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"Je vous donne un commandement nouveau : c'est de vous aimer les uns les autres.

 

Comme je vous ai aimés, vous aussi aimez-vous les uns les autres.

 

Ce qui montrera à tous les hommes que vous êtes mes disciples, c'est l'amour que vous aurez les uns pour les autres."

 

Evangile de Jésus-Christ selon  saint Jean 

   

 

Pentecôte

" Le Défenseur, l'Esprit Saint que le Père enverra en mon nom, lui, vous enseignera tout, et il vous fera souvenir de tout ce que je vous ai dit."

 

Évangile de Jésus Christ selon saint Jean  

 

   

 

 El Papa es argentino. Jorge Bergoglio                 

Saint Père François

 

 

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1er mai 2011 Béatification de Jean-Paul II

Béatification du Serviteur de Dieu Jean-Paul II

 

 

  Béatification du Père Popieluszko

beatification Mass, in Warsaw, Poland

à Varsovie, 6 juin 2010, Dimanche du Corps et du Sang du Christ

 

 

presidential palace in Warsaw

Varsovie 2010

 

 

Basilique du Sacré-Cœur de Montmartre
Sanctuaire de l'Adoration Eucharistique et de la Miséricorde Divine

La miséricorde de Dieu est comme un torrent débordé. Elle entraîne les cœurs sur son passage.
(Saint Curé d'Ars)
 

 


Le côté du Christ a été transpercé et tout le mystère de Dieu sort de là. C’est tout le mystère de Dieu qui aime, qui se livre jusqu’au bout, qui se donne jusqu’au bout. C’est le don le plus absolu qui soit. Le don du mystère trinitaire est le cœur ouvert. Ce n’est pas une image, c’est une réalité. C’est la réalité la plus profonde qui soit, la réalité de l’amour.
Père Marie-Joseph Le Guillou




Dans le cœur transpercé
de Jésus sont unis
le Royaume du Ciel
et la terre d'ici-bas
la source de la vie
pour nous se trouve là.

Ce cœur est cœur divin
Cœur de la Trinité
centre de convergence
de tous les cœur humains
il nous donne la vie
de la Divinité.


Sainte Thérèse Bénédicte de la Croix
(Edith Stein)



Le Sacré-Cœur représente toutes les puissances d'aimer, divines et humaines, qui sont en Notre-Seigneur.
Père Marie-Eugène de l'Enfant Jésus

 



feuille d'annonces de la Basilique du Sacré-Coeur de Montmartre

 

 

 

 

 

 

 

     

The Cambrai Madonna

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Cathédrale de Cambrai

 

 

 

Cathédrale Notre Dame de Paris 

   

Ordinations du samedi 27 juin 2009 à Notre Dame de Paris


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Solennité de l’Immaculée Conception de la Vierge Marie à Notre-Dame de Paris


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... ma vocation, enfin je l’ai trouvée, ma vocation, c’est l’Amour !

 

 

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SAINT PIERRE ET SAINT ANDRÉ

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BENOÎT XVI à CHYPRE 

 

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Salutation avec l'Archevêque Chrysostomos à l'église d' Agia Kyriaki Chrysopolitissa de Paphos, le vendredi 4 juin 2010

 

     

 

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SALVE REGINA

24 mai 2011 2 24 /05 /mai /2011 19:00

Mais il est temps de rentrer dans Rome, où nous rappelle le triomphe de Cécile.

 

 Le monastère que Paschal avait bâti, au neuvième siècle, près de la basilique, ne s'était pas maintenu, et le soin de desservir l'auguste sanctuaire passa successivement aux mains de diverses corporations. Enfin, en 1627, il plut au Seigneur de le rendre à l'Ordre de saint Benoît. La pieuse abbesse des bénédictines de Sainte-Marie in Campo Marzo, Maura Magalotta, sollicita du pape Clément VII la faveur d'aller habiter le monastère de Sainte-Cécile avec celles de ses soeurs qui consentiraient à la suivre. Le pontife, qui était alors assiégé au château Saint-Ange par l'armée du connétable de Bourbon, accueillit avec empressement la proposition de la pieuse abbesse, et il data de la forteresse même la bulle qui assurait désormais d'une manière permanente à la basilique la célébration des offices divins, selon les intentions de son prédécesseur Paschal.

 

En 1584, Rome vit confirmer par l'autorité apostolique une nouvelle institution, qui avait pour objet le culte de la grande martyre. Sous le pontificat de saint Pie V, une académie s'était formée dans le but de conserver les traditions de la bonne musique, et elle s'était placée sous l'invocation de sainte Cécile, qui recevait de plus en plus les honneurs de la chrétienté en qualité de reine de l'harmonie. Le pape Grégoire XIII voulut encourager de si louables efforts, et érigea solennellement par lettres apostoliques la nouvelle académie, qui s'est maintenue jusqu'à nos jours, honorée de nombreux privilèges successivement accordés par les pontifes romains.

 

Dès l'année 1576, une confrérie musicale s'était fondée à Paris, sous le vocable de Sainte-Cécile, dans l'église des Grands-Augustins, et avait été honorée des lettres patentes du roi.

 

Sur la voie Salaria, en 1578, un éboulement amena tout à coup la découverte d'une suite de corridors de l'un des cimetières de cette voie, avec les cubicula ornés de peintures qui les accompagnaient. Rome s'émut tout entière de cette apparition inattendue, ainsi que le rapporte Baronius. Tout le monde voulut visiter cette région de la Rome souterraine que l'on ne connaissait plus ; mais peu de temps après un second éboulement effaça l'entrée de la catacombe, et les sacrés cimetières demeurèrent plongés encore dans les ténèbres qui les tenaient envahis depuis tant de siècles. Leur guide cependant venait de naître à Malte, Antoine Bosio, que Mgr Gerbet a appelé avec raison le Colomb des catacombes. Venu à Rome de  bonne heure,  l'apparition  subite du cimetière de la voie  Salaria,   dont il  entendit parler dès ses jeunes années, fut pour lui une révélation de sa carrière future, et Rome souterraine devint sa conquête. Nous ne pouvons nous étendre sur l'importance des travaux gigantesques de ce grand homme; mais ceux de nos lecteurs qui nous ont suivi jusqu'ici ont dû comprendre que la connaissance et l'appréciation de Rome souterraine sont le moyen principal de retrouver et de conduire l'histoire du christianisme dans Rome durant les trois premiers siècles.

 

Les travaux si méritants de Bosio n'ont pas produit, il est vrai, tout ce qu'ils devaient produire. L'ordre chronologique dans la succession des cimetières, l'âge des fresques, des inscriptions, des monuments, des constructions, ne l'ont pas assez préoccupé, et en résumé le résultat de ses labeurs n'a pas été aussi fécond qu'il eût pu l'être; mais il lui reste la gloire d'avoir révélé Rome souterraine qui, sans lui, était perdue de nouveau. Reprise en sous-oeuvre de nos jours par la science archéologique, elle ne cesse de fournir sur l'unité de la foi et sur les origines chrétiennes des secours et des renseignements venus en leur temps, et qui nous mettent à même de tracer sûrement les annales de Rome chrétienne et de justifier de l'antiquité apostolique de nos croyances. On a vu à quel point l'histoire de Cécile est intimement liée à tout cet ensemble ; mais, à ce moment, ce n'est plus dans les souterrains qu'il nous faut l'aller chercher, c'est au grand jour que la plus solennelle ovation l'attend.

 

En l'année 1500, Grégoire XIV monta sur le siège apostolique, qu'il occupa à peine quelques mois ; mais il eut le temps de promouvoir à la dignité cardinalice son neveu Paul-Emile Sfondrate, et le Titre qu'il lui conféra fut celui de Sainte-Cécile.   Paul-Emile était né à Milan,  en 1561.   Son  père était  Paul  Sfondrate,   frère  de Grégoire XIV ; sa mère appartenait à la maison d'Esté et se nommait Sigismonde. Les plus heureuses   dispositions   signalèrent   la   jeunesse   de leur fils, et lorsqu'il fut en âge de choisir un état de vie, son attrait le dirigea vers l'Eglise. Il vint à Rome de bonne heure, et passa quelque temps dans la maison des Pères de l'Oratoire à Sainte-Marie  in  Vallicella,  où il eut encore le bonheur de connaître  saint Philippe  Néri.   La piété ardente du jeune Sfondrate s'enflamma encore dans la société de cet illustre serviteur de Dieu, et il puisa dans ses entretiens avec le vieillard cette charité envers les pauvres, ce zèle pour l'entretien du sanctuaire, cette religion fervente pour les  martyrs,  qui  furent toute sa vie les principaux traits de son caractère.

 

Le jeune prélat, âgé alors de vingt-neuf ans, était absent de Rome lorsque la nouvelle de son élévation vint le surprendre. Il se rendit auprès de son oncle qui avait su toujours apprécier sa vertu, et qui voulut tout aussitôt l'employer dans ses conseils. La mort de Grégoire XIV rendit à son neveu les pieux loisirs dont il avait toujours été si jaloux, et Rome le vit plus assidu que jamais aux oeuvres de la piété et de la miséricorde. Pourvu de riches bénéfices par la munificence de son oncle, il n'en avait pas profité pour s'entourer d'un luxe que sa haute position eût légitimé aux yeux de tous. On avait vu ce cardinal-neveu habiter un palais dont les appartements, dépourvus de tentures et de tapisseries, attestaient qu'il songeait de préférence à vêtir les membres de Jésus-Christ. La cour pontificale avait admiré ce prince de l'Eglise qui ne souffrait sur sa table que de la vaisselle de terre, afin de pouvoir nourrir un plus grand nombre de pauvres. Tel avait paru Sfondrate au faîte des honneurs, tel il se montra tout le reste de sa vie. Le 25 janvier 1591 fut le jour où il prit possession du Titre de Sainte-Cécile.

 

La basilique, restaurée soixante ans auparavant par l'abbesse Maura Magalotta, réclamait déjà les sollicitudes de son cardinal titulaire. Elle avait souffert dans quelques parties, et d'ailleurs le cardinal ne la trouvait pas assez magnifique. Il entreprit une restauration générale, dans laquelle tout en conservant le caractère antique et vénérable de l'édifice, il en consoliderait toutes les parties, et répandrait sur l'ensemble cet air de splendeur qui sied si bien aux églises de Rome.

 

Sfondrate voulut d'abord enrichir sa basilique des nombreuses et importantes reliques qu'il avait rassemblées à force de pieuses recherches, et souvent en employant la médiation de son oncle.   Elles  étaient  contenues  dans un  grand nombre de châsses précieuses par la matière ou le travail, et afin qu'elles fussent conservées plus dignement, il eut l'idée de les placer sous l'autel de la Confession. Mais l'espace accessible entre la masse de cet autel et la mystérieuse région des tombeaux ne suffisait pas pour offrir une retraite assez spacieuse à ce sacré dépôt. Le cardinal dut songer à agrandir le lieu, et, rempli d'un ardent désir de trouver le corps de sainte Cécile, il se décida à faire percer l'épais mur sur lequel reposait l'autel.

 

Il pensait, avec raison, que les tombeaux ne devaient pas être éloignés de l'entrée, et d'ailleurs l'ouverture pratiquée dans la masse de l'autel devait correspondre directement au sépulcre de Cécile, puisque les fidèles faisaient descendre autrefois par ce conduit les linges qu'ils voulaient sanctifier et conserver en mémoire de la martyre. Dans l'attente d'une découverte qui devait répandre tant de gloire et de consolation sur sa vie entière, Sfondrate, tout entier à ses pieuses émotions, avait ordonné aux ouvriers de ne travailler que sous ses yeux, et de suspendre toutes recherches durant les instants qu'il était contraint de passer hors de la basilique.

 

Enfin, le mercredi 20 octobre 1699, le cardinal commanda d'enlever le pavé aux abords de l'autel.

 

DOM GUÉRANGER

SAINTE CÉCILE ET LA SOCIÉTÉ ROMAINE AUX DEUX PREMIERS SIÈCLES (pages 332 à 338)

 

Cecilia

SAINTE CÉCILE - Santa Cecilia in Trastevere, Rome

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23 mai 2011 1 23 /05 /mai /2011 19:00

La renommée de ce jeune peintre, que n'éclipsaient à Florence ni Léonard de Vinci ni Michel-Ange, parvint aux oreilles de Jules II, et, dans l'année 1508, Raphaël fut appelé à Rome par le pontife, à qui Bramante l'avait recommandé comme étant de force à peindre les salles du Vatican.

 

Le jeune artiste se mit à l'oeuvre aussitôt, et commença à décorer la salle appelée della Segnatura. Pendant qu'il accomplissait ainsi la décoration des stanze, il vint en pensée à Jules II de le distraire de cet immense travail, en lui faisant prendre part à l'ornementation d'une maison de campagne affectionnée de ce pontife. A six milles de Rome, près de Fiumicino, était un casino bâti par Innocent VIII, et dont Jules II voulait faire une résidence digne d'un pape. On appelait cette résidence la Magliana, du nom de la petite rivière dite le Magliano. Il fallait une chapelle à cette sorte de villa, qui était souvent un rendez-vous de chasse. Sous Jules II, le cardinal Alidossi fut chargé de présider aux décorations de cette chapelle, et, comme il mourut en 1511, il est évident que les fresques confiées à sa surveillance sont antérieures à cette date. Jules II lui avait conféré pour Titre la basilique de Sainte-Cécile ; ce fut ce qui porta Alidossi à demander à Raphaël qu'il peignît dans la chapelle le martyre de la vierge romaine. Le grand artiste entreprit une vaste fresque, sur laquelle il représenta Cécile dans la chaudière, comme l'avaient fait Francia et tant d'autres peintres de cette époque, mais, par un anachronisme qui n'a pas été répété, il unit dans la même scène le martyre des saints Tiburce et Valérien auxquels des bourreaux tranchent la tête.

 

D'affreuses barbaries commises dans cette chapelle par un fermier, en 1830, ont fait périr cette précieuse peinture presque en entier. Cet homme trouva commode de se faire ouvrir une porte qui le mît à même d'assister à la messe dans une tribune attenante à la chambre qu'il occupait, et cette porte fut ouverte par ses ordres au beau milieu de la scène du martyre de sainte Cécile, dont il ne resta plus que quelques figures plus ou moins tronquées aux deux extrémités. On ignorerait pour toujours les conditions dans lesquelles Raphaël avait établi ce chef-d'oeuvre, si nous n'en avions pas la gravure exécutée par Marc-Antoine Raimondi. On connaît l'alliance qui s'établit entre Raphaël et ce célèbre artiste. Souvent Raphaël lui communiqua le dessin des oeuvres qu'il se disposait à peindre. Par bonheur, Marc-Antoine avait pu consacrer son burin à celle de la Magliana. On y retrouve le génie de Raphaël, mûri déjà par les travaux qu'il avait commencés dans les chambres du Vatican, et, si la gravure de Marc-Antoine laisse à désirer, surtout pour le personnage principal, on est heureux de pouvoir encore se faire une idée de la composition d'une scène digne de celui qui l'avait conçue et exécutée. Le gouvernement français à fait l'acquisition des débris de cette fresque qui ont été transportés sur toile ; il a acheté également une autre peinture de Raphaël demeurée entière dans la même chapelle de la Magliana, et représentant le Père éternel avec des anges d'une incomparable beauté.

 

Ce ne fut pas seulement cette fois que Raphaël,  peignant les chambres du Vatican,  fut appelé à consacrer son immortel pinceau à sainte Cécile.  En  1512,  une pieuse  femme,   nommée Hélène Duglioli, dont l'église de Bologne célèbre chaque année la fête, eut l'inspiration de consacrer à sainte Cécile une chapelle dans une des églises   de   cette   ville,   appelée   Saint-Jean in Monte.

SAINTE CÉCILE par Raphaël

Raphaël fut chargé de peindre le tableau de l'autel, et s'appliqua à cette oeuvre dans l'année 1513.

 

Il avait à y faire figurer saint Paul, sainte Marie-Magdeleine, saint Jean l'Evangéliste et saint Augustin, qui représentent sans doute les patrons des donateurs. Avant de réaliser d'une manière définitive l'idéal qu'il poursuivait, Raphaël dut, selon son usage, produire plusieurs esquisses du futur tableau. Une de ces esquisses a été gravée par Marc-Antoine. Enfin la peinture fut achevée, et tout aussitôt on reconnut en elle le progrès qui s'était opéré chez le grand artiste. La vigueur du ton,  l'énergie des teintes,  laissaient loin derrière elles toutes ses oeuvres antérieures.  On  a cru  reconnaître  le concours  de Jules Romain sur cette toile, par la manière dont les ombres un peu noires y sont dispensées. Avec quelque perfection que soient peints les quatre saints, la figure et la pose de Cécile ne tardent pas à absorber le spectateur et le subjuguent aux pieds de ce personnage principal.

 

L'intention de Raphaël est d'exprimer la noble pensée qui a fait choisir sainte Cécile pour patronne de la musique.

Aux pieds de la vierge sont épars les emblèmes de la musique profane ; Cécile abaisse l'instrument qu'elle tenait dans ses mains, et, son ardent regard fixé au ciel, elle écoute dans un ravissement divin le concert que des anges exécutent avec transport au-dessus de sa tête. Un tel chef-d'oeuvre a droit d'être compté parmi les principaux hommages qu'a reçus dans le cours des siècles la fille des Caecilii.

 

Vasari a prétendu que Francia, à qui Raphaël avait adressé son tableau, le priant d'en surveiller le décaissement, d'y réparer les accidents que le transport aurait pu causer, et d'y corriger même ce qu'il jugerait à propos, aurait été saisi d'une telle impression, provenant d'admiration ou de jalousie, qu'il en serait tombé malade et en serait mort. Heureusement pour l'honneur de l'art catholique, ce récit est une fable, et la gloire de Francia ne s'est pas ternie par une faiblesse dont un sentiment si peu noble eût été l'occasion. La sainte Cécile de Raphaël fut commencée de peindre vers la fin de 1513, et achevée en 1514 ; Francesco Francia ne mourut qu'en 1533.

Enfin, pour ne rien omettre qui se rapporte à la fameuse sainte Cécile de Bologne, nous rappellerons que ce fut à la vue de ce tableau que le Corrége, recevant tout à coup la révélation de son talent, s'écria : Anch'io son pittore !

 

L'instigatrice de cette grande oeuvre, la bienheureuse Hélène Duglioli, mourut en 1520 ; elle put donc voir encore la sublime peinture qu'elle avait sollicitée. On l'ensevelit à Saint-Jean in Monte, dans sa chère chapelle de Sainte-Cécile.

 

En parlant de la sainte Cécile de Bologne, nous avons nommé Jules Romain qui travaillait alors auprès de Raphaël, et recevait ses leçons. Il entreprit plus tard de consacrer à son tour un tableau à sainte Cécile. Ce fut la scène du martyre qu'il choisit, non point à la manière de ses prédécesseurs, en y employant une chaudière comme accessoire ; mais prenant le moment où la vierge, ayant triomphé des ardeurs du caldarium, les bras étendus en orante, s'apprête à recevoir le coup de la mort. Jules Romain n'a pas oublié de retracer, dans le pavé de la salle, les conduits par lesquels montait la vapeur embrasée. Il est aisé de reconnaître dans ce beau tableau l'influence de Raphaël.

 

Nous aurions traité notre sujet d'une façon incomplète si, à propos de la peinture, nous ne revenions sur Sainte-Cécile d'Alby. Tandis que Raphaël peignait les chambres du Vatican, d'autres disciples du Pérugin entreprenaient en France, à l'honneur de la grande martyre, le plus vaste ouvrage à fresque qui jamais ait existé. Treize années, de 1502 à 1515, suffirent à l'achèvement de ce merveilleux travail qui ne comprenait rien moins que l'ornementation de la voûte tout entière d'un si immense édifice.

 

Des peintures antérieures ornent les chapelles, et sont dignes d'attirer l'attention; mais on les a vite oubliées lorsque, portant les regards sur cette voûte de 300 pieds de longueur, dont l'azur semble doubler encore la hauteur, et sur laquelle se jouent en enroulements infinis d'innombrables rinceaux d'acanthe, on retrouve tout à coup, et dans des proportions colossales, l'ornementation contemporaine des fresques du Vatican. Ces arabesques délicates, qui semblent emprunter à l'albâtre sa blancheur et dont l'or seul rehausse les élégants contours, offrent d'inépuisables encadrements ménagés avec un goût exquis, et dont chacun est habité par des sujets et des personnages d'une grâce inouïe. Au centre de la voûte, les peintres ombriens se sont ménagé des espaces sur lesquels s'épandent des sujets plus étendus tirés de la Bible pour la plupart ; mais on y admire particulièrement le couronnement de Cécile et de Valérien par l'ange, et la parabole des vierges sages, amenée ici à l'honneur de la glorieuse patronne. Des enroulements dont le champ est moins étendu, et qui parcourent la voûte tout entière, ont reçu chacun un saint et une sainte, qui, avec la pureté du dessin, la grâce et la simplicité des poses, représentent toute l'imagerie chrétienne. Les allégories, les écussons, les emblèmes sont jetés avec une profusion infatigable ; et il faut de longues heures pour se rendre maître de ce superbe et gracieux ensemble qui dépasse par sa richesse, comme par son étendue, l'attente du pèlerin.

 

A l'aspect de tant de merveilles, on sent que la France a rendu à Cécile, dans cette ineffable cathédrale, le plus splendide hommage que les arts lui aient offert sur la terre, et l'on bénit la mémoire des deux prélats Louis II d'Amboise et Charles de Robertet, qui conçurent une telle oeuvre, et la firent exécuter avec des frais immenses dans l'espace de treize années.

 

Les noms des artistes ne se sont pas conservés, mais, à la fraîcheur des peintures, on dirait que c'est hier seulement qu'ils ont déposé leurs pinceaux. Il serait impossible de parcourir la série des peintures exécutées au seizième siècle par des artistes de renom en l'honneur de sainte Cécile. Nous nous bornerons donc à nommer pour l'Italie Guido Reni, Vanni, et Louis Carrache qui, marchant sur les traces de Francia, peignit dans le cloître de Saint-Michel del Bosco, à Bologne, une série de peintures, malheureusement effacées aujourd'hui, et représentant les divers traits de la vie de la grande martyre. Le grand peintre hollandais Lucas de Leyde voulut aussi illustrer son pinceau en traitant un si noble sujet. Il a représenté Cécile, vêtue en grande dame du seizième siècle, et accompagnée d'un ange qui tient un orgue dans ses bras.

 

Mais il est temps de rentrer dans Rome, où nous rappelle le triomphe de Cécile. . 

 

DOM GUÉRANGER

SAINTE CÉCILE ET LA SOCIÉTÉ ROMAINE AUX DEUX PREMIERS SIÈCLES (pages 326 à 331)

 

Cecilia

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19 mai 2011 4 19 /05 /mai /2011 19:00

Le seizième siècle qui, dans ses dernières années, devait offrir un si glorieux triomphe à Cécile par la nouvelle translation de sa dépouille mortelle, se montra, dès le début, empressé de continuer par les arts le concert d'hommages que lui avait offert le siècle précédent.

 

Francia avait débuté dans son art en 1490, ayant déjà atteint sa quarantième année, et ce coup d'essai le fit inviter immédiatement à peindre une madone pour la chapelle de Jean Bentivoglio dans l'église de Saint-Jacques à Bologne. 

La Madone entourée de Saints par Francia, San Giacomo Maggiore, Bologna

  

C'est dans cette même église qu'il fut chargé plus tard de retracer les divers épisodes de la vie de sainte Cécile,  dont les fresques sont encore si dignes d'admiration, dans l'état où les ont réduites les injures du temps et l'incurie des possesseurs. L'élite des élèves de Francia était réunie autour de lui quand il travaillait à cette grande oeuvre. On cite parmi eux Chiodarolo, Lorenzo Costa et Amico   Aspertini.

 

Le Martyre de Sainte Cécile par Francia, San Giacomo Maggiore, Bologna

Le  principal   compartiment représentait le martyre de la sainte, que la tradition a toujours affirmé avoir été l'oeuvre de prédilection et toute personnelle de Francia.

 

 Le Pérugin, qui ne paraît pas avoir laissé d'oeuvre ayant pour objet spécial sainte Cécile, avait formé un élève appelé à consacrer d'une manière splendide son pinceau à la vierge romaine. Cet élève, destiné à approcher, plus que tout autre homme, de l'idéal dans la peinture, fut Raphaël.

 

Nous n'avons pas ici à décrire la puissance de son génie, ni les chefs-d'oeuvre qu'enfanta sa main ; mais, restant dans notre sujet, nous dirons qu'il fut le peintre de Cécile, à qui cette gloire encore était réservée.

Madone à l'Enfant entourée de Saints par Raphaël

 

L'année suivante, étant à Pérouse, son pinceau produisait entre autres une grande composition où était figurée la sainte Vierge tenant l'Enfant Jésus qui bénit saint Jean. D'un côté on voyait saint Pierre et saint Paul ; de l'autre sainte Cécile et sainte Catherine.

 

Vasari, qui décrit ce tableau, nous apprend qu'il fut fait pour les religieuses de Saint-Antoine.  Les airs de tête, les expressions et le bel agencement de ces figures furent alors regardés comme quelque chose d'entièrement nouveau.

 

Au-dessus de cette composition, dans un cadre demi-circulaire,  Raphaël peignit le Père éternel. Trois petits sujets de la Passion étaient retracés à la base du tableau : ils en furent détachés plus tard, et M. Quatremère de Quincy nous apprend même qu'ils ont été gravés. Quant au tableau principal,   après  avoir appartenu à  la galerie Colonna à Rome, il est passé à Naples, où il est devenu un des principaux ornements du musée Bourbon. (note : aujourd'hui au Metropolitan Museum of Art de New York)

 

La renommée de ce jeune peintre, que n'éclipsaient à Florence ni Léonard de Vinci ni Michel-Ange, parvint aux oreilles de Jules II, et, dans l'année 1508, Raphaël fut appelé à Rome par le pontife, à qui Bramante l'avait recommandé comme étant de force à peindre les salles du Vatican.

 

DOM GUÉRANGER

SAINTE CÉCILE ET LA SOCIÉTÉ ROMAINE AUX DEUX PREMIERS SIÈCLES (pages 324 à 325)

 

Cecilia

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18 mai 2011 3 18 /05 /mai /2011 19:00

En terminant notre excursion à travers les oeuvres de la peinture consacrées à sainte Cécile par les artistes du quinzième siècle, nous devons remarquer ici, à propos des deux volets peints par Jean de Bruges, que c'est seulement de ce siècle que date l'usage de peindre la sainte avec un instrument de musique.

 

 Depuis, cet accessoire est devenu comme obligé dans toutes les représentations de sainte Cécile, qui n'ont pas pour objet d'exprimer quelque trait particulier de sa vie ; jusqu'alors, le symbole de la musique n'apparaît nulle part comme attribut spécial de la martyre. Une tradition qui n'a rien d'historique est sortie insensiblement de cette pratique devenue comme universelle, et il existe une suite d'auteurs se copiant tous les uns les autres, qui ont répété que sainte Cécile était une très forte musicienne, qui s'accompagnait des instruments dans le chant des louanges de Dieu. Assurément il serait téméraire d'affirmer qu'il n'en a pas été ainsi ; mais les Actes, document unique sur la vie de l'illustre matrone romaine, n'en parlent ni directement, ni indirectement. Doit-on pour cela voir un inconvénient dans un poétique préjugé issu de la liberté qu'ont eue de tout temps les artistes de suivre les élans de leur génie, conjointement avec les données de l'bistoire ? Ce n'est pas nous assurément qui aurons la barbarie d'improuver cette innocente nouveauté, qui, par le laps de temps, n'en est déjà plus une.

 

On voit évidemment que les peintres ont été entraînés à cette licence par les premières paroles de l'Office de sainte Cécile, extraites des Actes : Cantantibus  organis, Caecilia Domino decantabat. Il est vrai que les organa dont il est ici question n'étaient rien moins qu'un concert spirituel. On a vu ci-dessus par le récit qu'il s'agit des accords profanes qui retentissaient dans la salle du festin nuptial, au milieu des pompes du mariage de Valérien et de Cécile. Les Actes continuant le récit nous apprennent que Cécile se dérobait à tout ce fracas, en chantant silencieusement dans son coeur, in corde suo, un verset de David, par lequel elle demandait à Dieu d'être assistée de son secours dans la lutte qui allait bientôt s'ouvrir pour elle. Le chant de Cécile était donc d'une nature toute différente de celui qu'entendaient les convives, et sa mélodie bien supérieure à tous les concerts de la terre. C'est cette supériorité qui dans le principe a inspiré aux artistes l'heureuse idée de représenter Cécile avec les attributs de la reine de l'harmonie et l'Eglise a béni cette pensée.

 

Le plus séduisant de tous les arts, celui qui complète par son concours les hommages que la terre rend à Dieu, n'avait-il pas droit de recevoir pour patronne celle qui dès ici-bas sut dépasser les concerts de la terre, et réaliser dans son coeur l'union avec les concerts immatériels des esprits angéliques ? L'apôtre ne nous enseigne-t-il pas que le chrétien ne doit pas se borner à prier, mais encore qu'il doit chanter à Dieu dans son coeur : Cantantes et psallentes in cordibus vestris Domino (Ephes., V) ; et n'est-ce pas un indice de l'abaissement du sentiment chrétien, que le mutisme d'une âme, qui semble n'avoir plus besoin du chant pour compléter la prière, et lui donner sa forme supérieure ? Les saintes Ecritures, formule inspirée de notre prière à Dieu, ne sont que chant et poésie ; mais qu'il est petit le nombre de ceux qui aujourd'hui ont recours aux Psaumes, comme le fit à ce moment Cécile, pour louer le Seigneur et lui demander ce qu'ils désirent !

 

L'auteur contemporain de la vie de sainte Catherine de Sienne nous apprend combien cette admirable sainte avait présente dans son souvenir la situation de Cécile en ce moment solennel, et comment, pour obtenir le secours céleste, elle recourait avec transport à cette même strophe du roi-prophète que Cécile avait chantée dans son coeur. Il n'y a donc rien à retrancher dans l'acclamation de la terre vers Cécile, lorsqu'elle la célèbre comme la musicienne par excellence ; il suffit seulement de ne pas aller chercher la raison de cette attribution dans un fait qui n'a pas de fondement historique, et de saisir la relation délicate entre les deux musiques dont Cécile est devenue le lien merveilleux. Ce caractère manquait encore à l'ensemble de ses grandeurs, et la Providence divine a voulu qu'un jour il lui fût attribué pour durer jusqu'à la fin des siècles. Aujourd'hui encore, malgré la froideur universelle et l'abaissement de l'art, la fête de sainte Cécile ne passe point inaperçue, partout où la musique est l'objet d'un intérêt plus ou moins sérieux.

 

Dans ces concerts annuels qui ramènent au pied des autels tant d'hommes entraînés le reste de l'année par les préoccupations mondaines, les chefs-d'oeuvre peuvent être rares, l'exécution défectueuse,  les motifs ou insignifiants,  ou trop souvent empruntés à des sources profanes ; mais il sera toujours beau de voir le plus séduisant des arts amené, chaque année, à confesser que le sentiment supérieur de l'harmonie émane de la pureté du coeur et des sens, si divinement symbolisée dans Cécile.  C'est alors que, dans plus d'une âme, l'attrait céleste cherche à pénétrer, qu'il sollicite l'homme d'aspirer à des concerts plus harmonieux et plus durables que ceux de ce monde de douleurs, où le péché brisa les cordes de la lyre, qui ne se sont jamais rejointes que par instants fugitifs, et qui ne résonnent d'un son plein et parfait que lorsque l'homme les emploie à célébrer, son Créateur, de concert avec les esprits angéliques.

 

Mais il est temps de rentrer dans Rome et d'y glaner encore quelques traits de l'histoire de notre héroïne, qui se rapportent au quinzième siècle. Nous voyons, dans les dernières années de ce siècle, le cardinal Laurent Cibo, neveu d'Innocent VIII, titulaire de la basilique, comme l'avait été son oncle, y entreprendre d'importantes restaurations. Entre autres, il fit réparer à neuf la chapelle du Bain, où l'on voit encore aujourd'hui ses armes ; mais il respecta l'autel et le pavé de cet auguste sanctuaire, qui ont conservé jusqu'aujourd'hui le caractère du moyen-âge.

 

Nous ne pouvons terminer ce chapitre sans jeter un coup d'ceil attristé sur les catacombes romaines, qui depuis des siècles ne comptaient plus, pour ainsi dire, parmi les sanctuaires de la ville sainte. L'enlèvement des corps des martyrs au neuvième siècle et leur translation dans les basiliques de la ville, avaient peu à peu éteint le pieux intérêt dont Rome souterraine fut si longtemps l'objet. En perdant les martyrs, elle avait perdu ses trésors. Ses nombreuses cryptes n'auraient pu se maintenir qu'au prix de réparations continuelles, et nous avons vu qu'un des motifs qui portèrent les papes du huitième et du neuvième siècle à en retirer les saintes reliques, fut en particulier l'état de délabrement dans lequel ces immenses souterrains étaient tombés. Les ruines s'accumulèrent d'année en année, et, de toutes parts, des éboulements vinrent intercepter les voies. Une sorte de terreur semblait planer sous ces voûtes que les pèlerins ne visitaient plus.

 

A peine demeura-t-il quelque quartier très restreint qu'un reste de dévotion fréquentait encore, au voisinage d'un petit nombre de basiliques situées hors les murs. Les troubles politiques dont Rome ne cessa d'être le théâtre depuis le dixième siècle jusqu'à la fin du moyen âge, y rendaient d'ailleurs l'existence des papes trop précaire, pour qu'il leur fût possible d'entreprendre de grands travaux. La nomenclature des cimetières s'était cependant conservée ; mais avec le temps, des confusions inévitables s'y introduisirent.

 

Nulle part cet inconvénient ne fut plus sensible que sur la voie Appienne, si riche de souvenirs chrétiens, et sur les deux côtés de laquelle s'étendaient les plus célèbres hypogées. On en vint jusqu'à perdre la notion du lieu où était situé le cimetière de Calliste. Quelques galeries cémétériales étaient demeurées accessibles autour de la basilique de Saint-Sébastien, non loin du célèbre puits où avaient été cachés les corps des saints apôtres. On voulut y voir l'oeuvre de Calliste, et peu à peu, à l'aide du Liber pontificalis mal compris, une crédulité inventive alla jusqu'à assigner dans ces corridors vulgaires la place et les noms de chacun des papes qu'on savait avoir reposé sur la voie Appienne. Les Bollandistes ont publié, à ce sujet, un curieux document qui nous apprend comment ces arrangements étaient encore entendus dans le cours du seizième siècle. (Acta SS., t. III Aprilis.)

 

Naturellement, il avait bien fallu découvrir une alvéole pour l'assigner à Cécile, que l'on savait, par les Actes, avoir été ensevelie près des pontifes. Cette assignation était déjà faite en 1409. Guillaume de Bois-Ratier, archevêque de Bourges, se trouvant à Rome en cette même année, descendit dans les cryptes de Saint-Sébastien, et, trouvant sans honneurs cette tombe qu'on lui disait avoir gardé durant six siècles le corps de la grande martyre, il fit décorer à ses frais ce sépulcre abandonné. Le temps a détruit le monument que la piété de Guillaume y avait élevé à Cécile ; mais l'inscription qu'il y plaça est demeurée jusqu'à nos jours. On y lit ces paroles :

 

HIC   QVONDAM   RECONDITVM

FVIT   CORPVS   BEATAE   CAECILIAE

VIRGINIS   ET   MARTYRIS

HOC   OPVS   FECIT   FIERI   REVERENDISSIMVS

PATER   DOMINVS   GVILLELMVS   ARCIEPS
BITVRICENSIS   ANNO   DOMINI   MCCCC   NONO

 

Cette inscription devait contribuer à égarer de plus en plus l'opinion sur la véritable topographie de Rome souterraine. Qui jamais eût songé, avant ces années de notre siècle, où l'archéologie chrétienne rend chaque jour de si éminents services aux antiquités ecclésiastiques, à dresser la topographie des divers cimetières, à rechercher sur chaque voie les centres historiques, en un mot à refaire Rome souterraine ? Qui songeait à consulter les fioles de Monza comme une carte routière des catacombes, même après que le savant Marini eut publié le diplôme de l'abbé Jean dans ses Papiri diplomatici (1805) ? Les Itinéraires des pèlerins qui se succèdent à partir du septième siècle, gisaient incompris dans de savants recueils ; mais qui pensait à leur consacrer un intérêt quelconque ? Sur la voie Appienne, les éboulements avaient rendu inaccessible le centre même de Rome souterraine, la crypte papale et le cubiculum de Cécile.

 

Si parfois les excavateurs à la recherche des corps saints ont traversé ces lieux, leur passage fut sans nulle conséquence, et bientôt les terres qu'il fallait déplacer pour passer d'une galerie explorée à une autre qui ne l'était pas, venaient fermer toute communication avec les vénérables sanctuaires dont nous jouissons aujourd'hui. Pour n'avoir pas su employer les secours dont nous venons de parler, les plus savants voyageurs dans Rome souterraine, malgré leur science réelle, ne purent jamais se démêler sur la voie Appienne. Bosio en est venu jusqu'à confondre le magnifique cimetière de la voie Ardéatine avec celui de Calliste, et des hommes tels que Boldetti et Marangoni n'ont pu sortir des difficultés inextricables que leur présentait une question dont ils n'avaient pas tous les termes. Sans une topographie appuyée sur les faits, la vie de sainte Cécile ne pouvait être exactement racontée, et nous tenons à exprimer ici à M. de Rossi la reconnaissance personnelle que lui a vouée l'humble historiographe de l'illustre romaine.

 

Le seizième siècle qui, dans ses dernières années, devait offrir un si glorieux triomphe à Cécile par la nouvelle translation de sa dépouille mortelle, se montra, dès le début, empressé de continuer par les arts le concert d'hommages que lui avait offert le siècle précédent.

 

DOM GUÉRANGER

SAINTE CÉCILE ET LA SOCIÉTÉ ROMAINE AUX DEUX PREMIERS SIÈCLES (pages 314 à 323)

 

Cecilia

SAINTE CÉCILE - Santa Cecilia in Trastevere, Rome

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17 mai 2011 2 17 /05 /mai /2011 19:00

Deux ans auparavant, le 17 septembre 1073, Hubald, évêque de Sabine, avait dédié l'autel renouvelé, dans la salle du bain où Cécile fut couronnée martyre. Nous prenons acte de cette particularité qui maintient la tradition sur un lieu si sacré.

 

 Un souvenir de Cécile, qui se rapporte également au onzième siècle, se rencontre à Monte Gargano, dans la Pouille. La célèbre grotte qui est le sanctuaire principal du grand arcbange Michel dans l'Occident, est fermée par de magnifiques portes en bronze qui furent exécutées à Constantinople en 1076, aux frais d'un pieux personnage, nommé Pantaleone. Elles sont divisées en vingt-quatre panneaux, tous consacrés à la gloire des saints anges, et sur lesquels sont retracés les faits bibliques qui ont rapport à l'intervention de ces esprits bienheureux en faveur des hommes. Pour compléter la série, l'artiste bizantin a eu recours aux Actes des martyrs, et sur le vingt-quatrième panneau, il a représenté l'ange couronnant Cécile et Valérien, après le baptême de ce dernier. (Dantier, Les Monuments normands en Italie et en Sicile.)

 

Le douzième siècle est représenté par une peinture murale que l'on voit à Rome, dans une crypte située sous la basilique de Saint-Laurent-hors-les-Murs. Sainte Cécile y est peinte, la couronne en tête ; elle a pour pendant sainte Catherine. Cette fresque a été reproduite en couleur dans la collection des peintures des catacombes, publiée par le gouvernement français, sur les dessins de M. Perret.

 

Au treizième siècle, le 15 août 1282, Bernard de Chatenet, évoque d'Alby, posait la première pierre de son église cathédrale, l'une des plus étonnantes productions de l'architecture ogivale en France, et le plus imposant des monuments élevés à la gloire de Cécile. L'église antérieure était déjà sous son vocable, et elle n'est pas la seule cathédrale qui ait été élevée sous le nom de la vierge romaine. En Allemagne, celle de Werden s'honore pareillement de ce glorieux patronage. (CAHIER, Caractéristiques des Saints.)

 

Construite en brique et noircie par le temps, terminée à l'extrémité occidentale par une immense tour qui s'élève sur quatre galeries, à 4 00 pieds au-dessus du niveau des eaux du Tarn, Sainte-Cécile d'Alby, avec son aspect sévère, ses lignes sans agrément, et ses murs qui montent à 115 pieds de hauteur, sans autres saillies que des contre-forts arrondis en tourelles, semble d'abord une forteresse redoutable, plutôt qu'un temple consacré à la gracieuse vierge dont elle porte le nom. Mais dès qu'on a franchi le riche porche flamboyant accolé au flanc droit de l'édifice, il ne paraît point au-dessous de l'honneur auquel il a été appelé, d'être le radieux sanctuaire de la reine de l'harmonie. Ce vaste édifice, sans piliers et sans transept, qui lance l'ogive de ses voûtes à la hauteur de 92 pieds au-dessus du pavé, et autour duquel rayonnent vingt-neuf chapelles, semble s'animer aux yeux du pèlerin, non seulement par le jeu élégant et grandiose de ses arcs et de ses voûtes, mais encore par la concentration dans son enceinte des deux grands moyens de la statuaire et de la peinture, dont l'emploi, combiné avec la construction même, fait de cet édifice l'église la plus complète qui s'élève en deçà des Alpes.

 

Au point de vue architectonique, on ne saurait trop admirer l'art merveilleux avec lequel sont fondus dans une même oeuvre les développements qu'a suivis le style ogival du treizième siècle au quinzième, sans que la moindre incorrection, une transition heurtée, viennent offenser le goût en altérant la grâce et la pureté des lignes. Un admirable jubé posé, pour ainsi dire, sur le pavé et percé de cinq ouvertures, arrête la vue aux deux tiers de la nef, et ménage, pour une seconde surprise, la magnificence imprévue d'un choeur digne de compléter un tel édifice. Derrière cette riche clôture, le choeur se développe à l'aise, circonscrit par un pourtour très orné qui laisse un espace suffisant au développement des collatéraux factices, dont l'illusion est complète.

 

La construction de cet ensemble dura deux siècles, et l'oeuvre fut successivement reprise par les évêques Berald de Falguès, Jean de Sayo, Guillaume de la Voulte, et enfin Louis d'Amboise, qui célébra la dédicace le 23 avril 1480. Nous parlerons plus loin des peintures qui décorent cet admirable édifice ; quant à la sculpture, c'est principalement au quinzième siècle qu'elle s'appliqua à produire sa part dans l'ornementation ; mais son triomphe fut la décoration du jubé et du choeur. A l'intérieur de celui-ci, le sculpteur a conçu et réalisé l'idée d'un vaste concert d'anges, distribués à chacune des stalles, tous ayant des instruments de musique et exécutant la louange divine. Au centre et au-dessus de la porte principale, par laquelle le jubé communique avec la nef, sous un dais richement sculpté, parée des atours d'une grande dame du quinzième siècle, Cécile, la reine de l'harmonie, supportant un petit orgue dans sa main gauche, préside au concert ; mais, comme au festin des noces, la mélodie céleste que son âme perçoit l'enlève au charme de la musique d'ici-bas, toujours imparfaite ; elle renverse la tête en arrière, et l'on sent qu'elle va défaillir dans l'extase. Cette statue de petite dimension, remplie de naïveté et admirablement belle, est regardée avec raison comme le principal morceau de sculpture de la merveilleuse cathédrale.

 

Pour revenir au treizième siècle, dont les décorations de ce somptueux édifice nous ont un peu écarté, il nous faut parler du cardinal Jean Cholet, évêque de Beauvais, qui posséda à Rome le Titre de Sainte-Cécile. En 1283, son zèle pour le culte de la grande martyre le porta à reconstruire avec magnificence l'autel de la Confession, qui avait été consacré deux siècles auparavant par saint Grégoire VII. Sauf les décorations qu'il reçut à la fin du seizième siècle et dont nous parlerons bientôt, cet autel est celui qui existe encore aujourd'hui. On y lit toujours l'inscription que Jean Cholet y plaça à la fin du treizième siècle. Elle est ainsi conçue :

 

HOC  OPVS FECIT ARNVLFVS   ANNO MCCLXXXIII

 

Vasari pense que cet Arnulphe est le célèbre architecte Arnolfo di Lapo. L'ornementation de l'autel consiste en un riche travail de mosaïque qui a pour centre une vaste plaque du beau marbre violet connu sous le nom de Paonazzetto. L'oeuvre d'Arnolfo se complète par un ciborium, formé de quatre colonnes de ce marbre noir, tacheté de blanc, que les Italiens nomment Preconesio.

 

Le même siècle vit fleurir le célèbre peintre Cimabué, qui, parmi ses oeuvres devenues si rares, nous a laissé un tableau sur bois en l'honneur de sainte Cécile. Cette peinture, destinée à une église de Florence autrefois dédiée à la sainte et détruite depuis, passa à celle de Saint-Etienne, d'où elle a été transférée au musée, en 1844. Cimabué a représenté Cécile, assise sur une chaire, dans toute la solennité des mosaïques byzantines. Celte grande figure, ornée d'un voile et enveloppée dans une large draperie bleu foncé, a la main appuyée sur le livre des Evangiles et tient de l'autre une palme. Huit petits sujets, empruntés aux Actes, accompagnent comme encadrement la figure principale. On voit par cette représentation que le treizième siècle n'avait pas encore assigné d'attributs particuliers à sainte Cécile.

 

Rome nous offre aussi d'anciennes peintures relatives à l'histoire de sainte Cécile, dans l'église de Saint-Urbain, à la Caffarella, dernier débris du pagus Triopius. Ces peintures se rapportent au treizième siècle, et ont paru assez importantes à d'Agincourt pour mériter d'être reproduites dans son grand ouvrage, où malheureusement elles sont par trop réduites. Nous rapportons au treizième siècle, et non au neuvième, comme on l'a fait trop légèrement, les intéressantes peintures à compartiments qui ornaient autrefois le portique de la basilique de Sainte-Cécile, et dont une seule a été sauvée. Les autres ne sont plus connues que par les dessins qu'on eut soin d'en prendre avant qu'elles eussent totalement péri, et qui se conservent dans la bibliothèque Barberini. Les gravures qu'en publia Bosio dans son édition des Actes de sainte Cécile sont très imparfaites. La fresque conservée jusque aujourd'hui et transportée dans la basilique, représente dans un même encadrement la sépulture de la vierge par saint Urbain, et son apparition à saint Paschal ; cette dernière partie est d'une naïveté pleine de grâce. La mitre et, plus encore, le pluvial du pontife ne permettent pas d'assigner l'époque de cette peinture avant le treizième siècle,  et nous ne nous disputerions pas avec ceux qui croiraient devoir la descendre jusqu'au quatorzième.

 

 S'il nous reste peu de monuments des arts à l'honneur de sainte Cécile au quatorzième siècle, le quinzième,  en revanche,  montre les grands artistes de  cette  époque,   si  glorieuse  pour  la peinture chrétienne, consacrant à l'envi leur pinceau à sa gloire. 

 

Le Couronnement de la Vierge

Le Couronnement de la Vierge par Fra Angelico, Musée du Louvre

Nous devons mentionner à leur tête l'angélique Jean de Fiesole, Fra Giovanni da Fiesole ou Fra Angelico, qui a su donner une place si distinguée à la vierge romaine dans le  groupe des saints,  qui  est comme  la frange de son beau tableau du Couronnement de la Madone,  au musée  du  Louvre.

 

L'immortel artiste n'a pas laissé de composition tant soit peu étendue sur sainte Cécile ; mais il est aisé de reconnaître que le type de la sainte martyre lui était familier, et qu'il l'eût traité avec son inspiration ordinaire,  si l'occasion s'en  fût offerte. Nous n'avons qu'une peinture de lui où sainte Cécile est traitée de face, et elle fait vivement regretter qu'un tel sujet n'ait pas été plus souvent réclamé de ses pinceaux.

 

Sur un reliquaire peint pour l'église de Santa-Maria-Novella, à Florence, il a représenté l'Annonciation et l'Adoration des Mages, et au-dessous,  comme support à ce tableau, étaient placées dix petites figures de saintes, entre lesquelles il faut compter la Madone. Il y a sainte Catherine de Sienne, sainte Apolline, sainte Marguerite, sainte Lucie, sainte Marie-Magdeleine, sainte Agnès, sainte Cécile, sainte Dorothée et sainte Ursule (Cartier, Vie de frà Angelico de Fiesole). Il nous eût coûté de ne pas signaler au moins cet hommage rendu à notre héroïne par le prince de la peinture chrétienne au quinzième siècle.  

 

Le Retable de L'Agneau Mystique par van Eyck 

Son contemporain, le chef de l'école de Bruges, Jean Van Eyck, a laissé deux petits volets peints selon sa manière naïve, et représentant, l'un d'eux, sainte Cécile au clavier d'un orgue, et l'autre, un groupe de saintes chantant la louange divine.

 

Nous eussions été heureux de pouvoir décrire aussi la série des fresques sur l'histoire de sainte Cécile que Taddeo Bartolo avait peintes dans l'église de Saint-Dominique à Pérouse. Elles ont péri sans qu'il en soit demeuré la moindre trace.

 

Mais nous ne devons pas omettre de parler d'une charmante fresque du même temps conservée à Rome dans la sacristie de l'église de Santa-Maria del divino Amore, qui fut autrefois celle de Sainte-Cécile de Domo. Cette fresque représente le couronnement de Cécile et de Valérien par l'ange. Tiburce et Urbain, vêtu en pape, accompagnent la scène. Une impression de piété et de paix règne sur tout l'ensemble, et rappelle, quelle que soit la différence du pinceau, ces merveilles de recueillement et de placidité que savait produire celui d'Angélique de Fiesole.

 

Pinturicchio voulut être à son tour un des peintres de l'illustre vierge. Il est resté de lui un petit tableau, conservé au musée de Berlin, et représentant le martyre de sainte Cécile, comme sujet principal, auquel se rattachent trois compartiments de moindre étendue. On y reconnaît la manière vive et la puissante imagination du peintre. On sera peut-être surpris de voir sur ce tableau et sur une quantité d'autres représentations du martyre de sainte Cécile, au quinzième et au seizième siècle, la sainte placée dans une chaudière. L'étonnement cessera, quand on se rendra compte de l'impuissance où l'on était, alors, de comprendre ce que pouvaient être les bains de vapeur que les anciens prenaient dans le caldarium de leurs thermes. Les artistes devaient bien éprouver quelque embarras à expliquer les paroles des Actes, où l'on raconte comme un prodige que les membres de Cécile, qui auraient dû être inondés d'une sueur violente, en furent totalement préservés. Si la martyre eût été plongée dans l'eau bouillante, la remarque serait au moins étrange ; mais au moyen âge, où l'on voit commencer cette manière de rendre la scène du martyre de sainte Cécile, l'archéologie n'était pas là pour faire comprendre aux artistes dont nous parlons un genre de bain qui n'entrait pas dans les habitudes de leur temps. Comment d'ailleurs leur eût-il été possible d'exprimer par la peinture l'action du prodige sur la sainte en prières dans la salle du caldarium ? Plus tard, Jules Romain et Guido Reni, qui comprenaient mieux les usages des anciens, ont senti que l'on ne pouvait guère représenter le martyre de sainte Cécile qu'en figurant la sainte à genoux, couverte de ses habits et tendant le cou au licteur. Un seul peintre, Lionello Spada, qui a vécu du seizième au dix-septième siècle, a essayé de représenter sainte Cécile au milieu des vapeurs embrasées. Son tableau est à Bologne, dans l'église de Saint-Michel del Bosco.

 

Nous renvoyons au seizième siècle les charmantes fresques de Francia, qui ne mourut qu'en 1533 ; mais, pour être tant soit peu complet, il nous faudrait pouvoir signaler comme elles le méritent les miniatures des manuscrits liturgiques, bréviaires, missels et livres d'heures au quinzième siècle. Nous avons reproduit ailleurs la copie au trait d'une page du célèbre bréviaire du cardinal Grimani ; mais combien il nous eût été plus agréable de pouvoir donner ici la magnifique miniature du missel de Jacques Juvénal des Ursins, qui représentait d'une manière ineffable le couronnement de Cécile et de Valérien par l'Ange ! Ce missel, que l'on peut regarder comme le chef-d'oeuvre de l'art des miniaturistes français, dont l'école a été célébrée par Dante lui-même dans la Divine Comédie (PURGATOR., Cant. XI), et était reconnue comme supérieure à toutes celles de l'Europe, fut conservé à la France en 1861, par le dévouement de M. Ambroise Firmin Didot, et acquis ensuite par la ville de Paris, pour être le principal ornement de la bibliothèque de l'Hôtel de ville. Ce souvenir, hélas ! n'excite plus aujourd'hui que d'amers regrets, lorsqu'on est contraint de se rappeler que dix ans après, durant l'envahissement de la barbarie dans la capitale de la France, un tel monument a misérablement péri dans les flammes allumées par le pétrole.

 

En terminant notre excursion à travers les oeuvres de la peinture consacrées à sainte Cécile par les artistes du quinzième siècle, nous devons remarquer ici, à propos des deux volets peints par Jean de Bruges, que c'est seulement de ce siècle que date l'usage de peindre la sainte avec un instrument de musique.

 

DOM GUÉRANGER

SAINTE CÉCILE ET LA SOCIÉTÉ ROMAINE AUX DEUX PREMIERS SIÈCLES (pages 304 à 313)

 

Cecilia

SAINTE CÉCILE - Santa Cecilia in Trastevere, Rome

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16 mai 2011 1 16 /05 /mai /2011 19:00

Son nom, inséré au Canon de la messe, rendait sa mémoire impérissable ; mais son apparition soudaine dans toute la majesté de son martyre sembla lui donner une nouvelle naissance.

 

 En 873, Willibert, archevêque de Cologne, transférait la basilique métropolitaine de ce grand siège, dédiée à la Mère de Dieu et à saint Pierre, au lieu où s'élève maintenant l'imposante cathédrale, et, afin d'honorer l'antique église qui avait été le siège de ses prédécesseurs, il lui ajoutait le titre de sainte Cécile, fondant en même temps, pour y célébrer les offices divins, un monastère de vierges. Plus tard, cette église est devenue une insigne collégiale desservie par un chapitre noble.

 

En Espagne, le même siècle vit construire, au sein des déserts sauvages du Mont-Serrat, l'un des plus célèbres monastères de la péninsule, dans cette partie de son sol déjà purgée de la présence des Sarrasins. Il fut dédié à la vierge romaine, dont la vaillance ne pouvait être qu'un exemple salutaire à cette race chrétienne, appelée à reconquérir une patrie sur les infidèles, au prix d'une lutte qui devait durer huit siècles. La miraculeuse découverte d'une célèbre image de la Mère de Dieu, que l'on vénère dans ce sanctuaire, amena plus tard le patronage de cette Reine des cieux sur l'église et le monastère ; mais le culte de Cécile n'y fut point totalement éclipsé, ainsi qu'on peut le voir par l'histoire de cette illustre abbaye.

 

L'église grecque prit part à l'avènement qui avait jeté tant d'éclat sur l'église romaine. Le schisme de Photius avait cessé, et le lien de l'unité se trouvait rétabli entre les deux églises. Une version grecque des Actes de la martyre parut à Constantinople vers le dixième siècle. Elle était due au fameux hagiographe Siméon Métaphraste, logothète de l'empereur Léon VI, dit le Philosophe, qui régna depuis l'année 886 jusqu'en 911. Nous ne nous sommes point imposé la tâche de défendre ce pieux personnage de toutes les accusations dont il a été l'objet ; mais nous devons attester que Métaphraste, au lieu d'enfler par de nouveaux récits et par ces amplifications qu'on lui a tant imputées, l'original qu'il traduisait, s'est borné strictement à faire passer dans la langue grecque, avec une minutieuse fidélité, ce qu'il trouvait sur le manuscrit romain des Actes de sainte Cécile. Nous avons même eu occasion de montrer ci-dessus l'importance de cette traduction, comme pouvant servir de contre-épreuve dans l'épuration du texte même des Actes latins.

 

Le Ménologe  des  Grecs,  qui  correspond au Martyrologe des Latins, lut définitivement compilé au dixième siècle, et tous les amateurs des antiquités liturgiques connaissent le célèbre manuscrit de ce livre qui fut exécuté, avec de nombreux dessins, par les ordres de l'empereur Basile Porphyrogénète, lequel monta sur le trône de Byzance en 976. Ce Ménologe, publié à Urbino en 1727, avec les curieuses vignettes des six premiers mois, qui commencent en septembre et vont jusqu'à février, contient, au 24 novembre, la notice sur sainte Cécile dans le style des martyrologes occidentaux. Nous avons voulu mentionner ce premier monument liturgique des Grecs sur la martyre romaine.

 

Mais l'église de Constantinople ne se borna pas à cet hommage purement historique envers Cécile. A cette époque, elle complétait ses Menées, qui sont comme le Propre des saints de la liturgie grecque et employait à cette oeuvre ses plus pieux et ses plus habiles hymnographes.

 

On lira sans doute ici avec plaisir quelques-unes des strophes qu'ils ont consacrées à la gloire de l'héroïne de Rome :  

" Tu as su conserver ton corps sans souillure et affranchir ton coeur de tout amour sensuel, ô Cécile, digne de toute louange ! Tu t'es présentée à ton Créateur comme une épouse immaculée, dont le martyre a comblé la félicité : il t'a admise aux honneurs d'épouse comme une vierge sans tache.

" Le Seigneur, dans les conseils de sa sagesse, a voulu couronner ton front de roses odorantes et suaves, ô vierge sacrée ! Tu as été le lien entre deux frères pour les réunir dans un même bonheur, et ta prière est venue à leur aide. Abandonnant le culte impur de l'erreur, ils se sont montrés dignes de recevoir la miséricorde de Celui qui est né de la Vierge, et qui s'est laissé répandre pour nous comme un parfum divin.

" Tu as méprisé les richesses de la terre dans ton ardeur de posséder le trésor du ciel ; dédaignant les amours d'ici-bas, tu as choisi ta place dans les choeurs des vierges, et ta sagesse t'a conduite à l'Epoux céleste. Tu as vaillamment combattu, tu as terrassé, par ton mâle courage, les assauts du démon pervers, ô toi, l'honneur des athlètes du Christ !

" Tu es le très saint temple du Christ, la demeure éclatante du Christ, la maison très pure du Christ, glorieuse Cécile, auguste martyre ! Daigne répandre la splendeur de ton intercession sur nous qui célébrons tes louanges.

" Eprise de la beauté du Christ, fortifiée par l'amour du Christ, soupirant après les délices du Christ, tu parus morte au monde, et tu fus trouvée digne de l'éternelle vie.

" Un amour immatériel te fit dédaigner l'amour des sens : tes paroles vivifiantes et remplies de sagesse engagèrent ton époux à demeurer vierge avec toi ; avec lui maintenant tu es associée au choeur des anges, ô martyre, digne de toute récompense !

" Un ange de lumière t'assistait toujours ; préposé à ta garde, il t'environnait d'une splendeur divine ; son bras écartait l'ennemi qui cherchait à te nuire ; il te conserva chaste et pure, toujours agréable au Christ par la foi et la grâce, ô Cécile !

" Tu cherchais le baptême, ô Valérien ! un envoyé d'en haut t'apparut ; il t'inscrivit pour les choeurs du ciel, lorsque tu combattais encore sur la terre.

" Tu as quitté, ô Tiburce ! l'erreur empestée, et tu as respiré l'odeur la plus excellente, la science divine. Foulant aux pieds cette vie périssable, tu t'es élancé avec ardeur vers la véritable vie ; tu as cru de toute ton âme à la Trinité, et tu as combattu pour elle comme un vaillant guerrier.

" Ô Cécile ! le désir de posséder Dieu, l'amour qui procède du plus intime de l'âme, l'ardeur divine, t'ont enflammée tout entière ; ces sentiments ont fait de toi un ange dans un corps. Intrépide, tu as tendu le cou au glaive, ton sang a consacré la terre qui le recevait, et ton âme, en traversant les airs, les a sanctifiés.

" Les trois jeunes hommes changèrent en rosée les flammes de la fournaise, et toi, ô Cécile ! par la vertu de la rosée baptismale, du milieu des ardeurs   de   ton  bain   enflammé,   tu   chantais comme eux : Soyez béni, ô le Dieu de nos pères !

" Tu es le jardin fermé, la fontaine scellée, la beauté réservée, l'épouse glorieuse qui brille sous le diadème, le paradis fleuri et divin du Roi des armées, ô Cécile pleine de Dieu !"

 

Au onzième siècle, entre les faits dont la série forme l'histoire du culte de la grande martyre, nous constaterons la dévotion particulière que l'illustre pontife saint Grégoire VII éprouva pour elle. Il renouvela l'autel de la basilique Transtibérine, l'orna d'une statue de la sainte en argent, et le dédia solennellement en 1075, troisième année de son glorieux pontificat.

 

L'inscription qui rappelle ce grand souvenir fut descendue dans la crypte où on la voit encore, lorsque l'on refit l'autel au treizième siècle. Elle est conçue en ces termes :

 

DEDICATVM  EST  HOC   ALTARE

DIE   III   MENSIS   IVNII   PER   DNVM

GREGORIVM   PP.   VII.   ANNO   DNI   MLXXV

 

Deux ans auparavant, le 17 septembre 1073, Hubald, évêque de Sabine, avait dédié l'autel renouvelé, dans la salle du bain où Cécile fut couronnée martyre.

 

Nous prenons acte de cette particularité qui maintient la tradition sur un lieu si sacré.

 

DOM GUÉRANGER

SAINTE CÉCILE ET LA SOCIÉTÉ ROMAINE AUX DEUX PREMIERS SIÈCLES (pages 298 à 303)

 

Cecilia

SAINTE CÉCILE - Santa Cecilia in Trastevere, Rome

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12 mai 2011 4 12 /05 /mai /2011 19:00

L'heure cependant était arrivée où Cécile allait reparaître et rentrer dans Rome.

 

 Un matin, Paschal (c'est lui-même qui le rapporte dans un de ses diplômes) assistait au service divin dans la basilique de Saint-Pierre, près de la Confession. Les clercs psalmodiaient mélodieusement l'office des Laudes matutinales, et le pontife écoutait avec délices l'harmonie des cantiques que l'Eglise fait monter vers le Seigneur au lever du jour. Un assoupissement produit par la fatigue des veilles saintes, vient le saisir sur le siège même où il présidait dans la majesté apostolique. Les chants sacrés ne résonnent plus à son oreille que comme un concert lointain ; mais son oeil fermé aux objets extérieurs est soudain frappé d'une apparition lumineuse. Une jeune dame de grande beauté et parée comme les épouses du Christ, est devant lui. Elle lance sur le pontife un regard pénétrant, et lui dit d'un ton ferme :

" Nous avons des actions de grâces à te rendre. Sur les simples récits du vulgaire, sur de faux bruits, as-tu donc abandonné les tentatives que tu faisais pour me retrouver ? Dans le cours de tes recherches, il y a cependant eu un instant où tu t'es rencontré si près de moi, que nous eussions pu discourir ensemble.

" — Mais, reprit le pontife vivement ému, qui es-tu donc, toi qui me parles avec tant de hardiesse ?

— Puisque tu veux savoir mon nom, dit le personnage céleste, je m'appelle Cécile, servante du Christ."

 

Paschal, qui savait que les apparitions ne sont pas toujours un indice de la volonté du ciel, repartit :

" Mais comment pourrions-nous le croire ? C'est un bruit répandu depuis longtemps que le corps de cette sainte martyre a été enlevé par les Lombards.

— En effet, dit Cécile, ils m'ont cherchée longtemps et avec insistance ; mais la faveur de ma puissante dame, la Mère de Dieu, toujours vierge, m'a protégée. Elle n'a pas permis que l'on m'emportât au loin, et je suis demeurée au lieu même où j'ai toujours reposé. Tu avais commencé des recherches, continue-les ; car il a plu au Dieu tout-puissant, pour l'amour et pour l'honneur duquel j'ai souffert, de me révéler à toi. Tu enlèveras donc mon corps avec les autres corps saints qui sont près de moi, et tu nous déposeras dans le titre que récemment tu as fait restaurer."

Après ces paroles, la vision disparut.

 

 Le pontife, frappé d'un si solennel avertissement, fit reprendre incontinent les fouilles. Il dut naturellement commencer par la grande crypte attenante à celle des papes, et s'assurer de ce qu'elle contenait. Il n'avait pas sondé la muraille, et l'état de délabrement dans lequel était toute la salle lui avait fait conclure que le corps de Cécile n'était pas en ce lieu. La place du sarcophage étant dissimulée aux regards par une heureuse précaution, Paschal jusqu'alors y avait été trompé comme les Lombards. On voit par les paroles de son récit qu'il s'appuya sur le texte des Actes pour se guider dans ses recherches, ayant conclu de cet écrit que Cécile devait avoir été ensevelie avec les pontifes. On y lit en effet que Cécile fut ensevelie par Urbain, inter collegas episcopos, le compilateur ayant ignoré que le corps de la martyre, déposé par Urbain dans le lieu où plus tard on établit la sépulture des papes, céda sa place, et fut transféré tout auprès. Sa méprise rend raison des incertitudes de Paschal et du peu de succès de ses premières recherches.

 

 La cloison étant enlevée, le sarcophage de Cécile apparut. Il n'avait rien souffert dans les dévastations qui avaient précédé. Cécile y reposait dans son arche de cyprès. Elle était encore revêtue de la robe aux cyclamens d'or avec laquelle Urbain l'avait ensevelie ; les linges qui avaient servi à essuyer ses blessures étaient roulés ensemble et déposés à ses pieds. Paschal atteste, dans son diplôme, avoir touché de ses propres mains ces restes augustes, omnia nostris manibus pertractantes.

 

 Nous trouvons ici une première preuve de la véracité des Actes jusque dans des détails minutieux, et en même temps une garantie de l'exactitude des mémoires sur lesquels leur rédacteur a travaillé. Le diplôme de Paschal, qui a toute la gravité d'un titre de fondation et n'est pas simplement un récit, nous apprend que le corps de Cécile était encore couvert d'une robe tissue d'or. Ce détail est d'une importance secondaire ; mais les Actes l'avaient déjà fourni. Paschal ne dit pas qu'il ait découvert près du corps l'ampoule pleine de sang que l'on a rencontrée si souvent aux tombeaux des martyrs ; ce sont des linges imbibés de sang qu'il a trouvés aux pieds de Cécile. La circonstance de ces linges est caractéristique dans les Actes. Ils attestent une blessure essuyée sur un corps sillonné par le glaive ; ils n'ont rien de commun avec les éponges dont on se servait pour recueillir à terre, après le supplice, le sang épanché des martyrs, qu'on exprimait ensuite sur le vase destiné à le recevoir. Ces linges avec lesquels les Actes disent que l'on avait étanché le sang qui coulait des plaies de la martyre (bibulis linteaminibus extergebant) étaient là, roulés avec précaution, et déposés comme un trophée aux pieds de Cécile.

 

Des indications recueillies au temps même du martyre ont pu seules mettre le rédacteur du cinquième siècle à même de formuler les détails si précis qu'il donne, et que le récit de Paschal vient confirmer six siècles après. On est en droit de conclure qu'il a eu entre les mains des mémoires antérieurs, et s'il s'est égaré quelquefois, c'est uniquement dans les rares circonstances où il a voulu suppléer par ses conjectures à des détails de temps et de lieu, qu'il ne trouvait pas exprimés sur les documents à l'aide desquels il traçait sa narration.

 

 Paschal atteste avoir trouvé le corps de Valérien non loin de celui de Cécile, et Cécile elle-même dans sa révélation au pontife lui parle des saints qui reposent près d'elle. On sait que les tombeaux des trois martyrs étaient primitivement sur la gauche de la voie Appienne. Pour expliquer leur présence autour du corps de Cécile, on est en droit de penser qu'à l'époque où la tombe de celle-ci fut dissimulée par crainte des Lombards, on aura pris des mesures pour soustraire leurs corps, trop exposés au cimetière de Prétextat, et pour les cacher dans la crypte de Cécile.

 

 Nous devons ajouter ici que la narration de Paschal dans son diplôme est confirmée de tout point par le Liber pontificalis, dans une notice officielle et contemporaine sur ce pontife.  Les faits   rapportés   dans   ces   deux   documents   se trouvent par là mis au-dessus de toute discussion.

 

 Cécile venait donc de renaître pour la ville sainte, et elle allait reprendre possession de ces lieux que sa présence avait honorés tant de siècles auparavant. Cette maison, témoin de ses vertus, arrosée de son sang, transmise par elle à l'église romaine, pour être un temple au Seigneur, elle allait la revoir fréquentée par le peuple chrétien, et gardant fidèlement la destination qu'elle-même lui avait donnée au moment de monter au ciel.

 

 Plusieurs mois s'étaient écoulés depuis le jour où Paschal, dans une visite à la basilique, avait résolu de consacrer ses soins au renouvellement de ce sanctuaire. On était au 8 des ides de mai (8 mai) de l'année 822. Le pontife célébra solennellement la dédicace de l'église, restaurée par ses soins, et ce fut sans doute en ce même jour qu'il déposa les saintes reliques sous la Confession.

 

 Il avait fait préparer un sarcophage de marbre pour la vierge à laquelle étaient dus les premiers honneurs d'un si magnifique triomphe. Elle devait y reposer seule dans le coffre de cyprès qui contenait ses restes glorieux. Paschal respecta, comme l'avait fait Urbain, l'attitude de la vierge ; mais il fit garnir les parois intérieures du cercueil d'une étoffe de soie à franges, appelée Quadrapulum, et étendit sur tout le corps un tissu léger, aussi à franges, et formé de l'étoffe qu'on nommait Stauracin. Quand tout fut disposé, on scella une table de marbre sur le tombeau, qui ne devait revoir la lumière qu'après huit siècles.

 

 Un second sarcophage reçut les trois corps de Valérien, de Tiburce et de Maxime ; l'époux de Cécile fut placé entre les deux autres martyrs, et chacun d'eux fut enveloppé dans un linceul particulier. Avant de clore ce second sépulcre, Paschal enleva le chef de Tiburce, que le glaive avait détaché du tronc, et plaça cette pieuse relique du frère de Cécile dans une châsse d'argent du poids de 8 livres, voulant que les fidèles eussent constamment sous les yeux ce témoignage éloquent du courage de nos martyrs.

 

 Paschal avait préparé un troisième sarcophage, dans lequel il déposa les corps de saint Urbain et de saint Lucius, qu'il prit à Sainte-Praxède où il les avait d'abord déposés. Ils furent aussi enveloppés chacun d'un linceul particulier, et le pontife, ayant fermé ce troisième sépulcre, fit élever l'épais mur circulaire qui devait enclore le lieu où reposaient les martyrs.

 

Un marbre, portant une croix en mosaïque avec une inscription, fut placé dans l'intérieur du souterrain, près du tombeau, pour attester à la postérité la valeur du dépôt que Paschal avait enfoui sous ses ombres impénétrables. On y lisait gravés ces vers :

 

HANC   FIDEI  ZELO  PASCHALIS PRIMVS  AB IMO
ECCLESIAM RENOVANS DVM CORPORA SACRA REQVIRIT
ELEVAT INVENTVM  VENERANDAE  MARTYRIS ALMAE
CAECILIAE CORPVS HOC  ILLUD MARMORE CONDENS
LVCIVS   VRBANVS   HVIC   PONTIFICES   SOCIANTVR
VOSQVE DEI TESTES TIBVRTI  VALERIANE
MAXIME CVM DICTIS CONSORTIA DIGNA TENETIS
HOS  COLIT EGREGIOS DEVOTE ROMA  PATRONOS

 

Lorsque, par le zèle de la foi, Paschal rebâtissait cette église depuis les fondements, s'étant mis à la recherche des saintes reliques, il découvrit et leva le corps de l'auguste martyre Cécile ; c'est sous ce marbre qu'il l'a déposé. Les pontifes Lucius et Urbain sont avec elle, et vous aussi témoins de Dieu, Tiburce, Valérien, Maxime, vous y occupez une place digne de vous. Ici reposent ceux que Rome vénère comme ses puissants protecteurs.

 

L'autel principal de la basilique s'élevait au-dessus de l'enceinte des tombeaux ; on avait, selon l'usage, pratiqué dans sa masse une ouverture munie d'une grille mobile, et appelée fenestella. Dans l'intérieur et à travers les marbres, s'ouvrait un conduit vertical, au moyen duquel on faisait parvenir jusqu'à la tombe de Cécile les linges appelés brandea, que l'on remontait ensuite sanctifiés par ce contact sacré, pour être distribués comme de précieuses reliques.

 

La basilique que le pontife avait ornée et pourvue avec tant de munificence était disposée selon la forme que l'on gardait alors dans toutes les églises de Rome. Une cour environnée d'un portique, avec une fontaine au centre, précédait, l'édifice qui s'étendait sur trois nefs. A droite, en entrant dans l'église, mais en dehors du collatéral, on trouvait la salle de bain où Cécile rendit le dernier soupir, et dont nous parlerons plus tard. Au-dessus des colonnes de la grande nef, Paschal fit peindre la série des pontifes romains, depuis saint Pierre jusqu'à lui, en. la manière qu'on les voyait dans les basiliques de Saint-Pierre et de Saint-Paul.

 

Entre l'abside et la grande nef s'élevait, selon la coutume, un arc triomphal couvert d'une mosaïque étincelante. Au centre brillait la Mère de Dieu sur un trône, tenant l'Enfant divin assis sur ses genoux ; deux anges debout l'accompagnaient, l'un à droite, l'autre à gauche. De chaque côté, cinq vierges, séparées chacune par un palmier, s'avançaient vers le trône du Fils et de la Mère, présentant chacune une couronne. Plus bas, à la naissance du cintre, les vingt-quatre vieillards de l'Apocalypse, douze à droite, et douze à gauche, élevaient leurs couronnes vers le Christ, à la gloire duquel cet arc de triomphe était consacré.

 

La mosaïque de l'abside ne fut exécutée qu'après la translation des saints martyrs, et Paschal voulut en faire le monument principal d'un événement si honorable pour la basilique. Conservée jusqu'à nos jours, elle a vu pâlir l'éclat de ses riches émaux, sans en être pour cela moins vénérable. Au centre paraît la figure du Christ, debout, revêtu d'un manteau tout éclatant d'or. De sa droite, il bénit à la manière grecque, et tient de la gauche le rouleau des Evangiles. Le mosaïste byzantin a représenté saint Pierre à la gauche du Sauveur, parce que la gauche était le côté d'honneur chez les Grecs. Le Prince des apôtres est couvert d'un manteau d'argent, et tient les deux clefs, symbole de la puissance. Après lui paraissent Valérien et Cécile : le premier revêtu aussi d'un manteau d'argent, et tenant dans ses mains une couronne dentelée ; la vierge, les cheveux ceints d'une bandelette, le cou orné d'un collier de perles à trois rangs. Le manteau et la robe de Cécile sont d'or, et elle tient une couronne formée de deux rangs de perles. Un palmier chargé de fruits est près d'elle, et arrête la scène de ce côté.

 

A la droite du Sauveur est saint Paul, enveloppé dans un manteau d'or, et portant le livre des Evangiles richement relié. Après lui paraît sainte Agathe, couronnée d'un diadème et revêtue d'une robe d'or, rehaussée d'une riche parure de perles. Elle appuie la main droite sur l'épaule de Paschal, qui est revêtu de la chasuble antique et du pallium, et qui tient dans ses mains un petit édifice  représentant l'église de Sainte-Cécile, dans la dédicace de laquelle il associa le nom de sainte Agathe à celui de la vierge romaine. Le nimbe de Paschal est carré, pour signifier qu'il était vivant encore. Un palmier chargé de fruits borne aussi la scène de ce côté ; mais un phénix pose sur une de ses branches supérieures, pour rappeler l'oiseau symbolique que Cécile fit graver sur la tombe de Maxime.

 

La bordure inférieure de la mosaïque offre l'Agneau de Dieu sous les pieds duquel coulent cinq fleuves, antiques symboles des fontaines vivifiantes qui émanent des plaies du Rédempteur. De chaque côté, six agneaux s'avancent vers l'Agneau divin. Au sommet de l'abside on aperçoit encore le monogramme de Paschal, et dans la partie inférieure de cet immense tableau, on lit toujours l'inscription en vers par laquelle il dédie à Cécile ce somptueux monument de l'art byzantin. Elle est ainsi conçue :

 

HAEC DOMVS AMPLA MICAT VARIIS FABRICATA METALLIS
OLIM QVAE FVERAT CONFRACTA SVB TEMPORE PRISCO
CONDIDIT IN MELIVS PASCHALIS PRAESVL OPIMVS
HANC AVLAM DOMINI FIRMANS FYNDAMINE  CLARO
AVREA GEMMATIS RESONANT HAEC DINDIMA TEMPLI
LAETVS  AMORE  DEI  HIC   CONIVNXIT   CORPORA  SANCTA
CAECILIAE ET SOCIIS RVTILAT HIC FLORE IVVENTVS
QVAE PRIDEM IN CRYPTIS PAVSABANT MEMBRA  BEATA
ROMA RESVLTAT OVANS SEMPER ORNATA  PER  AEVVM

 

Ce vaste temple, où brille aujourd'hui l'émail de tant de métaux précieux, tombait en ruine naguère sous les coups du temps. Le pontife Paschal, dans sa munificence, l'a relevé plus beau. Il a assis cette maison de Dieu sur les plus riches fondements ; mais le sanctuaire, tout éclatant d'or, étincelle du mélange harmonieux des pierres précieuses. C'est ainsi que, plein d'allégresse, Paschal a réuni, pour l'amour du Seigneur, les corps sacrés de Cécile et de ses compagnons. Cette famille, brillante de jeunesse, dont l'heureuse dépouille fut si longtemps cachée à tous les regards, sous l'ombre des cryptes, repose maintenant ici. Rome en tressaille de joie, et la gloire qui en rejaillit sur elle l'embellit à jamais.

 

Tels furent les témoignages de la piété de Paschal envers Cécile, et les splendeurs dont il orna sa basilique. Mais il ne lui suffisait pas d'avoir relevé la demeure de la martyre ; il voulut encore assurer d'une manière permanente le tribut d'hommages, qui, jour et nuit, monterait de ce saint lieu vers le Christ et sa fidèle épouse. Par ses largesses, un choeur de moines fut installé près de l'église, pour y chanter les louanges divines. Il fit bâtir le monastère au lieu appelé Colles jacentes, et le dota des biens d'un hospice que son prédécesseur saint Léon III avait fondé près de la basilique de Saint-Pierre, sur un emplacement occupé autrefois par la Naumachie dont nous avons parlé précédemment, et qui avait donné son nom à tout le quartier. Cet hospice n'avait pas prospéré longtemps, et était déjà abandonné.

 

L'éclat que répandit la découverte du corps de Cécile par Paschal, et le renouvellement de sa basilique dans la ville sainte où les pèlerins ne cessaient d'affluer du monde entier, ranima toujours plus dans la chrétienté le culte de la vierge romaine.

 

Son nom, inséré au Canon de la messe, rendait sa mémoire impérissable ; mais son apparition soudaine dans toute la majesté de son martyre sembla lui donner une nouvelle naissance.

 

DOM GUÉRANGER

SAINTE CÉCILE ET LA SOCIÉTÉ ROMAINE AUX DEUX PREMIERS SIÈCLES (pages 287 à 297)

 

Cecilia

SAINTE CÉCILE - Santa Cecilia in Trastevere, Rome

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