On vécut sous le régime du privilège jusque la révolution française.
Le 24 novembre 1790, l’exploitation des voitures de louage devint libre, et les sieurs Perreau, qui possédaient l’entreprise exclusive, furent indemnisés de la perte de leur privilège par une somme de 420,000 livres. Le 9 vendémiaire an V (30 septembre 1797), le fisc établit une taxe régulière et annuelle de 50 à 75 fr. sur les véhicules publics, selon leur importance. Le 11 vendémiaire an IX (3 octobre 1800), le tarif est modifié ; on paie 1 franc 50 centimes la course et 2 francs l’heure ; c’est à bien peu de chose près celui qui est encore en vigueur. Vers 1800 apparurent les premiers cabriolets de place, si bien nommés, car sur les pavés ils dansaient comme des chèvres.
Jusqu’en 1817, les loueurs et les entrepreneurs avaient pleine liberté d’action sous le contrôle de la police, qui surveillait, réprimandait et au besoin punissait les cochers. A cette époque, la préfecture de police devient souveraine maîtresse ; elle seule a droit d’accorder des autorisations pour l’exploitation, le remisage, le stationnement des voitures ; chaque fiacre est frappé d’une taxe annuelle de 150 francs au profit de la caisse municipale ; cet impôt est porté à 215 francs pour les cabriolets ; à ce moment, Paris possède 1,390 voitures de place (900 fiacres, 490 cabriolets).
De 1790 à 1822, il n’existait pas réellement de voitures de remise qu’on pût prendre à la course ou à l’heure ; en 1822 seulement, 100 cabriolets de régie furent créés ; après 1830, ces derniers jouirent d’une liberté sans limite, purent multiplier à l’infini, à cette condition expresse cependant de ne pouvoir jamais stationner sur la voie publique lorsqu’ils n’étaient pas loués. Sous le gouvernement de juillet, la police, toujours active et prévoyante, apporta de sérieuses améliorations à l’organisation des voitures de place, et prit différentes mesures qui lui permirent de protéger la population contre les prétentions souvent excessives et même contre la brutalité des cochers. En 1830, toute personne qui prend un fiacre a le droit d’exiger que le cocher lui remette une carte portant un numéro d’ordre ; en 1841, on établit des surveillans auprès de chaque station ; le numéro de chaque voiture qui arrive ou qui part est pointé sur un carnet ; 104 contrôleurs et agents spéciaux sont, dès cette époque, employés à ce service.
De 1830 à 1855, nous avons assisté à la création de bien des voitures nouvelles : citadines, urbaines, delta, cabriolets compteurs, lutéciennes, cabriolets-mylords, thérèses, cabs ; peu à peu le cabriolet jaune, le vieux cabriolet de place qui sautait, mais n’avançait pas, disparaît devant le coupé, devant la "petite voiture", comme l’on disait déjà.
Je me souviens qu’un cocher de cabriolet me dit un jour : Tous ces coupés, toutes ces voitures modernes, ça ne tiendra pas ; on prend un cabriolet, ce n’est pas pour aller plus vite, c’est pour causer avec le cocher !
Maxime Du Camp, Les voitures publiques dans la ville de Paris, Revue des Deux Mondes, 1867