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"Je vous donne un commandement nouveau : c'est de vous aimer les uns les autres.

 

Comme je vous ai aimés, vous aussi aimez-vous les uns les autres.

 

Ce qui montrera à tous les hommes que vous êtes mes disciples, c'est l'amour que vous aurez les uns pour les autres."

 

Evangile de Jésus-Christ selon  saint Jean 

   

 

Pentecôte

" Le Défenseur, l'Esprit Saint que le Père enverra en mon nom, lui, vous enseignera tout, et il vous fera souvenir de tout ce que je vous ai dit."

 

Évangile de Jésus Christ selon saint Jean  

 

   

 

 El Papa es argentino. Jorge Bergoglio                 

Saint Père François

 

 

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1er mai 2011 Béatification de Jean-Paul II

Béatification du Serviteur de Dieu Jean-Paul II

 

 

  Béatification du Père Popieluszko

beatification Mass, in Warsaw, Poland

à Varsovie, 6 juin 2010, Dimanche du Corps et du Sang du Christ

 

 

presidential palace in Warsaw

Varsovie 2010

 

 

Basilique du Sacré-Cœur de Montmartre
Sanctuaire de l'Adoration Eucharistique et de la Miséricorde Divine

La miséricorde de Dieu est comme un torrent débordé. Elle entraîne les cœurs sur son passage.
(Saint Curé d'Ars)
 

 


Le côté du Christ a été transpercé et tout le mystère de Dieu sort de là. C’est tout le mystère de Dieu qui aime, qui se livre jusqu’au bout, qui se donne jusqu’au bout. C’est le don le plus absolu qui soit. Le don du mystère trinitaire est le cœur ouvert. Ce n’est pas une image, c’est une réalité. C’est la réalité la plus profonde qui soit, la réalité de l’amour.
Père Marie-Joseph Le Guillou




Dans le cœur transpercé
de Jésus sont unis
le Royaume du Ciel
et la terre d'ici-bas
la source de la vie
pour nous se trouve là.

Ce cœur est cœur divin
Cœur de la Trinité
centre de convergence
de tous les cœur humains
il nous donne la vie
de la Divinité.


Sainte Thérèse Bénédicte de la Croix
(Edith Stein)



Le Sacré-Cœur représente toutes les puissances d'aimer, divines et humaines, qui sont en Notre-Seigneur.
Père Marie-Eugène de l'Enfant Jésus

 



feuille d'annonces de la Basilique du Sacré-Coeur de Montmartre

 

 

 

 

 

 

 

     

The Cambrai Madonna

Notre Dame de Grâce

Cathédrale de Cambrai

 

 

 

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Ordinations du samedi 27 juin 2009 à Notre Dame de Paris


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Solennité de l’Immaculée Conception de la Vierge Marie à Notre-Dame de Paris


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... ma vocation, enfin je l’ai trouvée, ma vocation, c’est l’Amour !

 

 

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Salutation avec l'Archevêque Chrysostomos à l'église d' Agia Kyriaki Chrysopolitissa de Paphos, le vendredi 4 juin 2010

 

     

 

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SALVE REGINA

6 juin 2011 1 06 /06 /juin /2011 19:00

Sfondrate ne se borna pas à révéler la gloire de Cécile dans la célèbre basilique où elle repose; il  voulut donner aux autres  sanctuaires consacrés dans Rome à l'illustre vierge des marques de sa pieuse sollicitude.

 

 Il commença par la petite église  de Sainte-Cécile  de Domo,  au champ de Mars. Ce pieux monument, qui rappelle le lieu où la fille des Caecilii passa ses premières années, avait été placé sous la dépendance de la basilique de Saint-Laurent in Damaso ; plus tard, on l'avait rattaché à la basilique de Saint-Laurent in Lucina, à raison du voisinage. Mais le service divin s'y faisait avec négligence, et la piété de Sfondrate envers Cécile lui inspira d'y pourvoir d'une manière plus convenable. Il établit dans cette église deux religieux dominicains chargés de la desservir, et il subvint à leur entretien. Après la mort du cardinal, Paul V tint à honneur de sanctionner ses pieuses intentions par l'autorité apostolique, et il rendit un bref, en date du 23 janvier 1622, dans lequel, après avoir recommandé la piété de Sfondrate envers cette église qui s'élève sur un lieu sanctifié par l'habitation   de    Cécile,    le   pontife   supprime d'abord le titre de Saint-Blaise, qui s'était postérieurement attaché à ce sanctuaire ; ensuite il le soustrait à la juridiction de la basilique de Saint-Laurent in Lucina, et le soumet à perpétuité au cardinal de Sainte-Cécile.

 

L'église de Sainte-Cécile dite a Monte Giordano, et qui appartenait aussi à la basilique de Saint-Laurent in Damaso, était contiguë à la nouvelle et vaste maison que l'on bâtit pour les Pères de l'Oratoire, sous le nom de Sainte-Marie in Vallicella. Afin d'honorer la grande martyre, sous les auspices de laquelle il allait vivre désormais, saint Philippe Néri voulut attendre, pour prendre possession de cette résidence, le 22 novembre 1583, fête de sainte Cécile. Dans la suite, le petit sanctuaire, qui excitait tant d'intérêt chez le serviteur de Dieu, vint à menacer ruine. Sfondrate se fit un devoir de le relever, et vint poser la première pierre de la nouvelle construction, le 21 juin 1603.

 

Plus tard, en 1621, après la mort de Sfondrate, les pères de l'Oratoire, ayant voulu donner un développement aux bâtiments de leur maison, se mirent en instance auprès de Grégoire XV pour obtenir qu'il leur fût permis de démolir cette église, dont la présence mettait obstacle au plan que leur architecte avait conçu. Le pontife accorda la demande, à la condition que l'autel principal de la célèbre chapelle, dite de l'Oratoire, que l'on devait construire sur cet emplacement, serait dédié à sainte Cécile conjointement à saint Philippe Néri, et que sur le tableau qui devait être placé sur cet autel en l'honneur des deux saints, l'illustre vierge occuperait la droite. Cette disposition fut exécutée fidèlement. Le tableau est de Vanni, et représente dans sa partie supérieure l'Assomption de Notre-Dame. Chaque année, le 22 novembre, on célèbre dans cette chapelle la fête de sainte Cécile, comme fête patronale, avec un grand concours de fidèles.

 

Après avoir occupé l'évêché de Crémone, Sfondrate fut pourvu du siège suburbicaire d'Albano. Dès  lors,  il  ne pouvait plus,   selon  les  règles communes, conserver le titre simplement presbytéral  de  Sainte-Cécile ;  mais   Sfondrate  pouvait-il laisser à un autre la garde du dépôt que la vierge elle-même lui avait confié ? Il sollicita donc et obtint de Paul V, en retour de ses largesses envers la basilique transtibérine, la faveur de pouvoir conserver toute sa vie, en commende, son premier titre,  avec l'évêché qu'il avait dû accepter.

 

Il mourut à Tivoli, à l'âge de cinquante-sept ans, le 14 février 1618. La nouvelle en parvint aux moniales de Sainte-Cécile dans la matinée du jour suivant. Rien ne pourrait peindre la désolation dans laquelle les plongea cette mort inattendue ; la chronique manuscrite de l'abbaye en a conservé   l'impression   touchante : "Plusieurs soeurs, y est-il dit, tombèrent sans connaissance, et ce jour-là on ne dîna pas  : in quel giorno, non si pranzô."

 

Toujours fidèle à son amour pour Cécile,  Sfondrate avait fait son testament en faveur de sa chère basilique. Depuis dix-huit ans, il avait renoncé à son propre nom, et ne souffrait plus d'être appelé que le Cardinal de Sainte-Cécile.   On   verra   avec   intérêt   quelques traits du testament de ce prince de l'Eglise, dont le nom demeure à jamais uni à celui de Cécile dans les annales du christianisme :

" Premièrement, dit Paul-Emile Sfondrate, je recommande mon âme en toute soumission, humilité et affection entre les mains de Jésus-Christ, mon très bénin rédempteur, et en celle de sa très sainte et jamais assez louée Mère et Vierge Marie très pure et vraie avocate des pauvres pécheurs ; en celles des glorieux princes des apôtres Pierre et Paul, de ma glorieuse et très fidèle protectrice Cécile, très chérie, de sainte Agnès, ma particulière avocate, de sainte Marie-Magdeleine, sainte Thècle, saint Joseph, des saints Lucius, Urbain, Valérien, Tiburce et Maxime, et de tous mes autres saints de dévotion et protecteurs, afin que je sois rendu digne de la divine miséricorde et d'être en leur compagnie dans la vie éternelle.

" Ensuite je veux que mon corps soit enseveli dans l'église de ma chère sainte Cécile, dans le tombeau que j'ai fait faire, sous la Confession, devant l'autel de la sainte."

 

Suivent les dispositions relatives aux services religieux que le cardinal fonde pour son âme, et aux aumônes qui doivent être faites le jour de sa sépulture. Il réclame les obsèques les plus simples, avec douze torches seulement, puis il ajoute :

" J'institue légataire universelle mon église de sainte Cécile, au Trastevere, où repose son très saint corps. L'emploi de ce legs se fera en cette manière : on devra pourvoir, avant tout, à l'entretien de quatre-vingt-dix lampes, jour et nuit, et avec l'huile la plus pure. Quatre chapelains prêtres, dont l'un aura le titre de gardien du corps de sainte Cécile, desserviront la basilique, avec obligation de présence journalière ; ils seront assistés de deux clercs. Il y aura de plus un employé laïque chargé de l'entretien et de la propreté des marbres et des bronzes de la confession, et aussi d'allumer et de pourvoir les lampes. Défense est faite, tant aux chapelains qu'aux autres, de se mettre au service de qui que ce soit, même d'un cardinal."

 

Sfondrate abandonne à sa basilique toutes les reliques qu'il a recueillies et rassemblées dans le trésor. On n'en pourra jamais distraire la moindre parcelle, et chaque abbesse, en prenant possession de son office, fera serment d'observer fidèlement cette disposition. Le trésor fermera de trois clefs, dont l'une sera aux mains de l'abbesse, l'autre en celles de la doyenne, et l'autre en celles de la maîtresse des novices.

 

Ce testament, éternel monument de la piété du cardinal, porte la date du 6 août 1615.

 

Le corps de Sfondrate fut apporté de Tivoli à l'église de Sainte-Cécile, et on le déposa près de la grille de communion, afin que les soeurs pussent encore contempler les restes mortels de celui qui avait été leur protecteur et leur père. On ne jugea pas à propos de se conformer aux prescriptions de l'humble cardinal relativement à ses obsèques. L'abbesse et les moniales de Sainte-Cécile voulurent qu'elles fussent célébrées avec toute la pompe et la solennité possibles.

 

La sépulture d'un si grand homme ne pouvait être ailleurs qu'aux pieds de la grande martyre qu'il avait tant aimée. Il avait fait préparer d'avance son tombeau dans la crypte même où elle repose, et graver sur une table de porphyre l'inscription qu'il avait composée lui-même comme un dernier hommage à Cécile :

 

PAVLVS   TITVLI   S.   CAECILIAE   S.   R.   E.   PRESB.
CARD.   SFONDRATVS   MISERRIMVS   PECCATOR
ATQVE   EFVSDEM   VIRGINIS   HVMILIS   SERVVS
HIC   AD   EIVS   PEDES   HVMILITER   REQVIESCIT
VIXIT   ANNOS   LVII.   MENSES   X.   DIES   XXV.
OBIIT   ANNO   MDCXVIII.   MENSE   FEBR.   DIE   XIV.
ORATE   DEVM   PRO   EO.

 

" Paul Sfondrate, cardinal-prêtre de la sainte Eglise romaine, du titre de Sainte-Cécile, pauvre pécheur, et humble serviteur de cette très sainte vierge, repose ici humblement à ses pieds. Il vécut cinquante-sept ans, dix mois et vingt-cinq jours, et mourut le 14 février 1618. Priez Dieu pour lui."

 

Cette épitaphe si touchante et si simple, cachée à tous les yeux au fond d'une crypte, ne suffisait pas à raconter la gloire et les mérites de Sfondrate.   Les   exécuteurs   testamentaires   lui firent élever un riche cénotaphe, sous la nef latérale de droite, contre la sacristie, à l'endroit où s'ouvrait autrefois, sur la basilique, la chapelle des Ponziani. On y remarque le buste du cardinal, les mains jointes, et revêtu d'une mozette en marbre de couleur. A droite est la statue de sainte Cécile tenant à la main un petit orgue ; à gauche, celle de sainte Agnès avec l'agneau. A la partie supérieure du monument est un bas-relief sur lequel on voit Sfondrate présentant le corps de sainte Cécile au pape Clément VIII. Tous ces détails sont malheureusement d'une exécution trop médiocre. Le cénotaphe se complète par une  inscription  qui  apprend  à  la postérité ce que fut pour l'Eglise et pour Cécile le cardinal Paul-Emile Sfondrate.

 

Cécile avait donc reparu aux regards des chrétiens de Rome et de l'Eglise tout entière, au moment où le seizième siècle s'allait fondre dans le dix-septième.

 

DOM GUÉRANGER

SAINTE CÉCILE ET LA SOCIÉTÉ ROMAINE AUX DEUX PREMIERS SIÈCLES (pages 382 à 389)

 

Cecilia

SAINTE CÉCILE - Santa Cecilia in Trastevere, Rome

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2 juin 2011 4 02 /06 /juin /2011 19:00

Nous donnerons maintenant une idée des travaux que Sfondrate fit exécuter dans sa chère basilique, pour la rendre plus digne encore de servir de demeure à l'auguste patronne.

 

 Il songea d'abord à l'autel de la Confession. Les colonnes du ciborium, polies de nouveau, reprirent leur ancienne beauté, et l'on établit sur l'autel un tabernacle de petite dimension, en bronze doré et enrichi de pierres précieuses. Quant à l'autel lui-même, Sfondrate avait voulu le dégager totalement du côté de la nef, afin d'y établir un monument digne de transmettre à la postérité les merveilles dont ses yeux avaient été témoins. Ce fut là, au-dessous de l'oeuvre d'Arnolfo di Lapo, qu'il fit pratiquer une niche oblongue dont tous les abords sont incrustés d'onyx, d'agates, de lapis-lazuli et des marbres les plus rares, et au centre de laquelle repose la statue si expressive que le cardinal avait confiée au ciseau d'Etienne Maderno.

 

L'inscription suivante explique au pèlerin saisi de respect et d'émotion la scène inattendue qui frappe ses yeux :

 

PAVLVS   TT.    S.   CAECILIAE

EN   TIBI   SANCTISSIMAE   VIRGINIS   CAECILIAE   IMAGINEM
QVAM IPSE INTEGRAM SEPVLCHRO IACENTEM VIDI
EANDEM   TIBI   PRORSVS   EODEM   CORPORIS   SITV

HOC   MARMORE   EXPRESSI

 

Voici l'image de la tres sainte vierge Cécile que, moi Paul, du Titre de Sainte-Cécile, j'ai vue ainsi étendue dans son sépulcre. J'ai voulu que ce marbre exprimât jusqu'à la pose qu'il m'a été donné de reconnaître.

 

Une riche balustrade, à laquelle étaient suspendues quatre-vingt-dix lampes qui jour et nuit devaient brûler, défend l'approche de ce lieu sacré dont l'enceinte est pavée d'albâtre oriental et d'autres pierres précieuses. Le centre de cette élégante marqueterie présente une plaque de marbre noir, sur laquelle on lit en lettres d'or :

 

SVB   HOC   ALTARI   REQVIESCVNT   CORPORA
SS.   MARTYRVM   CAECILIAE   VIRGINIS   VALERIANI
TIBVRTII   MAXIMI   SOCIOR.    LVCII   ET   VRBANI
EISDEM   SANCTIS   MARTYRIBVS   CONSECRATO

 

Sous cet autel, qui leur est consacré, reposent les corps des saints martyrs, Cécile, vierge ; Valérien, Tiburce et Maxime, ses compagnons; Lucius et Urbain.

 

Sur les marbres qui supportent la balustrade s'étend à fleur de terre cette inscription :

 

CORPORA   SANCTORVM

HIC   IN   PACE   SEPVLTA   SVNT

ET   NOMINA   EORVM   VIVENT   IN   AETERNVM

 

Les corps des saints sont ici ensevelis dans la paix, et leurs noms vivront à jamais.

 

Sfondrate  porta aussi tous  ses  soins  sur la crypte elle-même, au centre de laquelle repose la grande martyre. Il y érigea sur son pourtour quatre autels : le premier, directement sous l'autel majeur, et dédié à sainte Cécile ; deux autres, à droite et à  gauche,   consacrés  l'un  à sainte Agnès et l'autre à sainte Catherine ; enfin un quatrième, en rapport avec celui de sainte Cécile, sous l'invocation des saints Valérien,  Tiburce, Maxime, Urbain et Lucius. Le tableau de l'autel de sainte Cécile était du pinceau de Vanni, et représentait la vierge mourante.

 

D'antiques peintures exprimant diverses scènes de l'Ancien et du Nouveau Testament, dues au pinceau de Cavallini (Vasari, tome II, Vita di Pietro Cavallini), s'étendaient sur les murs de la grande nef ; on remarquait aussi les portraits des papes peints au-dessus des colonnes par ordre de Paschal. Sfondrate respecta ces précieux monuments de l'art chrétien, et se contenta de faire rafraîchir les couleurs des fresques, dont une partie remontait à la première invention du corps de Cécile. Il fut moins heureux dans son idée de faire disparaître de la nef les ambons qu'elle avait conservés ; mais il voulait que l'oeil du pèlerin ne fût arrêté par aucun obstacle, et qu'il pût se porter, dès l'entrée de la basilique, sur l'autel qui couvre le tombeau de la vierge et sur la statue qui la représente avec tant de vérité. Plusieurs fenêtres interceptées jusqu'alors, du côté du monastère, furent débouchées par les ordres de Sfondrate, et versèrent sur tout l'édifice une éblouissante lumière qui en faisait ressortir l'harmonieux ensemble.

 

Les colonnes de la grande nef étaient en simple pierre et avaient été endommagées par le temps. Cette considération détourna Sfondrate du projet qu'il avait eu d'abord de leur imposer le poids d'un soffito, avec peintures et caissons dorés. Il laissa donc à découvert l'antique charpente qu'elles soutenaient depuis Paschal, et il se contenta de les faire restaurer et de leur donner de nouvelles bases et de nouveaux chapiteaux en travertin. Les chapelles des nefs latérales furent décorées d'autels formés des marbres les plus rares, et reçurent toutes des tableaux remarquables. L'une d'elles, celle de la famille Ponziani, si touchante par les souvenirs de sainte Françoise Romaine et si remarquable par les peintures de la voûte qui rappellent la manière de Pinturicchio, fut destinée à servir désormais de sacristie. La chapelle du Bain reçut une décoration noble et sévère. L'autel, consacré en 1073 par Hubald, évêque de Sabine, fut restauré avec soin, et on y plaça une copie du martyre de sainte Cécile, par Guido Reni. Le vestibule de cette chapelle fut orné de fresques à paysages représentant les Pères des déserts, de la main de Paul Brill.

 

Les offrandes de Sfondrate en argenterie pour les vases sacrés et les lampes furent d'une magnificence digne d'un prince ; mais ce que le pieux cardinal offrit de plus précieux fut le riche trésor de reliques qu'il avait amassé, et qui avait été, comme nous l'avons vu, l'occasion de la découverte du corps de la martyre. Nous n'entreprendrons pas l'énumération de toutes ces châsses qui remplissent le trésor de la basilique ; mais nous devons donner quelques détails sur les reliquaires dans lesquels sont conservées les dépouilles de nos martyrs.

 

Nous avons dit que Sfondrate avait gardé toute sa vie le petit fragment d'ossement qui s'était trouvé adhérent aux linges sur lesquels fut reçu le sang qui coulait des plaies de Cécile. Il le légua à sa chère basilique, et nous avons tenu entre nos mains ce gage précieux de la reconnaissance de la sainte martyre envers son dévot serviteur. Il est contenu dans un petit reliquaire fort élégant, en bronze doré, en forme de tourelle, garni de cristaux et portant sur un pied.

 

Nous avons constaté sur les titres de la basilique l'existence d'un autre reliquaire contenant un morceau de la robe brochée d'or, et une partie des linges imbibés du sang de la vierge. Ce reliquaire ne se retrouve plus dans le trésor. Peut-être a-t-il disparu dans les spoliations dont nous parlerons plus loin ; peut-être en a-t-on disposé, à une époque plus ou moins éloignée. Ces précieux souvenirs de Cécile étaient renfermés dans un tube de cristal ; il ne reste aujourd'hui que quelques débris des linges sacrés dont nous parlons. Une partie est en toile fine, et le reste est un tissu clair, en manière de crêpe blanc. Des dons, faits à des particuliers, ont presque épuisé cet intéressant dépôt, qui n'était plus garanti contre une pieuse avidité par le reliquaire qui l'avait longtemps préservé.

 

Une autre châsse de bronze doré et ciselé en arabesques, montée sur un pied et ayant la forme d'une coupe très évasée, munie d'un couvercle scellé et pareillement ciselé, est désignée par une inscription gravée, sur la coupe même, comme contenant, avec un os de saint Blaise, le voile de sainte Cécile. C'est sans doute ce voile dont Maderno a entouré la tête de la sainte, sur la statue de la Confession, et qui aura été trouvé dans l'arche de cyprès autour de la tête de Cécile. Il y a d'autant moins lieu d'en douter, que le beau reliquaire qui contient ce voile est du nombre de ceux que Sfondrate offrit à la basilique.

 

Sfondrate fit faire trois châsses d'argent pour les chefs des trois saints martyrs, Valérien, Tiburce et Maxime : nous dirons plus loin ce que sont devenues ces châsses. Présentement, ces pieuses reliques sont contenues chacune dans un simple cylindre en cuivre, fermé d'un cristal que retient un cercle en argent. Le crâne de saint Tiburce est ferme et intact ; celui de saint Valérien est plus tendre et un peu fracturé ; quant à celui de saint Maxime, il est toujours remarquable par ses cheveux bruns et collés de sang.

 

Jusqu'ici nous avons suivi fidèlement Bosio dans la relation qu'il écrivit par ordre de Sfondrate sur la découverte du corps de sainte Cécile et qu'il fit paraître dès l'an 1600. Aux détails que nous avons extraits de ce récit très complet, nous avons ajouté diverses particularités qu'il a omises, et que nous avons recueillies soit dans les archives de la basilique et dans celles du Vatican, soit de nos propres observations. Bosio termine sa relation par le récit des actes de piété qui s'accomplirent dans la basilique de Sainte-Cécile, le 22 novembre 1600, anniversaire de la translation. Le concours des fidèles fut immense ; le sénateur de Rome vint offrir un calice d'or au tombeau de la martyre, au nom de la ville éternelle. Clément VIII se rendit en personne à la basilique, pour présenter à Cécile les hommages du chef de la chrétienté. Après avoir célébré le saint sacrifice, et baisé humblement la terre près de l'endroit où, l'année précédente, il avait déposé le corps de la vierge, il laissa en offrande les ornements précieux dont il s'était servi. Ce jour-là, on ne chanta pas la Messe conventuelle, par respect pour l'autel sur lequel le pontife avait célébré ; on se contenta d'exécuter divers motets ; mais les Vêpres furent chantées avec la plus grande solennité.

 

Sfondrate sollicita et obtint un décret du sénat et du peuple romain, par lequel la ville s'engageait à offrir tous les ans à la basilique un calice d'argent du prix de 30 écus, le jour de la fête de sainte Cécile. Ce décret est du 9 décembre 1600. (Archives de Santa Cecilia, dossier 56, n° 27.)

 

La piété fervente de Sfondrate, et le succès dont ses efforts avaient été récompensés par la découverte du tombeau de sainte Cécile, lui inspirèrent, quelques années après, la pensée de tenter des recherches dans la basilique de Sainte-Agnès hors les murs, sur la voie Nomentane, dans l'espoir de retrouver le corps de cette célèbre martyre. Il eut le bonheur de réussir. La translation des saintes reliques fut accomplie par Paul V, avec une solennité, qui, si elle n'égala pas celle dont sainte Cécile avait été l'objet, n'en fut pas moins un des événements intéressants de la vie du pontife.

 

Sfondrate ne se borna pas à révéler la gloire de Cécile dans la célèbre basilique où elle repose ; il  voulut donner aux autres  sanctuaires consacrés dans Rome à l'illustre vierge des marques de sa pieuse sollicitude.

 

DOM GUÉRANGER

SAINTE CÉCILE ET LA SOCIÉTÉ ROMAINE AUX DEUX PREMIERS SIÈCLES (pages 374 à 381)

 

Cecilia

SAINTE CÉCILE - Santa Cecilia in Trastevere, Rome

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1 juin 2011 3 01 /06 /juin /2011 19:00

Après la communion, selon l'antique usage, il fallut procéder à la translation du corps de Cécile dans son tombeau.

 

Sfondrate descendit le premier les marches du presbyterium, et pénétra dans la crypte pour y attendre la vierge et le pontife. Clément préluda à la levée du saint corps par un triple encensement, après lequel quatre cardinaux-diacres, Odoard Farnèse, Antoine Facchinetti, Pierre Aldobrandini et Barthélémy Cesi, soulèvent de dessus l'autel l'arche de cyprèst et, précédés de la croix et des sept chandeliers d'or, la descendirent dans le souterrain de la Confession. Durant le transport, Clément appuyait pieusement sa main sur le cercueil de Cécile, comme pour prendre une part directe à la translation.

 

Le sacré collège entourait le pontife, et le choeur exécutait cette antienne :

O beata Concilia, quae Almachium superasti, Tiburtium et Valerianum ad martyrii coronam vocasti !

 

Le trajet était court de l'autel au lieu que Paschal avait marqué, huit siècles auparavant, pour le repos de Cécile, et dont elle allait reprendre possession. Clément, aidé du ministère des diacres, déposa le cercueil de la vierge dans la châsse d'argent. Il reçut ensuite, des mains de Sfondrate, une lame du même métal, sur laquelle était gravé le récit de cette dernière translation, et la plaça dans l'intérieur de la châsse. Enfin, après avoir encore encensé trois fois le précieux dépôt qu'il rendait à la tombe, le pontife se prosterna, et offrit, par d'abondantes larmes et par de ferventes prières, les adieux de l'Eglise à Cécile; puis il ferma la châsse de son riche couvercle. On plaça par-dessus le marbre qui devait clore le sarcophage, et Clément, l'ayant scellé de son sceau, remonta, précédé et suivi de son imposant cortège, vers l'autel, où il acheva les prières du sacrifice, et donna la bénédiction apostolique au peuple  qui  remplissait l'église, le portique, la place et les rues adjacentes. Le concours des fidèles continua jusqu'à la nuit, et chacun remarqua que le ciel, qui, les jours précédents, était couvert de nuages et fondait en pluies incessantes, n'avait jamais paru plus pur et plus serein. On eût dit un jour de printemps à l'entrée de l'hiver.

 

Nous avons déjà été à même de recueillir, sur les circonstances de la première invention du corps de Cécile, quelque abrégé que soit le rapport de saint Paschal, plusieurs traits confirmatifs de la vérité de nos Actes ; l'abondance de détails qui nous sont restés sur la seconde découverte, nous met à portée de signaler encore de nouveaux indices de la sincérité de l'écrivain du cinquième siècle.

 

D'abord, il est évident que la pose insolite du corps de la vierge dans son tombeau contraste avec celle qu'on a été à même de reconnaître dans tous les martyrs, dont les corps ont été découverts à Rome et partout ailleurs. Mais si l'on se rappelle le genre et les circonstances de la mort de Cécile, d'après le rapport des Actes, tout s'explique de soi-même. C'est bien là cette martyre expirant sur les dalles ou les mosaïque d'une salle de son palais, s'enveloppant de sa modestie comme d'un voile, et dérobant son visage aux regards des hommes qui s'empressent pour contempler la vierge immolée.

 

Le  cilice  constaté  sous  les  vêtements de la sainte par Sfondrate, vient ajouter une nouvelle preuve de l'exactitude du narrateur, jusque dans les faits d'une importance secondaire. Nous n'insistons pas sur la robe brochée d'or et sur les linges ensanglantés, détails certifiés déjà sur le diplôme de Paschal, et que nous avons relevés en leur temps.

 

Un nouveau fait vient encore à l'appui de nos Actes : c'est la stature même du corps de Cécile, que l'on reconnut, en 1099,  avoir été fort peu élevée.  Sans doute la  contraction générale produite par l'effort de la souffrance, le retrait de la poitrine,   le  rapprochement et la saillie des genoux, enfin la dessiccation des membres, ont dû  enlever quelque  chose  aux dimensions  du corps dans sa longueur ; mais il n'en faut pas moins reconnaître que la stature de Cécile, pendant sa vie,  n'a guère pu excéder la plus médiocre dans les personnes de son sexe. Cette observation  semble  confirmer deux  passages  des Actes : celui où il est raconté que Cécile s'adressant aux envoyés d'Almachius, qui étaient venus pour l'engager à sacrifier aux dieux, monta sur un marbre qui se trouvait près d'elle, afin de se faire entendre de tous ; et le début de l'interrogatoire  qui   contient  une  allusion, peu séante d'ailleurs, mais assez d'accord avec la vulgarité du juge,  lorsque,  l'épouse de Valérien  se présentant à sa barre, il débute par cette question : "Qui es-tu, jeune fille, puella ?"

 

Mais ce n'est pas seulement clans les faits relatifs à Cécile elle-même que les indices reconnus en 1599  se  réunissent pour attester la minutieuse fidélité des Actes. S'il y est raconté que Valérien et Tiburce eurent la tête tranchée, on trouve dans leur commun sépulcre deux corps décapités. Almachius, dans l'interrogatoire, hésite sur l'âge des deux frères ; quatorze siècles après, leurs ossements offrent encore une telle ressemblance, que l'on serait exposé à les confondre, si chacun des deux corps n'eût été enveloppé dans son linceul particulier. Les Actes racontent que Maxime ne fut pas décapité,  mais assommé avec des fouets garnis de balles de plomb ; on trouve, en 1599, la tête de ce  martyr encore  adhérente  au  tronc,  et son crâne fracassé, ses cheveux collés de sang attestent encore le genre du supplice par lequel le greffier d'Almachius remporta la couronne céleste.

 

Il nous reste à faire ressortir un dernier trait d'une plus haute importance encore, dans cette démonstration des Actes de sainte Cécile par les détails archéologiques. On n'a pas oublié cet oratoire ouvrant sur une des nefs latérales de la basilique, à droite en entrant, et désigné sous le nom de Bain de Sainte-Cécile. Ce sanctuaire, reconnu de temps immémorial pour un appendice de l'église elle-même, et honoré d'un autel particulier, était un monument du genre de martyre qu'avait souffert la sainte, d'après ses Actes, et il confirmait leur récit qui nous apprend que Cécile mourante consigna sa propre maison à Urbain afin qu'elle devînt plus tard une église chrétienne. Nous remarquons en effet qu'il ne s'agit pas ici d'un de ces bains établis auprès de quelques églises, à Rome et ailleurs, et qui servaient aux fidèles pour certaines lotions mystérieuses. C'est ici un véritable sudatorium pour les bains à vapeur, qui n'ont rien de commun avec ceux que les chrétiens des premiers siècles venaient prendre dans les thermes sacrés des églises. (PACIAUDI, De sacris christianorum Balneis.) D'autre part, il est certain que cette salle a reçu constamment l'hommage spécial de la piété des fidèles. Avec les Actes, tout s'explique, et ce fait extraordinaire n'est plus désormais que la confirmation de l'événement qu'il rappelle.

 

Il appartenait à Sfondrate de restituer à ce lieu vénérable son antique forme et ses honneurs. Pendant qu'il dirigeait les travaux de réparation et d'embellissement auxquels il voulait faire participer la basilique tout entière, il ordonna des fouilles sous le pavé de cette chapelle, et l'on vit bientôt qu'elle portait sur une voûte. Les abords ayant été sondés, on ne tarda pas à reconnaître l'hypocauste d'une salle de bains. Les nombreux soupiraux qui avaient été interceptés furent facilement ouverts, et l'on reconnut encore une des chaudières avec les restes des tuyaux de plomb par lesquels la vapeur montait dans le caldarium.

 

Sfondrate disposa l'ornementation de la chapelle de manière à rendre impossible désormais la destruction d'un souvenir si cher à sa piété. Il fit garnir de grilles en fer les ouvertures par lesquelles l'oeil du pèlerin pénètre jusque dans les ombres de l'hypocauste, et découvre la chaudière que le temps a épargnée. Il dégagea les tuyaux en terre cuite qui donnaient passage à la vapeur, ainsi qu'un autre tuyau en plomb qui s'élève comme les premiers au-dessus du niveau de la salle ; les uns et les autres furent protégés par des plaques de cuivre fixées à la muraille. Rien enfin ne manqua à la restitution de ce vénérable monument qui reparut ce qu'il avait été dans l'origine, un sudatorium dont les dimensions, très inférieures à celles que l'on remarque dans les anciens thermes destinés à l'usage public, étaient en rapport avec l'habitation particulière dont cette salle avait formé un appendice. Platner et Bunsen ne font aucune difficulté de reconnaître dans cette pièce l'antique salle de bain, lieu du martyre de Cécile. (Beschreibung der Stadt Rom., t. III, 3° part.)

 

En repassant toutes ces circonstances, reconnues et constatées tant de siècles après les événements auxquels elles se rapportent, n'est-il pas évident qu'elles forment à elles seules la plus imposante démonstration en faveur des Actes de sainte Cécile ? Quel est le récit d'un auteur ancien, eût-il été jusqu'alors considéré comme douteux, qui ne se trouvât confirmé à jamais par des découvertes archéologiques de cette importance ? Y aurait-il assez d'académiciens dans toutes les sociétés savantes de l'Europe pour proclamer la réhabilitation de l'écrivain, pour venger sa probité, contre la négligence et la préoccupation des siècles antérieurs ?

 

Nous donnerons maintenant une idée des travaux que Sfondrate fit exécuter dans sa chère basilique, pour la rendre plus digne encore de servir de demeure à l'auguste patronne.

 

DOM GUÉRANGER

SAINTE CÉCILE ET LA SOCIÉTÉ ROMAINE AUX DEUX PREMIERS SIÈCLES (pages368 à 373)

 

Cecilia

SAINTE CÉCILE - Santa Cecilia in Trastevere, Rome

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31 mai 2011 2 31 /05 /mai /2011 19:00

Tel fut ce jour-là l'hommage offert à la vierge par un si grand pontife.

 

Mais ce qui recommande par-dessus tout la modestie de Clément, c'est qu'il ne voulut pas, malgré les invitations qui lui furent, faites, soulever les tissus qui couvraient le corps de la vierge, ni le considérer à découvert, dans l'état où la mort et tant de siècles l'avaient réduit ; le sang épanché dans ce tombeau rappelait trop cette chaste rougeur, gardienne de la modestie virginale. Il pensa qu'il lui suffisait d'avoir reconnu les membres de Cécile, à travers les voiles qui les environnaient, et d'avoir lu les caractères gravés près du sépulcre et conservés par la protection divine ; en un mot, d'avoir trouvé toutes choses conformes à ce qui est écrit sur le diplôme de Paschal.

 

Le pontife ne pouvait se laisser passer en munificence par un cardinal, et il s'apprêtait à offrir à Cécile, dans la solennité de sa translation, un présent, digne d'elle et du siège apostolique. A peine avait-il reçu à Frascati le rapport de Sfondrate et de Baronius, qui étaient accourus lui rendre compte de l'heureuse découverte du tombeau de Cécile, qu'il comprit aussitôt que c'était à lui-même de signaler,  en cette occasion,  sa religion envers la vierge dont l'église romaine se glorifie d'être l'humble cliente. Il exprima d'abord l'intention de faire exécuter en or la châsse qui devait renfermer le corps de la martyre ; les deux cardinaux l'en dissuadèrent en lui représentant qu'un si riche objet pourrait tenter la cupidité. Clément s'arrêta donc à une châsse en argent, en forme de tombeau, d'une dimension suffisante pour recevoir l'arche de cyprès.

 

L'orfèvre chargé du travail fut en mesure de présenter son oeuvre au pontife avant le jour fixé pour la translation. Il avait employé 251 livres d'argent, et le prix qui lui fut compté pour le travail et la matière s'éleva à 4.380 écus d'or. Une étoffe de soie couleur de pourpre tapissait l'intérieur de la châsse, et des étoiles d'or semées sur les parois extérieures en faisaient comme un nouveau ciel, selon la poétique expression de Baronius, qui compare l'artiste dont la main avait exécuté ce beau travail à Béséléel, divinement inspiré dans la fabrication de l'arche d'alliance et du chandelier d'or.

 

Le dessin était du reste fort simple : quatre têtes de chérubins dorées occupaient les angles des parties supérieures et inférieures de la châsse. Les armes de Clément VIII, avec la tiare et les clefs, le tout richement doré, étaient relevées en bosse sur les flancs de ce vaste coffre d'argent hermétiquement fermé de toutes parts.

 

Le couvercle mobile qui complétait l'ensemble portait gravée cette inscription :

 

CORPVS   S.   CAECILIAE   VIRGINIS   ET   MARTYRIS

A   CLEMENTE   VIII.   PONT.   MAX.   INCLVSVM

ANNO   M.   D.   IC.   PONTIF.   VIII

 

A la vue de ce magnifique objet d'orfèvrerie, la pensée se reportait sur le sarcophage de Caecilia Metella, si élégant, si grandiose, mais vide, et laissé sans honneurs sous le portique d'un palais. L'opulente épouse de Crassus avait traversé le monde au milieu de toutes les joies qu'il offre à ceux qu'il favorise ; le monument que lui éleva son époux ornera durant de longs siècles encore l'antique voie Appienne ; mais le souvenir de Caecilia Metella ne fera jamais battre le coeur : nul ne s'est jamais inquiété du sort des ossements qui reposèrent dans son sépulcre, objet d'une froide et stérile curiosité ; tandis que la Cécile chrétienne, cherchée avec tant d'amour sous les voûtes funèbres des catacombes, saluée avec tant d'enthousiasme chaque fois que sa chaste et sainte dépouille reparaît aux yeux des fidèles, marche pour ainsi dire de triomphe en triomphe.

 

Telle est, encore une fois, la gloire incommunicable des saints. Mais, ici, les symboles du sépulcre parlent aussi leur langage, et nous montrent le contraste des deux Cécile. Le sarcophage de la première demeure exposé aux injures de l'air ; son ornementation ne dit rien à l'âme : deux têtes de cheval sortant du milieu des cannelures ondulées qui en sillonnent la masse ; à la partie supérieure, une frise sévère et gracieuse, surmontée d'un rinceau de feuillages où se jouent quelques animaux, rien qui exprime une espérance immortelle, ni même un sentiment; c'est le paganisme dans toute son élégante froideur.

 

Voyez, au contraire, le tombeau de la Cécile chrétienne. Si la tempête qui sévit encore sur l'Eglise pour un siècle et demi, oblige Urbain à déposer furtivement sous une humble arcature de la crypte à peine ébauchée des Caecilii le corps de la martyre, au neuvième siècle, Paschal lui prépare un sarcophage de marbre ; et il enfouit le précieux dépôt dans une crypte sous l'autel de la basilique ; il élève d'opulents trophées, afin d'avertir les peuples que, par delà cette somptueuse barrière, Cécile repose dans la paix.

 

Huit siècles après, Clément VIII ne veut plus que l'arche de cyprès soit reçue dans un tombeau de marbre ; l'or seul lui semble digne de protéger un si cher dépôt ; et si la prudence le fait renoncer à ce projet, il veut du moins que la fille chrétienne des Caecilii dorme son sommeil dans un sépulcre d'argent. Pour décorer ce lit de repos de la martyre du Christ, il ne fait point appel à de vains ornements ; tout est grave, tout imprime le respect, tout parle de l'immortalité.

 

Les anges dont Cécile est la soeur par la virginité ; les étoiles d'or qui se détachent des flancs du sarcophage étincelant et emportent la pensée au ciel ; la tiare et les clefs qui attestent l'humble et tendre respect du premier des mortels envers la vierge et la martyre : tels sont les emblèmes vivants qui décorent le dernier tombeau de Cécile et l'élèvent au-dessus du beau sarcophage de Caecilia Metella. Que l'artiste et l'archéologue admirent ce dernier comme l'un des plus remarquables monuments de l'art funéraire des anciens Romains, nous nous joindrons à eux ; mais nous dirons que le chrétien éprouve d'autres émotions à la pensée du lit de repos que la piété du pontife prépara aux membres inanimés de l'héroïne de Rome chrétienne.

 

Les dimensions de cette magnifique châsse ayant été prises sur le cercueil de cyprès qu'elle allait recevoir, le sarcophage préparé par Paschal se trouvait désormais trop étroit pour contenir l'un et l'autre. L'inépuisable générosité de Sfondrate avait préparé un nouveau sépulcre en marbre, à la même place qu'occupait l'ancien, et les mesures en avaient été prises exactement sur la châsse d'argent qu'on y devait déposer.

 

Quant aux deux sarcophages qui contenaient, l'un les corps des saints Tiburce, Valérien et Maxime, l'autre ceux de saint Urbain et de saint Lucius, ils étaient restés au même lieu, dans la Confession ; et les reliques qu'ils contenaient ne furent point changées de place, à l'exception des deux chefs dont nous avons parlé, et de quelques ossements que Sfondrate enleva à chacun de ces corps vénérables. Il retint aussi le coffre de bois fermant à clef dans lequel l'arche de cyprès avait reposé depuis le jour de l'invention jusqu'à celui de la translation, et l'envoya à Milan, au monastère de Saint-Paul, où deux de ses soeurs et plusieurs autres personnes de sa famille s'étaient consacrées à Dieu par la profession religieuse.

 

Enfin, le 22 novembre arriva avec toutes ses pompes. L'enthousiasme des Romains le salua avec des transports que rendait plus vifs encore la renommée des miracles que Cécile avait opérés sur plusieurs malades et infirmes, durant ces jours où elle avait semblé revivre et tenir Rome tout entière sous ses lois. Un édit papal fut publié, portant défense aux équipages et aux voitures de pénétrer dans la région transtibérine, durant toute la. matinée du jour de la translation, afin de prévenir les accidents que pouvait occasionner un si grand concours.

 

La basilique avait été parée avec une magnificence digne de la fête. Le corps de Cécile, toujours renfermé dans son arche de cyprès recouverte d'un tapis de drap d'or, reposait sur l'autel, dont on avait augmenté les dimensions. Les beaux marbres des colonnes du ciborium, les émaux des mosaïques de Paschal, réfléchissaient l'éclat de mille flambeaux.

 

Escorté du sacré collège et d'une cour brillante, à travers les flots d'un peuple immense, Clément VIII arriva aux portes de la maison de Cécile. Le pontife se rendit d'abord à la sacristie, où il procéda à la bénédiction de la châsse, qui fut ensuite portée dans la crypte, et placée ouverte dans le sarcophage de marbre qui posait sur le tombeau des saints Urbain et Lucius, étendus dans leur antique sépulture. Valérien, Tiburce et Maxime attendaient Cécile, qui bientôt allait venir reprendre sa place à leurs côtés, toute radieuse des nouveaux hommages que la foi des fidèles lui avaient prodigués.

 

Le pompeux cortège s'avança ensuite vers l'autel où l'Agneau divin devait être offert avec le corps immolé de la vierge. Après les prélats, marchaient quarante-deux cardinaux richement revêtus et ceints de la mitre. Dans cet auguste sénat, on remarquait Alexandre de Médicis, qui devait gouverner l'Eglise après Clément, sous le nom de Léon XI : Camille Borghèse, qui succéda à Léon, et fut Paul V ; César Baronius, l'historiographe de l'Eglise ; Robert Bellarmin, le vainqueur de l'hérésie. La France était représentée par d'Ossat, les lettres par Silvio Antoniani ; le zèle de la foi, la piété, la charité envers les pauvres, par un grand nombre de ces princes de l'Eglise, au milieu desquels tous les regards cherchaient Paul-Emile Sfondrate, auquel Rome et la chrétienté étaient redevables des joies de cette grande journée, et de l'éclat qu'elle devait répandre sur l'Eglise entière.

 

A la suite des cardinaux, Clément marchait revêtu du pluvial et la tiare en tête, sous un dais splendide, dont les lances étaient portées par les ambassadeurs de la république de Venise et du duc de Savoie, et par des princes romains. L'ambassadeur du roi de France soulevait le pluvial pendant la marche du pontife, lorsque, descendu de la sedia gestatoria, il se dirigea vers l'autel.

 

Le sacrifice fut célébré avec tous les rites usités lorsque le pape officie à Saint-Pierre. Le cardinal François Sforza et le cardinal Alexandre de Montalte, neveu de Sixte-Quint, remplirent les fonctions de diacres assistants, et le cardinal Pierre Aldobrandini, neveu de Clément VIII, celle de diacre de l'autel. Le pape ajouta à la collecte de sainte Cécile celle des sainte Tiburce, Valérien et Maxime.

 

Après la communion, selon l'antique usage, il fallut procéder à la translation du corps de Cécile dans son tombeau.

 

DOM GUÉRANGER

SAINTE CÉCILE ET LA SOCIÉTÉ ROMAINE AUX DEUX PREMIERS SIÈCLES (pages 360 à 367)

 

Cecilia

SAINTE CÉCILE - Santa Cecilia in Trastevere, Rome

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30 mai 2011 1 30 /05 /mai /2011 19:00

Tels étaient aux jours de son immolation, tels furent au neuvième siècle, tels furent à la fin du seizième, tels seront, jusqu'à la fin des temps, les titres de Cécile à l'amour des enfants de l'Eglise.

 

 Les générations passées l'avaient aimée parce qu'elle leur frayait, par l'attrait de ses exemples, la voie qui mène à un monde meilleur ; et voici qu'aux derniers jours d'un siècle à jamais fatal par les tristes défections dont il fut le théâtre, la grande martyre apparaissait tout à coup comme pour raviver l'étincelle du feu sacré.

 

Comment la catholicité n'eût-elle pas répondu à l'appel de Cécile ? Quoi d'étonnant que le Père du peuple fidèle, de ce peuple si cruellement décimé par l'hérésie, tressaille d'allégresse et salue par les élans de son coeur l'heureuse et noble fille de l'Eglise romaine, toujours sa gloire et son appui ? Quoi d'étonnant que le pieux et docte Baronius dépose pour un moment cette plume immortelle qui avait raconté les mérites de Cécile, pour accourir à ce tombeau d'où elle semble se lever et dire au monde que l'Eglise du seizième siècle est encore l'Eglise de l'âge primitif, parce qu'elle est toujours l'Eglise de Jésus-Christ ? Quoi d'étonnant que l'opulent et généreux Sfondrate consacre désormais son zèle et ses richesses à orner le triomphe de Cécile, quand on songe que ces saintes profusions ont pour objet de glorifier et d'encourager dans les coeurs catholiques les vertus qui forment l'éternelle auréole de la vierge martyre !

 

Cette pompe, ces largesses, ces honneurs, ces transports d'un peuple tout entier, depuis le vieillard qui ceint la tiare jusqu'au plus humble des fidèles, ne rendraient pas à l'Eglise romaine cette moitié de l'Allemagne envahie par la révolte, ni l'Angleterre, ni la Suède, ni le Danemark, ni les cantons suisses, nations aliénées de leur mère commune par des siècles ; mais ils attesteraient, que, au sein même de cette crise affreuse, la sainteté, la pureté de la vie, l'héroïsme du dévouement étaient à Rome l'objet d'un culte aussi fervent que jamais, et le temps viendrait où ces peuples fatigués d'incertitude et d'incroyance se tourneraient vers la patrie universelle où l'idéal de la vertu ne saurait jamais s'éteindre, puisqu'on l'y place sur les autels.

 

Sfondrate, à son retour de Frascati, fit faire de nouvelles fouilles, dans le but de retrouver le tombeau des saints Urbain et Lucius. On ne tarda pas à le découvrir. Paschal l'avait placé sous le sarcophage qui contenait l'arche de cyprès où reposait Cécile. Les deux corps étaient étendus côte à côte, mais en sens contraire. La tête du premier était dans la direction de la droite de l'autel, tandis que celle du second se dirigeait à la gauche. Chacun d'eux était dans son linceul particulier. Ces précieuses reliques furent réservées pour accroître encore par leur présence la splendeur de la fête que Clément avait fixée au 22 novembre.

 

Mais, avant cette solennelle journée, la piété de Sfondrate songea à prendre les dispositions convenables pour associer la postérité catholique aux joies qu'il avait ressenties en contemplant l'épouse du Christ dans son repos mystérieux. Un jeune et habile sculpteur, Etienne Maderno, fut chargé d'éterniser par son gracieux ciseau l'attitude de Cécile dans le tombeau.

 

Le dessin fut levé avec une religieuse exactitude, et le brillant artiste de vingt-quatre ans, inspiré par un tel sujet, dota la statuaire chrétienne de ce chef-d'oeuvre de grâce et de modestie, qui est l'une des principales gloires de la basilique transtibérine. Cécile vient d'adresser à Urbain ses dernières paroles, les trois jours d'attente sont écoulés ; il est temps qu'elle s'élance vers le bien infini qu'elle a conquis. Par un suprême effort, elle s'isole de ceux qui l'entourent, en détournant sa tête. Son âme s'échappe et s'envole vers le Christ, laissant planer sur ce corps virginal une grâce et une pudicité que l'inspiration chrétienne de Maderno a sentie et que son ciseau a su exprimer. Il voulut rendre jusqu'à la pose des mains, qui attestait d'une manière si expressive la foi de Cécile mourante. Les trois premiers doigts de la main droite étaient étendus; ceux de la main gauche fermés, sauf l'index. Unité de la substance divine, trinité des personnes : telle est la foi de l'Eglise, tel était aussi le sens du geste symbolique qui témoignait, après tant de siècles, la croyance pour laquelle Cécile avait versé son sang.

 

Sainte Cécile 

 

Cette oeuvre merveilleuse fut achevée dès l'an 1600, afin d'être placée sans retard à la Confession de la martyre.

 

Malgré le désir qu'on pouvait légitimement éprouver de ravir à cette tombe merveilleuse quelque portion de son riche dépôt, la dévotion de Sfondrate était trop délicate, pour qu'il eût même la pensée de distraire la moindre partie d'un corps que la Providence divine avait conservé dans toute son intégrité durant un si grand nombre de siècles. Il voulut le réserver tout entier pour le jour où l'âme de Cécile, au son de la trompette angélique, doit venir reprendre possession de ces membres glorieux auxquels la virginité sembla avoir déjà conféré les arrhes de l'immortalité.

 

La vierge parut vouloir elle-même récompenser la pieuse réserve dont Sfondrate avait usé envers elle. Pour conserver du moins un souvenir   vivant  du   touchant   spectacle   qui   l'avait frappé à l'ouverture du tombeau, le cardinal avait cru pouvoir enlever une partie des voiles ensanglantés qui reposaient aux pieds de Cécile, dans le but de leur assurer la vénération qu'ils méritaient comme monuments de son martyre. Il distribua  à  la  plupart  des  cardinaux  résidant  à Rome des portions de ces linges sacrés, dans l'intention de retenir pour lui la dernière.  Or il arriva que sur le morceau échu à Sfondrate lui-même adhérait encore un éclat d'ossement détaché du crâne de Cécile, et collé à ce linge qui avait servi à essuyer les plaies de la vierge expirante. La grande scène de la salle du bain se retraçait tout entière à la pensée, quand on considérait ce  précieux gage envoyé par Cécile à son zélé serviteur. On se représentait cette tête auguste fracassée par les trois coups de la large épée du licteur ; la main tremblante de quelque amie de Cécile sondant avec les linges de si profondes blessures, et, si légère que fût la pression, enlevant des éclats d'os brisés, avec le sang même dont elle voulait dégager la plaie. Sfondrate garda toute sa vie comme un joyau inestimable ce touchant souvenir de la martyre, qui le lui avait légué au moment où le sépulcre allait se refermer encore une fois sur elle.

 

Avant ce moment suprême, il voulut aussi, comme dernière consolation, retenir quelque chose des vêtements de Cécile. Sans toucher à la tunique de soie qui recouvrait immédiatement le corps, il détacha un morceau de la robe tissue d'or. Ce fut sans doute dans cette circonstance qu'il osa, avec un respect profond, interroger Cécile elle-même sur les secrets de sa pénitence, et il attesta avoir senti sur la poitrine de la martyre, à travers ses vêtements, les noeuds du cilice qui, comme une forte armure, avait protégé les combats de la vierge, et partageait maintenant ses honneurs.

 

Nous avons dit que le chef de saint Tiburce avait été réservé par Paschal et placé dans une châsse spéciale, lors de la première invention, en 821. Sfondrate crut devoir imiter cet exemple, et avant de fermer le tombeau où reposaient les trois martyrs, il enleva la tête de l'époux de Cécile, pour la réunir à celle de son frère. Il fit de même pour le chef de Maxime, afin que le trésor de la basilique offrît du moins à la vénération ries fidèles la partie principale des trois corps qu'avaient sanctifiés l'époux, le frère et le disciple de Cécile.

 

Le cercueil de la vierge avait été, comme nous l'avons dit, déposé dans une salle située à l'extrémité supérieure de la nef gauche de l'église, d'où l'on pouvait l'apercevoir à travers une fenêtre grillée qui ouvrait sur la basilique. L'estrade et l'arche de cyprès furent revêtues de tentures de soie rehaussées de broderies d'or ; de riches candélabres, de nombreuses lampes, des fleurs d'or et d'argent, ajoutaient un nouveau degré de magnificence à cette décoration. On s'abstint de brûler des parfums près du saint corps, parce que, selon le rapport du témoin irrécusable auquel nous empruntons tous ces détails, une délicieuse odeur de rose et de lis émanait sans cesse du cercueil de la vierge, et embaumait le sanctuaire où il était déposé.

 

Dans les jours qui s'écoulèrent jusqu'à la translation, le concours des fidèles fut prodigieux. On se vit obligé de réclamer le secours des Suisses de la garde pontificale pour maintenir l'ordre, au milieu de ce débordement de la population romaine sur la région transtibérine. Plus d'une fois, Sfondrate, qui semblait avoir fixé sa demeure dans la maison de Cécile, faillit être écrasé par la foule.

 

Les princesses romaines et les jeunes patriciennes se distinguèrent par leur assiduité à venir rendre leurs hommages à celle qui avait vaincu toutes les séductions du monde ; mais rien ne pourrait rendre l'allégresse des religieuses du monastère de Sainte-Cécile, gardiennes d'un si cher dépôt, et qui ne savaient comment témoigner à la puissante patronne leur reconnaissance d'avoir été choisies pour être les heureux témoins de sa dernière manifestation. Les voeux, les chants, les larmes de tendresse, tous les empressements d'une cour assidue, rien ne pouvait satisfaire le besoin d'exprimer à Cécile le bonheur que leur causait sa présence au milieu d'elles.

 

La plupart des cardinaux vinrent apporter le tribut de leurs hommages à l'épouse du Christ, et Clément VIII, ayant enfin recouvré la santé, accourut de Frascati pour se prosterner à ses pieds. Nous laisserons Baronius raconter l'entrevue du pontife avec la fille des Metelli :

" Clément se rendit, accompagné des cardinaux, à l'église de Sainte-Cécile, pour visiter et vénérer les dépouilles sacrées de la vierge martyre. La planche mobile de la châsse de cyprès ayant été levée, le pontife vit et vénéra ce corps digne du respect des anges mêmes, et lui offrit un hommage plus précieux que l'or et les pierreries, des prières accompagnées de larmes qui marquaient l'offrande même de son coeur.

" Il célébra ensuite, en l'honneur de la martyre, le sacrifice non sanglant du corps de Jésus-Christ, se réservant d'accomplir des actes plus solennels de religion en la fête de sainte Cécile qui approchait."

 

Tel fut ce jour-là l'hommage offert à la vierge par un si grand pontife.

 

DOM GUÉRANGER

SAINTE CÉCILE ET LA SOCIÉTÉ ROMAINE AUX DEUX PREMIERS SIÈCLES (pages 353 à 359)

 

Cecilia

SAINTE CÉCILE - Santa Cecilia in Trastevere, Rome

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26 mai 2011 4 26 /05 /mai /2011 19:00

Le bruit d'une si importante découverte se répandit promptement dans Rome, et prépara l'explosion de l'enthousiasme qui éclata les jours suivants.

 

Sfondrate n'avait pas voulu procéder plus avant, ni consommer l'invention des martyrs, sans avoir invité le souverain pontife à venir lui-même faire la reconnaissance d'un si sacré dépôt. A l'exemple de Jean qui courut plus vite que Pierre et arriva avant lui au sépulcre, mais s'abstint d'y entrer le premier, déférant l'honneur au chef du collège apostolique (JOHAN., XX), Sfondrate, muni de la clef qui garantissait l'inviolabilité des reliques, et ayant donné les ordres convenables, partit en hâte pour Frascati, où Clément VIII était allé prendre le repos de la campagne. Baronius était en ce moment auprès du pontife.

 

Nous emprunterons quelque chose à la narration qu'il a donnée, dans ses Annales, du grand événement que nous racontons :

" Clément se trouvait retenu au lit par de violentes douleurs de goutte, et n'admettait personne à son audience ; mais lorsqu'il eut appris le motif de l'arrivée de Sfondrate, il voulut tout aussitôt voir le cardinal, et entendre de sa bouche le récit de l'événement. Le pontife écouta tout avec une joie extrême ; mais sa douleur fut grande de ne pouvoir, à cause de son infirmité, partir immédiatement pour rendre visite à une si grande martyre et lui présenter ses hommages. Or il advint que ce contretemps tourna à mon avantage ; car, tout indigne que j'en fusse, le pontife me donna commission d'aller reconnaître et vénérer le corps de sainte Cécile. Sans perdre de temps, Sfondrate repartit aussitôt pour Rome ; je l'accompagnai, et, le jour même, nous entrâmes dans la ville, et arrivâmes sur le soir, pleins d'allégresse, au Titre de Sainte-Cécile.

" Je vis l'arche de cyprès qui avait été renfermée dans le sarcophage de marbre. Elle contenait les membres sacrés de Cécile. Un couvercle fort mince et légèrement endommagé servait à la fermer. J'admirai comment, après huit cent soixante-dix-huit ans, un coffre de simple bois, enfoui sous terre, privé d'air, ayant à combattre l'humidité du marbre qui le contenait, avait pu se conserver ainsi dans son entier, sans aucune disjonction ni avarie, mais toujours solide et résistant, en sorte que chacun pouvait encore le toucher, le manier, lui donner en un mot les marques les plus vives de sa vénération, sans le léser en aucune manière. Son couvercle ductile était dans un tel état de conservation qu'on pouvait, sans aucun péril, l'ôter et le remettre, comme il arriva sans cesse, pendant plusieurs jours, pour satisfaire la dévotion de ceux qui désiraient voir et vénérer la sainte martyre dont il recouvrait le corps."

 

Nous avons démontré que l'on doit rapporter ce coffre de cyprès à une époque plus éloignée encore. Baronius reprend ainsi sa narration :

" Ayant donc considéré cette châsse avec une grande admiration, nous voulûmes voir enfin le corps sacré qu'elle renfermait. C'est alors que, selon la parole de David, comme nous avions entendu, ainsi nous avons vu, dans la cité du Seigneur des armées, dans la cité de notre Dieu. (Psalm. XLVII.) En effet, nous trouvâmes le vénérable corps de Cécile dans le même état où nous avions lu qu'il avait été trouvé et remis dans le tombeau par le pape Paschal. A ses pieds étaient encore les voiles imbibés de sang ; la robe dont parle le pontife était toujours reconnaissable à son tissu de soie et d'or, quoique endommagée par le temps.

" Immédiatement sur le corps de la sainte martyre, on remarquait d'autres tissus d'une légère étoffe de soie ; leur dépression aidait à suivre la pose et l'inflexion des membres. On voyait avec admiration que ce corps n'était pas étendu comme ceux des morts dans leurs tombeaux ; mais la très chaste vierge était couchée sur le côté droit, comme sur un lit, les genoux rapprochés avec modestie, offrant plutôt l'aspect d'une personne endormie, et inspirant à tous un tel respect, que, malgré l'attrait d'une pieuse curiosité, nul n'osa soulever les vêtements pour découvrir ce corps virginal. Chacun se sentait ému d'une ineffable vénération, comme si l'Epoux céleste, veillant sur le sommeil de son épouse, eût proféré cet ordre et cette menace : Ne réveillez pas ma bien-aimée, jusqu'à ce qu'elle le veuille elle-même. (Cant., II, 7.)

" Nous vîmes, nous reconnûmes, nous adorâmes. Le lendemain, dès le matin, nous offrîmes à Dieu, sur l'autel de la Confession, le sacrifice de la Messe, pour la mémoire et l'honneur d'une si grande vierge et martyre et des autres saints ensevelis près d'elle. Nous repartîmes ensuite pour Frascati, afin de faire le rapport de ce que nous avions vu au souverain pontife qui nous avait envoyé. Clément écouta notre récit avec satisfaction, et s'occupa tout aussitôt de la translation de cet auguste corps dans sa Confession, fonction qu'il déclara vouloir accomplir lui-même, à l'exclusion de tout autre prélat, de quelque dignité éminente qu'il fût revêtu. Le jour fut fixé à la fête même de sainte Cécile." (BARONIUS, Annal. Eccles., ad annum 821.)

 

Nous suspendons ici le récit du grand annaliste ; mais qu'il nous soit permis d'arrêter un moment le lecteur, pour considérer avec lui un des plus touchants caractères de l'Eglise catholique, si divinement exprimé dans les scènes que nous venons de raconter, et dans celles qui nous restent à décrire. Un homme d'Etat a dit de nos jours : "Le catholicisme est la plus grande école de respect qui soit sur la terre" ; nous ajouterons que la religion, telle que l'enseigne et la pratique l'Eglise romaine, est la source intarissable de la plus haute et de la plus noble sensibilité qu'il soit donné à l'homme d'éprouver en ce monde. C'est cette inépuisable tendresse qui produit chaque jour tant d'actes de dévouement dans son sein, qui enfante sans efforts tant de généreux sacrifices, et entretient cet enthousiasme ardent et pur que les sectes séparées ne connurent jamais.

 

Or, veut-on savoir où l'Eglise catholique en puise le secret ? Sans doute, dans la doctrine et les exemples de l'Homme-Dieu ; mais cet Homme-Dieu, depuis qu'il est remonté à la droite du Père,   se plaît à  reproduire dans les saints les traits admirables sous lesquels il s'est montré à nous. De là, dans l'Eglise, cet amour, ce souvenir incessant des héros qu'elle a produits, et par eux, en elle, ce développement toujours ancien et toujours nouveau du principe de charité. Ils vivent avec Dieu dans l'éternité bienheureuse; mais elle vit avec eux dans cette vallée de larmes, et de même qu'elle ne cesse de ressentir leur protection, de même aussi elle ne cesse de les aimer, de se délecter dans leur souvenir, de rechercher leurs traces, comme la voie lumineuse qui la conduit au Christ lui-même. Les personnes vraiment chères que la mort nous a ravies ne sont jamais totalement absentes de nous ; car, ainsi que le dit le livre sacré, "l'amour est fort comme la mort" (Cant., VIII) ; quelle ne sera donc pas la confiance de l'Eglise qui sait que les saints, objet de son amour durant leur vie mortelle, sont plus vivants pour elle, plus occupés de ses destinées, plus tendres à son égard, maintenant qu'ils sont établis à la source même de l'amour éternel, qu'ils ne furent aux jours où ils vivaient en ce monde, séjour de toutes les imperfections ?

 

Voyez Clément VIII, vieillard austère, qui naguère différa deux ans entiers la réconciliation du Béarnais triomphant dans Paris, et implorant à genoux par ses ambassadeurs l'absolution de son hérésie ; ce pontife, héritier de l'énergie de ses plus mâles prédécesseurs, et qui porta sans fléchir le poids de la catholicité dans ce siècle où Rome avait vu se détacher d'elle un si grand nombre de ses provinces d'Europe ; voyez-le ému jusqu'au fond de sa grande âme, à la nouvelle que l'on vient de découvrir les restes d'une jeune femme chrétienne de l'âge des persécutions. Aussitôt que ses forces le lui permettront, il se rendra en personne pour vénérer ces ossements séculaires, il les arrosera de ses larmes de joie et d'attendrissement; il estimera l'un des grands événements de son pontificat, la translation que ses mains auront faite du cercueil de Cécile dans une châsse splendide, pour laquelle il épuisera le trésor papal.

 

Un tel spectacle est incompréhensible, sans doute, pour quiconque n'est pas initié à la foi catholique ; mais est-il rien cependant qui fasse mieux saisir la suprême moralité de l'Eglise, toujours éprise pour la vertu de ce fervent enthousiasme envers ceux qui l'ont pratiquée, sans que les siècles attiédissent en rien cette noble ardeur, sans que la durée d'un tel sentiment fasse autre chose que de le rendre plus touchant et plus vif ? A six siècles d'intervalle, Paschal ressentit pour la vierge Cécile la respectueuse tendresse dont l'avait entourée Urbain, et, huit siècles après, la fille de Caecilii retrouvait au coeur de Clément, sans aucun refroidissement, la pieuse affection que lui vouèrent Urbain et Paschal.

 

A ce moment pourtant, l'orgueilleuse réforme triomphait, les souvenirs les plus chers à tant de générations fidèles étaient foulés aux pieds, les ossements des saints protecteurs étaient jetés à la voirie ; car ils rappelaient l'exemple de ces sublimes vertus qui n'allaient plus à un siècle émancipé des superstitions du papisme. Cependant celle qu'on appelait la Prostituée de Babylone et que maudissaient tant de nations, Rome s'ébranlait à la nouvelle de la découverte du corps d'une jeune patricienne immolée pour la foi sous les Césars, comme si un trésor destiné a enrichir tous ses habitants se fût tout à coup révélé.

 

Quelle idée, quel sentiment représentait donc cette Romaine ensevelie depuis tant de siècles ? Une pureté digne des anges, un dévouement inviolable à Dieu auquel elle s'était consacrée, un zèle ardent pour le salut des âmes et pour le soulagement des pauvres, une indomptable fermeté à confesser cette foi qui relève ainsi la nature humaine, un courage qui brava deux fois la mort ; enfin ce charme inexprimable que de si sublimes vertus répandirent sur la grande martyre de Rome.

 

Tels étaient aux jours de son immolation, tels furent au neuvième siècle, tels furent à la fin du seizième, tels seront, jusqu'à la fin des temps, les titres de Cécile à l'amour des enfants de l'Eglise.

 

DOM GUÉRANGER

SAINTE CÉCILE ET LA SOCIÉTÉ ROMAINE AUX DEUX PREMIERS SIÈCLES (pages 346 à 352)

 

Cecilia

SAINTE CÉCILE - Santa Cecilia in Trastevere, Rome

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25 mai 2011 3 25 /05 /mai /2011 19:00

Enfin, le mercredi 20 octobre 1699, le cardinal commanda d'enlever le pavé aux abords de l'autel.

 

 On déblaya ensuite la terre qui se trouvait sous les dalles, et on dégarnit les fondations du mur qui fermait l'enceinte souterraine. Ce mur ayant été attaqué lui-même, et une ouverture pratiquée avec beaucoup d'efforts dans son épaisseur, les regards pénétrèrent enfin dans l'espace vide qui s'étendait sous l'autel. Deux sarcophages de marbre blanc, placés côte à côte, à 3 pieds au-dessous du sol, apparurent aux yeux de Sfondrate. Ces deux tombeaux étaient directement sous l'autel qui leur correspondait par le conduit dont nous avons parlé.

 

Transporté d'une sainte joie, le cardinal songe à s'entourer de témoins respectables avant de procéder à l'ouverture des tombeaux. Il mande aussitôt l'évêque d'Isernia, vice-gérant du cardinal-vicaire, Jacques Buzzi, chanoine de la congrégation de Latran, et les Pères Pierre Alagona et Pierre Morra, de la Compagnie de Jésus. Ils arrivèrent bientôt accompagnés de plusieurs personnes de la maison du cardinal.

 

Après une nouvelle reconnaissance des lieux, on s'empressa d'ouvrir le premier tombeau, celui qui se trouvait le plus près de l'entrée du souterrain. Les ouvriers ayant enlevé la table de marbre qui le recouvrait, on aperçut dans l'intérieur un coffre en bois de cyprès. Ce cercueil ne présentait aucune trace de serrure, et la planche du dessus n'était point fixée avec des clous. Elle était fort mince et retenue au moyen d'une coulisse, en dedans de laquelle on pouvait la faire aller et venir. Sfondrate et les assistants furent quelque temps incertains sur les moyens qu'il leur fallait prendre pour ouvrir cette arche sacrée, que déjà tant d'indices leur désignaient comme celle-là même où reposait Cécile. Enfin le cardinal découvrit lui-même le moyen à employer, et de ses mains, tremblantes d'émotion, il enleva respectueusement le frêle obstacle qui dérobait la vue du corps de la vierge.

 

Le moment fut solennel. Après huit siècles d'obscurité et de silence, Cécile apparaissait encore une fois aux yeux des fidèles du Christ, dans l'ineffable majesté de son martyre. C'était bien encore dans l'intérieur du cercueil l'étoffe précieuse, quoique un peu fanée par le temps, dont Paschal avait fait garnir les parois. Les siècles avaient respecté jusqu'à la gaze de soie que le pontife avait étendue sur les restes glorieux de Cécile, et à travers ce voile transparent, l'or dont étaient ornés les vêtements de la vierge scintillait aux yeux des spectateurs.

 

Qui pourrait décrire le tressaillement de ces coeurs catholiques auxquels le ciel accordait la faveur de saluer les premiers, sur la couche de son repos triomphal, la martyre de l'âge héroïque qui se révélait ainsi à l'Eglise romaine, en ces jours de tempêtes, comme pour encourager par sa présence les nouveaux combats, et pour en certifier la récompense ? Ces héros de la foi catholique que l'on avait vus naguère verser leur sang, en Angleterre, en Hollande, et jusque sur les   mers,   dormaient   aussi   d'un   sommeil   de gloire, et Cécile se levant du tombeau leur souhaitait la paix, et proclamait par son exemple la vérité de cet oracle du Psalmiste : "Le Seigneur garde les ossements de ses serviteurs ; il ne s'en perdra pas un seul." (Psalm. XXXIII.)

 

Mais qui n'eût aspiré à contempler de plus près la dépouille mortelle de l'épouse du Christ ? Sfondrate leva enfin avec un profond respect le voile qui recouvrait le trésor que les mains d'Urbain et de Paschal avaient successivement confié à la terre, et les assistants eurent sous les yeux Cécile elle-même, dans toute la vérité de son sacrifice.

 

Elle était revêtue de sa robe brochée d'or, sur laquelle on distinguait encore les taches glorieuses de son sang virginal ; à ses pieds reposaient les linges teints de la pourpre de son martyre. Etendue sur le côté droit, les bras affaissés en avant du corps, elle semblait dormir profondément. Le cou portait encore les cicatrices des plaies dont le glaive du licteur l'avait sillonné ; la tête, par une inflexion mystérieuse et touchante, était retournée vers le fond du cercueil. Le corps se trouvait dans une complète intégrité, et la pose générale, conservée par un prodige unique, après tant de siècles, dans toute sa grâce et sa modestie, retraçait avec la plus saisissante vérité Cécile rendant le dernier soupir, étendue sur le pavé de la salle du bain. On se croyait reporté au jour où le saint évêque Urbain avait renfermé dans l'arche de cyprès le corps de Cécile, sans altérer en rien l'attitude que l'épouse du Christ avait choisie pour exhaler son âme dans le sein de son Epoux. On admirait aussi la discrétion de Paschal qui n'avait point troublé le repos de la vierge, et avait su conserver à la postérité un si grand spectacle.

 

L'arche  de  cyprès  devait  nécessairement  remonter jusqu'à la sépulture de Cécile par saint Urbain. On sent aisément qu'il eût été impossible, au neuvième siècle, de transférer le corps de la martyre dans un cercueil si étroit, sans déranger l'attitude et peut-être même sans disjoindre les membres.  On a dû remarquer que le Liber pontificalis, racontant les actes de religion du pontife Paschal envers la sainte, ne parle que de l'étoffe dont il fit garnir le cercueil, donnant assez clairement à entendre que ce cercueil existait antérieurement, et n'avait besoin que d'être décoré. La dimension assez faible du coffre de cyprès s'explique  aisément par la nécessité de l'insérer  dans   un   sarcophage.   Les   corps   des saints Valérien, Tiburce et Maxime étaient dans un sarcophage semblable,  mais étendus sur le dos, et simplement enveloppés de linceuls. Des savants protestants, Platner, Bunsen, etc., dans leur grand ouvrage sur Rome (Beschreibung der Stadt Rom., t. III, part, m), ne voient aucune difficulté à faire remonter l'attitude du corps de la sainte à sa première sépulture ; nous croyons avoir montré jusqu'à l'évidence qu'il faut rapporter au même temps le coffre de cyprès qui le contenait.

 

On dut procéder ensuite à la reconnaissance du second sarcophage ; il était contigu à celui de Cécile, mais il s'enfonçait plus avant sous l'autel, vers l'abside. L'ouverture en ayant été faite, on y trouva trois corps étendus séparément, côte à côte, et enveloppés d'un linceul. Le premier avait les pieds dans la direction du côté droit de l'autel ; la tête avait été enlevée. Le second corps était posé en sens contraire ; la tête s'y trouvait, mais détachée du tronc, et les pieds étaient tournés vers la gauche de l'autel. Le troisième était couché dans le même sens que le premier, mais la tête était encore adhérente au corps.

 

Il fut facile de reconnaître et de discerner, dans cet imposant triumvirat de martyrs, Tiburce, Valérien et Maxime. D'abord, l'inscription de Paschal, qu'on avait sous les yeux, énumérait dans ce même ordre les trois corps qu'il avait ensevelis auprès de Cécile. L'absence de la tête de celui qui occupait la première place ne permettait pas de douter que le corps appartînt à Tiburce, dont le chef, et non celui de Valérien, était conservé dans l'une des châsses du trésor de la basilique. Le second ne pouvait être que l'époux de Cécile, décapité comme son frère, et l'on remarqua que les ossements des deux martyrs témoignaient d'une ressemblance étonnante, en sorte que l'on était à même de conclure que les deux frères avaient souffert la mort dans un âge à peu près semblable.

 

Quant au troisième corps, on ne pouvait douter qu'il  ne fût  celui de Maxime.  Ce greffier d'Almachius n'avait pas eu la tête tranchée ; il avait été assommé avec un fouet armé de balles de plomb.  Le crâne offrait les traces les plus énergiques de ce supplice. On le trouva fracturé en plusieurs endroits, et, chose merveilleuse ! la chevelure brune du martyre, collée de sang, était conservée tout entière, comme si le Seigneur eût voulu montrer en lui l'accomplissement littéral de cette promesse qu'il avait faite à ses athlètes : "Pas un de vos cheveux ne se perdra." (Luc, XXI.) Les ossements de Maxime attestaient une taille beaucoup plus élevée que celle des deux frères,  et la tête était encore si adhérente au corps qu'il fallut beaucoup d'efforts à Sfondrate lorsqu'il voulut, comme nous le dirons bientôt, la séparer du tronc.

 

Le sépulcre où reposaient Urbain et Lucius ne fut point découvert en ce jour. On savait par le diplôme de Paschal et par son inscription qu'il devait exister près des deux autres; mais Sfondrate était empressé de revenir au tombeau de Cécile, à laquelle appartenait la principale part de gloire dans cette seconde invention comme dans la première.

 

Il fit enlever le cercueil de cyprès du sarcophage de marbre qui le contenait, et on le transporta aux flambeaux dans une pièce attenante à l'église et au monastère, qui servait pour entendre les confessions des religieuses.

 

On avait préparé à la hâte un autre coffre en bois, garni d'une étoffe de soie et fermant à clef. Sfondrate y déposa l'arche de cyprès qui contenait le précieux trésor auquel sa foi attachait tant de prix ; il ferma ensuite la serrure du coffre extérieur, et le scella de son sceau. On dressa une estrade dans la pièce où était déposé le corps de Cécile, afin d'élever la châsse à la hauteur d'une fenêtre grillée qui donnait sur l'église, à l'extrémité de la nef latérale qui s'étend à gauche en entrant dans la basilique. On avait cependant laissé approcher plusieurs peintres, auxquels il fut permis de dessiner le corps de la martyre.

 

Le bruit d'une si importante découverte se répandit promptement dans Rome, et prépara l'explosion de l'enthousiasme qui éclata les jours suivants.

 

DOM GUÉRANGER

SAINTE CÉCILE ET LA SOCIÉTÉ ROMAINE AUX DEUX PREMIERS SIÈCLES (pages 339 à 345)

 

Cecilia

SAINTE CÉCILE - Santa Cecilia in Trastevere, Rome

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