"Je vous donne un commandement nouveau : c'est de vous aimer les uns les autres.
Comme je vous ai aimés, vous aussi aimez-vous les uns les autres.
Ce qui montrera à tous les hommes que vous êtes mes disciples, c'est l'amour que vous aurez les uns pour les autres."
Evangile de Jésus-Christ selon saint Jean
" Le Défenseur, l'Esprit Saint que le Père enverra en mon nom, lui, vous enseignera tout, et il vous fera souvenir de tout ce que je vous ai dit."
Évangile de Jésus Christ selon saint Jean
Saint Père François
1er mai 2011 Béatification de Jean-Paul II
Béatification du Serviteur de Dieu Jean-Paul II
Béatification du Père Popieluszko
à Varsovie, 6 juin 2010, Dimanche du Corps et du Sang du Christ
Varsovie 2010
Basilique du
Sacré-Cœur de Montmartre
Sanctuaire de l'Adoration Eucharistique et de la Miséricorde
Divine
La miséricorde de Dieu
est comme un torrent débordé. Elle entraîne les cœurs sur son passage.
(Saint Curé d'Ars)
Le côté du Christ a été transpercé et tout le mystère de Dieu sort de là. C’est tout le mystère de Dieu qui aime, qui se livre jusqu’au bout, qui se donne jusqu’au bout. C’est le don le plus
absolu qui soit. Le don du mystère trinitaire est le cœur ouvert. Ce n’est pas une image, c’est une réalité. C’est la réalité la plus profonde qui soit, la réalité de
l’amour.
Père Marie-Joseph Le
Guillou
Dans le cœur transpercé
de Jésus sont unis
le Royaume du Ciel
et la terre d'ici-bas
la source de la vie
pour nous se trouve là.
Ce cœur est cœur divin
Cœur de la Trinité
centre de convergence
de tous les cœur humains
il nous donne la vie
de la Divinité.
Sainte Thérèse Bénédicte de la Croix
(Edith Stein)
Le Sacré-Cœur représente toutes les puissances d'aimer, divines et humaines, qui sont en
Notre-Seigneur.
Père Marie-Eugène de l'Enfant
Jésus
feuille d'annonces de la Basilique du Sacré-Coeur de
Montmartre
Notre Dame de Grâce
Cathédrale Notre Dame de Paris
Ordinations du
samedi 27 juin 2009 à Notre Dame de Paris
la vidéo sur
KTO
Magnificat
Solennité de l’Immaculée Conception de la Vierge Marie à Notre-Dame de
Paris
NOTRE DAME DES VICTOIRES
Notre-Dame des
Victoires
... ma vocation, enfin je l’ai trouvée, ma vocation, c’est l’Amour !
SAINT PIERRE ET SAINT ANDRÉ
BENOÎT XVI à CHYPRE
Salutation avec l'Archevêque Chrysostomos à l'église d' Agia Kyriaki Chrysopolitissa de Paphos, le vendredi 4 juin 2010
Benoît XVI en Terre Sainte
Visite au chef de l'Etat, M. Shimon Peres
Visite au mémorial de la Shoah, Yad Vashem
Yahad-In Unum
Vicariat hébréhophone en Israël
Mgr Fouad Twal
Vierge de Vladimir
Nous quittâmes le couvent à trois heures de l’après-midi.
Nous remontâmes le torrent de Cédron ; ensuite, traversant la ravine, nous reprîmes notre route au levant. Nous découvrîmes
Jérusalem par une ouverture des montagnes. Je ne savais trop ce que j’apercevais ; je croyais voir un amas de rochers brisés : l’apparition subite de cette cité des désolations au milieu d’une
solitude désolée avait quelque chose d’effrayant ; c’était véritablement la reine du désert.
Nous avancions : l’aspect des montagnes était toujours le même, c’est-à-dire blanc poudreux, sans ombre, sans arbre, sans herbe et
sans mousse. A quatre heures et demie, nous descendîmes de la haute chaîne de ces montagnes sur une chaîne moins élevée. Nous cheminâmes pendant cinquante minutes sur un plateau assez égal. Nous
parvînmes enfin au dernier rang des monts qui bordent à l’occident la vallée du Jourdain et les eaux de la mer Morte. Le soleil était près de se coucher nous mîmes pied à terre pour laisser
reposer les chevaux, et je contemplai à loisir le lac, la vallée et le fleuve.
Quand on parle d’une vallée, on se représente une vallée cultivée, ou inculte : cultivée, elle est couverte de moissons, de vignes,
de villages, de troupeaux ; inculte, elle offre des herbages ou des forêts ; si elle est arrosée par un fleuve, ce fleuve a des replis ; les collines qui forment cette vallée ont elles-mêmes des
sinuosités dont les perspectives attirent agréablement les regards.
Ici, rien de tout cela qu’on se figure deux longues chaînes de montagnes, courant parallèlement du septentrion au midi, sans
détours, sans sinuosités. La chaîne du levant, appelée Montagne d’Arabie, est la plus élevée ; vue à la distance de huit à dix lieues, on dirait un grand mur perpendiculaire, tout à fait
semblable au Jura par sa forme et par sa couleur azurée : on ne distingue pas un sommet, pas la moindre cime ; seulement on aperçoit çà et là de légères inflexions, comme si la main du peintre
qui a tracé cette ligne horizontale sur le ciel eût tremblé dans quelques endroits.
La chaîne du couchant appartient aux montagnes de Judée. Moins élevée et plus inégale que la chaîne de l’est, elle en diffère encore
par sa nature : elle présente de grands monceaux de craie et de sable qui imitent la forme de faisceaux d’armes, de drapeaux ployés, ou de tentes d’un camp assis au bord d’une plaine. Du côté de
l’Arabie, ce sont au contraire de noirs rochers à pic, qui répandent au loin leur ombre sur les eaux de la mer Morte. Le plus petit oiseau du ciel ne trouverait pas dans ces rochers un brin
d’herbe pour se nourrir ; tout y annonce la patrie d’un peuple réprouvé ; tout semble y respirer l’horreur et l’inceste d’où sortirent Ammon et Moab.
La vallée comprise entre ces deux chaînes de montagnes offre un sol semblable au fond d’une mer depuis longtemps retirée ; des
plages de sel, une vase desséchée, des sables mouvants et comme sillonnés par les flots. Çà et là des arbustes chétifs croissent péniblement sur cette terre privée de vie ; leurs feuilles sont
couvertes du sel qui les a nourris, et leur écorce a le goût et l’odeur de la fumée. Au lieu de villages, on aperçoit les ruines de quelques tours. Au milieu de la vallée passe un fleuve décoloré
; il se traîne à regret vers le lac empesté qui l’engloutit. On ne distingue son cours au milieu de l’arène que par les saules et les roseaux qui le bordent : l’Arabe se cache dans ces roseaux
pour attaquer le voyageur et dépouiller le pèlerin.
Tels sont ces lieux fameux par les bénédictions et par les malédictions du ciel. : ce fleuve est le Jourdain ; ce lac est la mer
Morte ; elle paraît brillante, mais les villes coupables qu’elle cache dans son sein semblent avoir empoisonné ses flots. Ses abîmes solitaires ne peuvent nourrir aucun être vivant ; jamais
vaisseau n’a pressé ses ondes ; ses grèves sont sans oiseaux, sans arbres, sans verdure ; et son eau, d’une amertume affreuse, est si pesante, que les vents les plus impétueux peuvent à peine la
soulever.
Quand on voyage dans la Judée, d’abord un grand ennui saisit le cœur ; mais lorsque, passant de solitude en solitude, l’espace
s’étend sans bornes devant vous, peu à peu l’ennui se dissipe, on éprouve une terreur secrète, qui loin d’abaisser l’âme donne du courage et élève le génie. Des aspects extraordinaires décèlent
de toutes parts une terre travaillée par des miracles : le soleil brûlant, l’aigle impétueux, le figuier stérile, toute la poésie, tous les tableaux de l’Ecriture sont là : chaque nom renferme un
mystère, chaque grotte déclare l’avenir, chaque sommet retentit des accents d’un prophète. Dieu même a parlé sur ces bords : les torrents desséchés, les rochers fendus, les tombeaux entrouverts
attestent le prodige ; le désert paraît encore muet de terreur, et l’on dirait qu’il n’a osé rompre le silence depuis qu’il a entendu la voix de l’Eternel.
Nous descendîmes de la croupe de la montagne afin d’aller passer la nuit au bord de la mer Morte, pour remonter ensuite au
Jourdain.
Chateaubriand, Itinéraire de Paris à Jérusalem, Troisième partie : Voyage de Rhodes, de Jaffa, de Bethléem et de la mer Morte
Around the Dead Sea. The Dead Sea, approximately 1920 to 1933
" La vallée comprise entre ces deux chaînes de montagnes offre un sol semblable au fond d’une mer depuis longtemps retirée ; des plages de sel, une vase desséchée, des sables mouvants et comme sillonnés par les flots. Çà et là des arbustes chétifs croissent péniblement sur cette terre privée de vie."
L’escorte arabe étant arrivée, je me préparai à partir pour la mer Morte.
En déjeunant avec les religieux qui formaient un cercle autour de moi, ils m’apprirent qu’il y avait au couvent un Père Français de nation. On l’envoya chercher : il vint les yeux baissés, les deux mains dans ses manches, marchant d’un air sérieux ; il me donna un salut froid et court. Je n’ai jamais entendu chez l’étranger le son d’une voix française sans être ému :
Après un si long temps
Oh ! que cette parole à mon oreille est chère !
Je fis quelques questions à ce religieux. Il me dit qu’il s’appelait le Père Clément ; qu’il était des environs de Mayenne ; que, se
trouvant dans un monastère en Bretagne, il avait été déporté en Espagne avec une centaine de prêtres comme lui ; qu’ayant reçu l’hospitalité dans un couvent de son ordre, ses supérieurs l’avaient
ensuite envoyé missionnaire en Terre Sainte. Je lui demandai s’il n’avait point envie de revoir sa patrie, et s’il voulait écrire à sa famille. Voici sa réponse mot pour mot : "Qui est-ce qui se
souvient encore de moi en France ? Sais-je si j’ai encore des frères et des sœurs ? J’espère obtenir par le mérite de la crèche du Sauveur la force de mourir ici sans importuner personne et sans
songer à un pays où je suis oublié."
Le Père Clément fut obligé de se retirer : ma présence avait réveillé dans son cœur des sentiments qu’il cherchait à éteindre.
Telles sont les destinées humaines : un Français gémit aujourd’hui sur la perte de son pays aux mêmes bords dont les souvenirs inspirèrent autrefois le plus beau des cantiques sur l’amour de la
patrie :
Super flumina Babylonis, etc.
Mais ces fils d’Aaron qui suspendirent leurs harpes aux saules de Babylone ne rentrèrent pas tous dans la cité de David ; ces filles
de Judée qui s’écriaient sur le bord de l’Euphrate :
O rives du Jourdain ! ô champs aimés des cieux ! etc.,
ces compagnes d’Esther ne revirent pas toutes Emmaüs et Bethel : plusieurs laissèrent leurs dépouilles aux champs de la
captivité.
A dix heures du matin nous montâmes à cheval, et nous sortîmes de Bethléem. Six Arabes bethléémites à pied, armés de poignards et de
longs fusils à mèche, formaient notre escorte. Ils marchaient trois en avant et trois en arrière de nos chevaux. Nous avions ajouté à notre cavalerie un âne qui portait l’eau et les provisions.
Nous prîmes la route du monastère de Saint-Saba, d’où nous devions ensuite descendre à la mer Morte et revenir par le Jourdain.
Nous suivîmes d’abord le vallon de Bethléem, qui s’étend au levant, comme je l’ai dit. Nous passâmes une croupe de montagnes où l’on
voit sur la droite une vigne nouvellement plantée, chose assez rare dans le pays pour que je l’aie remarquée. Nous arrivâmes à une grotte appelée la grotte des Pasteurs. Les Arabes l’appellent
encore Dta-el-Natour, le village des Bergers. On prétend qu’Abraham faisait paître ses troupeaux dans ce lieu, et que les bergers de Judée furent avertis dans ce même lieu de la naissance du
Sauveur.
Or, il y avait aux environs des bergers qui passaient la nuit dans les champs, veillant tour à tour à la garde de leurs
troupeaux.
Et tout d’un coup un ange du Seigneur se présenta à eux, et une lumière divine les environna, ce qui les remplit d’une extrême crainte.
Alors l’ange leur dit : Ne craignez point, car je viens vous apporter une nouvelle qui sera pour tout le peuple le sujet d’une grande joie.
C’est qu’aujourd’hui, dans la ville de David, il vous est né un Sauveur, qui est le Christ, le Seigneur.
Et voici la marque à laquelle vous le reconnaîtrez : Vous trouverez un enfant emmailloté, couché dans une crèche.
Au même instant il se joignit à l’ange une grande troupe de l’armée céleste, louant Dieu et disant :
Gloire à Dieu au plus haut des cieux, et paix sur la terre aux hommes de bonne volonté, chéris de Dieu.
La piété des fidèles a transformé cette grotte en une chapelle. Elle devait être autrefois très ornée : j’y ai remarqué trois
chapiteaux d’ordre corinthien, et deux autres d’ordre ionique. La découverte de ces derniers était une véritable merveille, car on ne trouve plus guère après le siècle d’Hélène que l’éternel
corinthien.
En sortant de cette grotte, et marchant toujours à l’orient, une pointe de compas au midi, nous quittâmes les montagnes rouges pour
entrer dans une chaîne de montagnes blanchâtres. Nos chevaux enfonçaient dans une terre molle et crayeuse, formée des débris d’une roche calcaire. Cette terre était si horriblement dépouillée
qu’elle n’avait pas même une écorce de mousse. On voyait seulement croître çà et là quelques touffes de plantes épineuses aussi pâles que le sol qui les produit, et qui semblent couvertes de
poussière comme les arbres de nos grands chemins pendant l’été.
En tournant une des croupes de ces montagnes nous aperçûmes deux camps de Bedouins : l’un formé de sept tentes de peaux de brebis
noires disposé en carré long, ouvert à l’extrémité orientale ; l’autre composé d’une douzaine de tentes plantées en cercle. Quelques chameaux et des cavales erraient dans les environs.
Il était trop tard pour reculer : il fallut faire bonne contenance et traverser le second camp. Tout se passa bien d’abord. Les
Arabes touchèrent la main des Bethléémites et la barbe d’Ali-Aga. Mais à peine avions-nous franchi les dernières tentes, qu’un Bedouin arrêta l’âne qui portait nos vivres. Les Bethléémites
voulurent le repousser ; l’Arabe appela ses frères à son secours. Ceux-ci sautent à cheval : on s’arme, on nous enveloppe. Ali parvint à calmer tout ce bruit pour quelque argent. Ces Bedouins
exigèrent un droit de passage : ils prennent apparemment le désert pour un grand chemin ; chacun est maître chez soi. Ceci n’était que le prélude d’une scène plus violente.
Une lieue plus loin, en descendant le revers d’une montagne, nous découvrîmes la cime de deux hautes tours qui s’élevaient dans une
vallée profonde. C’était le couvent de Saint-Saba. Comme nous approchions, une nouvelle troupe d’Arabes, cachée au fond d’un ravin, se jeta sur notre escorte en poussant des hurlements. Dans un
instant nous vîmes voler les pierres, briller les poignards, ajuster les fusils. Ali se précipita dans la mêlée ; nous courons pour lui prêter secours : il saisit le chef des Bedouins par la
barbe, l’entraîne sous le ventre de son cheval, et le menace de l’écraser s’il ne fait finir cette querelle. Pendant le tumulte un religieux grec criait de son côté et gesticulait du haut d’une
tour ; il cherchait inutilement à mettre la paix. Nous étions tous arrivés à la porte de Saint-Saba. Les frères, en dedans, tournoient la clef, mais avec lenteur, car ils craignaient que dans ce
désordre on ne pillât le monastère. Le janissaire, fatigué de ces délais, entrait en fureur contre les religieux et contre les Arabes. Enfin, il tira son sabre, et allait abattre la tête du chef
des Bedouins, qu’il tenait toujours par la barbe avec une force surprenante, lorsque le couvent s’ouvrit. Nous nous précipitâmes tous pêle-mêle dans une cour, et la porte se referma sur nous.
L’affaire devint alors plus sérieuse : nous n’étions point dans l’intérieur du couvent ; il y avait une autre cour à passer, et la porte de cette cour n’était point ouverte. Nous étions renfermés
dans un espace étroit, où nous nous blessions avec nos armes, et où nos chevaux, animés par le bruit, étaient devenus furieux. Ali prétendit avoir détourné un coup de poignard qu’un Arabe me
portait par derrière, et il montrait sa main ensanglantée : mais Ali, très brave homme d’ailleurs, aimait l’argent, comme tous les Turcs. La dernière porte du monastère s’ouvrit ; le chef des
religieux parut, dit quelques mots, et le bruit cessa. Nous apprîmes alors le sujet de la contestation.
Les derniers Arabes qui nous avaient attaqués appartenaient à une tribu qui prétendait avoir seule le droit de conduire les
étrangers à Saint-Saba. Les Bethléémites, qui désiraient avoir le prix de l’escorte, et qui ont une réputation de courage à soutenir, n’avaient pas voulu céder. Le supérieur du monastère avait
promis que je satisferais les Bedouins, et l’affaire s’était arrangée. Je ne leur voulais rien donner, pour les punir. Ali-Aga me représenta que si je tenais à cette résolution, nous ne pourrions
jamais arriver au Jourdain. que ces Arabes iraient appeler les autres tribus ; que nous serions infailliblement massacrés ; que c’était la raison pour laquelle il n’avait pas voulu tuer le chef,
car, une fois le sang versé, nous n’aurions eu d’autre parti à prendre que de retourner promptement à Jérusalem.
Je doute que les couvents de Scété soient placés dans des lieux plus tristes et plus désolés que le couvent de Saint-Saba. Il est
bâti dans la ravine même du torrent de Cédron, qui peut avoir trois ou quatre cents pieds de profondeur dans cet endroit. Ce torrent est à sec, et ne roule qu’au printemps une eau fangeuse et
rougie. L’église occupe une petite éminence dans le fond du lit. De là les bâtiments du monastère s’élèvent par des escaliers perpendiculaires et des passages creusés dans le roc, sur le flanc de
la ravine, et parviennent ainsi jusqu’à la croupe de la montagne, où ils se terminent par deux tours carrées. L’une de ces tours est hors du couvent ; elle servait autrefois de poste avancé pour
surveiller les Arabes. Du haut de ces tours on découvre les sommets stériles des montagnes de Judée ; au-dessous de soi l’œil plonge dans le ravin desséché du torrent de Cédron, où l’on voit des
grottes qu’habitèrent jadis les premiers anachorètes. Des colombes bleues nichent aujourd’hui dans ces grottes, comme pour rappeler, par leurs gémissements, leur innocence et leur douceur, les
saints qui peuplaient autrefois ces rochers. Je ne dois point oublier un palmier qui croit dans un mur sur une des terrasses du couvent ; je suis persuadé que tous les voyageurs le remarqueront
comme moi : il faut être environné d’une stérilité aussi affreuse pour sentir le prix d’une touffe de verdure.
Quant à la partie historique du couvent de Saint-Saba, le lecteur peut avoir recours à la lettre du père Néret et à la Vie des Pères
du Désert. On montre aujourd’hui dans ce monastère trois ou quatre mille têtes de morts, qui sont celles des religieux massacrés par les infidèles. Les moines me laissèrent un quart d’heure tout
seul avec ces reliques : ils semblaient avoir deviné que mon dessein était de peindre un jour la situation de l’âme des solitaires de la Thébaïde. Mais je ne me rappelle pas encore sans un
sentiment pénible qu’un caloyer voulut me parler de politique et me raconter les secrets de la cour de Russie. "Hélas ! mon père, lui dis-je, où chercherez-vous la paix, si vous ne la trouvez pas
ici ?"
Nous quittâmes le couvent à trois heures de l’après-midi.
Chateaubriand, Itinéraire de Paris à Jérusalem, Troisième partie : Voyage de Rhodes, de Jaffa, de Bethléem et de la mer Morte
Mar Saba belfry. Early morning silhouette, between 1934 and 1939
" En descendant le revers d’une montagne, nous découvrîmes la cime de deux hautes tours qui s’élevaient dans une vallée profonde. C’était le couvent de Saint-Saba."
Mar Saba. Doorway with monk looking in, between 1934 and 1939
" Nous étions tous arrivés à la porte de Saint-Saba. Les frères, en dedans, tournoient la clef, mais avec lenteur, car ils craignaient que dans ce désordre on ne pillât le monastère. Le janissaire, fatigué de ces délais, entrait en fureur contre les religieux et contre les Arabes. Enfin, il tira son sabre, et allait abattre la tête du chef des Bedouins, qu’il tenait toujours par la barbe avec une force surprenante, lorsque le couvent s’ouvrit."
Mar Saba, showing Dad Sea in distance, 1931 Oct.
" Je doute que les couvents de Scété soient placés dans des lieux plus tristes et plus désolés que le couvent de Saint-Saba. Il est bâti dans la ravine même du torrent de Cédron, qui peut avoir trois ou quatre cents pieds de profondeur dans cet endroit. Ce torrent est à sec, et ne roule qu’au printemps une eau fangeuse et rougie."
Fête de Sainte Brigitte, Religieuse.
Mariée toute jeune en Suède au prince Ulf, elle en eut huit enfants qu’elle éduqua dans la plus grande piété, et elle entraîna son
époux à la piété par ses paroles et ses exemples. Après la mort d’Ulf, elle entreprit de nombreux pèlerinages à divers lieux saints, elle écrivit beaucoup pour la réforme de l’Église dans sa tête
et ses membres et jeta à Rome, où elle mourut en 1373, les fondations de l’Ordre du Très Saint Sauveur.
Martyrologe romain
Le voyage fut d'abord très heureux ; grâce à un vent favorable, le navire approchait rapidement de Joppé, le port ordinaire de débarquement. Mais, tout à coup, il s'éleva une violente tempête ; la mer devint furieuse, et le bâtiment, devenu le jouet des vagues, semblait prêt à s'engloutir. Les passagers et les matelots eux-mêmes tremblaient ; Brigitte seule resta calme, et le courroux des flots ne put la distraire de ses prières et de son recueillement. Le danger devint extrême à l'entrée du port ; une secousse terrible ébranla subitement le navire ; il venait de toucher et de s'entr'ouvrir; on jeta les marchandises à la mer et tout le monde s'attendait à périr. Brigitte reconnut l'imminence du péril ; mais, s'abandonnant à la volonté divine, et disposée à mourir selon le bon plaisir de Dieu, elle garda sa tranquillité d'âme dans cette situation critique. Elle fut en cet instant admirablement consolée par une voix intérieure ; elle reçut l'assurance qu'aucun des passagers né périrait. Elle en fit part à Catherine, et la délivra ainsi de l'effroi qui la poussait à se serrer contre sa mère.
Le vaisseau put enfin jeter l'ancre à Joppé, et deux jours après les pèlerins mirent pied à terre. Ils s'acheminèrent vers Jérusalem par le chemin que suivent habituellement les caravanes et qui passe à Yazour, Lydda, Ramleh et Roubab, Latron et Kouryet et Enab ; ils y parvinrent en deux jours. Brigitte, redevenue la femme forte dont parle la Sainte-Écriture, s'occupait charitablement de tous, et s'oubliait elle-même. Appuyée sur son bâton, elle marchait courageusement, en méditant les mystères dont cette terre privilégiée avait été témoin. Ramleh était autrefois Arimathie, où demeurait Joseph qui fut en secret disciple de Jésus-Christ et qui demanda à Pilate le corps du Sauveur pour l'ensevelir honorablement. On appelait alors le château de Latron castellum boni latronis, parce qu'on le considérait comme l'ancienne résidence du larron pardonné.
A l'approche de Jérusalem. Brigitte se demanda si elle prendrait gîte au couvent des Mineurs, bâti en 1333 sur la montagne dé Sion, ou à l'hospice des pèlerins. Elle aurait bien aimé résider sur la Montagne sainte, dans le voisinage des fils de son Père séraphique saint François, qui l'auraient certainement reçue avec empressement ; mais, d'autre part, elle ne renonçait pas volontiers à son habitude de vivre au milieu des pauvres de Jésus-Christ. La Mère de Dieu dissipa ses hésitations en l'engageant à faire choix du logis des pèlerins, pour ne pas scandaliser les gens pieux, et ne pas donner aux méchants l'occasion de faire des jugements téméraires (Révélations VII, 17.).
Nos pèlerins arrivèrent devant Jérusalem la veille de la fête de l'Ascension de Notre-Seigneur. Du côté où ils l'abordaient, ils aperçurent la ville de Dieu à une distance de dix minutes et la saluèrent avec une joie et une piété profondes.
La pensée qui absorbe surtout les cœurs chrétiens à Jérusalem, c'est celle de la Passion du divin Sauveur. Le souvenir du mystère d'amour qui s'accomplit au cénacle, le bruit du tonnerre qui ébranla, ses murs au jour de la Pentecôte, lorsque le Saint-Esprit descendit sous forme de langues de feu sur les Apôtres en prière, la pensée de la glorieuse Ascension du Rédempteur sur le mont des Oliviers, tout disparaît devant le souvenir unique des souffrances amères et de la mort ignominieuse de Notre-Seigneur sur la croix. Combien la vue des principaux lieux de la Palestine dut augmenter dans l'âme de Brigitte son amour pour le Sauveur souffrant ! Cet amour, qu'enfant elle avait ressenti soixante ans auparavant, en considérant, du fond de la Scandinavie, les douleurs et les plaies du Rédempteur, devait à présent atteindre à son apogée.
La nuit était tombée lorsque les pèlerins entrèrent dans Jérusalem ; ils baisèrent avec respect la terre que foulaient leurs pieds, puis ils cherchèrent un gîte dans l'hôtellerie publique des pèlerins, qu'ils devaient occuper durant quatre mois.
Le lendemain matin, fête de l'Ascension, dans la seconde moitié du mois de mai 1372, Brigitte visita, pour la première fois, la Voie douloureuse et s'agenouilla aux stations où, depuis Constantin et sainte Hélène, des millions de pèlerins ont retrempé l'ardeur de leur piété dans les larmes du repentir et de l'amour. Le jour était déjà fort avancé lorsqu'elle arriva à l'église du Saint-Sépulcre, dont la splendide enceinte renferme les dernières stations. Elle traversa le vestibule et pénétra dans la nef vers le saint Tombeau, qui se trouve dans une petite chapelle. Elle y pria avec une dévotion inexprimable, et, quoique pauvre elle-même, pour l'amour de Jésus-Christ, elle déposa une petite offrande pour l'entretien des lampes qui brûlent sans cesse dans ce lieu béni. Ce fut là qu'elle connut,dans le ravissement d'une extase, le sort éternel de son fils, dont elle vit l'âme entrer au ciel, en compagnie de celles de quelques-uns de ses parents. Dans l'excès de sa joie, elle s'écria : "Ô vertu éternelle et incompréhensible, ô Jésus-Christ, mon Dieu et mon Seigneur, vous versez dans les coeurs les bonnes pensées ; vous accordez le don de la prière et des larmes. Que toutes les créatures vous louent, vous adorent et vous soient reconnaissantes. Ô Dieu très doux, je vous aime plus que je ne puis dire, je vous aime plus que ma vie et mon âme !" (Révélations VII, 13).
Tandis que Brigitte, toute au bonheur de savoir son fils bien-aimé hors des flammes du Purgatoire, rendait à Dieu d'ardentes actions de grâces, le Seigneur lui apparut au lieu de son crucifiement et lui adressa ces consolantes paroles : "A ton entrée dans ce temple, que mon sang a consacré, tu as été purifiée de tous tes, péchés, comme si tu venais de sortir des eaux du baptême. Par l'efficacité de tes prières et par le mérite de tes fatigues, tu as procuré en ce jour la gloire du paradis aux âmes de tes parents, que retenait encore le lieu d'expiation. Car tous ceux qui viennent en ce lieu avec piété et repentir, reçoivent le pardon de leurs péchés, et la grâce sanctifiante grandit admirablement en eux." Ces paroles comblèrent le coeur de l'épouse du Christ d'une consolation céleste et la dédommagèrent des peines et des labeurs de son long voyage. A partir de ce moment, l'église du Saint-Sépulcre devint pour elle son lieu de prédilection, vers lequel elle se sentait toujours et toujours attirée.
Nos pèlerins visitèrent ensuite les Lieux-Saints de Jérusalem et des environs. Le roi Robert de Sicile et sa pieuse compagne les avaient tous rachetés du sultan d'Égypte, moyennant une somme de quatorze millions, pour les soustraire au vandalisme des Turcs. Ils les avaient ensuite remis au Saint-Siège, qui en confia la garde aux Franciscains par une Bulle de Clément VI, datée d'Avignon, le 21 novembre 1342. Brigitte, qui fut toujours accueillie avec vénération par les bons Religieux, put ainsi satisfaire sa piété. Elle visita Gethsémani, la métairie isolée qui est située sur la pente occidentale du Mont des Oliviers, de l’autre côté du Cédron ; la grotte de l'agonie, dans le jardin des douleurs; elle pria et pleura devant l'autel où on lit l'inscription suivante : Ici sa sueur ruissela à terre en gouttes de sang ; mots dont le sens cache un océan de douleur et d'amour.
Elle alla à Béthanie, qui n'est qu'à une lieue de Jérusalem, sur le versant oriental de la Montagne des Oliviers. Elle aimait à prier à l'endroit où le Sauveur demeura souvent, et elle baisait le sol de l'église élevée sur l'emplacement de la maison de Simon, cette maison où l'amour repentant de Magdeleine lui mérita la rémission de ses péchés (au dire de Rodolphe de Sachem, Béthanie possédait encore trois églises au quatorzième siècle, une sur le tombeau de Lazare, la seconde sur l'emplacement de la maison de Marthe et de Marie et la troisième sur celui de la maison de Simon).
Elle traversa le Jourdain avec ses compagnons, et parcourut le lac de Génésareth que Capharnaüm, Tiberias, Bethsaïda, Tarichée, Chorazain et d'autres lieux entouraient comme une gracieuse couronne, au temps du divin Sauveur. Plongée dans une profonde méditation, elle suivit les bords du lac, à travers l'admirable campagne de Génésareth, l'une des plus remarquables de la Palestine par ses palmiers, ses citronniers, ses orangers, ses champs de riz et ses touffes de lauriers-roses que l'on aperçoit de tous côtés, au sommet des collines comme au fond des vallées.
Les alentours du lac sont peuplés des souvenirs du Christ, qui aimait tant à les parcourir et où il daigna se manifester comme Celui à qui est donné toute puissance au ciel et sur la terre (Mathieu XXVIII, 18.). C'est sur les bords de ce lac qu'il choisit ses premiers disciples, pour en faire dés pêcheurs d'hommes ; c'est là qu'il accomplit tant de miracles, et qu'un jour il commanda aux vents et à la mer en courroux, pour calmer l'effroi de ses, disciples. Ce fut sur ce lac qu'il tendit la main à Pierre, au moment où, en punition de son doute, l'Apôtre enfonçait dans lés eaux. C'est sur ces plages encore, qu'au lendemain de sa résurrection, le Sauveur se montra à ses disciples, avec ses plaies rayonnantes, et qu'il mangea avec eux ; ce fut là qu'il confia à Pierre la charge de Pasteur suprême de tous les fidèles, et qu'il fonda le règne de la sainte Église, en disant à Pierre, qui par trois fois venait d'attester son amour : Pais mes agneaux, pais mes brebis.
Ces adorables souvenirs se présentèrent tour à tour à l'âme de Brigitte et la remplirent d'un tendre et profond amour pour Jésus et pour l'Église ; pour cette Église, qui est une, sainte, catholique, qui est la Mère des chrétiens, l'Épouse du Christ, Fils unique de Dieu ; pour cette Église dont le Chef est Pierre, le premier et le plus grand des Apôtres, le héraut le plus éminent, le maître des disciples et le gardien des clefs du royaume du ciel. De tous les endroits de la Palestine que, pendant sa vie mortelle, le divin Sauveur daigna sanctifier par son adorable présence et qui renferment tant et de si admirables mystères, aucun n'attirait Brigitte autant que Jérusalem et l'église du Saint-Sépulcre. C'était dans la chapelle du Calvaire, dont l'autel occupe l'emplacement mêmes de la croix qu'elle allait prier et pleurer de préférence ; là elle s'abandonnait tout à son aise aux ravissements de son amour pour ce Dieu qui l'avait aimée jusqu'à livrer pour elle son Fils unique. Dans les douces allégresses de son cœur, dans les admirables visions qu'elle eut en ce lieu, elle n'oublia pas ceux qui s'étaient recommandés à ses prières. Elle pria pour Grégoire XI, afin qu'il reprît et conduisît à bonne fin l'œuvre de la restauration du Saint-Siège à Rome. Comme la Sainte-Vierge l'avait prévenue qu'elle ne recevrait plus d'elle de révélations pour Grégoire XI (Révélations IV, 140.), Brigitte supplia le divin Sauveur de daigner lui-même faire pénétrer son amour tout-puissant dans le coeur du Pape et le ramener dans cette Ville éternelle, d'où les saintes lois de l'Évangile s'étaient répandues sur le monde entier, dans cette Rome, qui reste la maîtresse de l'univers malgré ses abaissements, car, s'écrie saint Prosper : "Ce que Rome ne possède point par les armes, elle le possède par la foi." Brigitte aimait Rome comme sa seconde patrie ; aussi ne cessa-t-elle, à Jérusalem, de prier pour le bien de la Ville éternelle.
Parmi les grâces sans nombre dont Notre-Seigneur combla sa fidèle servante durant son séjour en Palestine, l'une des plus signalées fut celle qui l'attendait à Bethléem. Dans les premiers jours du mois de juin, Brigitte et ses pieux compagnons sortirent de Jérusalem par la porte de Jaffa et se dirigèrent vers Bethléem, située au sud, à une distance de deux lieues environ, pour y vénérer la grotte de la Nativité. Silencieuse et plongée dans le recueillement, la Sainte suivait la voie où avaient passé autrefois Abraham et Jacob, Salomon et David, les rois Mages, ainsi que saint Joseph et la Très-Sainte Vierge, quarante jours après la naissance. du divin Sauveur.
Les pèlerins passèrent près de la tour de Saint-Siméon, où se trouvait autrefois la demeure de Siméon le Juste, a qui il fut permis de prendre l'Enfant-Jésus dans ses bras. Ils passèrent également auprès du térébinthe sous lequel se reposa la Sainte-Vierge en se rendant à Jérusalem pour la Présentation de l'Enfant-Jésus au Temple, et qui s'inclina comme pour saluer le Sauveur arrêté à son ombre et lui former comme une couronne avec ses branches. A l'exemple des pieux fidèles, nos pèlerins baisèrent le térébinthe, en souvenir de ce fait miraculeux : "Tous les peuples, dit un pèlerin du seizième siècle, baisaient l'arbre, en souvenir de ce prodige."
Le coeur embaumé de tous les gracieux souvenirs dont Bethléem et ses environs sont si riches, ils eurent bientôt atteint la petite ville des bergers, qui n'a acquis une si grande importance dans l'histoire du monde que parce qu'elle a vu naître, au milieu de ses pieux bergers, le Berger unique, dont le troupeau devait couvrir la terre entière.
VIE DE SAINTE BRIGITTE DE SUÈDE
Le Père gardien envoya chercher un Turc appelé Ali-Aga pour me conduire à Bethléem.
Cet Ali-Aga était fils d’un aga de Rama, qui avait eu la tête tranchée sous la tyrannie de Djezzar. Ali était né à Jéricho,
aujourd’hui Rihha, et il se disait gouverneur de ce village. C’était un homme de tête et de courage, dont j’eus beaucoup à me louer. Il commença d’abord par nous faire quitter, à moi et à mes
domestiques, le vêtement arabe, pour reprendre l’habit français : cet habit, naguère si méprisé des Orientaux, inspire aujourd’hui le respect et la crainte. La valeur française est rentrée en
possession de la renommée qu’elle avait autrefois dans ce pays : ce furent des chevaliers de France qui rétablirent le royaume de Jérusalem, comme ce sont des soldats de France qui ont cueilli
les dernières palmes de l’ldumée. Les Turcs vous montrent à la fois et la Tour de Beaudouin et le Camp de l’empereur : on voit au Calvaire l’épée de Godefroy de Bouillon, qui, dans son vieux
fourreau, semble encore garder le Saint-Sépulcre.
On nous amena à cinq heures du soir trois bons chevaux ; Michel, drogman du couvent, se joignit à nous ; Ali se mit à notre tête, et
nous partîmes pour Bethléem, où nous devions coucher et prendre une escorte de six Arabes. J’avais lu que le gardien de Saint-Sauveur est le seul Franc qui ait le privilège de monter à cheval à
Jérusalem, et j’étais un peu surpris de galoper sur une jument arabe ; mais j’ai su depuis que tout voyageur en peut faire autant pour son argent. Nous sortîmes de Jérusalem par la porte de
Damas, puis, tournant à gauche et traversant les ravins au pied du mont Sion, nous gravîmes une montagne sur le plateau de laquelle nous cheminâmes pendant une heure. Nous laissions Jérusalem au
nord derrière nous ; nous avions au couchant les montagnes de Judée, et au levant, par delà la mer Morte, les montagnes d’Arabie. Nous passâmes le couvent de Saint-Elie. On ne manque pas de faire
remarquer, sous un olivier et sur un rocher au bord du chemin, l’endroit où ce prophète se reposait lorsqu’il allait à Jérusalem. A une lieue plus loin, nous entrâmes dans le champ de Rama, où
l’on trouve le tombeau de Rachel. C’est un édifice carré, surmonté d’un petit dôme : il jouit des privilèges d’une mosquée ; les Turcs ainsi que les Arabes honorent les familles des patriarches.
Les traditions des chrétiens s’accordent à placer le sépulcre de Rachel dans ce lieu : la critique historique est favorable à cette opinion ; mais, malgré Thévenot, Monconys, Roger et tant
d’autres, je ne puis reconnaître un monument antique dans ce qu’on appelle aujourd’hui le tombeau de Rachel : c’est évidemment une fabrique turque consacrée à un santon.
Nous aperçûmes dans la montagne (car la nuit était venue) les lumières du village de Rama. Le silence était profond autour de nous.
Ce fut sans doute dans une pareille nuit que l’on entendit tout à coup la voix de Rachel : Vox in Rama audita est, ploratus et ululatus multus ; Rachel plorans filios suos, et noluit
consolari, quia non sunt. Ici la mère d’Astyanax et celle d’Euryale sont vaincues : Homère et Virgile cèdent la palme de la douleur à Jérémie.
Nous arrivâmes par un chemin étroit et scabreux à Bethléem. Nous frappâmes à la porte du couvent ; l’alarme se mit parmi les
religieux, parce que notre visite était inattendue, et que le turban d’Ali inspira d’abord l’épouvante mais tout fut bientôt expliqué.
Bethléem reçut son nom d’Abraham, et Bethléem signifie la Maison de Pain. Elle fut surnommée Ephrata (fructueuse), du nom de la
femme de Caleb, pour la distinguer d’une autre Bethléem de la tribu de Zabulon. Elle appartenait à la tribu de Juda. Elle porta aussi le nom de Cité de David ; elle était la patrie de ce
monarque, et il y garda les troupeaux dans son enfance. Abissan, septième juge d’Israel, Elimelech, Obed, Jessé et Booz naquirent comme David à Bethléem ; et c’est là qu’il faut placer
l’admirable églogue de Ruth. Saint Mathias, apôtre, eut aussi le bonheur de recevoir le jour dans la cité où le Messie vint au monde.
Les premiers fidèles avaient élevé un oratoire sur la crèche du Sauveur. Adrien le fit renverser pour y placer une statue d’Adonis.
Sainte Hélène détruisit l’idole, et bâtit au même lieu une église dont l’architecture se mêle aujourd’hui aux différentes parties ajoutées par les princes chrétiens. Tout le monde sait que saint
Jérôme se retira à Bethléem. Bethléem, conquise par les croisés, retomba avec Jérusalem sous le joug infidèle ; mais elle a toujours été l’objet de la vénération des pèlerins. De saints
religieux, se dévouant à un martyre perpétuel, l’ont gardée pendant sept siècles. Quant à la Bethléem moderne, à son sol, à ses productions, à ses habitants, on peut consulter M. de Volney. Je
n’ai pourtant point remarqué dans la vallée de Bethléem la fécondité qu’on lui attribue : il est vrai que sous le gouvernement turc le terrain le plus fertile devient désert en peu
d’années.
Le 5 octobre, à quatre heures du matin, je commençai la revue des monuments de Bethléem.
Quoique ces monuments aient été souvent décrits, le sujet par lui-même est si intéressant, que je ne puis me dispenser d’entrer dans
quelques détails.
Le couvent de Bethléem tient à l’église par une cour fermée de hautes murailles. Nous traversâmes cette cour, et une petite porte
latérale nous donna passage dans l’église. Cette église est certainement d’une haute antiquité, et, quoique souvent détruite et souvent réparée, elle conserve les marques de son origine grecque.
Sa forme est celle d’une croix. La longue nef, ou, si l’on veut, le pied de la croix est orné de quarante-huit colonnes d’ordre corinthien, placées sur quatre lignes. Ces colonnes ont deux pieds
six pouces de diamètre près la base, et dix-huit pieds de hauteur, y compris la base et le chapiteau. Comme la voûte de cette nef manque, les colonnes ne portent rien qu’une frise de bois qui
remplace l’architrave et tient lieu de l’entablement entier. Une charpente à jour prend sa naissance au haut des murs et s’élève en dôme pour. porter un toit qui n’existe plus, ou qui n’a jamais
été achevé. On dit que cette charpente est de bois de cèdre, mais c’est une erreur. Les murs sont percés de grandes fenêtres : ils étaient ornés autrefois de tableaux en mosaïque et de passages
de l’Evangile, écrits en caractères grecs et latins : on en voit encore des traces. La plupart de ces inscriptions sont rapportées par Quaresmius. L’abbé Mariti relève avec aigreur une méprise de
ce savant religieux, touchant une date : un très habile homme peut se tromper ; mais celui qui en avertit le public sans égard et sans politesse prouve moins sa science que sa vanité.
Les restes des mosaïques que l’on aperçoit çà et là, et quelques tableaux peints sur bois, sont intéressants pour l’histoire de
l’art : ils présentent en général des figures de face, droites, raides, sans mouvement et sans ombre ; mais l’effet en est majestueux et le caractère noble et sévère. Je n’ai pu en examinant ces
peintures m’empêcher de penser au respectable M. d’Agincourt, qui fait à Rome l’ Histoire des Arts du dessin dans le moyen âge, et qui trouverait à Bethléem de grands secours.
La secte chrétienne des Arméniens est en possession de la nef que je viens de décrire. Cette nef est séparée des trois autres
branches de la croix par un mur, de sorte que l’église n’a plus d’unité. Quand vous avez passé ce mur, vous vous trouvez en face du sanctuaire ou du chœur, qui occupe le haut de la croix. Ce
chœur est élevé de trois degrés au-dessus de la nef. On y voit un autel dédié aux mages. Sur le pavé au bas de cet autel on remarque une étoile de marbre : la tradition veut que cette étoile
corresponde au point du ciel où s’arrêta l’étoile miraculeuse qui conduisit les trois rois. Ce qu’il y a de certain, c’est que l’endroit où naquit le Sauveur du monde se trouve
perpendiculairement au-dessous de cette étoile de marbre, dans l’église souterraine de la Crèche. Je parlerai de celle-ci dans un moment. Les Grecs occupent le sanctuaire des Mages, ainsi que les
deux autres nets formées par les deux extrémités de la traverse de la croix. Ces deux dernières nefs sont vides et sans autels.
Deux escaliers tournants, composés chacun de quinze degrés, s’ouvrent aux deux côtés du chœur de l’église extérieure, et descendent
à l’église souterraine, placée sous ce chœur. Celle-ci est le lieu à jamais révéré de la nativité du Sauveur. Avant d’y entrer, le supérieur me mit un cierge à la main et me fit une courte
exhortation. Cette sainte grotte est irrégulière, parce qu’elle occupe l’emplacement irrégulier de l’étable et de la crèche. Elle a trente-sept pieds et demi de long, onze pieds trois pouces de
large et neuf pieds de haut. Elle est taillée dans le roc : les parois de ce roc sont revêtues de marbre, et le pavé de la grotte est également d’un marbre précieux. Ces embellissements sont
attribués à sainte Hélène. L’église ne tire aucun jour du dehors et n’est éclairée que par la lumière de trente-deux lampes envoyées par différents princes chrétiens. Tout au fond de la grotte,
du côté de l’orient, est la place où la Vierge enfanta le Rédempteur des hommes. Cette place est marquée par un marbre blanc incrusté de jaspe et entouré d’un cercle d’argent, radié en forme de
soleil. On lit ces mots à l’entour :
Hic de Virgine Maria
Jesus Christus natus est
Une table de marbre, qui sert d’autel, est appuyée contre le rocher, et s’élève au-dessus de l’endroit où le Messie vint à la
lumière. Cet autel est éclairé par trois lampes, dont la plus belle a été donnée par Louis XIII.
A sept pas de là, vers le midi, après avoir passé l’entrée d’un des escaliers qui montent à l’église supérieure, vous trouvez la
crèche. On y descend par deux degrés, car elle n’est pas de niveau avec le reste de la grotte. C’est une voûte peu élevée, enfoncée dans le rocher. Un bloc de marbre blanc, exhaussé d’un pied
au-dessus du sol, et creusé en forme de berceau, indique l’endroit même où le souverain du ciel fut couché sur la paille.
Joseph partit aussi de la ville de Nazareth qui est en Galilée, et vint en Judée à la ville de David, appelée Bethléem, parce
qu’il était de la maison et de la famille de David.
Pour se faire enregistrer avec Marie son épouse, qui était grosse.
Pendant qu’ils étaient en ce lieu, il arriva que le temps auquel elle devait accoucher s’accomplit ;
Et elle enfanta son fils premier-né, et l’ayant emmailloté elle le coucha dans une crèche, parce qu’il n’y avait point de place pour eux dans l’hôtellerie.
Saint Luc
A deux pas, vis à vis la crèche, est un autel qui occupe la place où Marie était assise lorsqu’elle présenta l’enfant des douleurs
aux adorations des mages.
Jésus étant donc né dans Bethléem, ville de la tribu de Juda, du temps du roi Hérode, des mages vinrent de l’Orient en
Jérusalem.
Et ils demandèrent : Où est le roi des Juifs qui est nouvellement né ? car nous avons vu son étoile en Orient, et nous sommes venus l’adorer.
Et en même temps l’étoile qu’ils avaient vue en Orient allait devant eux, jusqu’à ce qu’étant arrivée sur le lieu où était l’enfant, elle s’y arrêta.
Lorsqu’ils virent l’étoile ils furent tout transportés de joie :
Et entrant dans la maison ils trouvèrent l’enfant avec Marie sa mère, et se prosternant en terre ils l’adorèrent ; puis ouvrant leurs trésors ils lui offrirent pour présents de l’or, de l’encens et de la myrrhe.
Saint Matthieu
Rien n’est plus agréable et plus dévot que cette église souterraine. Elle est enrichie de tableaux des écoles italienne et
espagnole. Ces tableaux représentent les mystères de ces lieux, des Vierges et des Enfants d’après Raphael, des Annonciations, l’Adoration des Mages, la Venue des Pasteurs, et tous ces miracles
mêlés de grandeur et d’innocence. Les ornements ordinaires de la crèche sont de satin bleu brodé en argent. L’encens fume sans cesse devant le berceau du Sauveur.
J’ai entendu un orgue, fort bien touché, jouer à la messe les airs les plus doux et les plus tendres des meilleurs compositeurs
d’Italie. Ces concerts charment l’Arabe chrétien qui, laissant paître ses chameaux, vient, comme les antiques bergers de Bethléem, adorer le Roi des rois dans sa crèche. J’ai vu cet habitant du
désert communier à l’autel des Mages avec une ferveur, une pitié, une religion inconnues des chrétiens de l’Occident. "Nul endroit dans l’univers, dit le père Néret, n’inspire plus de dévotion.
L’abord continuel des caravanes de toutes les nations chrétiennes, les prières publiques, les prosternations, la richesse même des présents que les princes chrétiens y ont envoyés, tout cela
excite en votre âme des choses qui se font sentir beaucoup mieux qu’on ne peut les exprimer."
Ajoutons qu’un contraste extraordinaire rend encore ces choses plus frappantes ; car en sortant de la grotte, où vous avez retrouvé
la richesse, les arts, la religion des peuples civilisés, vous êtes transportés dans une solitude profonde, au milieu des masures arabes, parmi des sauvages demi-nus et des musulmans sans foi.
Ces lieux sont pourtant ceux-là mêmes où s’opérèrent tant de merveilles ; mais cette terre sainte n’ose plus faire éclater au dehors son allégresse, et les souvenirs de sa gloire sont renfermés
dans son sein.
Nous descendîmes de la grotte de la Nativité dans la chapelle souterraine où la tradition place la sépulture des Innocents : "Hérode
envoya tuer à Bethléem et en tout le pays d’alentour tous les enfants âgés de deux ans et au-dessous : alors s’accomplit ce qui avait été dit par le prophète Jérémie : Vox in Rama audita
est."
La chapelle des Innocents nous conduisit à la grotte de saint Jérôme : on y voit le sépulcre de ce docteur de l’Église, celui de
saint Eusèbe et les tombeaux de sainte Paule et de sainte Eustochie.
Saint Jérôme passa la plus grande partie de sa vie dans cette grotte. C’est de là qu’il vit la chute de l’empire romain ; ce fut là
qu’il reçut ces patriciens fugitifs qui, après avoir possédé les palais de la terre, s’estimèrent heureux de partager la cellule d’un cénobite. La paix du saint et les troubles du monde font un
merveilleux effet dans les lettres du savant interprète de l’Ecriture.
Sainte Paule et sainte Eustochie sa fille étaient deux grandes dames romaines de la famille des Gracques et des Scipions. Elles
quittèrent les délices de Rome pour venir vivre et mourir à Bethléem dans la pratique des vertus monastiques. Leur épitaphe, faite par saint Jérôme, n’est pas assez bonne et est trop connue pour
que je la rapporte ici :
Scipio, quam genuit, etc.
On voit dans l’oratoire de saint Jérôme un tableau où ce saint conserve l’air de tête qu’il a pris sous le pinceau du Carrache et du
Dominiquin. Un autre tableau offre les images de Paule et d’Eustochie. Ces deux héritières de Scipion sont représentées mortes et couchées dans le même cercueil. Par une idée touchante, le
peintre a donné aux deux saintes une ressemblance parfaite ; on distingue seulement la fille de la mère à sa jeunesse et à son voile blanc : l’une a marché plus longtemps et l’autre plus vite
dans la vie, et elles sont arrivées au port au même moment.
Dans les nombreux tableaux que l’on voit aux lieux saints, et qu’aucun voyageur n’a décrits, j’ai cru quelquefois reconnaître la
touche mystique et le ton inspiré de Murillo : il serait assez singulier qu’un grand maître eût à la crèche ou au tombeau du Sauveur quelque chef-d’œuvre inconnu.
Nous remontâmes au couvent. J’examinai la campagne du haut d’une terrasse. Bethléem est bâtie sur un monticule qui domine une longue
vallée. Cette vallée s’étend de l’est à l’ouest : la colline du midi est couverte d’oliviers clairsemés sur un terrain rougeâtre, hérissé de cailloux ; la colline du nord porte des figuiers sur
un sol semblable à celui de l’autre colline. On découvre çà et là quelques ruines, entre autres les débris d’une tour qu’on appelle la tour de Sainte-Paule. Je rentrai dans le monastère, qui doit
une partie de sa richesse à Baudouin, roi de Jérusalem et successeur de Godefroy de Bouillon : c’est une véritable forteresse, et ses murs sont si épais qu’ils soutiendraient aisément un siège
contre les Turcs.
L’escorte arabe étant arrivée, je me préparai à partir pour la mer Morte.
Chateaubriand, Itinéraire de Paris à Jérusalem, Troisième partie : Voyage de Rhodes, de Jaffa, de Bethléem et de la mer Morte
Bethlehem woman with jar seated under almond tree. Bethlehem in background, between 1934 and 1939
" J’examinai la campagne du haut d’une terrasse. Bethléem est bâtie sur un monticule qui domine une longue vallée. Cette vallée s’étend de l’est à l’ouest : la colline du midi est couverte d’oliviers clairsemés sur un terrain rougeâtre, hérissé de cailloux ; la colline du nord porte des figuiers sur un sol semblable à celui de l’autre colline."
Bethlehem, nave of the Basilica. Light-shafts encircling the ancient pillar,1920 to 1933
" Cette église est certainement d’une haute antiquité, et, quoique souvent détruite et souvent réparée, elle conserve les marques de son origine grecque. Sa forme est celle d’une croix. La longue nef, ou, si l’on veut, le pied de la croix est orné de quarante-huit colonnes d’ordre corinthien, placées sur quatre lignes."
Il avait un regard clair et glacial. Il s’affichait avec les coquetteries de son temps, cheveux courts tirés à l’arrière, costumes taillés sur mesure et finement rayés, pulls noirs à col roulé, dont il se servait pour se démarquer des anonymes du peloton. Jacques Anquetil était un esthète qu’aucune photo n’a cueilli en flagrant délit de mauvais goût. Il avait de la grâce quand il marchait, il était divin sur ses pédales. Courbé sur son vélo, il épousait le cadre avec entêtement, refusant de se lever en danseuse pour dompter les pentes.
> Jacques Anquetil, une légende littéraire (extrait), LeTemps.ch