, qui aura longtemps médité les desseins de la Providence ; celui-là pourra démasquer la sagesse humaine, qui aura pénétré les ruses de la sagesse divine. Les desseins des rois, les abominations des cités, les voies iniques et détournées de la politique, le remuement des cœurs par le fil secret des passions, ces inquiétudes qui saisissent parfois les peuples, ces transmutations de puissance du roi au sujet, du noble au plébéien, du riche au pauvre : tous ces ressorts resteront inexplicables pour vous, si vous n’avez, pour ainsi dire, assisté au conseil du Très Haut, avec ces divers esprits de force, de prudence, de faiblesse et d’erreur, qu’il envoie aux nations qu’il veut ou sauver ou perdre.
Mettons donc l’éternité au fond de l’histoire des temps ; rapportons tout à Dieu, comme à la cause universelle. Qu’on vante tant qu’on voudra celui qui, démêlant les secrets de nos cœurs, fait sortir les plus grands événements des sources les plus misérables : Dieu attentif aux royaumes des hommes ; l’impiété, c’est-à-dire l’absence des vertus morales, devenant la raison immédiate des malheurs des peuples : voilà, ce nous semble, une base historique bien plus noble et aussi bien plus certaine que la première.
Et pour en montrer un exemple dans notre révolution, qu’on nous dise si ce furent des causes ordinaires qui, dans le cours de quelques années, dénaturèrent nos affections et affectèrent parmi nous la simplicité et la grandeur particulières au cœur de l’homme. L’esprit de Dieu s’étant retiré du milieu du peuple, il ne resta de force que dans la tache originelle, qui reprit son empire, comme au jour de Caïn et de sa race. Quiconque voulait être raisonnable sentait en lui je ne sais quelle impuissance du bien ; quiconque étendait une main pacifique voyait cette main subitement séchée : le drapeau rouge flotte aux remparts des cités ; la guerre est déclarée aux nations : alors s’accomplissent les paroles du prophète : Les os des rois de Juda, les os des prêtres, les os des habitants de Jérusalem seront jetés hors de leur sépulcre. Coupable envers les souvenirs, on foule aux pieds les institutions antiques ; coupable envers les espérances, on ne fonde rien pour la postérité : les tombeaux et les enfants sont également profanés. Dans cette ligne de vie qui nous fut transmise par nos ancêtres et que nous devons prolonger au delà de nous, on ne saisit que le point présent ; et chacun, se consacrant à sa propre corruption, comme un sacerdoce abominable, vit tel que si rien ne l’eût précédé et que rien ne le dût suivre.
Tandis que cet esprit de perte dévore intérieurement la France, un esprit de salut la défend au dehors. Elle n’a de prudence et de grandeur que sur sa frontière ; au dedans tout est abattu, à l’extérieur tout triomphe. La patrie n’est plus dans ses foyers, elle est dans un camp sur le Rhin, comme au temps de la race de Mérovée ; on croit voir le peuple juif chassé de la terre de Gessen et domptant les nations barbares dans le désert.
Une telle combinaison de choses n’a point de principe naturel dans les événements humains. L’écrivain religieux peut seul découvrir ici un profond conseil du Très Haut : si les puissances coalisées n’avaient voulu que faire cesser les violences de la révolution et laisser ensuite la France réparer ses maux et ses erreurs, peut-être eussent-elles réussi. Mais Dieu vit l’iniquité des cours, et il dit au soldat étranger : Je briserai le glaive dans ta main, et tu ne détruiras point le peuple de saint Louis.
Ainsi la religion semble conduire à l’explication des faits les plus incompréhensibles de l’histoire. De plus, il y a dans le nom de Dieu quelque chose de superbe, qui sert à donner au style une certaine emphase merveilleuse, en sorte que l’écrivain le plus religieux est presque toujours le plus éloquent. Sans religion on peut avoir de l’esprit, mais il est difficile d’avoir du génie. Ajoutez qu’on sent dans l’historien de foi un ton, nous dirions presque un goût d’honnête homme, qui fait qu’on est disposé à croire ce qu’il raconte. On se défie au contraire de l’historien sophiste ; car, représentant presque toujours la société sous un jour odieux, on est incliné à le regarder lui-même comme un méchant et un trompeur.
CHATEAUBRIAND, Génie du Christianisme, Troisième Partie, Beaux-arts et Littérature, Livre 3, Histoire, Chapitre I - Du Christianisme dans la manière d’écrire l’histoire